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roit que trois cristaux, différant entr'eux de forme, de couleur et de parties constituantes, et différant tous les trois de la matière de la lave, ont pu se former dans son sein et de sa substance. Et il faut fonder cette explication non sur des mots et des phrases, car rien n'est plus facile que d'arranger des mots et de faire des phrases, mais sur des raisonnemens clairs, précis, auxquels les observateurs, qui ne se contentent point de mots et d'arrangement de phrases, encore moins du silence gardé sur les objections, puissent acquiescer; et il ne faut pas sur-tout dénaturer le sens des argumens auxquels on veut répondre.

Si les cristaux contenus dans les laves du Vésuve et de l'Etna naissoient de leur propre substance, il faudroit aussi que les cristaux d'espèces différentes, contenus dans quelques laves des anciens volcans d'Auvergne et dans les laves de l'Heckla, provinssent aussi de ces laves : c'est là une conséquence rigoureuse; car l'une de ces origines ne peut pas être différente de l'autre. Il résulteroit donc de cette hypothèse que les schorls-pyroxenes, les leucites, les chrysolites, les lamelles cristallines des laves de l'Etna, les amphiboles, les felds-paths des laves d'Auvergne, les brises de quartz des laves de l'Heckla, toutes substances différentes en forme, en couleur, en cristallisation, en molécules constituantes, seroient sorties de la substance d'une même matière en fusion ignée! Il suffit de présenter l'hypothèse sous ce point de vue parfaitement vrai, pour qu'elle soit appréciée.

Quand, par impossible, je serois le seul naturaliste, le seul observateur, comme le prétend M. Patrin, qui soit persuadé que ces corps cristallisés ont été formés par la voie humide, antérieurement à leur dépôt dans la pâte incandescente des laves, je ne m'en défendrois point.

Je suis aussi le premier, et peut-être le seul qui ait remarqué qu'il n'existe de volcan brûlant que sous l'influence des eaux de la mer fait important, qui résout une grande question géologique, en attestant que toutes les montagnes volcaniques qui sont au milieu des terres ont brûlé, quand nos continens étoient sous les eaux de la mer; et quoique nombre de phénomènes que j'ai cités proclament cette vérité importante, elle m'est encore contestée !

Je suis le premier et le seul qui ait observé que les schorlspyroxenes ne paroissent avec le poli de leur surface et l'inté grité de leurs angles, que lorsque la lave qui les contient a été décomposée par les vapeurs acide-sulfureuses du volcan, quand elles y ont été exposées, le schorl résistant à leur action. Fait qui prouve avec évidence qu'il n'y a point de rapport

chimique entre les schorls et la lave: car ce rapport existeroit nécessairement si ces cristaux étoient formés de la substance même de la lave.

Je dirai encore que je suis le premier qui ait annoncé, d'après la vue et l'observation du groupe des iles de Lipari, que, lorsqu'il y auroit des navigateurs instruits et observateurs, ils trouveroient que les groupes d'îles et les îles solitaires répandues au milieu des mers, dont on avoit peine à se rendre raison, sont volcaniques, et par conséquent élevées du fond des eaux: annonce que l'observation a depuis pleinement confirmée.

L'hypothèse que les cristaux contenus dans les laves y ont été formés pendant leur refroidissement n'est pas celle, ai-je dit, que M. Patrin avoit d'abord adoptée. Il considéroit les schorls-pyroxenes comme des substances qui avoient passé de l'état aeriforme à celui de consistance solide, par l'effet des attractions.

M. Patrin répond à cette remarque, que je lui prête des idées qu'il n'a jamais eues : « car j'ai toujours, dit-il, » soigneusement distingué deux espèces différentes de cris» taux volcaniques; savoir: ceux qui sont renfermés dans » les laves, et ceux qui sont isolés et qui tombent avec les » matières pulvérulentes pendant les éruptions. Comment » concevoir, ajoute-t-il, qu'ils aient été en même temps si >> complétement dépouillés de leur gangue, et si parfaite»ment conservés eux-mêmes, qu'ils n'ont perdu ni la viva» cité de leurs angles, ni le brillant de leur poli? Il me » paroît, continue-t-il, d'après cette difficulté, et une infinité » d'autres, que ces cristaux ne sont point préexistans dans » les laves, mais que ce sont des substances qui, en passant » de l'état aëriforme à une consistance solide, par l'effet des » attractions, ont pris une forme régulière, comme nous voyons, dans nos laboratoires, le soufre se sublimer en » vapeurs, qui forment ces petits cristaux connus sous le » nom de fleurs de soufre.

