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météoriques, quoiqu'elle n'ait absolument rien de commun avec ces pierres. Le professeur Chladni de Wittenberg avoit donné une hypothèse sur leur origine et sur celle de cette masse de Sibérie. Dans la suite de ses raisonnemens on remarquoit cette étrange opinion qu'il regardoit comme la plus vraisemblable: « que la nature agissant sur la matière créée »pos édoit la faculté de créer des mondes et des systèmes » entiers, de les détruire et d'en former de nouveaux avec. >> les débris des premiers. »

Je donnai une réfutation de ce système fantastique dans une lettre du 5 juillet 1801, insérée au n°. 154 de la Bibliothèque Britannique, et deux mois après parut la lettre de M. Patrin, citée ci-dessus, où se trouve à la page 210, page 7o de sa lettre, le passage que je vais transcrire:

Quant à l'hypothèse de M. Chladni sur la formation des » corps planétaires les uns par les autres, elle ne paroît nul»lement contraire aux, lois de la nature. Pourquoi les globes » qui crculent dans l'espace ne pourroient-ils pas se multi» plier par le moyen de leurs émanations comme les polypes

se multiplient par la division de leurs parties, et comme le » globe du Volvoce se multiplie par le moyen des globules » qui s'échappent de son corps, et qui vont à leur tour en » former d'autres par un mécanisme qui nous est totalement >> inconnu? Aux yeux de la nature un monde et un volvoce » sont gradués, à bien peu de chose près, sur la même échelle » suivant l'expression de M. Chladni; et pourquoi donc leurs » fonctions ne pourroient-elles pas être analogues? L'un » passe sa vie à rouler dans une goutte d'eau, comme l'autre

>> emploie son existence à rouler dans le fluide éthéré. D'un » côté la masse, l'espace et la durée sont plus grands que de » l'autre, voilà toute la différence; elle est considérable à nos >> yeux; mais dans un espace sans bornes et une durée sans fin, » elle s'évanouit complétement. »

Frappé des principes funestes énoncés dans ce passage, j'écrivis des réflexions que j'adressai à MM. les rédacteurs de la Bibliothèque Britannique, sous la date du 18 mars 1802, qui parurent dans le n° 150. Et comme il est vraisemblable que plusieurs lecteurs du Mercure ne lisent pas la Bibliothèque Britannique, il peut être utile que je rappele ici quelquesunes de ces réflexions.

Aucun sujet de physique générale, comme de physique particulière et de morale, ne peut plus intéresser que celui dont il est ici question. Car il importe à l'homme plus que toute autre chose, de se rendre raison, autant qu'il lui est possible, de l'existence de l'Univers; de juger si les globes

qui brillent dans l'immensité des cieux, si les objets qui l'environnent sur la terre, si le soleil qui l'éclaire, si le feu qui l'anime, si l'eau qui l'abreuve et qui fertilise ses campagnes, si les fruits de la terre qui le nourrissent, si l'air qu'il respireet qui vivifie tous les etres, si la lumière qui fait briller à ses yeux les couleurs qui embellissent la nature, sont un résultat produit par une nature aveugle, ou si c'est l'ouvre d'un Etre-Suprême, éternel, tout-puissant, rémunérateur, dont la sagesse infinie embrasse l'Univers.

Il lui importe sur-tout de se rendre compte de sa propre existence, comment il est sur cette terre, si l'intelligence dont il est doué est un effet du hasard, ou si elle est une émanation d'une cause première et divine? Enfin, si aux yeux de cette causepremière, lui, être intelligent, est sur la même ligne que l'insecte qui roule dans une goutte d'eau?

Que sont toutes les recherches en physique comparées à cette recherche? Des objets de détails qui n'intéressent l'homme que pendant son séjour sur la terre, tandis que l'autre, qui embrasse toute son existence, doit l'intéresser vivement sur son origine, sa destination et sa fin.

Peu de personnes sont à portée de fixer leur attention et de méditer sur les faits de physique générale, quoique très-importans: il en résulte que, n'ayant pas acquis les connoissances nécessaires pour apprécier des assertions et des hypothèses telles que celles énoncées dans le paragraphe que je viens de transcrire, on peut être entraîné par ces idées hardies, et se persuader que le globe qui circule dans l'espace, que le monde habité par des êtres sensibles, peuvent bien être en effet comparés à l'insecte globulaire qui roule dans une goutte d'eau, et n'avoir dans la nature pas plus d'importance. De l, au doute sur la cause et l'origine de l'Univers le pas est très-glissant: car de telles idées ne montrent ni grandeur ni sagesse dans le but de la création.

