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chimie qu'on a substitué aux anciens, ne lui ont pas donné plus de science. Un physicien célèbre a dit à cette occasion: « Il semble qu'on veuille faire consister la science dans les » mots, ou s'emparer de l'opinion par l'attrait de la nou

>> veauté. >>>

Tous les globes qui sont à la portée de notre observation, montrant dans leurs mouvemens la plus constante et la plus parfaite harmonie, annonçant un ordre inaltérable qui accomplit les fins auxquelles ils furent destinés par la Sagesse éternelle, n'est-il pas de la saine raison et de l'analogie la plus exacte d'en conclure, que tout dans l'Univers ayant été ordonné par la même Sagesse, le même ordre doit y régner dans toute son étendue ? C'est donc une témérité que rien ne peut justifier, que d'y supposer des dérangemens sujets aux mêmes fluctuations que les conceptions humaines.

Sur quoi donc sont fondés ces systèmes qui détruisent les globes qui existent, pour en former de nouveaux avec leurs débris sous l'influence d'une nature aveugle; qui brisent les planètes par des chocs et des explosions qui ne peuvent arriver, et donnent le jour à des comparaisons si étranges qu'elles ne peuvent être comparées qu'à elles-mêmes? Car en rapprochant les objets, il résulte que le globe terrestre avec ses habitans est comparé à l'insecte que l'oeil nu ne peut apercevoir.

On se garderoit bien de parler de DIEU, de CREATEUR, de PROVIDENCE dans cette école des philosophes de nos jours. Aussi les conceptions qui en émanent sont-elles dignes de cette nature aveugle qu'ils encensent.

Les membres de cette école ne cessent de donner l'essor à des hypothèses qui supposent dans l'arrangement de l'Univers un concours fortuit de causes aveugles qui peut se détruire comme il a pu se former. Ils ne se font aucun scrupule de donner des formes fantastiques aux vérités les plus évidentes, à celles mêmes où brillent avec le plus d'éclat la sagesse infinie et la toute-puissance de l'Auteur de l'Univers. Cette disposition de l'esprit devient le plus grand obstacle dans toutes les recherches pour parvenir à la connoisance de la vérité. N'étant point retenu dans les conceptions que sug gère l'imagination par ce sentiment intime que tout dans la nature doit son existence à une cause infiniment sage, et que tout s'y maintient par les lois qu'elle y a établies, on ne cherche point à concilier ses idées avec ce but sage et permanent, on adopte tous les plans de l'imagination dans quelque égarement qu'elle entraîne; et, comme je l'ai déjà exprimé, tout paroît possible jusqu'à l'impossibilité.

Que ceux qui se plaisent et s'égarent dans ces tristes conceptions les gardent pour eux: aucun homme raisonnable ne les leur enviera. Mais les répandre pour enlever aus hommes inattentifs et hors d'état de les apprécier, les douceurs et les consolations qui naissent des sentimens religieux, c'est se rendre bien coupable.

L'homme habitant de cette terre ou planète qui, aux yeux de la nature (être d'imagination) est graduée, à bien peu de chose près, sur la méme échelle que l'insecte qui roule dans une goutte d'eau, qu'est-il aux yeux de cette nature, et dans les conceptions de ceux qui font cette étrange comparaison? Comment existe-t-il? A-t-il paru fortuitement sur la terre? Quelle est selon eux son origine? Est-elle un accident qui se détruira avec le globe qu'il habite, pour reparoître sous telle autre forme qu'il plaira à leur fantaisie d'imaginer, ou pour ne plus reparoître du tout?.... Que devient l'intelligence humaine quand elle se sépare de la source divine de son existence!

Les hommes élevés à cette école ne sentent pas que rien n'élève davantage l'homme, et ne le distingue plus éminemment de toutes les autres créatures, que cette vérité révélée, que son ame fut faite à l'image de son CREATEUR, auquel il doit l'hommage des fruits de son intelligence.

L'homme créé libre peut choisir sans doute; et quand se laissant dominer par la présomption, il méconnoît son CREATEUR, alors il se dégrade et tombe de cette prééminence. . C'est là où réside la source des maux qui ont tourmenté si cruellement la société. Eh qui pourroit en assigner le terme !... Il n'arrivera que lorsque les hommes persuadés enfin que les conceptions humaines ne sont que vanité, reviendront aux préceptes de charité, de vérité et de justice enseignés par le Divin modèle de toute sagesse.

