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Balthazar Ayalla, grand prévôt de l'armée espagnole dans les provinces de Flandre, publia son livre De jure et officiis belli, et traita, pour la première fois, le sujet avec largeur, discutant les formules de la déclaration de guerre, les stratagèmes y usités, les obligations envers les ennemis, les traités et conventions et les droits des légations.

Peu après, parurent les œuvres d'Albéric Gentilis, professeur à l'Université d'Oxford qui, versé dans l'étude du droit international, avait été nommé avocat des Espagnols devant les tribunaux des prises en Angleterre ; son Advocatio hispanica peut être considérée comme la première œuvre juridique sur le droit maritime. Indépendamment de cette œuvre, il écrivit un traité De legationibus dans lequel il discute les qualités, condition et garanties des ambassadeurs, et se reporte à une autre œuvre contemporaine le traité Del principe écrit par Machiavel. Dans ce dernier livre, qui mérite bien le nom de Manuel de la tyrannie, l'auteur professe les maximes les plus singulières; celle-ci entre autres, « que les nations ne sont obligées à observer des règles et à procéder de certaine manière que tant qu'existe l'intérêt ou le péril qui en a été la cause >>; ou bien cette autre que « l'on ne doit pas garder la foi des contrats, quand il en résulte un inconvénient ou un préjudice, et que les prétextes ne manquent jamais pour en excuser la non observation.

Les polémiques des controversistes, défendant ou combattant les principes qu'ils émettaient, concoururent à donner de l'importance aux questions ainsi discutées. Alors surgirent et prirent consistance les questions religieuses soulevées par les doctrines dissidentes des réformateurs et qui modifièrent l'état social de l'Europe au xvr et au XVIIe siècle. A partir de ce moment, le droit qualifié de divin, qui avait été soutenu par les institutions du droit canonique, subit des attaques répétées sous le prétexte qu'il ne constituait pas la base du droit public et des gens. Il fallut chercher un autre fondement parmi les théories des

philosophes et dans les nouvelles tendances morales nées d'une époque de vicissitudes, d'antagonisme d'intérêts, et de transformations politiques.

Dès qu'il n'y eut plus un principe supérieur, constituant autorité et accepté comme tel pour vider les procès entre nations, le droit des gens devint, on le comprend, un véritable chaos.

La lutte de croyances et d'intérêts dans toutes les questions importantes, maintenait les esprits dans une agitation constante et préparait en même temps une crise aussi générale que périlleuse du côté de la politique.

Les uns recouraient à la loi du plus fort, qui était la prédominance ou l'intérêt, au détriment de la morale ou de la justice; les autres suivaient la coutume, principe repoussé par l'universalité et, en outre, incertain et variable; quelques moralistes austères recouraient à l'autorité des hommes célèbres tenus pour des oracles, tels que Platon, Aristote et Cicéron, et prétendaient tirer de leurs écrits des règles parfaitement sûres ; d'autres considéraient le droit romain comme infaillible; et pour compléter, à côté de ces dissidences, les luttes religieuses sapaient la forteresse de salut qui jusque-là avait subsisté, l'arbitre dans les plus graves difficultés, l'autorité papale.

Tel était, à la fin du xv° siècle, l'état de la jurisprudence du droit des gens; il fallait un réformateur. Ce fut dans ces conjonctures que le hollandais Hugo Groot ou Grotius, philosophe et jurisconsulte aussi distingué et profond que remarquable publiciste et grand homme d'État, conçut le plan d'asseoir le droit des gens sur des bases plus solides et plus rationnelles.

Le motif qu'il allègue pour écrire son célèbre ouvrage De jure belli ac pacis, publié en 1625, est noble et élevé. Ce qui l'y pousse, dit-il, c'est la facilité avec laquelle, dans toute la chrétienté on soulève des guerres sur des prétextes frivoles, et avec laquelle on les conduit ensuite sans aucun respect pour les lois divines et humaines, au point que les barbares eux-mêmes pourraient en être stupéfaits.

Grotius établit pour fondement du droit naturel les principes dictés par la raison et par la saine conscience et qui nous font connaître naturellement et instinctivement qu'une action est juste ou cesse de l'être; et il en conclut que c'est Dieu, auteur de la nature, qui prescrit ou prohibe telle ou telle action.

Il pose le principe que l'homme étant destiné à l'état de société, cette condition de sociabilité est une autre origine du droit. Il considère donc le droit des gens positif comme un droit arbitraire en soi, acquérant toutefois force et autorité par le consentement tacite ou exprès des peuples. Il rejette ainsi l'opinion de ceux qui font résider dans la force le fondement du droit et dans la crainte la base du devoir, puisqu'il reconnaît que le droit comme le devoir émanent tous deux de la conscience. Corroborant ces principes par le témoignage des philosophes et des historiens célèbres, il admet que, si ceux-ci ne peuvent pas toujours constituer une autorité infaillible parce qu'ils sacrifient quelquefois à des préjugés d'école, il faut admettre toutefois, que quand beaucoup d'esprits illustres, à des époques et dans des conditions différentes, sont d'accord sur certains principes, pour leur donner le caractère de Omnino, semper et ubique, c'est qu'ils y sont amenés par une cause supérieure, soit le sentiment de la justice naturelle, soit le consentement universel.

