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raux vaincus. Il les consolait de leur malheur, et ses consolations, je puis l'assurer, n'étaient pas chez lui le résultat d'un mouvement d'orgueil dissimulé sous les dehors d'une feinte générosité. Tout en profitant de leur défaite, il les plaignait sincèrement; combien de fois ne m'a-t-il pas dit: Qu'un général doit être malheureux le lendemain « de la perte d'une bataille !» Et lui-même avait éprouvé ce malheur, quand il fut obligé de lever le siège de Saint Jean d'Acre. En ce moment, il aurait, je crois, fait étrangler Djezzar; mais si Djezzar se fût rendu, il l'aurait traité avec les niêmes distinctions qu'il prodigua à Mack et aux au tres généraux de la garnison d'Ulm ; quand ils furent admis en sa présence, je suis sûr qu'il souffrait de leur douleur. Ces généraux étaient au nombre de dix-sept, parmi lesquels on remarquait le même prince de Lichtenstein qui, la veille, avait été si surpris de voir l'empereur; le général Klenau et le baron de Giulay qui avaient acquis une assez belle réputation militaire dans les guer res précédentes, et le général Fresnel, dont la position était plus délicate que celle de ses compagnons d'infortune, puisqu'il était Français et émigré.

« Tous ces généraux, me dit Rapp, faisaient

réellement peine à voir; ils s'inclinèrent respectueusement devant l'empereur ayant Mack à leur tête. Ils gardaient un morne silence, et ce fut Napoléon qui leur adressa la parole. Il leur dit : << Messieurs, je plains d'aussi braves gens que vous « d'être victimes des sottises d'un cabinet qui se « nourrit de projets insensés, et qui ne craint pas << de compromettre la dignité de la nation autri«< chienne, en trafiquant des services de ses géné<< raux. Vos noms me sont connus; ils le sont ho<< norablement partout où vous avez combattu. « Examinez la conduite de ceux qui vous ont

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compromis. Quoi de plus inique que de venir, « sans déclaration de guerre, me prendre à la gorge? n'est-ce pas se rendre coupable envers les peuples que d'attirer chez eux une invasion << étrangère? n'est-ce pas trahir l'Europe que d'im<< miscer des hordes asiatiques dans ses débats. En <«< bonne politique, le conseil Aulique, au lieu de << m'attaquer, aurait dû rechercher mon alliance « pour refouler les Russes dans le Nord. Cette al<<liance de votre cabinet sera éternellement unc «< chose monstrueuse dans l'histoire; c'est l'alliance << des chiens, des bergers et des loups contre les « moutons; une pareille conception n'a pu sortir de << la tête d'un homme d'État. Il est heureux pour

« vous-mêmes que je n'aie pas succombé dans la << lutte injuste où l'on m'a provoqué, sans cela le «< cabinet de Vienne n'aurait pas tardé à recon<< naître sa faute, et peut-être qu'il la paiera cher « un jour.»

CHAPITRE III.

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Ménagemens envers les officiers prisonniers.--Proclamation de l'empereur à ses soldats. Immenses résultats d'une campagne de quinze jours. Eloquence militaire de Napoléon. Les soldats français et les soldats russes.Les extrémités de l'univers et exagérations. Dix mille prisonniers faits par Murat. - Combat de Caldiéro en Italie. Lettre de Duroc. L'empereur satisfait de mes services. François Ier vengé par Napoléon. - Af

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faire des Margraviats.

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marche de l'empereur.

Mission inutile, et M. de Giu

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- Heureuse témérité de Lannes et de Murat. -La prise

de Vienne, due à une ruse.

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Récit de Lannes, sa bravoure et sa gaîté. — Influence de l'action de Lannes et de Murat sur les suites de la campagne d'Austerlitz. Mission de Savary auprès de l'empereur Alexandre. Le roi des Romains. Raisonnemens judicieux d'Alexandre.

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En même temps que Napoléon ménageait l'amour-propre de ses prisonniers aux dépens de leur gouvernement, il voulut témoigner à l'ar mée sa vive satisfaction, et pour cela il publia

une proclamation remarquable, dans laquelle on trouve en quelque sorte un résumé de tout ce qui s'était passé depuis l'entrée en campagne. La voici :

<< Soldats de la grande armée.

« En quinze jours nous avons fait une campagne. « Ce que nous nous proposions de faire est rempli: « nous avons chassé de la Bavière les troupes de « la maison d'Autriche, et rétabli notre allié dans << la souveraineté de ses états.

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« Cette armée qui, avec autant d'ostentation que d'imprudence, était venue se placer sur nos « frontières, est anéantie.

« Mais qu'importe à l'Angleterre! son but est

rempli: nous ne sommes plus à Boulogne, et « son subside ne sera ni plus ni moins grand.

« De cent mille hommes qui composaient cette «< armée, soixante mille sont prisonniers : ils vont remplacer nos conscrits dans les travaux de la «< campagne.

«

« Deux cents pièces de canon, tout le parc, quatre-vingt-dix drapeaux, tous leurs généraux, << sont en notre pouvoir. Il ne s'est pas échappé de « cette armée quinze mille hommes.

« Soldats! je vous avais annoncé une grande

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