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ABEL. :

Dis-moi, quel est mon crime?.... Mais, oh ciel, comment puis-je te parler, quand tu jettes sur moi ces regards farouches! Les narines et les veines gonflées; la flamme et le sang dans les yeux; les lèvres et le visage livide; ce tremblement qui agite et tes genoux, et tes bras et ta tète.......... Grace, mon frère. Calme-toi un peu; laisse échapper mes cheveux.. que je puisse respirer.

CAÏN.

Abel, je ne t'aurois jamais cru un perfide.

ABEL.

Je ne le suis pas : notre père le sait; tu le sais toi-même.

CAÏN.

Notre père! Ne m'en parle pas. J'ai cru qu'il nous voyoit tous deux avee des yeux de père ; je l'ai cru juste; il m'a trompé.

ABEL.

Que dis-tu? Peux-tu douter de son amour? A peine ce matin nous avoistu quitté, qu'inquiet sur ta vie, plein de craintes mortelles, notre père m'envoyoit sur tes traces.....

CAÏN.

Je le sais, perfides que vous êtes : voilà la preuve horrible, indubitable, de la méchanceté de mon frère, de l'injustice plus odieuse de mon père. On m'a révélé tout cet affreux secret. Mais j'y suis résolu : tu ne seras point heureux à mon préjudice; non,

jamais.

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ABEL.

Ah! par ce Dieu qui nous a créés, qui nous conserve tous deux, je t'en conjure, daigne m'entendre : quelle offeuse t'ai-je fait? Quel secret t'a-t-on révélé ? Oh Dieu! ne vois-tu pas mon innocence sur mon visage, dans mes yeux, dans mes paroles, dans mon maintien? Moi, heureux à ton préjudice! Abel peut-il être heureux, si tu ne l'es pas ? Ah! que ne m'as-tu vu, lorsqu'à mon réveil je ne t'ai pas trouvé à mes côtés! Que de pleurs j'ai versés avec nos parens! Dévoré d'inquiétude, j'ai employé tout le jour à te chercher, à t'appeler en vain

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jusqu'aux bords du fleuve, dont j'ai tremblé qu'en nageur robuste tu n'eusses franchi les vastes ondes.....

Che rispondea lontana : ed io più sempre
Mi venia dilungando seguitandoti
Fin là sul fiume; oltre le cui largh' onde
Tremai che tu, qual nuotator robusto,
Varcato fossi....

CAINO.

E di quel fiume ardisci,
Tu temerario, a me muover parola?
Tremasti, il credo, che varcatol' io,
Tolta fosse in eterno a te la speme
Di mai varcarlo tu. Col vero, il falso
Mescere anch' osi? e che di là mia voce
Ti risponde se, assévri? Ma omai giunto
È il fin d'ogni arte iniqua: invan miei passi
Antivenir quivi tentasti: in tempo.

Ti soprarrivo, il vedi : or, non che il fiume,
Del Ciel pur l'aure non vedrai più mai.
Ch'io t'annichili; prostrati.

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CAÏN.

Et tu oses, téméraire, me parler de ce fleuve? Tu as tremblé, je le crois, que je ne l'cusse passé. Tu as craint de perdre l'espoir de le passer jamais toi-même.

Mais tu t'es flatté en vain d'y arriver avant moi. Je te préviens à temps, tu le vois. Non-seulement le fleuve, le jour même est perdu pour toi. Meurs, il en est temps.

ABEL.

Retiens tes coups, ne'me frappe pas: vois, je me jette à tes pieds, j'embrasse tes genoux. Ah! retiens ton bras. Ecoute-moi. Le son de ma voix t'appaisa si souvent dans nos campagnes quand tu étois irrité, tantôt contre les stériles sillons, tantôt contre mes agneaux; mais jamais tu ne le fus comme aujourd'hui. Frère chéri....

Je ne suis plus ton frère.

CAIN.

ABEL.

Je suis toujours le tien; et toi-même tu es encore mon frère : j'ai confiance en toi; je suis innocent. Je le jure par les auteurs de nos jours: je n'ai jamais rien su de ce fleuve; je ne comprends rien à tes reproches.

CAÏN.

Tant de malice, tant de duplicité dans un age si tendre! Ah! ta fausseté redouble encore ma rage; vil menteur....

