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A MON CAVEAU.

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DANS ce caveau frais et joli,
Où, sans me vanter, je vous range,
Tous les ans après la vendange,
Mes vingt feuillettes d'un Marli
Que je bois toujours sans mélange,
O mon vin, prête-moi tes feux !
Je vais entonner ta louange;'
Il nous faut un prodige étrange:
Enivre-moi si tu le peux.
Parfois plus d'un auteur fameux
Vit blanchir et fumer son verre
Des flots d'un Champagne écumeux.
Qui s'irritoit dans la fougère;
Et soudain buvant sa colère,
Lui dut les traits les plus heureux.
Que de fois ta verve légère,
Ai, dans des soupers brillans,
En mille éclairs étincelans
Fit jaillir l'esprit de Voltaire!
Ta séve agitant les cerveaux,
Rompant ses fers, bacchante aimable,
Autour de lui tomboit à table,
En torrent de mousse adorable,
De ris, de verve, et de bons mots.
Corneille, au front mâle et sévère,
Français avec un cœur romain,
Grace au Beaune, grace au Madère,'
Se mettoit quelquefois en train.
Ce bon homme, sa coupe en main,
Creusoit plus d'un grand caractère,
Et, terrible au fond de son sein,
Comme en un volcan toujours plein,
Entendoit gronder son tonnerre.
Je crois que nos vins de Marli
Ne l'auroient pas si bien servi:
Sur ce point là je me résigne.
Ah! le Parnasse à des coteaux,
Des bosquets, des fleurs, des ruisseaux,
Et pas un seul arpent de vigne.
Quel oubli! le Bacchus gaulois

Versa tous ses dons à la fois

Sur la Champagne et la Bourgogne.
Mais je bois sans être jaloux,

Je bois rondement, sans courroux,
Et sans que mon front se refrogne,
Nos vins d'Auteuil et de Saint-Clou,
Et de Nanterre et de Chatou;
Et le Surene et le Boulogne,

Que Dieu fait croître auprès de nous :
Le même bois les produit tous.
« L'important, disoit feu Grégoire,
» En payant du vin, c'est de boire,
» Qu'il soit veillé, fait au logis,
«Bien cuvé, clair comme un rubis,
» Que grain à grain on vous l'égrappe,,
» Bu sans eau, notez bien ici,
« Je vous réponds d'un vin qui tape,
» Autant au moins que vin du pape,
» Fût-il ou de Garche ou d'Issi. »,
Maître Adam pensoit hien ainsi,
Lorsqu'à Nevers, dans son délire
Il célébroit, sous son caveau,
Son vin d'Arbois, vieux ou nouveau,
En vers qu'il dédaignoit d'écrire;
Mais qui, sortis de son tonneau,
Sans rabot, sans maillet, sans lime,
Opuleos de verve et de rime,
Montoient fumans à son cerveau.

Vin fécond, quel est ton empire!
Vin charmant, tu n'as qu'à sourire,
Le triste amant est consolé !
Sur les maux que me fit Ismene,
Ton nectar à peine eut coulé,
Que je voyois, moins désolé,
Se perdre dans ton jus perlé
Les rigueurs de mon inhumaine.
Que le Falerne chez Mécene
D'Horace égayoit les festins!
C'est là, content de ses destins,
Qu'il oublioit dans ses ivresses
Et tous les torts de ses maîtresses,
Et les vers de tous les Cotins.

Des Graces le poète antique,
Sur sa lyre anacréontique,

Chantoit au déclin de ses jours:
"O vins enchanteurs de la Grèce !
>> Soyez pour moi, pour ma vicillesse,
>> Encor plus chers que mes amours ! - »
Lorsque Rabelais en folie,

La joie et le ris dans les yeux,
D'esprit, d'ivresse radieux,
Plongeoit sa raison dans l'orgie,
Ce n'étoit point, je le parie,
En lui versant du vin de Brie?
C'étoit à coups de Condrieux.
Et quand notre bon La Fontaine,
Sans bruit dans un coin fortuné
Vous avoit pris son Hypocrène,
Vieil enfant, sans soins et sans peine,
Comme il dormoit après dîné!

