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VII BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE. Weimar, le 16 octobre 1806. Le grand-duc de Berg a cerné Erfurt le 15 dans la matinée. Le 16, la place a capitulé. Par ce moyen, 14,000 hommes, dont Sooo blessés et 6000 bien portans, sont devenus prisonniers de guerre, parmi lesquels sont le prince d'Orange, le feld-maréchal Mollendorf, le lieutenant-général Larisch, le lieutenant-général Graver, les généraux-majors Leffave et Zveiffel. Un parc de cent vingt pièces d'artillerie, approvisionné, est également tombé en notre pouvoir. ( Ci-joint la capitulation d'Erfurt.) On ramasse tous les jours des prison

niers.

Le roi de Prusse a envoyé un aide-de-camp à l'EMPEREUR, avec une lettre en réponse à celle que l'EMPEREUR lui avoit écrite avant la bataille; mais le roi de Prusse n'a répondu qu'après. Cette démarche de l'Empereur Napoléon étoit pareille à celle qu'il fit auprès de l'empereur de Russie, avant la bataille d'Austerlitz; il dit au roi de Prusse : « Le » succès de mes armes n'est point incertain. Vos troupes » seront battues; mais il en coûtera le sang de mes enfans: » s'il pouvoit être épargné par quelqu'arrangement compa»tible avec l'honneur de ma couronne, il n'y a rien que je » ne fasse pour épargner un sang si précieux. Il n'y a que » l'honneur qui, à mes yeux, soit encore plus précieux que » le sang de mes soldats.»

Il paroît que les débris de l'armée prussienne se retirent sur Magdebourg. De toute cette immense et belle armée, il ne s'en réunira que des débris.

Capitulation de la ville et citadelle d'Erfurt, faite entre M. le colonel Preval, l'un des commandans de la Légiond'Honneur, muni de pleins-pouvoirs de S. A. R. le prince Joachim, grand-duc de Berg et de Clèves, lieutenant de S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, d'une part; et de l'autre, M. le major Prueschenenk, comman dant de la ville et citadelle d'Erfurt, ainsi que du fort Cyriaxbourg, pour S. M. le roi de Prusse.

Demande. Art. Ier. La garnison sortira le 17 d octobre avec les honneurs de la guerre, aver armes, eff ts et bagages, y compris les pièces de bataillon, les batteries de campagne, les boulangeries et le tr in de l'armée. Elle marchera tanbour battant, enseignes éplovées et mèches allumées, pour se rendre dans la ville la plus proche des Etats de S. M. le roi de Prusse, à Halle.

Reponse. Les postes seront occupés dès-à-présant par les troupes de S. M. I'EMPEREUR et Rot: demain 16 octobre 18.6, à midi, la garaison sortira avec armes, bagages, ens ignes déployées et canons de bataillon. Elle dépos ra ses armes sur le glacis de la place, et sera prisonnière de guerre. MM. les officiers conserveront leur épée et leurs é ipages. Ils rentreront en Prusse sur leur parole de ne servir qu'après leur échange. Les moyens de transport pour eux et leurs équipages leur seront accor◄ dis pour suppléer à l'insuffisance des leurs.

D. II. Les officiers, bas-officiers et soldats blessés qui se trouvent dans la place. seront compris dans l'article précédent. Ceux qui sont en état d'être transportés, soivront immédiatement la garnis n; et ceux qui ne sont point en état de faire la route, resteront aux frais de S. M. prussienne, et seront soignés par ses employés. A mesure que ces blessés seront guéris, ils rejoindront leurs corps respectifs, et obtiendront les passeports nécess.ires à cet effet.

R. Les officiers, ha--officiers et soldats blessés sont compris dans l'article ci-dessus, et on doit s'en rapporter à la générosité française pour les soins qu'on inveque en leur faveur.

D. III. Demain à midi la porte de Saint-Jean sera remise pour être occupée extérieurement. La gorde prussienne restera dans l'intérieur; et aussi long temps que la garni on prussienne restera en place, il ne sera permis à personne d'y entrer, excepté les commissaires charges de reme.tre la place.

R. Compris dans le premier article.

D. IV. Si, nonobstut le contenu de l'article ci-dessus, les basofficiers et soldats venoient en ville, ils seroient arrêtés et remis sur-lechamp aux postes extérieurs. De même, il ne sera permis à aucun militaire prussien de sortir de la place aussi long-temps que la garnison y res era, a cxception des offi iers qu'on pourroit devoir envoyer au quarter général de l'armée française.

R. Compris dans l'article premier.

D. V. Il sera nommé des deux côtés des commissaires pour effectuer tout ce qui a rapport à la remise de la place, ainsi que pour convenir des objets qui ex gent un travail commun. Ceux-ci se réuniront du moment que la garde française aura occupé la porte de Saint-Jean, et les commissa res continueront leurs travaux après le départ de la garnison. A l'échéance de ce terine, il sera donné des passeports nécessaires aux commissaires prussiens pour retourner dans les Etats de S. M. le roi de Prusse.

