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Actes de protestation.

Les actes de protestation ont pour objet de réclamer contre des violences, des usurpations, des empiétements, préjudices ou lésions quelconques du fait d'une puissance, en se réservant, selon les moyens d'action dont on dispose, de les repousser ou d'en recevoir satisfaction en temps et lieu.

Pour que toute réserve des droits lésés puisse être faite, il importe que ces droits soient clairement établis dans l'acte qui proteste, en regard du fait qui les viole ou qui les blesse.

L'acte de protestation revêt plus ou moins les formes du manifeste, à moins que les circonstances ne portent à lui donner de préférence celles du mémoire.

Assez souvent, dans les actes de cette nature, on admet les formes judiciaires, en faisant intervenir les tribunaux.

Si la puissance contre laquelle la protestation a été dirigée y répond pour en réfuter les allégations ou les arguments, l'acte qu'elle publie à cet effet reçoit le nom de contre-protestation.

Lorsqu'une protestation a été faite entre les mains d'un ministre accrédité, ce ministre ne peut, à moins d'avoir par devers lui des instructions éventuelles de son gouvernement, recevoir la dite protestation qu'ad referendum, en s'abstenant de toute démarche et de toute réponse jusqu'à ce qu'elles lui soient dictées par

sa cour.

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Protestation du grand-duc de Toscane contre l'annexion de ce pays à la Sardaigne.

Dresde, 24 mars 1860.

Aussi longtemps qu'il nous a été permis de croire que l'amour de la patrie, le respect des traités, le sentiment du juste et de l'honnête finiraient par prévaloir contre l'esprit d'intrigue et contre des ambitions coupables, nous avons voulu garder le silence, espérant, jusqu'au dernier moment, que le bon droit triompherait et que notre peuple bien-aimé n'aurait à entendre de nous que des paroles d'oubli pour le passé et de confiance dans l'avenir.

Mais les actes qui viennent de s'accomplir au détriment des droits de notre maison et du bonheur de notre peuple, nous font un devoir d'élever la voix et d'en appeler, comme souverain italien, à la justice et à la loyauté des puissances européennes.

Lorsque, dans les premiers jours de l'année 1859, les dissentiments entre la France et la Sardaigne d'une part, et l'Autriche de l'autre, furent arrivés à un tel point que la guerre paraissait imminente, le gouvernement de la Toscane, fidèle à la politique déjà suivie par lui dans des circonstances semblables, s'efforça de faire accepter sa neutralité aux cabinets de Vienne, de Londres et de Paris. Cette proposition, agréée à Vienne, était en voie de réussir auprès des autres puissances, lorsque, par suite des événements du 27 avril, l'action diplomatique fit place à l'action révolutionnaire. Le mouvement était préparé de longue main par le gouvernement piémontais: ses émissaires, arrivés à Florence dans la soirée du 26 et dans la matinée du 27, vinrent prendre ouvertement la direction du mouvement insurrectionnel et le commandement des troupes du grand-duché.

Notre auguste père, le grand-duc Léopold II, placé en face des exigences de la révolution, et voulant, avant tout,

prévenir une guerre civile, remit alors la direction des affaires au marquis de Lajatico que la voix publique lui désignait comme le citoyen le mieux placé, dans la circonstance, pour opérer un rapprochement entre les partis. Le marquis de Lajatico accepta cette mission, mais, en sortant du palais Pitti, il se rendit à la légation de Sardaigne, devenue le quartier général des chefs de l'insurrection. C'est là que se délibéra l'abdication de S. A. S. le grand-duc de Toscane, et le ministre qui, mandataire du prince, devait défendre son autorité, ne crut pas forfaire à l'honneur en venant présenter lui-même à son souverain un acte de déchéance.

Devant un pareil outrage, le prince, dont les intentions généreuses étaient si cruellement méconnues, n'avait plus qu'à prendre conseil de sa dignité personnelle qu'il était tenu de sauvegarder dans l'intérêt même de ses sujets et pour l'honneur du pays. S. A. S. refusa donc l'abdication demandée, elle protesta contre la violence qui lui était faite et prit le seul parti que permissent les circonstances, celui de se retirer d'un pays où un système de terreur étouffant la voix des bons citoyens, élevait une barrière infranchissable entre le peuple et son souverain.