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>> Pour achever de faire voir, continue M. Patrin, que je » n'ai point varié d'opinion sur le mode de formation de » ces cristaux, j'ajouterai que, dans le nouveau Dictionnaire » d'Histoire Naturelle, publié en 1803, au mot Augite (schorl» piroxène), je rappelle de la manière la plus expresse cette >> distinction entre les cristaux qui se forment dans les laves, » et ceux qui se forment dans les airs. »>

M. Patrin perd facilement de vue les objections qu'on lui a faites. Je les rappellerai donc ici en peu de mots, renvoyant pour les détails à mes Observations sur les Prismes ou Schorls

volcaniques, publiées dans le Journal de Physique de ventose an 9 (mais 1801). J'invite les naturalistes qui prennent intérêt à cette question, qui est importante, à les lire avec attention: ils jugeront si M. Patrin a répondu depuis long-temps, ainsi qu'il le dit auébut de sa réponse, à tous mes raisonnemens.

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Il sembieroit suffisant d'énoncer cette étrange hypothèse 'd'une distinction de cristaux qui se forment dans les laves, et de cristaux qui se forment dans les airs, pour la réfuter; car elle porte avec soi sa réfutation. Ces cristaux volcaniques et ces cristaux aëriens, dont M. Patrin a imaginé la distinction, est purement idéale tous ces cristaux sont les mêmes, même forme, même cristallisation, même substance. Les miriades qui ont été lancées par le cratère du MonteRosso de l'Etna, (le sommet et la pente en sont couverts), ent tous retenu une croûte de la lave où ils étoient renfermés; ce qui les rend ternes et rudes, et couverts de petites boursoufflures; ils ne montrent ni le poli de leur faces, ni l'intégrité de leurs angles; ils n'ont point été lancés seuls, mais mêlés à une infinité de petites scories ou brises de lave, qui elles-mêmes contiennent de ces cristaux, qu'il appelle, parce qu'il ne les connoît pas sans doute, matiere pulverulente; ils sont mêlés à un grand nombre de ces petites lamelles blanchâtres de forme irrégulière, dont plusieurs laves de l'Etna sont remplies, qui paroissent être des éclats d'une substance qui se dilate par la chaleur; ils sont mêlés à une multitude de brises de ces mêmes schorls, rompus avec les brises de la lave. Ce sont ces brises de schorls qui réfléchissent tous ces points lumineux qu'on remarque avec surprise quand on monte par un beau soleil sur cet ancien cratere.

Les cristaux on schorls dont la surface et les angles sont nets et à découverts, sont ceux qui, étant tombés dans l'intérieur du cratère, ont été exposés à l'action érosive des vapeurs acides-sulfureuses qui ont dissout l'enduit de lave dont ils étoient couverts, et laissé le schorl intact et dans son intégrité. Cet effet n'est pas même complet sur plusieurs individus: il ne s'est opéré très-souvent que sur le côté qui étoit exposé aux vapeurs; d'où est résulté que ce côté a son poli et l'autre sa rudesse.

Ce ne sont là ni des aperçus, ni des fruits de l'imagination travaillant dans le cabinet, mais des faits exacts et vrais, dont j'ai les preuves en grand nombre sous les yeux; que j'ai l'avantage d'avoir recueillis moi-même sur les lieux qui les attestent. Tel est le précis des faits et des raisonnemens que j'opposai en 1801 à l'hypothèse de M. Patrin, qu'il a cependant répétée en 1803, et qu'il soutient encore.

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Il est bien étonnant que M. Patrin revienne à l'assertion, que les bouches des volcans qui, suivant lui, sont restés sous les eaux de la mer, ne pouvoient point vomir des matières fondues, mais seulement des matières vaseuses et incohérentes; et que, pour l'appuyer, il donne comme un fait prouvé par l'observation, que « plus la lave est en contact » avec l'atmosphère, plus la fusion est complète; qu'il faut » la combinaison subite de l'oxigène de l'atmosphère, qui » occasionne un dégagement de calorique, pour opérer la >> fusion des matières vaseuses et incohérentes; » car c'est dans cet état d'incohérence qu'il prétend que la matière des laves sort de la bouche du volcan, et qu'elle reçoit sa fusion au contact de l'air.

J'ai cependant prouvé par les faits, avec toute la clarté de l'évidence, dans les Remarques auxquelles répond M. Patrin, qu'il n'existe rien dans la nature de toutes les données sur lesquelles il fonde son hypothèse.