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Et moi je t'aime encore. Frappe-moi, si tu veux. Je ne résiste pas, tu le vois; mais je ne le mérite pas.

CAINO.

Eppur, quel pianto suo; quel giovenile
Suo candor, che par vero, e il dolce usato
Suon di sua voce, a me fa forza : il braccio
Cademi, e l'ira. Ma, il mio ben per sempre,
Stolta pietade or mel torria?... Me lasso!
Che risolvo? che fo?

ABÉLE.
Fra te, che parli?
A me ti volgi: mirami: tu indarno
Ora il viso mi ascondi : infra le atroci
Orride smanie tue, sì, balenommi
Dall' umido tuo cigli un breve raggio
D'amor fraterno e di pietà. Ti prenda
Deh pietà, sì, della mia giovinezza,
E di te stesso. Oh! credi tu, che Iddio
Poscia mai più nè i preghi tuoi, nè i doni,
Gradir vorrà, se del fraterno sangue
Tinto ei ti vede? E la misera nostra
Ottima madre, che d' entrambi i figli
Orba cosi faresti? perchè, al certo,
Ucciso me, non ardiresti ad essa

Innanzi mai, mai più, venirie. Ah, pensa
Qual, senza noi, vivria quella infelice:
Pensa.....

CAINO.

Ah, Fratello! il cor mi squarci a braní : Sorgi omai, sorgi: io ti perdono: in questo Abbraccio..... Ma, che fo? che dissi? Iniquo, Prestigio sono i pianti tuoi ; non dubbio É il tradimento tuo; perdon non merti; Nè ti perdono io, no.

ABÉLE.

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CAINO.
Io, si, ritorno

Qual teco deggio. Or, sia che vuol; quel bene
Si nieghi a me, pur che a costui si nieghi. »
Non più perdon, pietà non più; non havvi
Più, ne fratel, nè genitor, nè madre.
Già d'atro sangue l'occhio mi si offusca;
Un mostro io scorgo ai piedi miei. Va, muori.
Chi mi rattiene?... Chi mi spinge il braccio?...
Qual voce tuona?

ABÉLE.

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CAÏN.

Et cependant ses pleurs, sa jeune candeur, qui paroît sincere, et Pont de sa voix si long-temps doux à mon oreille, maîtrisent ma Cole, et mon bras tombe avec elle. Mais quoi! une folle pitié me rafiroit mon bien pour toujours?.... Malheureux ! que résoudre ? Que faire

ABEL.

Que dis-tu en toi-même? Tourne-toi vers moi; regarde-moi. En vain to me caches ton visage oui, au milieu de tes affreux transports, j'ai vu briller dans tes yeux humides un rayon fugitif d'amour Baternel et de pitié. Ah, oui! prends pitié de ma jeunesse et de toi-même. Quoi penses-tu que Dieu veuille jamais agréćer tes prières et tes dons, s'il te voit termo-de sang de ton frère? Et notre malheureuse, notre excellente mère, que tu priverois ainsi de ses deux fils; car, sans doute, moi tué, tu n'oserois jamais, non jamais, retourner vers elle. Ah! pense combien, sans nous, elle vivroit malheureuse; pense....

SEIN

CAIN.

Ah, mon frere! tu déchires mon coeur. Lève-toi, c'en est fait, lève-toi, Je te pardonne. Dans cet embrassement.... Mais, que fais-je? Que dis-je? Perfide, tes pleurs sont un prestige; ta trahison est certaine'; tu ne méritos pas de pardon; non, je ne te pardonne pas.

ABEL.

Que vois-je? Ta colère renaît encore plus cruelle ?

CAÏN.

Oui, je redeviens tel que je dois être avec toi. Oui, le sort en est jeté. Que je perde ce bien précieux, pourvu que tu le perdes aussi. Plus de pardon, plus de pitié; plus de frère; plus de parens. Déjà un voile sanglant s'étend sur ma vue; je vois un monstre à mes pieds. Allons, meurs, Qui me retient?.... Qui me pousse le bras?..., Quelle voix a tonné?

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Dieu? Je crois l'entendre; je crois le voir : térrible, il me poursuit.. ¿¿ Déjà je vois ma beshe ensanglantée retomber sur moi,

ни

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