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Tal è l'uom; tal fu sempre: unico perno
È in lui la speme ed il timor perenne;

E tu vuoi torglie paradiso e inferno.

« L'homme qui a reçu la mollesse en héritage et qui » est rassassié de plaisirs, peut aimer à s'égayer sur les choses » sacrées; la prospérité le rend incrédule; mais le temps » jaloux a-t-il rongé et détruit les bases les plus solides des »Etats, alors celui qui ne croyoit pas, reconnoît un Dieu; » il maudit l'athée cruel qui lui enlevoit tout, et qui ne lui » laissoit à la place qu'une mort furieuse. Il bénit celui qui » opéra des prodiges; il adresse au ciel d'ardentes prières, et, » dans l'espoir d'un avenir éternel, il se console de ses pertes. » Tel est l'homme, tel il fut toujours: son seul appui, c'est » l'espérance et la crainte de l'éternité; et toi tu veux lui ôter et paradis et enfer. »

Si les apologies religieuses d'Alfiéri ont de quoi surprendre, la haine cordiale qu'il nous a vouée, à nous autres Français, ne mérite guère moins d'être remarquée; elle est telle qu'il paroît perdre la tête toutes les fois que le mot France se trouve sous sa plume. Voici, par exemple, les complimens qu'il nous adresse dans le premier chapitre des Voyages:

Taccio il civile, barbaro, bugiardo,
Frasario urbano d'inurbani petti,
Figlio di ratte labra et sentir tardo.
Che val (grido) ch' io qui più tempo aspetti ?
Di costor, visto l'un, visti n' hai mille,
Visti gli hai tutti: a che più copie incetti ?

Senza stampa, la moda scaturille,

Quindi scoppiettan tutte a un sol andazzo
Le artefatte lor gelide faville.

Tornommi in mente allor, ch' io da ragazzo
Visti avea quanti fur Galli, e saranno;
Che il mi'mastro di hallo era il poppazz.
E ignaro allora io pur, che con mio danno
Vi dovrei poscia ritornare un giorno,
Cinque mesi mi pa ou più che l'anno.

« J'apprécie bientôt ce langage à la fois civilisé, barbare et » trompeur, ces phrases si polies de gens qui ne le sont pas, » aussi prompts à parler que lents à sentir. Pourquoi, m'é» criai-je, attendrois-je ici plus long-temps? Qui en a vu » un, en a vu mille, les a vus tous. Que faire de pareilles >> machines? Sans caractère, produites par la mode, le » même art les anime toutes, et leur fait jeter au premier >> choc toutes leurs froides étincelles. Je me rappelai alors » que j'avais vu dès mon enfance tout ce qu'il y eût et tout » ce qu'il y aura jamais de Français, et que mon maître à

» danser en étoit le portrait fidèle. Ne prévoyant pas que, » pour mon malheur, je dûsse jamais retourner chez eux, >> cinq mois que j'y passai me parurent plus longs qu'une

>> année entière. »

On pourra demander pourquoi Alfiéri consentit à s'ennuyer cinq mois chez un pareil peuple; pourquoi il y revint peu de temps après; pourquoi ily jouit pendant plusieurs années de l'accueil qu'on y faisoit à tant d'étrangers, qui payoient notre hospitalité, en décriant sans cesse notre gouvernement, nos mœurs et nos lois? Mais si l'on veut savoir la vraie cause de tant d'aigreur et de haine, ce sont les crimes et les malheurs dont nous avons été, pendant dix années, témoins et victimes. Alfieri ne put nous pardonner d'avoir démontré à nos dépens combien sont dangereuses toutes ces rêveries politiques qui l'avoient bercé si long-temps, et quel usage la tyrannie populaire sait faire de ces mots de liberté, d'égalité, de haine pour les tyrans, de ces principes de révolte et d'insurrection qu'il a semés dans tous ses ouvrages. Au lieu de désavouer ces principes funestes, il a mieux aimé calomnier le caractère national. Cependant, si un peuple qui ne passa ja mais ni pour lâche, ni pour cruel, a pu souffrir tant de crimes, et s'est courbé si long-temps sous un joug ensanglanté, faut-il accuser son caractère, ou bien les circonstances dont la force l'entraînoit, et sur-tout les malheureux sophistes qui, pour mieux le livrer à ses oppresseurs, avoient commencé par dépraver ses mœurs et par corrompre sa raison.