Les bouches des volcans sous-marins, s'il en existe de tels, c'est-à-dire, qui n'aient jamais élevé leur sommet au-dessus de la surface de la mer, vomiroient des matières en fusion, comme ceux dont la bouche s'élève au-dessus de son niveau, parce que la fusion de la lave se fait dans les foyers du volcan, et non pas au contact de l'air. La présence de l'air, loin de contribuer à la fusion de la lave, la fixe et la durcit presqu'aussitôt; c'est par-là que la lave laisse successivement toute sa matière sur le terrain qu'elle parcourt.

« M. Deluc, dit M. Patrin, s'est servi de la comparaison » que j'ai faite du cristal de roche et du verre de volcan bien » limpide, pour se jeter hors de la question, et m'attaquer » comme si je soutenois que le cristal de roche et le verre de » volcan ne sont qu'une seule et même chose. Il lui a paru » sans doute plus aisé de faire cette singulière excursion, que » d'expliquer comment une matière en fusion ignée pouvoit » former au fond de la mer des couches parfaitement régu» lières, et de plusieurs lieues d'étendue, qui se trouvent » même quelquefois au nombre de cinq ou six, stratifiées les » unes sur les autres, sans rien perdre de leur régularité, » tandis que nous voyons les courans de lave du Vésuve et » de l'Etna s'arrêter brusquement au bord de la mer, et s'y » accumuler en forme de promontoire.

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>> C'est encore d'après la comparaison ci-dessus, que M. Deluc » trouve le moyen de me confondre avec ceux qui prétendent que les roches primitives sont le produit du feu, quoique, » dans la lettre même sur laquelle M. Deluc fait ses Remar»ques, j'aie formellement protesté contre toute induction de

» cette nature, qu'on voudroit tirer de la prétendue ressem» blance des cristallites des fournaux avec certaines roches. »

M. Patrin a une manière si extraordinaire de présenter les passages qu'il veut réfuter, qu'on n'y reconnoît plus le sens qui a été exprimé. Il faut donc reprendre ce que j'ai dit, et dans les mêmes termes:

«On pourroit dire, suivant M. Patrin, que le basalte est à » la lave ce qu'est le cristal de roche à un verre volcanique >> parfaitement limpide. » ( Articl, Basalte du nouveau Dictionnaire d'Histoire Naturelle.)

Voici les remarques que j'ai faites sur cette comparaison : Rien n'est plus différent que ces deux substances. Le basalte et la lave ont une origine commune, au lieu que le cristal de roche et un verre volcanique n'ont entr'eux aucun rapport, ni dans leur origine, ni dans leur formation, ni dans leurs parties constituantes. Lorsqu'on fait de telles comparaisons, il n'est aucune erreur où l'on ne puisse être entraîné. De là sans doute, ou de comparaisons semblables, est provenue cette -grande erreur en géologie, que les couches et les substances des montagnes primordiales doivent leur origine au feu : le feu nous offrant chaque jour, disent les partisans de cette opinion, des produits qui leur sont analogues, et méme identiques.

Les conséquences que j'ai voulu présenter dans ces remarques sont clairement exprimées; elles s'appliquent uniquement aux géologues et aux naturalistes qui, croyant voir une analogie et une identité entre les produits du feu et les substances des montagnes primordiales, en ont conclu une même origine. Je n'ai donc point attaqué l'opinion de M. Patrin, ni je n'ai pas dit qu'il pense que le cristal de roche et le verre volcanique ne sont qu'une seule et même chose; je ne me suis point non plus jeté hors de la question, mais j'ai montré que c'est par des comparaisons semblables à celle qu'il a faite entre deux substances qui n'ont entre elles aucun rapport, qu'on est entraîné dans les erreurs que j'ai relevées; car il n'y a pas de différence, quant aux conséquences qu'ont tiré les géologues et les naturalistes dont j'ai parlé, entre sa comparaison et celle qu'on a faite des cristallites vitreuses et de la substance minérale rayonnée appelée trémolite.

L'accumulation sans régularité des laves au bord de la mer, dont parle M. Patrin, arrive quelquefois; ce qui dépend des circonstances et de la matière plus ou moins compacte et homogène de la lave; mais il se trompe beaucoup quand il l'affirme généralement. Je lui rappellerai l'observation qu'a faite M. Dolomieu, rapportée dans son Catalogue des laves de

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