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ma or, le feld maréchal Mollendorff et le prince d'Orange doivent se trouver à Erfurt, dans le cas de canituler: On dit aussi que sur la proposition faite l'un armistice, l'Empereur Napoléon auroit répondu qu'il signeroit la paix à Dresde et à Berlin.

Les réflexions que tout cela peut autoriser à faire se présentent d'elles mêmes, et les suites sont incalculables. Pour mon particulier, je sens que je suis à la veille de devenir le plus malheureux des hommes; mais je m'étourd's là dessus, et l'espérance me soutient que V. A. R. n'abandoanera pas un fidèle serviteur.

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Recevez en attendant, Madame, avec bienveillance, l'expression des très-humbles hommages de ma femme, de Caroline, et de la famille d'Amstedt. Au reste, je supplie V. A. R. de se charger gracieusement de nos complimens pour sa cour, le comte et la comtesse de Henboek, et pour le petit Magnus.

J'ai écrit au général français une lettre que Dube lui portera, dès qu'on verra arriver les Français. J'y réclame sa protection pour l'abbaye en général; et pour la résidence, les domaines et la maison de Goetze, je demande une sauve-garde.

Je suis avec le plus profond respect, Madame, de V. A. R., le trèshumble, très-obéissant et très-fidèle serviteur, DE MOTTZER.

(C)

Lettre d'un officier à son frère.

De Appenrode, 16 octobre 1806.

Le reste du régiment d'Aschersleben, d'à-peu-près 60 hommes, s'est retiré dElbingerode par Wernigerode, ainsi que le régiment des gardesdu corps. Notre armée est tout-à-fait battue, non-seulement le corps du duc de Brunswick, mais aussi celui du général Ruchel. On accuse un général prussien d'avoir trahi le mot d'ordre. Le roi se trouve depuis quelques jours tout alarmé. L'artillerie française nous a fait beaucoup de dommages.

(D)

Lellre d'un gendarme de la maison durɔi, à sa femme.

De Klostersteib, 17 octobre 1806.

Depuis cinq jours, nous n'avons à manger que du mauvais pain; tous les chevaux qui nous restent tombent de fatigue. Il n'est resté que seize hommes du régiment de la reine, du régiment des carabiniers et du rég ment d'Aschersleben. Le prince Louis-Ferdinand est mort, le prince de Hohenlohe mortellement blessé. Le roi deux fois blessé ; le prince Guillaume de Brunswick et le duc de Brunswick blessés; tout notre bagage a été pris. Depuis dix-huit jours nous n'avons pas été payés. Les Françai sont toujours derrière nous. On dit que la paix se fera bientôt. Nous marchons d'ici vers Magdebourg, où nous serons pent-être encore battus. (E) A. S. Exc. M. le comte de Haugwitz, ministre d'Etat et du cabinet de S. M. le roi de Prusse, chevalier de ses Ordres, au quartier-général du roi.

Monsieur,

Lovisenlund, 12 octobre 1866.

C'est toujours avec un vrai plisir que je reçɔis le renouvellement si flatteur des anciens sentimens de V. Ex. pour moi; conservez-les-moi comme à un ami qui vous a toujours inaltérablement chéri, et qui vous est Bendrement attaché. Je n'a point manqué de mettre sous les yeux du prince roy la lettre de V. Exc., mis je n'ai pu obtenir qu'une réponse évasive; le prince préfère les voies ministérielles, et je ne suis point en état de vous mar fuer ses sentimens pour les miens, vous les connoissez, mon très. cher ami, et ne sauriez en donter. Je ne me permets point de revenir sur une matière que vous avez traitée, dans la lettre que vous venez de me faire Thonneur de m'écrire, si lumineusement et si entièrement à fond. Dies