Le nom d'Alfiéri est la seule cause qui ait fait donner autant d'étendue à ces observations sur des satyres bien peu dignes de leur auteur. Dans les trois articles, dont ses OEuvres posthumes ont été l'objet, je me suis attaché à concilier l'intérêt de l'art et la vérité avec les égards dus à un poète célèbre. Je ne serois pourtant pas étonné que quelques-uns de ses compatriotes, accoutumés à ne caractériser les écri vains de leur nation que par des superlatifs, ne m'accusassent de sacrilege, pour avoir osé mêler la critique à l'éloge; je les prierai d'observer que j'ai parlé seulement de ce qu'un étranger peut critiquer avec parfaite connoissance de cause. Si je me suis permis incidemment quelqu'observation sur le style, j'ai dit non-seulement ce que j'ai senti, mais ce que j'ai entendu dire à plusieurs Italiens très-éclairés.

C.

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Observations faites le 1 octobre 1806, sur l'Eboulement du Ruffiberg, dans le canton de Schwytz; lues à la Société de Physique et d'Histoire Naturelle de Genève, le 30 octobre.

Les montagnes, par l'action de l'eau, de l'air et des gelées, tendent toutes à se décomposer, à s'abaisser, à rentrer dans le fond des mers, dont elles sont probablement sorties, et où elles se forment peut-être de nouveau.

Cette décomposition s'opère le plus souvent par des voies tellement leutes, qu'elle échappe à nos observations; mais d'autres fois elle s'annonce par des éboulemens inattendus, qui bouleversent une contrée entière, en anéantissent les habitans, et ne laissent que l'image de la destruction et du chaos: tel est l'éboulement qui a eu lieu, le 2 septembre de cette année, dans le canton de Schwytz.

On a déjà plusieurs descriptions de ce triste événement; mais les unes sont incomplètes, d'autres sont inexactes, et aucune ne donne des recherches précises sur les causes qui l'ont produit. Ces observations pourroient avoir de l'utilité, si elles rassuroient les habitans des montagnes, qui, sur de fausses apparences, redouteroient de semblables catastrophes, et si elles en éloignoient ceux qui restent exposés à un danger réel, dans une imprudente sécurité.

Les éboulemens en quelque sorte spontanés qui ont eu lieu dans différentes contrées, indiquent que les montagnes qui semblent annoncer une chute prochaine, par la trop grande inclinaison de leurs couches, et par un défaut d'agrégation dans leurs parties, ne forment pas des écroulemens capables de dévaster, tout d'un coup, la contrée qui les avoisine, si ces couches ne varient point dans leur état d'agrégation et dans leur composition. Elles produisent, sans doute, des avalanches pierreuses; mais leur chute en général est successive et presque régulière : l'on observe de jour les effets qu'elle produit, et l'on peut d'avance se mettre à l'abri de leur influence. C'est ainsi que les éboulemens journaliers qui ont lieu dans le Mont-Blanc et dans les Aiguilles qui l'avoisinent, ne produisent point de catastrophes redoutables pour les habitans de cette contrée.

Mais si la composition de la montagne varie, si une ou plusieurs couches dures et inclinées succèdent à une ou plusieurs couches tendres et succeptibles d'être décomposées par les eaux, la couche dure reste intacte, tandis que celle qui

Jui est inférieure se détruit. Il se forme dans l'intérieur de la montagne, par effet de cette destruction, un espace vide, ou Į rempli d'une substance molle et incohérente. La couche supérieure encore entière, manquant alors de point d'appui, s'éclate, s'affaisse à la fois dans tous les points, en prenant la place de la couche décomposée, et elle croule au pied de la montagne, avec une vitesse proportionnée à son degré d'inclinaison, et au mouvement acquis dans l'acte de l'affaissement. Telle est à-peu-près l'esquisse des causes qui ont déterminé l'écroulement des Diablerets, celui de la montagne de Chede, près de Servos; et enfin celui du Ruffiberg, ou mont Rouffi, dont je m'occupe aujourd'hui.

Cette montagne, à laquelle on donne aussi le nom de Rossberg, est composée de plusieurs paroisses et métairies, qui portent chacune le nom de montagne; mais ces divisions sont arbitraires, elles ne sont déterminées par aucune coupure ou division naturelle; ainsi les noms de Gnippe, de Spitzbuhl, de Steinerberg, de Rossberg, qu'on a donné dans quelques relations à la montagne écroulée, ne sont que différens pâturages du Ruffiberg, par lesquels l'avalanche a passé. J'adopte d'ailleurs cette dernière dénomination, préférablement à celle de Rossberg, parce qu'il pourroit y avoir équivoque avec le Rotzberg, montagne trés-différente dans le voisinage de Stantz.