Mais quel est, tenant une lyre,
Ce mortel que Saint-Maur admire,
Dont mon œil d'abord est charmé?
C'est Chaulieu, ce convive aimable,
Pour les fleurs, le sommeil, la table,
Les beaux vers, les belles, formé,
Chaulieu des Graces tant aimé,
Prêchant le plaisir par l'exemple,
S'enivrant aux banquets du Temple
D'un vin par le temps parfumé.
Amant léger, mais ami rare;
Du tendre et délicat La Fore,
S'il apprit à sentir l'amour,
A La Fare il apprend à boire,
Entre les Muses et la Gloire,
Entre les Ris et la Victoire,
Vénus, Vendôme, et Luxembourg.

Le dur Caton buvoit dans Rome;"
Chapelle au vin donnoit la pomme;
Piron buvoit; et l'on sait comme
Boileau buvoit; je bois aussi,
Car j'ai toujours en honnête homme
Honoré le vin, Dieu merci.

M. Ducis, de l'Institut.

LE CHIEN DE PAUL,

ANECDOTE HISTORIQUE.

Le chien, dont voici l'aventure,
Etoit loin d'être un inconstant;
Foible, timide en son allure,
Et se perdant à chaque instant.
A ce chien d'humeur vive et folle,
Que je peux vous peindre d'un mot,
Il ne manquoit que la parole:
Bien des gens ont cela de trop.

Ce chien, on le nommoit Barbiche;
Et le nom lui convenoit fort:
C'étoit un superbe caniche
A l'esprit subtil et retord.
Oui, si je ne craignois pas d'ètre
Aux yeux de Paul un insolent,
Je vous dirois plus que le maître
Le chien étoit intelligent.

Un beau jour, Paul étant en route,
Avec Barbiche et deux amis;
Ces messieurs osent mettre en doute
Des talens prônés et chéris.
Soudain Paul, cherchant la manière
De prouver l'esprit de son chien,
Jette six francs dans une ornière :
Notez que le chien n'en voit rien.

On avoit fait plus d'une lieue,
Lorsque Paul s'arrête tout court;
Barbiche, remuant la queue,

Vers son maître aussi-tôt accourt.

« J'ai perdu. » Ces deux mots suffisent, Le chien en devine le sens;

Il part, et les amis se disent:

« Adieu Barbiche et les six francs. »

On poursuit chemin, on arrive;
Mais Barbiche ne revient pas.
De Paul, toujours sur le qui-vive,
Ses amis se moquent tout bas.

Messieurs, messieurs, point d'imprudence
Dans vos préjugés incertains:

Ne jugez pas sur l'apparence
Les chiens ainsi que les humains.

Vous desirez savoir, sans doute,
Ce que Barbiche est devenu :
Un homme a traversé la route;
Cet homme a ramassé l'écu :
Notre chien reconnoît la place,
Et, dirigé par son instinct,
Lestement se met sur la trace
Du quidam qu'enfin il atteint.

Avec mainte et mainte caresse
Il aborde le voyageur,

Qui, charmé de sa gentillesse,
Lui fait l'accueil le plus flatteur.
Et puis il l'emmène à sa suite;
Et desirant se l'attacher,
Lui donne bon souper, bon gîte,
Dans sa propre chambre à coucher.

Le

voyageur qui se dispose

A bien dormir toute la nuit,
Quitte sa culotte, et la pose
Sur une chaise près du lit.

Le chien qui la guettoit, la hape,
Et crac.... le voilà décampé.
On crie: « Arrête, arrête, attrape ! »
Mais l'homme seul est attrapé.

Barbiche, tout fier de sa proie,
Rejoint son maître à son logis;
Et vous devinez sa surprise
Et celle de ses deux amis.
Accompagné de plusieurs autres
Paul revoit l'écu qu'il attend.
Or, apprenez, vous et les vôtres,
Comme il faut placer son argent.

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RADET.

Le riche et l'indigent, tous ont besoin de moi;
Le sexe en fait sur-tout un plus fréquent emploi.

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