vesi le donner tous les succès les plus heureux au roi et à ses armées! I} est à présent le vrai champion de la liberté universelle. Je ne crois pas que Napoléon voudra lutter dans ce moment contre les forces prussiennes et celles de l'Europe presque entière réunies contre lui, sans coalition, par l'impu'sion de la seule sûreté personnelle de chaque Etat, combattant pour sa propre cause, qui est en même temps la cause générale; mais qu'il préférera de négocier, et de sacrifier même peut-être quelques provinces envahies à la Prusse, gagnant par-là du temps nécessaire pour la formation de 200 mille conscrits. Mais l'année prochaine, après avoir rempli sed autres vues et vastes plan, il tâchera de faire payer avec usure, quand on s'y attendra le moins, d'avoir été pris cette année au dépourvu. C'est pourquoi il seroit à souhaiter qu'on pût absolument ravoir Wesel à la paix, ainsi que le présent grand-duché de Berg, en compensation d'Anspach, Mayence servira toujours, ainsi que Wesel d'ailleurs, à des rassemblemens considérables de troupes, qui inonderoient l'Allemagne septentrionale, quand on y penseroit le moins.

Si le Rhin et le Mein ne sont pas décidément frontières de la confédération septentrionale, celle-ci ne sera pas en état de résister à aucune agression imprévue des Français; car qui peut être toujours armé ? Si Franefort, avec son territoire, Hochsh, Konigstein, ne deviennent pas Hessois avec tout le pays intermédiaire, la Hesse sera mangée sans pouvoir faire de résistance, tôt on tard, et l'état de la Prusse devient trèsprécaire. En dédommageant le primat en Franconie, par Bamberg, Aschaffenburg pourroit dédommager Darmstadt de toutes ses possessions en-deçà du Rhin; le cours entier du Bas-Rhin, depuis la Lahn, devroit appartenir à la Prusse. Tout autre arrangement est sans aucune consis‐ tance, et la guerre seroit dans ce moment bien préférable.

Pardonnez-moi, mon cher ami, mes rêveries; mais comme vous voulez me témoigner quelque confiance, je me croirois coupable de ne pas vous ouvrir mon cœur sans retenue; c'est peut-être le dernier moment où on pourra prévenir la ruine totale de l'Europe, en mettant quelques bornes i ce torrent dévastateur qui va tout engloutir. D'ailleurs, s'il peut parvenir à former de nouveau un royaume de la Pologne, principal but présent de ses négociations, la monarchie universelle sera faite en pen. Je crains d'en avoir déjà trop dit; mais si vous le permettez, je ne vous laisserai rien ignorer, persuadé que vous ne me compromettrez point. C'est avec une amitié parfaite, et la considération la plus distinguée, que je ne cesserai d'être,

Monsieur,

De votre excellence,

Le très-humbre, très-obéissant serviteur et ancien

fidèle ami,

CH. L. DR HISOR.

XIV BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Dessau, le 22 octobre 1806.

Le maréchal Davoust est arrivé le 20 à Wittemberg, et a surpris le pont sur l'Elbe au moment où l'ennemi y mettoit le feu.

Le maréchal Lannes est arrivé à Dessau; le pont étoit brûlé; il a fait travailler sur-le-champ à le réparer.

Le marquis de Lucchesini s'est présenté aux avant-postes avec une lettre du roi de Prusse. L'EMPEREUR a envoyé le grand-maréchal de son palais, Duroc, pour conférer avec lui.

Magdebourg est bloqué. Le général de division Legrand,

dans sa marche sur Magdebourg, a fait quelques prisonniers. Le maréchal Soult a ses postes autour de la ville. Le grandduc de Berg y a envoyé son chef d'état-major, le général Belliard. Ce général y a vu le prince de Hohenlohe. Le langage des officiers prussiens étoit bien changé. Ils demandent la paix à grands cris. « Que veut votre EMPEReur, nous disent-ils ? Nous poursuivra-t-il toujours l'épée dans le. reins? Nous n'avons pas un moment de repos depuis la bataille. » Ces messieurs étoient sans doute accoutumés aux manœuvres de la guerre de sept ans. Ils vouloient demander trois jours pour enterrer les morts. « Songez aux vivans, a » répondu l'EMPEREUR, et laissez-nous le soin d'enterrer les » morts; il n'y a pas besoin de trève pour cela. »

La confusion est extrême dans Berlin. Tous les bons citoyens, qui gémissoient de la fausse direction donnée à la politique de leur pays, reprochent avec raison aux boutefeux excités par l'Angleterre, les tristes effets de leurs menées. Il n'y a qu'un cri contre la reine dans tout le pays.