Il n'est pas étonnant que l'astronome et le naturaliste qui se séparent de l'AUTEUR de la nature pour suivre leurs seules. conceptions, errent dans le vague et l'obscurité, confondent toutes choses, placent sur une même ligne des objets qui n'ont. entr'eux aucun rapport, ne voient ni liaisons, ni fins, ni harmonie établies par une cause première intelligente, qui apprécie les facultés, l'importance et la durée de ses créatures; qu'ils ne parlent que de la nature, mot vide de sens quand il est employé à exprimer autre chose que l'ensemble des œuvres du CRÉATEUR, où les lois qu'il a établies pour leur conservation; il n'est pas étonnant, dis-je, que partant de cette cans aveugle, qu'ils sero, ut bien embarrassés de définir e

mêmes, ils comparent les globes qui se meuvent dans les cieux par une marche harmonieuse et constante, a l'insecte micros copique qui roule spontanément dans une goutte d'eau, et qu'er fin ils enseignent que, semblables au polype qui se multiplie par la division de ses parties, ces globes peuvent so multiplier de même par leurs emanations.

Qu'est-ce que ces émanations des planètes auxquelles on fait jouer le rôle du polype ou de volvoce microscopique? Nous connoissons les emanations de la terre, qui est une de ces plani tes. Ce sont des vapeurs et des fluides raréfiés qui s'élèvent dans son atmosphère, où ils reçoivent une nouvelle élaboration, et, par une circulation admirable, retombent sur elle en sources de fertilité et de vie.

Si de la terre nous portons nos regards sur le globe qui éclaire nos nuits et donne un mouvement régulier à la surface des mers, voyons-nous qu'il s'en détache des parties? Depuis ce qu'ont pu nous transinettre la mémoire et les annales des hommes, ne conserve-t-il pas sans altération sa forme sphérique? Son mouvement circulaire autour de notre globe, et celui par lequel il est emporté avec nous autour du soleil, ne sont-ils pas toujours les mêmes, ont-ils éprouvé aucun changement?

Et lorsque de la lune nous élevons notre vue sur les globes qui composent notre système, aidé de nos télescopes, qui les approchent pour ainsi dire sous nos yeux, n'y découvrons

ous pas leur forme sphérique toujours entière, et leur révolution périodique sur eux-mêmes, pour recevoir sur toute leur surface l'influence vivifiante des rayons de l'astre central de leur mouvement?

Les quatre lunes de Jupiter qui éclairent les nuits de cette grande planète, ne circulent-elles pas autour d'elles par un mouvement dont la régularité inaltérable soumet à nos calculs le moment de leur éclipse; et ce retour prévu et annoncé, qui se fait au même instant pour tous les lieux de la terre, devient un moyen certain pour déterminer leur longitude, et certifier au navigateur le point où il est dans cette direction et

qui se

assurer sa route.

Que d'objets intéressans présenterait Saturne environné de son anneau et de ses nombreux satellites, s'il étoit assez près de nous pour que nous puissions observer distinctement et lui-même et tout son cortège! Ce que nous y découvrons, c'est la régularité de leurs mouvemens; le temps toujours égal que chacune de ces petites lunes met quand Saturne revient dans telle partie de son orite, nous présentant tantôt la surface de cet anneau, tantôt sa tranche, qui dans cette posie.

tion, cesse par degrés d'être visible à cause de son peu d'épaisseur comparée à la grande distance où nous sommes de cette planète. Que de merveilles ne découvriroit pas cet anneau mystérieux, si nous pouvions en distinguer toutes les parties!

Les planètes inférieures, dont le mouvement régulier autour du soleil, permet à l'astronome de calculer leur retour sur la ligne directe du soleil à la terre, ne nous montrentelles pas alors la rondeur inaltérable de leur disque sur la surface lumineuse de l'astre du jour? Je me rappelle toujours avec le même plaisir, celui que j'éprouvai le 6 juin 1761, lorsque je vis le soleil se lever avec la planète Vénus sur son disque; cette jolie mouche, si nette, si distincte, si parfaitement ronde qui le traversoit lentement, et l'ayant dépassé, disparut aux yeux de l'observateur.

