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La mer, formant la partie la plus considérable de la superficie du globe, a une importance absolue et une utilité générale qu'on ne peut mettre en doute.

Imposante par son étendue, elle porte, par ses fureurs comme par son calme, l'imagination à l'idée de l'infini et nous frappe comme un phénomène surprenant et une grandiose manifestation des merveilles de la création et de la toute puissance du Créateur.

Au point de vue de l'utilité, la mer est un moyen de communication entre les peuples. Étant la voie suivie par les navigateurs pour traverser les zones et les hémisphères et pour se répandre jusqu'aux régions les plus reculées du globe, elle facilite l'échange des produits variés de climats et de nations diverses, établit entre ces nations un contact perpétuel, détermine ainsi les relations commerciales et permet à la prospérité et à la civilisation des peuples de prendre chaque jour un fécond développement. Liberté des mers. La mer, par sa nature, n'est pas susceptible d'un droit exclusif de propriété. Un droit n'existe que s'il peut recevoir une application pratique, et s'il n'entraîne pas un préjudice général.

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Pour reconnaître que la mer ne peut être possédée, à titre de propriété, il suffit de considérer que l'idée de propriété comporte la faculté d'exercer une action immédiate, permanente et exclusive sur l'objet possédé, et suppose, en même temps, la possibilité d'exercer cette action à l'exclusion de toute ingérence étrangère.

Or, sur la haute mer, à l'inverse de ce qui a lieu sur le continent, cette possession permanente et exclusive ne peut s'exercer. Aucune nation, quelque puissante qu'elle soit, et disposant de toutes les flottes du monde, ne serait pas capable d'atteindre ce but.

Impropres à la culture ou au travail de l'homme, les eaux de la mer se divisent seulement devant la proue du navire et se referment aussitôt qu'il a passé. Il n'y a pas de flotte qui puisse y laisser même cette trace fugitive que la

caravane imprime sur les sables du désert. Impuissant à y édifier ou à y construire solidement, aucun peuple ne peut y fixer son pavillon comme symbole permanent de son domaine.

Une raison d'ordre matériel s'oppose donc à ce que la mer soit la propriété d'une nation quelconque. Mais, audessus de cette raison d'ordre matériel il en est une autre d'ordre moral qui s'impose, dès que la loi naturelle de la sociabilité humaine rend nécessaire la communication des peuples entre eux : c'est celle de la convenance.

La mer étant l'élément qui facilite le contact des peuples et qui leur permet d'entretenir des relations, il s'en suit que toute entrave mise au libre usage de cet élément causerait un préjudice général, comme elle serait, du reste, sans avantage spécial pour qui prétendrait l'imposer, la mer étant aussi insaisissable que l'air que nous respirons. De plus, l'usage inoffensif qu'en peuvent faire les nations n'est pas susceptible de détériorer cet élément et il ne peut résulter pour l'une d'elles, en particulier, aucun préjudice du fait que l'usage peut en être étendu à toutes. Empêcher les autres de jouir sans qu'il ressorte de ce fait un avantage pour soi-même est contraire à la loi naturelle.

Si la haute mer ne peut être et s'il n'est pas convenable qu'elle soit la propriété d'une nation quelconque, elle n'est pas non plus passible d'une souveraineté ou d'une juridiction spéciale. Il faudrait, pour qu'il en fût ainsi, admettre que telle nation est supérieure à telle autre, et cela, à l'encontre des principes d'indépendance et d'égalité, puisque toutes les nations, malgré la différence de leurs forces et de leurs ressources, sont égales par leurs droits réciproques. Le domaine de la mer ne peut donc exister à l'avantage exclusif d'un peuple, de même qu'on ne peut affirmer sur elle aucun droit de propriété.

En résumé: au droit de propriété des mers s'opposent la raison physique d'impossibilité et la raison morale de non

TESTA. Dr. int. mar.

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convenance; au droit de domaine s'oppose l'égalité de droits et l'indépendance réciproque des nations.

Les prétentions soulevées, à d'autres époques, par diverses nations, en faveur de la propriété et du domaine de la mer et qui donnèrent lieu à de longues discussions entre les publicistes, pour ou contre ce principe, ne sont que des épisodes dans l'histoire, et aux temps modernes, le droit coutumier, le consentement tacite et l'accord général des nations établissent, sans le moindre doute, le principe de la liberté des mers.

