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il falloit, pour naturaliser une loi dans chaque province, que cette loi y fût expressément acceptée et promulguée en vertu de cette acceptation.

Il falloit donc dans chaque province une promulgation particulière.

Dans certains ressorts, la loi étoit censée promul guée, et elle devenoit exécutoire pour tous les habitans du pays, du jour qu'elle avoit été enregistrée par le parlement de la province.

Dans d'autres ressorts, on ne regardoit l'enregistrement dans les Cours que comme le complément de la loi considérée en elle-même, et non comme sa promulgation ou sa publication. On jugeoit que la formation de la loi étoit consommée par l'enregistrement; mais qu'elle n'étoit promulguée que par l'envoi aux sénéchaussées et bailliages, et qu'elle n'étoit exécutoire, dans chaque territoire, que du jour de la publication faite à l'audience par la sénéchaussée ou par le bailliage de ce territoire.

Les choses changèrent sous l'Assemblée constituante. Un décret de cette Assemblée, du 2 novembre 1790, porta qu'une loi étoit complète dès l'instant qu'elle avoit été sanctionnée par le roi ; que la transcription et la publication de la loi, faites par les corps administratifs et par les tribunaux, étoient toutes également de même valeur, et que la loi étoit obligatoire du moment où la publication en avoit été faite, soit par le corps administratif, soit par le tribunal de l'arrondissement, sans qu'il fût nécessaire qu'elle eût été faite par tous les deux.

Le même décret vouloit que la publication fût faite par lecture, placards et affiches.

La Convention ordonna l'impression d'un bulletin des lois, et l'envoi de ce bulletin à toutes les autorités constituées. Elle décida que, dans chaque lieu, la promulgation de la loi seroit faite dans les vingt-quatre heures de la réception, par une publication au son de trompe ou de tambour, et que la loi y deviendroit obligatoire à compter du jour de la promulgation. La

même Assemblée nationale, après avoir achevé la constitution de l'an 4, et avant de se séparer, fit, le 12 vendémiaire, un nouveau décret sur la promulgation et la publication des lois. Par ce décret, elle supprima les publications au son de trompe ou au bruit du tambour. Elle conserva l'usage d'un bulletin officiel, que le ministre de la justice fut chargé d'adresser aux présidens des administrations départementales et municipales, et aux divers fonctionnaires mentionnés dans le décret. Elle déclara que les lois et actes du corps législatif obligeroient, dans l'étendue de chaque département, du jour auquel le bulletin officiel seroit distribué au chef-lieu, et que ce jour seroit cons taté par un registre où les administrateurs de chaque département certifieroient l'arrivée de chaque numéro.

L'envoi d'un bulletin officiel aux administrations et aux tribunaux, est encore aujourd'hui le mode que l'on suit pour la promulgation et pour la publication des lois.

Dans le projet de code civil, les rédacteurs se sont occupés de cet objet. Ils ont consacré le principe, que les lois doivent être adressées aux autorités chargées de les exécuter ou de les appliquer.

Ils ont pensé que les lois dont l'application appartient aux tribunaux devroient être exécutoires dans chaque partie de la République, du jour de leur publication par les tribunaux d'appel, et que les lois administratives devroient être exécutoires, du jour de la publication faite par les corps administratifs.

Ils ont ajouté que les lois dont l'exécution et l'application appartiendroient à la fois aux tribunaux et à d'autres autorités, leur seroient respectivement adressées, et qu'elles seroient exécutoires, en ce qui est relatif à la compétence de chaque autorité, du jour de la publication par l'autorité compétente.

Les avantages et les inconvéniens des divers systêmes. ont été balancés par le Gouvernement, et il a su s'élever aux véritables principes.

Une loi peut être considérée sous deux rapports =

1o. relativement à l'autorité dont elle est émanée; 2°. relativement au peuple ou à la nation pour qui elle est faite.

Toute loi suppose un législateur.

Toute loi suppose encore un peuple qui l'observe et qui lui obéisse.

Entre la loi et le peuple pour qui elle est faite, il faut un moyen ou un lien de communication: car il est nécessaire que le peuple sache ou puisse savoir que la loi existe, et qu'elle existe comme loi.

La promulgation est le moyen de constater l'existence de la loi auprès du peuple, et de lier le peuple à l'observation de la loi.

Avant la promulgation, la loi est parfaite relativement à l'autorité dont elle est l'ouvrage; mais elle n'est point encore obligatoire pour le peuple en faveur de qui le législateur dispose.