Je n'omettrai pas la planète Mars parcourant solitairement son orbite. C'est elle sur-tout qui, dans l'enfance de l'astronomie, présentoit dans ses mouvemens, comme étant les plus apparens, des difficultés insolubles. Tantôt paroissant avancer sur sa route avec une vitesse accélérée, tantôt paroissant rétrograder, ou se montrant stationnaire; ses contradictions apparentes jetoient du doute sur la régularité du mouvement des astres, et donnoient lieu à cette hypothèse d'épicicles, dont la complication devenoit ridicule. Le télescope, cet instrument successivement perfectionné, dont l'invention fait un si grand honneur à l'esprit humain, ouvroit enfin un champ nouveau et lumineux à l'observation. Les phases très-distinctes de Vénus et de Mercure furent un trait de lumière. Il en partit un autre des apparences de Mars. Le télescope en nous découvrant son disque, le fit voir beaucoup plus grand quand la terre est entre le soleil et lui, que lorsque Mars parvenu à l'autre extrémité de sa course, la terre en est plus éloignée de tout le diamètre de son orbite. Le soleil mis alors à sa place réelle, au centre de l'orbite de la terre et des planètes, toutes les positions s'expliquèrent avec la plus grande clarté, et les irrégularités apparentes dans les mouvemens firent place à la régularité la plus harmonieuse. Ah! si le télescope pouvoit de même découvrir à notre vue les merveilles des globes qui brillent dans le ciel, que d'objets et de combinaisons sublimes s'offriroient à notre contemplation!

Et le Soleil!.... Cet astre dont les merveilles surpassent l'intelligence de l'homme, dont les émanations annoncent si magnifiquement la sagesse infinie et la toute-puissance de l'Etre éternel qui le créa et l'environna de splendeur, n'est-il pas toujours le même ? N'est-il pas comme il a toujours été, la source de la vie de tous les êtres placés par la même sagesse

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MERCURE DE FRANCE,

sur les globes que sa masse et son influence retiennent autour de lui, dont le nombre, qui nous est inconnu, a été déterminé par le CRÉATEUR des cieux et de la terre.

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Arrêtons-nous encore quelques momens sur le globe que nous habitons considéré comme planète. Sur quoi sont fondés les calculs de l'astronomie qui déterminent l'époque des saisons, le lieu du zodiaque où devront se trouver dans le cours de l'année, le soleil, la lune et les planètes, sinon sur le mouvement régulier de la terre, de la lune et de ces mêmes planètes, et sur l'inclinaison invariable de son axe sur le plan de son orbite? Sa révolution journalière sur elle-même, qui, aux beautés et à l'activité du jour fait alternativement succéder le silence et le repos de la nuit, à la clarté brillante du soleil, la lumière douce de la lune et des étoiles, à qui estelle dae? Car rien dans la nature n'a pu lui imprimer ce mouvement. N'est-ce pas par une conséquence rigoureuse à cette volonté première, à la voix de laquelle toute la nature obéit? Tous ces faits sublimes qui se passent sous nos yeux, et dont nous avons le sentiment intime, n'annoncent-ils pas l'ou vrage d'un Etre dont la toute-puissance préside sur l'Univers?

Que sont les froides démonstrations des sciences exactes, quand elles se séparent de la source divine de l'intelligence de l'homme, comparées à l'évidence qui naît du spectacle de la nature, dont les démonstrations brillant du plus grand éclat, nous élèvent par le cœur et le sentiment vers le Dieu créateur des cieux et de la terre!

J'ai remarqué que le télescope est une invention qui fait le plus grand honneur à l'esprit de l'homme, et qui annonce l'élévation de son origine. Mais au lieu de remonter à la source divine d'où il a reçu son intelligence, et qui a donné l'être aux substances qu'il sait mettre en œuvre pour lui en rendre graces, il n'applaudit bien souvent qu'à ses seules conceptions et à son industrie, et pense qu'il ne doit rien qu'à elles seules. Cependant ce n'est pas lui qui s'est donné la vie et l'intelligence; ce n'est pas lui qui a formé la matière vitrescible, les sels et les minéraux dont il compose ses miroirs et ses verres; ce n'est pas lui qui a donné l'existence au feu, cet agent si puissant renfermé, sans être aperçu, dans les substances qu'il emploie, et qui est prêt à le servir quand il sollicite son assistance; ce n'est pas lui qui a créé l'air qui donne l'activité à ses fourneaux; ce n'est pas lui qui a produit la Jumière sans laquelle toute la nature seroit sans vie dans les ténèbres et le chaos. Il ne sait pas même comment les subs tances qu'il emploie produisent par leur combinaison les effets qui en résultent. Les termes nouveaux en physique et en

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