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28. Il résulte, en effet, des principes que, pour avoir la qualité de commerçant, il ne suffit pas d'exercer des actes de commerce, il faut encore le faire, sinon pour soi, du moins en son nom propre (art. 220, C. civ., et art. 5, C. comm.). Or, tel n'est pas le cas du capitaine qui n'agit jamais qu'en nom qualifié. D'ailleurs, à faire du capitaine un commerçant, il faudrait admettre la même solution pour tous les autres gens de l'équipage, puisque la loi n'a pas fait à ce point de vue de distinctions entre eux; or, cela est évidemment inadmissible.

29.- Nous avons, au surplus, donné sur cette question toutes les explications nécessaires, suprà, vo Acte de commerce, n. 615 et s. 30. Ajoutons que la loi du 15 juill. 1880 a affranchi de la patente le capitaine qui ne navigue pas pour son compte (art. 17, n. 5). La chose, du reste, était déjà admise sous l'empire de la loi du 25 avr. 1844 (art. 13, n. 6).

31. Cela, d'ailleurs, n'empêche pas le capitaine d'être, dans ses rapports, soit avec l'armateur, soit avec les chargeurs, et dans le cas où il serait tenu personnellement vis-à-vis de l'un ou des autres, justiciable des tribunaux de commerce. Cette solution résulte formellement, en ce qui concerne le premier, de l'art. 633, qui range tous engagements des gens de mer parmi les actes de commerce, et se trouve impliquée, quant aux seconds, par la disposition de principe de l'art. 634-1°, relative aux actions contre les facteurs et commis des marchands. Or, le capitaine n'est pas autre chose que le préposé, c'est-à-dire un commis de l'un et quelquefois des autres. - Lyon-Caen et Renault, loc. cit. V. suprà, vo Acte de commerce, n. 1048 et s. 32. De même, aux termes des art. 1 et 8, L. 8 déc. 1883, relative aux élections consulaires, les capitaines au long cours et les maîtres au cabotage sont électeurs et éligibles. Mais tout ceci n'est pas en contradiction avec le principe posé ci-dessus. D'une part, il y a des conséquences propres aux actes de commerce, indépendamment de la qualité de la personne qui les a faits, et la compétence des tribunaux de commerce en est une (art. 631-3); d'autre part, si les capitaines sont électeurs et éligibles aux tribunaux consulaires, c'est en raison de leurs connaissances ou aptitudes spéciales (au même titre que les directeurs de sociétés anonymes), c'est-à-dire, non parce qu'ils seraient commerçants, mais quoique ne l'étant pas. V. Laurin, Cours élémentaire de droit commercial, 3e édit., n. 766,

note 2.

33. - On peut encore rattacher à cette théorie de la condition juridique du capitaine, considérée en soi, la disposition de l'art. 231, aux termes de laquelle le capitaine et les gens de l'équipage, qui sont à bord ou dans les chaloupes qui se rendent à bord pour faire voile, ne peuvent étre arrêtés pour dettes civiles, etc. Cette disposition avait incontestablement pour but, comme celle de l'art. 215 sur l'insaisissabilité des navires, d'empêcher que les intérêts multiples que met en jeu toute expédition maritime ne fussent tenus en échec par un simple intérêt

particulier; il y avait là une suspension temporaire pour cause d'utilité publique du droit de poursuite ou d'exécution. - Cresp et Laurin, t. 1, p. 160, texte et note; Lyon-Caen et Renault, t. 2, p. 93, note 3.

34. Quoi qu'il en soit, cet art. 231 se trouve virtuellement abrogé aujourd'hui par la loi du 22 juill. 1867, qui a supprimé la contrainte par corps en matière civile et commerciale. Là où la règle n'existe plus, l'exception n'a plus de raison d'être. Mais comme la contrainte par corps a été maintenue en matière pénale, il s'ensuit que le capitaine, s'il était débiteur de ce chef, serait passible de cette voie d'exécution, même dans les conditions exceptionnelles prévues par l'art. 231. La disposition n'avait pas étendu jusque-là son immunité, et l'expression de dettes civiles dont on s'est servi est significative en ce sens. Du reste, Valin en faisait déjà la remarque sur l'article correspondant de l'ordonnance. Valin, sur l'art. 14, liv. 2, tit. 1 de l'ordonnance, t. 1, p. 399 et s.

SECTION II.

Rapports du capitaine avec l'armateur.

35. Dans ses rapports avec l'armateur, le capitaine est incontestablement un mandataire. Nous verrons infrà (n. 52 et s.), si le contrat qui régit leurs rapports réciproques n'est pas encore autre chose; mais il est tout d'abord, et bien que la loi n'ait pas prononcé le mot, un mandat c'est ce que prouvent de la façon la plus évidente les art. 223, 232 et s., sur les pouvoirs d'administration du capitaine, combinés avec la disposition de l'art. 216, sur la responsabilité qui incombe de ce chef à l'armateur (V. aussi art. 218, C. comm., et 2003, C. civ., d'une part, et art. 221, C comm., et 1992, C. civ., de l'autre). Cresp et Laurin, t. 1, p. 456 et 606; Ruben de Couder, n. 76; LyonCaen et Renault, t. 2, n. 1783.

