dans l'ignorance, les agens, pour parvenir facilement à leur but, mettront toute leur sollicitude à se rendre agréables aux gouverneurs, intendans, curés et prélats. Ils n'épargneront aucune dépense ni autre moyen pour gagner leur bienveillance, principalement celle des ecclésiastiques qu'ils doivent engager à insister auprès de leurs pénitens, quand ils viennent à confesse, qu'ils ont besoin d'un gouvernement indépendant; qu'ils ne doivent pas laisser échapper une occasion aussi favorable que celle qui se présente maintenant, et que leur fournit l'Empereur Napoléon, qu'ils doivent faire regarder par le peuple comme envoyé par Dieu pour châtier l'orgueil et la tyrannie des monarques; enfin que c'est un péché mortel, n'admettant pas de pardon, que de résister à la volonté de Dieu.

Les agens rappelleront, dans toutes les occasions, aux habitans, l'oppression qu'ils éprouvent de la part des Européens, les manières dédaigneuses avec lesquelles on les traite, et le mépris auquel ils sont exposés. Ils rappelleront aux Indiens les circonstances des cruautés que les Espagnols se permirent lors de la conquête, et les infamies qu'ils commirent envers leurs souverains légitimes, en les détrônant, et en les pri

vant de la vie ou de la liberté. Ils dépeindront les actes d'injustice qu'ils éprouvent journellement lorsqu'ils demandent des places, que les vice-rois et gouverneurs accordent à ceux qui sont plus humbles ou qui payent mieux, à l'exclusion de ceux qui les méritent. Ils fixeront l'attention du peuple sur les talens supérieurs de beaucoup de Créoles et d'hommes de mérite qui sont négligés et qui contrastent avec les fonctionnaires publics et les ecclésiastiques venus d'Europe; ils leur feront sentir les duretés dont ils souffrent, et feront le parallèle entre les talens et le mérite des Créoles et ceux des Européens. Ils mettront sous leurs yeux la différence entre les Etats-Unis et l'Amérique Espagnole, le bonheur dont jouissent ces Américains, leurs progrès dans le commerce, dans l'agriculture et la navigation, ainsi que la satisfaction de vivre libres du joug européen et de n'avoir qu'un gouvernement populaire et électif. Ils les assureront qu'une fois dégagée de l'Espagne, l'Amérique deviendra la législatrice de l'Europe.

Tous les agens, tant principaux que subordonnés, indiqueront les noms de ceux qui se déclareront amis de la liberté ; les agens subalternes transmettront ces listes aux agens principaux qui

feront leur rapport à mon envoyé dans les ÉtatsUnis, pour que j'en sois informé et que je puisse dûment récompenser chaque individu. Mes agens s'abstiendront de déclamer contre l'inquisition ou l'église; dans leurs conversations ils insisteront bien plutôt sur la nécessité de ce saint tribunal et sur l'utilité du clergé. Sur les étendards et bannières des insurgés on inscrira ces mots: Vive la Religion catholique, apostolique et romaine! périsse le mauvais gouvernement!

Les agens feront en outre observer aux Indiens combien ils seront heureux, lorsqu'ils seront devenus encore une fois maîtres de leur pays, et libres de ce tribut tyrannique qu'ils payent à un monarque étranger. Enfin ils diront au peuple que leur prétendu monarque n'existe pas même dans son propre gouvernement, mais qu'il est au pouvoir du restaurateur de la liberté et du législateur universel, de Napoléon. En un mot, tous ces agens tenteront par tous les moyens possibles de montrer au peuple l'utilité qu'aura pour eux le gouvernement dont il s'agit.

Lorsque la révolution aura été ainsi préparée, et que tous les principaux membres qui devront y prendre part, dans chaque cité et province, auront été gagnés, ce sera aux agens en chef et subordon

nés d'accélérer l'insurrection, et de donner promptement avis aux autres agens subordonnés, afin que la levée se fasse, sur les divers points convenus, le même jour et à la même heure; c'est une chose très-essentielle qui facilitera beaucoup l'entreprise. Les agens principaux, dans chaque province de leur département, et les subalternes dans les endroits qui leur auront été assignés, gagneront les domestiques des gouverneurs, intendans et autres hommes en place, et par leur moyen empoisonneront ceux de cette classe qu'ils regarderont comme contraires à l'entreprise; cette opération doit précéder la révolution, afin d'en écarter les obstacles.

Le premier point à considérer sera d'arrêter l'envoi de trésors à la péninsule; on l'effectuera facilement si l'on a d'habiles agens à Vera-Cruz et dans les autres ports du continent de l'Amérique, mais surtout à Vera-Cruz, où tous les vaisseaux arrivant d'Europe seront reçus, et leurs officiers et équipages immédiatement enfermés dans les forts, jusqu'à ce que tout ait réussi et que la révolution soit bien avancée.

Les agens sont encore chargés d'instruire leurs sous-agens pour qu'ils leur transmettent fré quemment des rapports sur les progrès de la

7

révolution, et les agens en chef communiqueront avec l'envoyé dans les États-Unis par les canaux qu'on leur indiquera. A cet effet, il sera bon de tenir prêts des messagers de terre sur les points de la côte qui sont jugés commodes, et où il y aura toujours des vaisseaux équipés pour le cas

échéant.