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du bon plaisir du saisissant, mais seulement de la sentence prononcée par l'autorité publique.

Les pirates n'ont pas droit à la propriété de ce qu'ils ont saisi et même, si les dépouilles leur ont été rachetées par un tiers, ces dépouilles n'en demeurent pas moins la propriété du premier possesseur. C'est un principe consigné dans de nombreuses lois spéciales et dans beaucoup de traités internationaux qui imposent la restitution parce que la possession par le pirate ne constitue pas un droit de propriété.

Le crime de piraterie tel que nous l'avons défini, et commis dans les circonstances indiquées plus haut, est qualifié de crime de lèse-humanité et reconnu comme tel par tous, d'après le droit des gens. Il peut y avoir, cependant, des cas où il faut distinguer entre la piraterie proprement dite, selon le droit des gens, et celle qualifiée ainsi par le droit privé d'un État.

Quelques nations, par exemple, regardent comme des actes de piraterie, certaines pratiques condamnées par leur législation spéciale. Dans ce cas, la qualification ne procède que d'une assimilation et comme elle n'est donnée qu'en vertu de lois internes, elle s'étend seulement aux sujets et dans le ressort de la juridiction de l'État qui en juge ainsi. En conséquence, il ne peut y avoir là de règle pour des nations qui n'accordent pas la même importance ou la même signification à ces actes. Exceptons, toutefois, le cas où des traités en font mention. La traite, par exemple, est regardée par plusieurs nations comme un crime de piraterie et un certain nombre de traités internationaux s'y référent. Citons, entre autres, le traité entre le Portugal et la Grande-Bretagne du 8 juillet 1842; mais, malgré la réprobation dont un semblable trafic est l'objet de la part de toutes les nations civilisées, il ne constitue pas, pour cela, un crime proprement dit de piraterie, d'après le droit des gens; et cette qualification n'a de valeur, comme nous l'avons dit plus haut, que pour les nations qui l'ont établie dans des traités.

Il y a une importante distinction à faire entre les pirates et les corsaires; ces derniers sont des navires qui, en temps de guerre seulement, sont commissionnés par le gouvernement d'un État souverain et autorisés par lui, en vertu du droit des belligérants, à saisir les navires de la nation avec laquelle il est en guerre. De là, il découle que si le corsaire a pour mission de s'emparer de la propriété d'autrui, son action ne peut s'étendre qu'à la nation ennemie du pays qui lui a concédé cette autorisation ; cette circonstance lui donne un caractère légal de nationalité ; elle crée en même temps une responsabilité pour la nation dont il bat le pavillon et, par là, exclut toute idée de piraterie.

En outre, si un navire ainsi commissionné commet contre les droits des autres nations un acte de violence ou une irrégularité qui outrepasse les facultés dont il est investi, il ne peut, pour ces faits, être considéré comme pirate, quand son intention n'est pas notoirement révélée. Dans ce cas, l'État qui a autorisé l'armement, est responsable devant les autres nations des actes pratiqués illégalement et c'est à lui qu'appartient le droit de juger et de punir.

Il y a des cas, toutefois, où le corsaire abusant de l'autorisation reçue, sort de ses attributions et agit de telle manière que l'on peut qualifier ses actes de piraterie. C'est par exemple quand un navire prend des lettres de course. chez deux nations ennemies; les deux autorisations directement opposées sont contradictoires. Le navire qui procède de la sorte a certainement en vue, non pas le service de l'un ou de l'autre belligérant, mais le profit qu'il tirera d'un plus vaste champ de pillage. Une telle pratique détermine le caractère de piraterie.

Mentionnée dans l'histoire de l'antiquité, la piraterie s'est développée au moyen-âge et a infesté les mers d'Europe; dans des temps moins reculés, elle a encore continué à être le fléau du commerce et de la navigation.

Après la découverte de l'Amérique il se forma, dans la

mer des Antilles, de grands partis de pirates composés de bandits de différentes nations qui, attirés par les richesses de ces régions nouvelles, réunissaient leurs forces pour pratile vol. Telles furent les associations de flibustiers qui se rendirent célèbres par leurs méfaits, autant que par la force et l'audace qu'elles déployèrent.