Consignant, ensuite, les fondements du droit naturel et des gens, Grotius entreprend d'en expliquer la nature, et de fixer les limites auxquelles ils sont soumis et dont la violation autorise le recours à la guerre; et admettant qu'il y a des cas où la lutte est inévitable, il accepte l'aphorisme « inter arma silent leges »; mais alors les lois qui cessent d'avoir une application sont les lois régulatrices de la paix et de la vie civile, et non les lois éternelles de la justice ces dernières, en tout temps, doivent être respectées, la nature les impose, le consentement des nations les applique à une guerre juste et en fait un moyen de re

dresser les torts avec le secours des armes. Finalement, il établit les règles de conduite à suivre pour la guerre et pour les traités de paix qui la terminent.

Grotius avait fourni les éléments d'un système; d'autres publicistes le suivirent, tels que: Puffendorf, Barbeyrac, Leibnitz et plus tard encore Vattel, Martens, Silvestre Pinheiro et tant d'autres qui mirent ces éléments à profit et complétèrent l'édifice de la jurisprudence des nations.

Puffendorf, publiciste de l'école de Grotius, dans son « Jus naturæ et gentium », a voulu regarder la science du droit international uniquement comme l'application du droit naturel aux sociétés indépendantes constituant des États, et, par là-même, ne reconnait pas le droit des gens positif.

Barbeyrac, traducteur et commentateur de Grotius et de Puffendorf soutient, au contraire, que les lois communes émanées du droit naturel ne suffisent pas par elles seules et sans le secours du droit positif ou secondaire, à constituer le droit des gens.

Ces diverses manières d'apprécier les principes fondamentaux de la science n'ont pas empêché l'influence des publicistes de l'école de Grotius de se faire puissamment sentir dans le droit public international; le respect toujours croissant dans lequel étaient tenus ces avocats de la justice universelle, leurs doctrines favorables à la paix et à la tolérance mutuelle, en furent la cause, et certains principes métaphysiques qui, basés sur la convenance de chacun, tendaient à détruire tout système ne purent prévaloir.

Après une longue période de guerres et de dissensions en Europe durant le xvIe siècle, la paix de Westphalie, signée en 1648, marqua une étape importante dans les relations internationales. Elle mit fin aux désastreuses guerres de religion dues à l'invasion des doctrines de Luther, de Calvin, de Zwingle et des autres hérésiarques, elle termina les luttes politiques commencées par Henri IV, soutenues par le Cardinal de Richelieu et continuées par TESTA. Dr. int. mar.

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Mazarin. Établissant, l'égalité de droits pour les différents cultes et opposant une barrière à tous conflits religieux, la paix de Westphalie équilibra, en même temps, les influences politiques et limita le développement des différentes puissances; avec le principe d'intervention elle proclama le droit de former des alliances en les réglant de manière à ce qu'elles fussent un gage de l'équilibre européen; l'indépendance des différents États, les intérêts politiques et religieux, furent en outre garantis dans le systême fédératif de l'Allemagne.

C'est de cette paix et des traités qui s'y rattachent que datent les légations permanentes, l'adoption de la langue française dans la diplomatie, et ce caractère pratique qui fut acquis à la science du droit public des gens, fondée par Grotius, perfectionnée ensuite par ses disciples et successeurs. Durant le xvir° siècle, la diplomatie subit l'influence des écrits de ces savants: on en trouve la preuve dans les documents diplomatiques de cette époque, qui non seulement se reportent en détail à des considérations politiques, mais font aussi mention des axiomes de justice et d'équité, invoquent l'autorité du droit public et défendent les règles et maximes qui tendent à protéger les droits du plus faible contre la prédominance du plus fort. Les documents diplomatiques étaient alors moins concis que ne le sont ceux de nos jours, où sont réduites à des aphorismes bien des maximes qu'alors on jugeait nécessaire de développer et de corroborer par l'autorité, les opinions et les témoignages des publicistes.

Parmi les principes fréquemment invoqués au cours des luttes diplomatiques du xvII° siècle, et par les publicistes de la nouvelle école, se trouve celui du droit d'intervention, principe qui tend à prévenir l'agrandissement démesuré d'un État, parce que le trouble jeté dans l'équilibre des forces respectives constitue un péril pour l'indépendance des autres États.

Un tel système avait déjà été mis en pratique par la

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