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Il paroît que l'ennemi cherche à se rallier derrière l'Oder. Le souverain de Saxe a remercié l'EMPEREUR de la géné― rosité avec laquelle il l'a traité, et qui va l'arracher à l'influence prussienne. Cependant bon nombre de ses soldats ont péri dans toute cette bagarre.

Le quartier-général étoit, le 21, à Dessau.

XV BULLETIN DE LA GRANDE-Armée.

Wittemberg, 23 octobre 1806. Voici les renseignemens qu'on a pu recueillir sur les causes de cette étrange guerre :

Le général Schmettau ( mort prisonnier à Weymar) fit un mémoire écrit avec beaucoup de force, et dans lequel il établissoit que l'armée prussienne devoit se regarder comme déshonorée, qu'elle étoit cependant en état de battre les Français, et qu'il falloit faire la guerre. Les généraux Ruchel (tué), et Blucher (qui ne s'est sauvé que par un subterfuge, et en abusant de la bonne foi française) souscrivirent ce mémoire, qui étoit rédigé en forme de pétition au roi. Le prince Louis-Ferdinand de Prusse ( tué) l'appuya de toutes sortes de sarcasmes. L'incendie gagna toutes les têtes. Le duc de Brunswick (blessé très-grièvement), homme connu pour être sans volonté et sans caractère, fut enrôlé dans la faction de la guerre. Enfin, le mémoire ainsi appuyé, on le présenta au roi. La reine se chargea de disposer l'esprit de ce prince, et de lui faire connoître ce qu'on pensoit de lui. Elle lui rapporta qu'on disoit qu'il n'étoit pas brave, et que, s'il ne faisoit pas la guerre, c'est qu'il n'osoit pas se mettre à la tête de l'armée. Le roi, réellement aussi brave qu'aucun prince de Prusse, se

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laissa entraîner sans cesser de conserver l'opinion intime qu'il faisoit une grande faute.

Il faut signaler les hommes qui n'ont pas partagé les illusions des partisans de la guerre. Ce sont le respectable feldmaréchal Mollendorf et le général Kalkreuth.

On assure qu'après la belle charge du 9° et du to régiment de hussards à Saalfeld, le roi dit : « Vous prétendiez que la cavalerie française ne valoit rien; voyez cependant ce que fait la cavalerie légère, et jugez ce que feront les cuirassiers. Ces troupes ont acquis leur supériorité par quinze ans de combats. Il en faudroit autant, afin de parvenir à les égaler; mais qui de nous seroit assez ennemi de la Prusse pour desirer cette terrible épreuve? »

L'EMPEREUR, déjà maître de toutes les communications et des magasins de l'ennemi, écrivit, le 12 de ce mois, la lettre ci-jointe, qu'il envoya au roi de Prusse par l'officier d'ordonnance Montesquiou. Cet officier arriva le 13, a 4 heures après midi, au quartier du général Hohenlohe, qui le retint auprès de lui, et qui prit la lettre dont il étoit porteur. Le camp du roi de Prusse étoit à deux lieues en arrière. Ce prince devoit donc recevoir la lettre de l'EMPEREUR au plus tard à six heures du soir. On assure cependant qu'il ne la reçut que le 14, à neuf heures du matin, c'est-à-dire, lorsque déja l'on se baitoit. On rapporte aussi que le roi de Prusse dit alors: « Si cette lettre étoit arrivée plus tôt, peut-être auroit-on »pu ne pas se battre; mais ces jeunes gens ont la tête telle>>ment montée, que s'il eût été question hier de la paix, je » n'aurois pas ramené le tiers de mon armée à Berlin. »

Le roi de Prusse a eu deux chevaux tués sous lui, et a reçu un coup de fusil dans la manche.

