Page images
PDF
EPUB

battirent au sabre, prirent des canons, et il ne resta plus à l'ennemi qu'à tenter une attaque avec sa cavalerie pour se sauver. La cavalerie prussienne marcha à sa rencontre, huit mille' hommes de cavalerie fondirent les uns sur les autres. Le général Sacken s'avança, et l'ennemi fut précipité dans les précipices, où coulent la Neiss-Blanche et le Katzbach. Il fut obligé d'abandonner à l'armée combinée le champ de bataille et la plus grande partie de son artillerie, et de chercher son salut en traversant dans la fuite la Neiss et le Katzbach. Le combat, qui avoit commencé vers trois heures après midi, continua jusqu'à la nuit, et se termina sur les bords du Katzbach.

A chaque moment on amène des prisonniers, des canons, des caissons de poudre. On n'en connoît pas encore le nombre. Seize canons ont été pris l'épée à la main. On a trouvé dans un seul défilé quatre canons, deux obusiers, et trenteneuf caissons de poudre. La Neiss-Blanche et le Katzbach ont dans la nuit été tellement gonflés par les pluies continuelles, qu'on ne peut plus les passer sans ponts.

La perte de l'armée combinée n'est pas considérable. Nous n'avons perdu aucun officier de rang. Le général françois Sudau est au nombre des prisonniers.

No XV.

Adresse du Prince Royal de Suède aux François, daté d'Hanovre, du 6 novembre 1813.

FRANÇOIS,

les

Ce n'est point un étranger qui vous adresse aujourd'hui la parole. C'est un homme que plus tendres sentimens attachent à votre heureux climat. C'est à vous qu'il doit sa première gloire. Vous l'avez vu combattre pour votre cause lorsqu'elle étoit noble et pure. Vous l'avez vu répandre son sang avec joie pour la patrie, lorsque vous combattiez pour elle. Vous l'avez vu, partageant tous vos désirs et toutes vos espérances, faire aimer le nom françois même dans les pays où il conduisoit vos drapeaux victorieux.

François, que sont devenues vos armées innombrables? Qu'est devenue votre gloire militaire? Où sont ces légions dont vous vous enorgueillissiez, et qui paroissoient assurer à jamais votre bonheur? Quel fléau du ciel les a détruites? Un abîme affreux a tout englouti. Vos frontières passoient pour inattaquables, il y a dix ans; maintenant elles sont menacées; vous faisiez alors l'admiration de l'Europe; voyez où vous êtes maintenant. Vos regards, en parcourant le

monde, ont de la peine à découvrir un seul peuple qui soit votre ami; ils ne tombent que sur des contrées où des milliers de François ont trouvé leur tombeau.

Quel est l'auteur de tant de maux? Un homme qui n'est pas né françois. Par quel événement funeste est-il donc devenu l'arbitre de votre sort et le fléau de votre existence? Les premiers pas de sa carrière militaire furent ensanglantés dans les murs de Paris, et l'on eut ensuite à lui reprocher la mort de quarante mille braves qu'il sacrifia au projet qu'il avoit formé de se faire Empereur d'Orient dans une autre partie du monde. Trompé dans ses espérances, il quitta son armée; et en laissant ses compagnons d'armes périr de misère sur les sables brûlans de la Libye, il viola, pour rentrer en France, la loi de la quarantaine, que saint Louis avoit scrupuleusement gardée.

Par malheur pour la France, la récompense de tant de fautes fut la toge consulaire, et bientôt après la pourpre impériale.

Arrivé au souverain pouvoir, il promit à la France la tranquillité intérieure, et la paix à l'Europe. François, vous le crûtes. Que lui vîtesvous faire pour accomplir vos espérances? Des traités qui étoient aussitôt violés que conclus.

Ce pacificateur de la terre a porté la destruction et la mort en Espagne, et fait de vous les instrumens de son ambition. Vous le vites allumer la discorde entre le père et le fils, se montrer ensuite à Bayonne comme médiateur, promettre à la face de l'Europe de pacifier ce différend qu'il avoit lui-même fait naître; ne respecter ni la dignité ni la vieillesse du père, et après l'avoir dépouillé, ainsi que son fils, jeter l'un dans une prison et envoyer l'autre en exil.

par

L'Europe, étourdie de tant d'injustices, se taisoit encore; mais loin que la patience des souverains et des peuples rendît plus modéré celui dont vous portez le joug, son ambition ne fit lå que s'accroître davantage. On le vit renverser son propre ouvrage, tomber en ennemi sur ses alliés, chasser un de ses frères d'un trône qu'il avoit élevé, et enlever à l'autre une partie des états qu'il lui avoit donnés. Il ne cessa de réunir successivement différens pays à d'autres, d'opérer des bouleversemens politiques, et il enleva ainsi à l'Europe, réduite à un état convulsif, le dernier espoir d'un ordre de choses permanent qui pouvoit seul la consoler.

Enfin il combla la mesure en quittant son empire, en conduisant les François à sept cents lieues de leur patrie, et en réalisant par cette expédition

gigantesque la folie des conquérans de l'antiquité dont l'histoire nous a tracé le tableau. Mais tandis qu'à cette première époque de ses revers l'Europe commençoit à voir luire l'aurore de sa délivrance, queile idée dûtes-vous avoir de celui qui, après avoir attiré tant de malheurs et de souffrances sur la plus belle armée du monde l'abandonna une seconde fois dans l'abîme où il l'avoit plongée? Quel jugement portâtes-vous du général qui trahit ainsi lui-même ses malheureux soldats, et les laissa au milieu d'immenses déserts de neige sans vivres, sans habits, sans guide?

Vous vites les déplorables restes d'une armée naguère si florissante disperses sur des plaines de glace, lutter contre la triple mort dont les menaçoient le froid, la faim et leurs blessures. Vous vites l'auteur de tant de maux refusant à ces infortunés tout sentiment de pitié, et ne s'oc cupant que de son évasion, oser se montrer à vous, pour demander de nouveaux efforts et de nouvelles troupes. Il ne les obtint que trop facilement. Deux cent mille François vinrent encore ensanglanter le sol de l'Allemagne qui les aimoit, et qu'il a fallu accabler pendant treize ans d'injures et de mauvais traitemens pour la déterminer à se venger.

La justice divine a fait échouer les dernières

« PreviousContinue »