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Par analogie, on a qualifié les pirates de flibustiers, aussi bien que les aventuriers qui s'associaient pour des entreprises audacieuses, illégales ou contraires au droit des gens.

A l'heure qu'il est, on peut dire que les pirates proprement dits ont disparu des mers de toutes les parties du monde. Les stations navales des nations maritimes, les croisières des navires de guerre, la rapidité des communications postales et télégraphiques sont autant de moyens qui permettent d'exercer une vigilance active et une action. immédiate contre la piraterie dès qu'elle apparaît. Si quelques pirates existent encore, c'est pour ainsi dire clandestinement et seulement dans les parages des mers orientales ou des archipels de l'Océanie où une population sauvage et de mœurs barbares saisit toute occasion pour exercer ses rapines 1.

Si tout navire qui navigue sans documents suffisants pour prouver sa nationalité et sans autorisation de son gouvernement est qualifié de pirate, à plus forte raison doit-on considérer comme tel tout navire qui, quoique nationalisé, va, sans commission officielle de la puissance à laquelle il appartient, attaquer ou envahir, à main armée, les côtes ou le territoire d'un pays avec lequel elle est en paix. C'est

'La piraterie tend à disparaître et les nations qui en subissent encore le fléau ont, par des accords avec des puissances européennes, admis la poursuite des pirates dans leurs eaux territoriales. C'est ainsi que par l'art. 30, du traité conclu entre les États du Zollverein allemand et la Chine, le 2 septembre 1861 et ratifié le 14 janvier 1863, autorisation est donnée aux navires de guerre allemands de pénétrer dans tous les ports de la Chine sans distinction et de faire des croisières pour la protection du commerce ou pour la poursuite des pirates.

(Note du traducteur).

la guerre pour le compte d'un individu, la guerre privée, la guerre sans déclaration et, partant, inique; c'est une violation flagrante du droit des gens.

L'éminent publiciste, Silvestre Pinheiro-Ferreira, émet, à cet égard, dans son ouvrage Du droit des gens volume II, article VIII l'opinion suivante : « Quels que soient les principes adoptés, tout navire qui pratique des hostilités contre un État sans pouvoir prouver qu'il y est autorisé par le gouvernement d'un autre État en guerre avec le premier, devra être considéré comme pirate. » L'accord d'autres publicistes sur cette doctrine, lui donne un caractère si positif que l'acceptation, comme principe de droit international, n'en peut être mise en doute.

TESTA, Dr. int. mar.

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CHAPITRE V

RECONNAISSANCE DE LA NATIONALITÉ ET POLICE DES MERS

SOMMAIRE. Droit conféré aux navires de guerre d'exercer la reconnaissance de la nationalité en temps de paix. - Manière de l'exercer. Sa légitimité. — Procédure découlant des traités contre les navires qui font la traite.

Dès que le principe de la liberté des mers en rend l'usage licite pour tous les navires ayant une nationalité légale, et illicite pour les autres, considérés alors comme pirates, il y a nécessité de disposer de moyens pratiques et de règles définies qui permettent de reconnaître la nationalité des navires et de distinguer ceux qui naviguent licitement de ceux qui naviguent illicitement, dans le but de protéger les premiers et d'empêcher l'existence des autres.

Une telle nécessité est évidente surtout en pleine mer; cette grande voie, ouverte à la navigation et à la concurrence de toutes les nations est, par sa nature et son étendue, susceptible d'être infestée de criminels dont la répression est d'un intérêt universel. De là vient l'accord dicté par le besoin général et sanctionné par la saine raison, d'après lequel toutes les nations maritimes se prêtent un mutuel appui pour tout ce qui peut rendre la vigilance efficace et assurer la sécurité de la navigation.

C'est dans ce but que l'usage général et constant a donné aux navires de guerre, en vertu de leur caractère et de leurs conditions spéciales de force et de moyens, une triple mission:

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