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INTRODUCTION.

DE LA MARINE FRANÇAISE

SOUS LE MINISTÈRE

DU CARDINAL DE RICHELIEU.

<< LORSQUE Antoine Pèrez fut reçu en France par le roi « votre père, >>> dit le cardinal de Richelieu, en s'adressant à Louis XIII, dans son Testament politique, « et que, pour « lui faire passer sa misère avec douceur, il lui eut assuré un bon

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appointement, cet étranger, désirant reconnaître l'obligation qu'il avait à ce grand roi, et faire voir que s'il était malheureux «< il n'était pas ingrat, donna, en trois mots, trois conseils qui << ne sont pas de petite considération : « Roma (Rome), consejo (conseil), pielago (la mer); » l'avis de ce vieux Espagnol, con

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Don Antonio Pérez, fils de Gonçalo Pérez, secrétaire d'état sous Charles-Quint et Philippe II. Après avoir terminé ses études à l'université d'Alcala, il voyagea dans les grandes cours de l'Europe, étudia leurs différents systèmes politiques et revint en Espagne. Savant, intelligent, adroit, connaissant bien les hommes et les choses, il fut d'abord fort avant dans la faveur de Philippe II; mais plus tard, convaincu d'avoir livré les secrets de l'Etat à la princesse d'Eboli, maîtresse de Philippe II, Pèrez fut condamné à la prison, puis au bannissement; ensuite on instruisit contre lui une seconde procédure

au sujet du meurtre d'un nommé Escovedo, assassiné, dit-on, par ordre du roi. Pèrez, mis à la torture, avoua qu'il n'était pas étranger à la mort d'Escovedo, mais il ajouta qu'il avait agi en vertu d'un ordre supérieur, sur lequel il devait garder un silence inviolable; quoique brisé par la question, Pèrez trouvant moyen de s'échapper de sa prison, après des traverses et des dangers sans nombre, arriva en France le 26 novembre 1591. Accueilli favorablement à Paris par la princesse Catherine de Bourbon, plus tard par Henri IV qui le pensionna, il mourut à Paris le 3 novembre 1611.

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« sommé dans les affaires d'état, ne doit pas tant être considéré << par l'autorité de celui qui le donne que par son propre poids. << Nous avons déjà parlé du soin que l'on doit avoir d'être << pourvu d'un bon conseil et d'être autorisé à Rome; reste à «< représenter l'intérêt que le roi a d'être puissant sur mer. La << mer est celui de tous les héritages sur lequel tous les sou« verains prétendent plus de part, et cependant c'est celui << sur lequel les droits d'un chacun sont moins éclaircis; en << un mot, les vieux titres de cette domination sont la force <«< et non la raison : il faut être puissant pour prétendre à cet << héritage. »

Après cet exorde, Richelieu, jetant un coup d'œil sur l'organisation maritime de l'Angleterre, de l'Espagne, de l'Italie et des Barbaresques, compare les forces navales de ces peuples à celles de la France, et expose sommairement comment il voulait rendre notre marine assez forte, assez active, pour pou

voir, en temps de guerre, lutter avec avantage contre les flottes ennemies, et, en temps de paix, défendre nos bâtiments de commerce et notre littoral contre l'agression des pirates.

Cette partie du Testament politique de Richelieu servant, pour ainsi dire, de prolégomène aux événements développés dans la Correspondance de M. l'archevêque de Bordeaux, nous croyons devoir citer ce passage.

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L'Angleterre étant située comme elle l'est, disait encore « Richelieu, si la France n'était puissante en vaisseaux, elle << pourrait entreprendre, à son préjudice, ce que bon lui semblerait sans crainte du retour; elle pourrait empêcher nos pêches, << troubler notre commerce et faire, en gardant l'embouchure de << nos grandes rivières, payer tel droit que bon lui semblerait « aux marchands; elle pourrait descendre impunément dans nos

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