R. Les commissaires s'occuperont dès demain matin, 16, du recensement et de la remise de l'artillerie et de tous les magasins. Les passeports seront accordés pour le retour de ceux de S. M. le roi de Prusse. D. VI. Les propriétés particulières seront respectées et mises sous la protection de S. M. I'Empereur des Français et Roi d'Italie.

. Les propriétés seront respectées.

D. VII. Les effets des individus faisant partie de la garnison, ne pouvant point être tous emportés à la fois, il sera fixé un terme de trois mois, à dater du jour de la présente capitulation, pour que ces individos puissent faire suivre leurs propriétés, sans qu'il leur soit fait de difficultés, ni qu'ils soient chargés de droits quelconques.

K. Renvoyé au p:emier article; seulement les soldats ne seront point privés de leurs havresacs.

D. VIII. A dater du moment de la signature de cette capitulation, il sera envoyé un officier pru sien à S. M. le roi de Prusse, et on le munira de tout ce qui peut accélérer son voyage.

R. Accordé.

D. IX. Les équipages de campagne de S. M. le roi de Prusse qui se trouvent dans ce noment à Erfurt, seront envoyés de suite dans une ville occupée encore par les troupes du roi.

R. Cet article sera soumis à S. A. I. le prince Joachim, grand-duc de Clèves et de Berg.

Cette capitulation comprend MM. les officiers-généraux qui se trouvent dans la place, pour quelque cause que ce soit.

A Erfurt, le 15 octobre 1806, à 11 heures du soir.

(L. S.) Signé CHARLES DE PRUESCHENECK,
Signé HYPOLITE PREVAL,

VIII BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Weimar, le 16 octobre 1806, au soir.

Les différens corps d'armée qui sont à la poursuite de l'ennemi, annoncent à chaque instant des prisonniers, la prise de bagages, de pièces de canon, de magasins, de munitions de toute espèce. Le maréchal Davoust vient de prendre trente pièces de canon; le maréchal Soult, un convoi de trois mille tonneaux de farine; le maréchal Bernadotte, 1500 prisonniers. L'armée ennemie est tellement dispersée et mêlée avec nos troupes, qu'un de ses bataillons vint se placer dans un de nos bivouacs, se croyant dans le sien. Le roi de Prusse tâche de gagner Magdebourg. Le maréchal Mollendorf est trèsmalade à Erfurt; le grand-duc de Berg lui a envoyé son médecin. La reine de Prusse a été plusieurs fois en vue de nos postes; elle est dans des transes et dans des alarmes continuelles. La veille, elle avoit passé son régiment en revue. Elle excitoit sans cesse le roi et les généraux. Elle vouloit du sang; le sang le plus précieux a coulé. Les généraux les plus marquans sont ceux sur qui sont tombés les premiers coups. Le général de brigade Durosnel a fait, avec le 7 et le 20 de chasseurs, une charge hardie qui a eu le plus grand effet. Le major du 20 régiment s'y est distingué. Le général de brigade Colbert, à la tête du 3° de hussards et du 12 de chasseurs, a fait sur l'infanterie ennemie plusieurs charges qui ont eu le plus grand succès.

IX BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Weimar, le 17 octobre 1806. La garnison d'Erfurt a défilé. On y a trouvé beaucoup plus de monde qu'on ne croyoit. Il y a une grande quantité de magasins. L'EMPEREUR a nommé le général Clarke gouverneur de la ville et citadelle d'Erfurt et du pays environnant. La citadelle d'Erfurt est un bel octogone bastionné avec casemate, et bien armé. C'est une acquisition précieuse, qui nous servira de point d'appui au milieu de nos opérations.

On a dit dans le 5 bulletin qu'on avoit pris 25 à 50 drapeaux ; il y en a jusqu'ici 45 au quartier-général. Il est probable qu'il y en aura plus de 60. Ce sont des drapeaux donnés par le grand Frédéric à ses soldats. Celui du régiment des Gardes, celui du régiment de la Reine, brodé des mains de cette princesse, se trouvent au nombre. Il paroît que l'ennemi' veut tâcher de se rallier sur Magdebourg; mais pendant ce temps-là on marche de tous côtés. Les différens corps de l'armée sont à sa poursuite par différens chemins. A chaque instant arrivent des courriers annonçant que des bataillons. entiers sont coupés, des pièces de canon prises; des bagages, etc.

L'EMPEREUR est logé au palais de Weimar, où logeoit

quelques jours avant la reine de Prusse. Il paroît que ce qu'on a dit d'elle est vrai. Elle étoit ici pour souffler le feu de la guerre. C'est une femme d'une jolie figure, mais de pe d'esprit, incapable de présager les conséquences de ce qu'elle faisoit. Il faut aujourd'hui, au lieu de l'accuser, la plaindre; car elle doit avoir bien des remords des maux qu'elle a faits à sa patrie, et de l'ascendant qu'elle a exercé sur le roi son mari, qu'on s'accorde à présenter comme un parfaitement honnête homme, qui vouloit la paix et le bien de ses peuples. X® BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Naumbourg, le 18 octobre 1806. Parmi les 60 drapeaux qui ont été pris à la bataille de Jena, il s'en trouve plusieurs des gardes du roi de Prusse, et un des gardes du corps, sur lequel la légende est écrite en français.