Le Ruffiberg est élevé, suivant M. Ebel, de huit cent six toises au-dessus de la mer, et de cinq cent quatre-vingt-six toises au-dessus du lac de Zug, ou du fond de la vallée d'Arth, dans laquelle la montagne s'est en partie écroulée.

Cette vallée, riche en pâturages, est dans une position pittoresque; elle est terminée par deux lacs, celui de Zag au nordquest, et celui du Lowertz au sud-est. Elle est formée par deux montagnes, le Ruffiberg au nord, et le mont Rigi au midi. Sa longueur est d'une lieue et demie. Sa largeur est d'un quart de lieue à son extrémité occidentale vers Arth, village situé au bord du lac de Zug, et d'une demi-lieue à son extrémité opposée vers le lac de Lowertz.

Le Ruffiberg est composé de couches de poudingue et de couches de grès, qui descendent vers le fond de la vallée 'd'Arth, parallèlement à la pente de la montagne, sous un angle de 25 degrés.

La similitude qui règne entre la composition et la disposi tion du Rigi et du Ruffiberg, a fait présumier à MM. Ebel et Echer, que ces deux montagnes ont été autrefois réunies: clies 'sont l'une et l'autre composées de pierres arrondies par les eaux, et de sable agglutiné par un ciment en partie calcaire,

et en partie argileux, qui a très-souvent une couleur rouge. Ce ciment, qui est assez dur, se détruit à la longue par l'action de l'air et de l'eau; et la surface du rocher prend, par cette destruction, l'apparence d'un pavé déchaussé. Les cailloux dont il est formé sont, pour la plupart, des pierres de chaux carbonatée, d'un gris jaunâtre; elles ont la cassure matte et compacte des pierres calcaires secondaires. Je n'y ai cependant point vu de pétrifications. On y trouve encore des pétrosilex secondaires, des quartz, des jaspes rouges, des grès rou geâtres, et enfin des granits; mais ces derniers y sont rares: ils ont toujours une couleur rouge, et pourroient aisément se laisser confondre avec des porphyres. Il est remarquable que tous ces cailloux n'aient aucun rapport avec le genre de pierres des montagnes les plus voisines, qui sont calcaires, bleues, et à grain lamelleux ou salin. Il est remarquable encore qu'ils n'aient jamais un volume qui excède sept à huit pouces dans tous les sens.

La révolution qui a accuntulé dans ce lieu cette énorme quantité de cailloux roulés, et probablement venus de loin, a été suivie d'une autre révolution postérieure, qui a amené sur ces poudingues et dans le fond de la vallée, de gros blocs de granit analogues à ceux qu'on trouve sur le Jura et sur Saleve. J'en ai vu de pareils sur le Rigi, et jusqu'à une hauteur d'environ deux cents toises au-dessus du lac de Lucerne, en montant sur cette montagne du côté de Weggis. J'en ai vu encore sur le Ruffiberg, et jusqu'à une hauteur d'environ quatre-vingts toises, entre le village de Sainte-Anne, et le hameau de Buachen, près du lac de Lowertz. Ils sont ici tellement accumulés, qu'ils excluent tout autre genre de pierres, et qu'il seroit impossible de ne pas se croire sur un sol purement granatique, si l'on n'étoit pas détourné de cette opinion par l'inspection générale de la contrée. Ces blocs sout toujours détachés. Leur présence uniquement réservée aux parties basses de la montagne, leur couleur grise ou blanche, leur grand volume, indiquent qu'ils n'entrent point, et ne sont jamais entrés dans la composition du poudingue.

L'écroulement du Ruffiberg a eu lieu à cinq heures du soir. Il a été déterminé, comme on l'a déjà observé dans d'autres relations, par la pluie qui est tombée en abondance, pendant tout l'été, sur cette contrée, et en particulier pendant les vingt-quatre heures qui ont précédé le 2 septembre. Elle a cessé cependant avant midi, et au moment de la catastrophe 'il ne pleuvoit point.

L'éboulement n'a pas été produit par la chute du sommet de la montagne sur les parties inférieures. Il a été formé par

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