La promulgation ne fait pas la loi ; mais l'exécution de la loi ne peut commencer qu'après la promulgation de la loi : Non obligat lex nisi promulgata.

La promulgation est la vive voix du législateur.

En France, la forme de la promulgation est constitutionnelle; car la constitution règle que les lois seront promulguées, et qu'elles le seront par le Premier Consul.

D'après la constitution, et d'après les maximes du droit public universel, nous avons établi, dans le projet, que les lois seroient exécutoires en vertu de la promulgation faite par le Premier Consul. Si la voix de ce premier magistrat pouvoit retentir à la fois dans tout l'univers français, toute précaution ultérieure deviendroit inutile; mais la nature même des choses résiste à une telle supposition.

Il faut pourtant que la promulgation soit connue ou puisse l'être.

Il n'est certainement pas nécessaire d'atteindre chaque individu, La loi prend les hommes en masse. Elle parle, non à chaque particulier, mais au corps entier de la société.

Il suffit que les particuliers aient pu connoître la loi. C'est leur faute s'ils l'ignorent, quand ils ont pu et dû la connoître, idem est scire aut scire debuisse, aut potuisse. L'ignorance du droit n'excuse pas.

La loi étoit autrefois un mystère jusqu'à sa formation. Elle étoit préparée dans les conseils secrets du prince. Lors de la vérification qui en étoit faite par les Cours, la discussion n'en étoit pas publique, tout étoit dérobé constamment à la curiosité des citoyens. La loi n'arrivoit à la connoissance des citoyens que comme l'éclair qui sort du nuage.

Aujourd'hui il en est autrement. Toutes les discussions et toutes les délibérations se font avec solennité et en présence du public. Le législateur ne se cache jamais derrière un voile. On connoît ses pensées avant même qu'elles soient réduites en commandement. Il prononce la loi au moment même où elle vient d'être formée, et il la prononce publiquement.

Un délai de dix jours précède la promulgation, et pendant ce délai, la loi circule dans toutes les parties de l'Empire.

Elle est done déjà publique avant d'être promulguée, Cependant, comme ce n'est là qu'une publication de fait, nous avons cru devoir encore garantir cette publicité de droit qui produit l'obligation et qui force l'obéissance.

Après la promulgation, nous avons en conséquence ménagé de nouveaux délais pendant lesquels la loi promulguée dans le lieu où siége le Gouvernement, peut être successivement parvenue jusqu'aux extrémités de la République.

On avoit jeté l'idée d'un délai unique, d'un délai uniforme, après lequel la loi auroit été, dans le même instant, exécutoire partout.

Mais cette idée ne présentoit qu'une fiction démentie par la réalité. Tout est successif dans la marche de la nature.: tout doit l'être dans la marche de la loi.

Il eût été absurde et injuste que la loi fût sans exécution dans le lieu de sa promulgation et dans les

contrées environnantes, parce qu'elle ne pouvoit pas encore être connue dans les parties les plus éloignées du territoire national.

Personne n'est affligé de la dépendance des choses. On l'est de l'arbitraire de l'homme.

J'ajoute que de grands inconvéniens politiques auroient' 'pu être la suite d'une institution aussi contraire à la justice qu'à la raison, et à l'ordre physique des choses.

Nous avons donc gradué les délais d'après les dis

tances.

Le systême du projet de loi fait disparoître tout ce que les différens systêmes, admis jusqu'à ce jour, offroient de vicieux..

Je ne parle point de ce qui se pratiquoit sous l'ancien régime. Les institutions d'alors sont inconciliables avec les nôtres.

Mais j'observe que dans ce qui s'est pratiqué depuis la révolution, on avoit trop subordonné l'exécution de la loi au fait de l'homme.

Partout on exigeoit des lectures, des transcriptions de la loi; et la loi n'étoit point exécutoire avant ces transcriptions et ces lectures. A chaque instant, la négligence ou la mauvaise foi d'un officier public pouvoit paralyser la législation, au grand préjudice de l'Etat et des citoyens.

Les transcriptions et les lectures peuvent figurer comme moyens secondaires, comme précautions de

secours.

Mais il ne faut pas que la loi soit abandonnée au caprice des hommes. Sa marche doit être assurée et imperturbable. Image de l'ordre éternel, elle doit, pour ainsi dire, se suffire à elle-même. Nous lui rendons toute son indépendance, en ne subordonnant son exécution qu'à des délais, à des précautions. commandées par la nature même.

Le plan des rédacteurs du projet de code joignoit au vice de tous les autres systêmes, un vice de plus. Dans ce plan, on distinguoit les lois administratives

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