Les nations ont admis :

1° Que la mer n'est susceptible ni de la propriété, ni du domaine d'aucune nation;

2° Que toutes les nations ont un droit égal au libre usage de la mer, à condition de se soumettre aux règles établies par le droit des gens;

3° Que les restrictions consenties par des traités spéciaux relatifs à la juridiction ou à la police des mers, obligent les parties contractantes seules;

4° Que l'inégalité de forces entre nations n'entraîne pas l'inégalité de droits.

Tels sont les principes fondamentaux du droit public ou international maritime qui forment la base des relations entre les peuples pour l'usage de la mer. La force peut constituer une violence, mais non un droit, et l'emploi de la force pour violer les principes de la liberté des mers, reconnus par l'accord des nations, sera toujours un acte illégitime et contraire au droit des gens.

Notons que, si la liberté de navigation est absolue, il n'en est pas de même de la liberté du commerce. Tout État peut expédier ses navires sur toutes les mers, mais la faculté de commercer avec d'autres nations exige le concours et l'accord de volontés distinctes. C'est un contrat entre parties indépendantes et libres de stipuler les conditions dans lesquelles le commerce peut être pratiqué, et par suite un acte facultatif, mais nullement obligatoire.

CHAPITRE II

MERS TERRITORIALES

SOMMAIRE.

· Propriété ou domaine sur les ports, baies, fleuves, déMers territoriales.

troits et mers intérieures. - Ligne de respect.

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- Immunités et délimitations de ces mers.

Il y a certaines parties de la mer dont la situation, la conformation à proximité d'un territoire ne permettent pas d'invoquer toutes ou partie des raisons d'ordre physique et moral qui s'opposent à la propriété ou au domaine. Ce n'est pas là une dérogation au principe générique et absolu de la liberté de la haute mer; c'en est, au contraire, la confirmation; de telles exceptions ont lieu, en effet, dans l'hypothèse où les raisons qui s'opposent à la propriété ou au domaine de la haute mer, cessent d'exister. La cause disparaissant, l'effet disparaît.

Le cas se présente :

1° Pour les ports et anses ;

2o Pour les golfes et les baies;

3o Pour les détroits et les mers intérieures ;

4° Pour les portions de mer qui baignent les côtes. Ports. Aucune des raisons invoquées contre la propriété ou le domaine de la haute mer ne peut s'appliquer aux ports et anses situés sur le territoire d'un État, qui en possède les rives et l'entrée.

Effectivement, il n'y a pas d'impossibilité à occuper, à défendre et à maintenir ces portions de' mer dans une

possession exclusive et permanente et à en détourner toute action étrangère. De même, il n'y a pas d'inconvénient, pour un État en particulier ou pour tous, puisque les ports ne sont pas un élément indispensable à l'utilisation de la mer par les autres nations ils ne constituent pas une voie pour la navigation; ils ne sont que le point où aboutit une

voie.

L'exclusion qui résulterait de l'interdiction d'un port à d'autres nations pourrait porter préjudice aux intérêts de la nation qui le possède, mais n'affecterait pas la liberté qu'ont les autres de naviguer en pleine mer et d'échanger réciproquement leurs produits. On ne peut donc mettre en doute que les ports et anses appartiennent, à titre de propriété, à la nation maîtresse de leurs rives et que de ce droit de propriété, procède également le droit de domaine.

De là découle la faculté, pour toute nation qui possède un port, d'en interdire l'accès en le déclarant fermé ou d'en permettre l'entrée, en le déclarant libre ou même franc.

Dans les ports ouverts ou ports libres, un État peut soumettre les navires à ses lois de police et règlements fiscaux. Il exerce par là son droit de propriété et de domaine, sans, pour cela, mettre obstacle aux communications des autres nations avec lui. Dans les ports francs, au contraire, tout navire est admis avec la liberté de négocier son chargement, sans être soumis à des droits de douane.

Il faut que dans les ports libres, comme dans les ports francs l'application des lois soit égale et impartiale, et que l'on n'exclue pas certaines nations des facultés concédées à d'autres ; que l'admission soit étendue à tous les navires qui sont en règle et qui appartiennent à une nation constituée et amie, quelle qu'elle soit.

L'accord des nations a admis également le principe que les ports d'un État doivent être ouverts aux navires de guerre des nations amies, s'il n'existe pas de traités mettant des restrictions à cette admission et la réglant; ou si ces ports ne sont pas purement militaires ou sièges

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