Le duc de Brunswick a eu tous les torts dans cette guerre; il a mal conçu et mal dirigé les mouvemens de l'armée : il croyoit l'EMPEREUR à Paris, lorsqu'il se trouvoit sur ses flancs; il pensoit avoir l'initiative des mouvemens, et il étoit déjà

tourné.

Au reste, la veille de la bataille, la consternation étoit déjà dans les chefs; ils reconnoissoient qu'on étoit mal posté, et qu'on alloit jouer le va-tout de la monarchie. Ils disoient tous: «Eh bien! nous paierons de notre personne.»> Ce qui est d'ordinaire le sentiment des hommes qui conservent peu d'espérance.

La reine se trouvoit toujours au quartier-général à Weimar; il a bien fallu lui dire enfin que les circonstances étoient sé rieuses, et que le lendemain il pouvoit se passer de grands événemens pour la monarchie prussienne. Elle vouloit que le roi lui dit de s'en aller, et en effet, elle fut mise dans le cas de partir.

Lord Morpeth, envoyé par la cour de Londres, pour marchander le sang prussien, mission véritablement indigne d'un homme tel que lui, arriva le 11 à Weimar, chargé de faire des offres séduisantes, et de proposer des subsides considérables. L'horizon s'étoit déjà fort obscurci: le cabinet ne voulut pas voir cet envoyé; il lui fit dire qu'il y avoit peutêtre peu de sûreté pour sa personne, et il l'engagea à retourner à Hambourg, pour y attendre l'événement. Qu'auroit dit la duchesse de Devonshire, si elle avoit vu son gendre chargé de souffler le feu de la guerre, de venir offrir un or empoisonné, et obligé de retourner sur ses pas tristement et en grande hâte? On ne peut que s'indigner de voir l'Angleterre compromettre de la sorte des agens estimables, et jouer un rôle aussi odieux.

On n'a point encore de nouvelles de la conclusion d'un traité entre la Prusse et la Russie; et il est certain qu'aucun Russe n'a paru jusqu'à ce jour sur le territoire prussien. Du reste l'armée desire fort les voir : ils trouveront Austerlitz en Prusse.

Le prince Louis-Ferdinand de Prusse, et les autres généraux qui ont succombé sous les premiers coups des Français, sont aujourd'hui désignés comme les principaux moteurs de cette incroyable frénésie. Le roi, qui en a couru toutes les chances, et qui supporte tous les malheurs qui en ont été le résultat, est, de tous les hommes entraînés par elle, celui qui y étoit demeuré le plus étranger.

Il y a à Leipsick une telle quantité de marchandises anglaises, qu'on a déjà offert soixante millions pour les racheter.

On se demande ce que l'Angleterre gagnera à tout ceci. Elle pouvoit recouvrer le Hanovre, garder le Cap de BonneEspérance, conserver Malte, faire une paix honorable, et rendre la tranquillité au monde. Elle a voulu exciter la Prusse contre la France, pousser l'EMPEREUR et la France à bout; eh bien! elle a conduit la Prusse à sa ruine, procuré à l'EMPEREUR une plus grande gloire, à la France une plus grande puissance, et le temps approche où l'on pourra déclarer Angleterre en état de blocus continental. Est-ce donc avec du sang que les Anglais ont espéré alimenter leur commerce, et ranimer leur industrie? De grands malheurs peuvent fondre sur l'Angleterre; l'Europe les attribuera à la perte de ce ministre honnête homme, qui vouloit gouverner par des idées grandes et libérales, et que le peuple anglais pleurera un jour avec des larmes de sang.

Les colonnes françaises sont déjà en marche sur Postdam et Berlin. Les députés de Postdam sont arrivés pour demander une sauve-garde.

Le quartier impérial est aujourd'hui à Wittemberg.

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