Les événements de la guerre aboutirent bientôt à l'armistice et aux préliminaires de la paix de Villafranca, lesquels expressément consentis par S. M. le roi de Sardaigne, portaient que les souverains éloignés par la révolution rentreraient dans leurs États respectifs, pour faire partie d'une Confédération italienne qui ferait entrer la nation dans le droit public européen.

Alors, dans le noble désir d'effacer la trace d'anciens dissentiments, et pour ôter tout prétexte aux agents de discorde, S. A. S. le grand-duc Léopold II abdiqua librement la couronne le 25 juillet, et l'Europe presque entière nous reconnut comme souverain légitime de la Toscane. De ce jour, nous avons été investi d'un droit sacré et nous avons voué notre existence entière à notre bien-aimé MARTENS, Guide diplomatique. II, 1.

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peuple de Toscane, dont l'avenir était désormais garanti par les sages mesures de liberté intérieure et d'organsation fédérale contenues dans le programme de S. M. l'empereur Napoléon.

Le traité de Zurich, signé par S. M. le roi de Sardaigne, est venu bientôt ajouter une consécration nouvelle aux droits reconnus à Villafranca, mais entre les préliminaires de Villafranca et les stipulations de Zurich un fait nouveau s'était passé. Les autorités révolutionnaires de la Toscane, esclaves dociles du gouvernement ambitieux duquel elles tiraient leur origine illégale, avaient déjà procédé à la convocation d'une assemblée, destinée à voter arbitrairement l'annexion de la Toscane au Piémont.

Ainsi, par un renversement de tous les principes de droit public, un gouvernement que la parole et la signature de son Roi obligeaient, sinon à nous prêter son appui, du moins à garder envers nous une stricte neutralité, méconnaissait les devoirs sacrés de sa position jusqu'à susciter contre le rétablissement de notre autorité légitime une manifestation factieuse dont il devait recueillir les fruits; et tandis que l'empereur Napoléon, fidèle à ses promesses, adressait, devant le Corps-Législatif et devant l'Europe, des conseils de modération et de prudence à son royal allié, celui-ci, profitant de la présence de l'armée française, qu'il a fait passer aux yeux du monde pour la complice de ses usurpations, poursuivait jusqu'au bout sa politique envahissante et astucieuse dont le dernier terme devait être l'annexion!

En présence de pareils faits, le silence ne nous est plus permis. Nous devions protester et nous protestons de toute la puissance de nos convictions, contre des actes frappés de nullité dans leur principe et dans leurs conséquences;

Nous protestons contre la violation des traités, contre d'indignes manœuvres réprouvées par la conscience publique; Nous protestons contre l'emploi de ces procédés nou

veaux d'usurpation territoriale par voie d'assemblées populaires qui, s'ils étaient admis dans le droit des nations, ébranleraient aussitôt tous les fondements sur lesquels reposent l'indépendance de chaque État et l'équilibre de la société européenne.

Nous en appelons à tous les souverains de l'Europe personnellement intéressés dans notre cause.

Nous en appelons à la droiture de l'empereur des Français qui n'a pu voir, sans une douleur profonde, la réussite de ces entreprises coupables, consommées à l'ombre de son nom et de son épée.

Nous en appelons particulièrement à vous, nos bienaimés Toscans qui, pendant plus d'un siècle, avez joui sous le gouvernement de notre famille d'une prospérité dont vous étiez fiers à juste titre, car elle était votre ouvrage, puisqu'elle était le résultat de votre fidélité et de votre attachement à vos institutions. Si l'on a pu,

dans ces derniers temps, égarer vos esprits et surprendre votre bonne foi, c'est en vous persuadant que l'annexion au royaume de Sardaigne vons rendrait plus forts et protégerait plus sûrement votre indépendance.

Détrompez-vous sur ce point.

Pour défendre son indépendance contre des voisins puissants, l'Italie n'a d'autre force que l'action morale du droit public ou l'accord de la nation tout entière. Mais cet accord si longtemps désiré, vous le rendez vous-même impossible, en participant à la formation d'un État central qui excite déjà les justes défiances d'une partie de l'Italie et prépare un antagonisme funeste. Vous séparez la nation au lieu de la réunir, et le jour où l'ambition et la violence voudront tenter au Midi ce qui vient de réussir au Centre, la guerre civile déchirera encore une fois nos belles contrées, et la malheureuse Italie redeviendra la proie des invasions.

Si la Providence semblait avoir réservé à notre nation, entre toutes, la mission glorieuse de rapprocher tous les

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