Le roi de Prusse a fait demander un armistice de six semaines. L'EMPEREUR a répondu qu'il étoit impossible, après une vietoire, de donner à l'ennemi le temps de se rallier. Cependant les Prussiens ont fait tellement courir ce bruit, que plusieurs de nos généraux les ayant rencontrés, on leur a fait croire que cet armistice étoit conclu.

Le maréchal Soult est arrivé le 16 à Greussen, poursuivant devant lui la colonne où étoit le roi, qu'on estimoit forte de 10 ou 12,000 hommes. Le général Kalkreuth, qui la commandoit, fit dire au maréchal Soult qu'un armistice avoit été conclu. Ce maréchal répondit qu'il étoit impossible que L'EMPEREUR eût fait cette faute; qu'il croiroit à cet armistice, lorsqu'il lui auroit été notifié officiellement. Le général Kalkreuth témoigna le desir de voir le maréchal Soult, qui se rendit aux avant-postes. « Que voulez-vous de nous? lui dit le général prussien; le duc de Brunsvick est mort, tous nos généraux sont tués, blessés ou pris; la plus grande partie de notre ármée est en fuite; vos succès sont assez grands; le roi a demandé une suspension d'armes, il est impossible que voire EMPEREUR ne l'accorde pas. M. le général, lui répondit le maréchal Soult, il y a long-temps qu'on en agit ainsi avec nous; on en appelle à notre générosité quand on est vaincu, et on oublie un instant après la magnanimité que nous avons coutume de montrer. Après la bataille d'Austerlitz, l'EMPEREUR accorda un armistice à l'armée russe ; cet armistice sauva l'armée. Voyez la manière indigne dont agissent aujourd'hui les Russes. On dit qu'ils veulent revenir; nous brûlons du desir de les revoir. S'il y avoit eu chez eux autant de générosité que chez nous, on nous auroit laissés tranquilles enfin, après la modération que nous avons montrée dans la victoire. Nous n'avons en rien provoqué la guerre injuste que vous nous faites. Vous l'avez déclarée de gaieté de cœur; la bataille de Jena a décidé du sort de la campagne. Notre métier est de

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vous faire le plus de mal que nous pourrons. Posez les armes, et j'attendrai dans cette situation les ordres de l'EMPEREUR. » Le vieux général Kalkreuth vit bien qu'il n'avoit rien à répondre. Les deux généraux se séparerent, et les hostilités recommencèrent un instant après. Le village de Greussen fut enlevé, l'ennemi culbuté et poursuivi l'épée dans les reins.

Le grand-duc de Berg et les maréchaux Soult et Ney doivent, dans les journées des 17 et 18, se réunir par des marches combinées, et écraser l'ennemi. Ils auront sans doute cerné un bon nombre de fuyards; les campagnes en sont couvertes, et les routes sont encombrées de caissons et de bagages de toute espèce.

Jamais plus grande victoire ne fut signalée par de plus grands désastres. La réserve que commande le prince Eugène de Wurtemberg, est arrivée à Halle. Ainsi nous ne sommes qu'au neuvième jour de la campagne, et déjà l'ennemi est obligé de mettre en avant sa dernière ressource. L'EMPEREUR marche à elle; elle sera attaquée demain, si elle tient dans la position de Halle.

Le maréchal Davoust est parti aujourd'hui pour prendre possession de Leipsick et jeter un pont sur l'Elbe. La garde impériale à cheval vient enfin nous joindre.

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Indépendamment des magasins considérables trouvés à Naumbourg, on en a trouvé un grand nombre à Weissenfels.

Le général en chef Ruchel a été trouvé dans un village, mortellement blessé; le maréchal Soult lui a envoyé son chirurgien. Il semble que ce soit un décret de la Providence, que tous ceux qui ont poussé à cette guerre, aient été frappés par ses premiers coups.

XI BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Mersebourg, 19 octobre 1806. Le nombre des prisonniers qui ont été faits à Erfurt est plus considérable qu'on ne le croyoit. Les passeports accordés aux officiers qui doivent retourner chez eux sur parole, en vertu d'un des articles de la capitulation, se sont montés à 600. Le corps du maréchal Davoust a pris possession, le 18, de Leipsick.

Le prince de Ponte-Corvo, qui se trouvoit le 17 à Eisleben pour couper des colonnes prussiennes, ayant appris que la réserve de S. M. le roi de Prusse, commandée par le prince Eugène de Wurtemberg, étoit arrivée à Halle, s'y porta. Après avoir fait ses dispositions, le prince de Ponte-Corvo fit attaquer Halle par le général Dupont, et laissa la division Drouet en réserve sur sa gauche; le 32 et le 9° d'infanterie légère passèrent les trois ponts au pas de charge, et entrèrent dans la ville soutenus par le 96°. En moins d'une heure tout

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