Mais l'astronome et le naturaliste qui ne perdent pas de vue l'AUTEUR de leur existence, en contemplant ses ouvrages, se sentent environnés de sa présence, éclairés de sa lumière et fortifiés par sa toute-puissance. Ils voient par-tout sagesse, bonté, harmonie, et dans les choses que l'homme ne peut comprendre, (elles sont en grand nombre!) ils s'en remettent avec confiance à la sagesse suprême.

Toute la nature proclame à leurs yeux et à leur entendement, l'ouvrage d'un Etre puissant et sage, dont la Provi dence veille à la conservation. Toute la nature proclame à. leurs yeux et à leur entendement que l'homme, être intelligent, doué par sa raison de la faculté de s'élever jusqu'à l'AUTEUR de son existence, et de lui rendre graces pour toutes

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créatures, est un des principaux objets de ses soins sur la tre, et le sera sur tout dans une vie future, où l'ame de tomme vertueux, dégagée de son enveloppe mortelle, conuplera de plus près le CRÉATEUR de l'Univers, et emploiera a existence à le glorifier! Cette vérité sublime et consolante, vélée à l'homme par l'AUTEUR de ses jours, qui lui est anoncée dans nos livres sacrés et par les annales du genre amain, peut seule satisfaire sa raison, donner du repos à ses ensées, remplir les desirs ardens de son ame, et le rendre

eureux.

Aussi l'homme raisonnable et religieux, puise-t-il avec lénitude dans ces contemplations, des motifs d'admiration, adoration et de reconnoissance, dignes de son ame immor lle qui fut faite à l'image de Dieu!

Genève, le 5 novembre 1806.

G. A. DELUC.

OPERE POSTUME DI VITTORIO ALFIERI. OEuvres Posthumes de Victor Alfieri.

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ALFIERI est presque le dernier écrivain dont l'Italie puisse glorifier aux yeux des Etrangers. Ce n'est pas qu'elle n'ait grand nombre de poètes célèbres; mais on sait ue cette épithète ne prouve rien chez cette nation, à qui l'exaération dans les éloges est plus familière qu'à toute autre. es ouvrages les plus vantés de ces poètes sont presque aussi épourvus d'idées que ces nombreux sonnets qui naissent et mearent en un jour dans chaque ville d'Italie, et qu'on y pand avec une égale profusion pour les événemens les plus atiles ou les plus importans, au début d'une actrice ou d'une anseuse, comme à la nouvelle d'une victoire ou d'un traité paix. Ce vide d'idées paroît sur-tout dans les ouvrages qui gent beaucoup d'invention et de génie, tels que les poèmes ramatiques. Les tragédies les plus en vogue dans toute l'Itae, ne sont ordinairement que des espèces de centons comosés de lambeaux de pièces françaises, mal adaptés les uns x autres. Plusieurs pièces d'Alfieri sont donc, avec la Mérope e Maffei, toute la richesse de la littérature italienne dans le enre tragique. Ce n'est pas que ces pièces puissent être comarées à celles de nos grands maîtres. Alfieri a peu d'inention. Ses tragédies les moins défectueuses ne sont point ortement conçues. Les personnages parlent beaucoup, et n'aBissent point. En s'interdisant mal-à-propos les confidens,

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le poète se met dans la nécessité de multiplier les monologue et de renoncer à ces développemens de passions qui sont riches et si éloquens sous la plume de nos grands tragique Ainsi, pour éviter le foible inconvénient d'introduire un o deux personnages qui ne prennent qu'une part secondaire l'action, il tombe souvent dans la sécheresse, et même dan l'invraisemblance. Ces défauts sont rachetés en partie part sagesse et la simplicité des combinaisons, sur-tout par chaleur du style, et par une précision énergique dans le dia logue, qui peut-être n'a été portée plus loin par aucun poeta Voilà de véritables beautés qui durent d'autant plus frapper les compatriotes de l'auteur, qu'elles étoient plus nouvelle dans leur littérature.

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Parmi nous, Alfieri n'étoit guère connu que des gens lettres; mais plusieurs scènes de ce poète ayant été trans portées avec succès sur le Théâtre Français, sa réputation s'es plus généralement répandue. On apprendra donc peut-être avec intérêt que l'on vient de publier à Florence la première livraison de ses œuvres posthumes, qui étoient attendue depuis long-temps. Je ne dirai point avec l'emphase vrai ment italienne des éditeurs, que tout éloge de ces œuvre seroit désormais superflu; que la réputation de l'immorte auteur est si solidement étabrie, qu'elle ne peut étre ni accrus par les éloges de ses contemporains, ni obscurcie par la critiques de l'envie. Je pense, au contraire, qu'on peut tou jours se méfier des collections complètes, sur-tout lors qu'elles sont posthumes. Mais quand celle-ci ne seroit pa également intéressante dans toutes ses parties, ceux qui veulen connoître, du moins en résumé, l'état de la littérature étrangère, aimeront à jeter un coup d'œil sur les dernières productions d'un écrivain célèbre, et toujours original dans ses défauts comme dans ses beautés. Les six premiers volumes que j'ai en ce moment sous les yeux, contiennent la Mort d'Abel, la première et la seconde Alceste d'Euripide, l-s Perses d'Eschyle, le Philoctete de Sophocle, les Grenouilles d'Aristophane, XIX satyres; enfin, la Traduction de Salluste et de Térence. O nous promet d'ici à peu de mois sept autres volumes, qui renfermeront une traduction complète de Virgile en vers, six Comédies, des Poésies diverses, et la Vie de l'Auteur, écrite par lui-même.

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Je parlerai d'abord des deux Alceste. La première est, comme le titre l'annonce, la traduction de l'Alceste connue d'Euripide. Alfieri met aussi la seconde sous le nom de ce poète; et sans doute le lecteur s'est déjà demandé quelle est

te autre Alceste qui avoit échappé jusqu'ici à toutes les cherches des savans. Voici son histoire :

Alfieri étant à Florence en 1794, y acheta un paquet de eux livres, parmi lesquels se trouvoit un manuscrit grec, int le titre offroit le nom d'Alceste et d'Euripide. Il n'y fit ors aucune attention; mais quelque temps après, s'étant livré lec ardeur à l'étude du grec, dont jusque-là il savoit à peine alphabet, il commença à lire dans leur langue les premiers bitres du bel art qu'il avoit long-temps pratiqué sans connoître les premiers monumens. Il lut successivement schyle, Sophocle, Euripide, et fut sur-tout si touché de l'Aleste de ce dernier poète, qu'il s'appliqua à la traduire. A peine util commencé ce travail, qu'étant embarrassé sur le ths d'un vers, où le texte lui paroissoit altéré, il se ressouvint son manuscrit. Il veut aussitôt le consulter: il cherche ong-temps en vain le passage qui l'embarrasse; et ce n'est après y avoir perdu bien du temps, qu'il soupçonne d'ajord, et qu'il reconnoît ensuite une Alceste toute différente le la seule qui fût parvenue jusqu'à nous. Ravi de cette lecouverte, il les traduit toutes deux; et après bien des nuits lérobées au sommeil, il se prépare à faire paroître la nouelle Alceste, accompagnée de la version, de notes savantes ar le texte, de conjectures, de dissertations, de remarques le toute espèce. Le jour venu où tout ce grand travail alloit tre livré à l'imprimeur, l'auteur ouvre la cassette à laquelle I avoit confié le précieux manuscrit ; mais, ô disgrace impré

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le trésor en avoit été enlevé! I bouleverse tous ses papiers, il retourne son cabinet, il s'obstine en vain à cherher pendant plusieurs jours. Désespéré d'une perte si imporante, Alfieri prend un parti auquel on finit toujours par se résoudre dans des malheurs encore plus grands: il va se mettre au lit. A peine le sommeil fermoit ses yeux, qu'un portrait d'Euripide, qui ét it suspendu dans sa chambre paroît s'animer et sourire en le regardant. Cest ce poète qui ni parle «Ne t'afflige plus, lui dit-il, de la perte de ton manuscrit; ma volonté expresse est que tu ne le revoies jamais. Je le ferai paroître quand il en sera temps. J'ai voulu t'éviter aujourd'hui le ridicul de prétendre pa ser pour érudit, toi qui ne le fus jamais. Puisque tu as traduit exactement tes deux Alceste, tu peux les faire paroître. Seulement, je te défends toute préface, toute note, toute dissertation. Le simple récit de ce qui t'arrive aujourd'hui sera suffisant. Encore t'est-il prescrit de le faire en humble prose, pour ne pas lui donner l'apparence d'une imagination poétique. »> Ce discours, que j'abrège beaucoup, nous fait connoître

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