36. — Il résulte de cette observation que le capitaine, lorsqu'il contracte ou agit dans les divers cas qui viennent d'être rappelés, et dont le détail sera donné infrà, n. 163 et s., ne le fait qu'en nom qualifié, c'est-à-dire oblige son mandant sans s'obliger lui-même La chose n'aurait pas besoin d'être indiquée, tellement elle résulte des principes (art. 1984, C. civ.), si pendant longtemps la pratique du contrat de command, et, avant elle, les règles du droit romain sur l'action exercitoire n'avaient conduit à une conclusion contraire et fait considérer le capitaine comme personnellement obligé même ex contractu. Mais cette solution, injustifiable en elle-même, et qui n'était que la conséquence des tâtonnements par lesquels a passé la théorie de a représentation dans les actes judiciaires ou extrajudiciaires, doit aujourd'hui, en présence des principes certains proclamés par la législation moderne, être absolument repoussée. Du reste, cette solution était déjà admise dans le dernier état de notre ancien droit. Aix, 25 nov. 1845, [J. Marseille, t. 25.1.281] – Rennes, 16 juin 1860, [J. Marseille, 61.2.8811; - 21 janv. 1862, J. Marseille, 62.2.97] Arg. Rennes, 15 mai 1861, [J. Marseille, 61.2.81] - Trib. Marseille, 23 août 1854, J. Marseille, 32. 1.255); — 1er juill. 1857, [J. Marseille, 36.1.100] - Sie, Valin, sur l'art. 2, tit. 8, liv. 2 de l'Ord., t. 1, p. 569; Emérigon, t. 2, p. 251; Lyon-Caen et Renault, t. 2, n. 1793; Laurin, op. cit., n. 1190.

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37. II y a donc, quant au capitaine, une différence fondamentale à faire, suivant que l'obligation existant de son chef provient ex contractu ou bien ex delicto ou quasi ex delicto. Dans cette seconde hypothèse, il est personnellement tenu comme tout délinquant, et la responsabilité qui peut peser sur le propriétaire du navire vis-à-vis des tiers ne fait pas disparaitre la sienne (Arg., art. 270, 4 alin.); l'idée contraire soutenue par M. de Courcy (Quest. de dr. marit., 2a série, p. 113 et s.) doit être absolument rejetée (Desjardins, n. 377). Dans la première, n'agissant, comme il vient d'ètre dit, qu'en nom qualifié, il ne peut être obligé.

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voirs du capitaine, que nous aurons à déterminer infrà, n. 75 et s. Mais il est une conséquence de ces actes de conduite et de gestion qu'on a toujours admise comme rentrant dans les pouvoirs du capitaine, et dont il faut parler ici parce qu'elle est générale, et, en se référant à tous, ne concerne particulièrement aucun d'eux, c'est la représentation judiciaire de l'armateur par le capitaine dans tous les proces qui intéressent le navire, de telle sorte que ce qui est jugé pour ou contre le capitaine est censé l'être pour ou contre l'armateur. C'est une exception formelle à la maxime que nul en France ne plaide par procureur (V. aussi art. 17, L. 24 juill. 1867 sur les sociétés). V. suprà, vo Action (en justice), n. 221.

40. Cette règle que l'on formulait autrefois en disant que le capitaine a les actions du navire, et qui n'était qu'une conséquence des principes de l'action exercitoire et de la pratique du contrat de commande, cette règle avait toujours été admise sans difficulté dans notre ancien droit (V. Valin et Emérigon, loc. cit.) et elle s'imposait alors, en effet, comme une nécessité. Elle doit être admise encore aujourd'hui, en dépit de son caractère exceptionnel, non seulement parce qu'elle a conservé son utilité et qu'elle est de nature à faciliter les expéditions maritimes, mais aussi parce qu'aucun texte de loi ne l'a expressément abrogée, et qu'il résulte de la loi du 15 sept. 1807, qui a promulgué le Code de commerce, qu'il n'y a d'abrogées que les anciennes lois, qui sont contraires aux dispositions du Code; ce qui n'est pas le cas. Garsonnet, Cours de procédure, t. 1, n. 119, p. 476 et s.; Frémery, Etudes de droit commercial, p. 197; de Valroger, t. 1, n. 234; Lyon-Caen et Renault, t. 2, n. 1793 et notes 2 et 3. 41. Mais il en est de cette règle comme de toutes celles qui ne reposent que sur la tradition; bien qu'incontestée dans son principe, elle a, par son défaut de fixité, donné naissance à de grandes divergences dans l'application. Ce résultat n'a rien, du reste, qui doive étonner; la facilité et la rapidité des communications actuelles, la possibilité pour le capitaine de demander et de recevoir à très-bref délai des instructions, font que certaines initiatives, une certaine maîtrise qui lui appartenait forcément autrefois, reviennent de droit à l'intéressé, du moment qu'il peut lui-même agir ou se défendre utilement.

42. Ainsi, d'une part et conformément à la règle, il a été décidé 1° que le capitaine peut faire opposition à une ordonnance de justice, prohibant la sortie du navire, et cela bien que l'ordonnance eût été rendue pour sûreté d'une dette provenant de l'armateur. Trib. Marseille, 27 nov. 1819, [J. Marseille, t. 1.1.1]

43.-20 Qu'il est investi en cours de voyage de toutes les actions du navire, de telle façon qu'il peut exercer tous les droits et opposer toutes les exceptions qui se rattachent aux intérêts de l'armement. - Trib. Marseille, 9 juill. 1824, (J. Marseille, t. 5.1.200]; 24 sept. 1828, [J. Marseille, t. 10 1.1]; 5 avr. 1832, [J Marseille, t. 13.1.164]

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44.3°... Qu'il a qualité pour répondre à toutes les réclamations qui portent sur le navire. - Trib. Marseille, 25 avr. 1843, J. Marseille, t. 22.1.191]

45.-4°... Qu'il peut valablement relever appel d'une décision rendue en faveur d'un consignataire, et cela malgré l'acquiescement de l'armateur. - Aix, 2 avr. 1846, [J. Marseille, t. 5.1.207] 46. — 5o... Qu'il peut être assigné en exécution d'un prêt à la grosse, même alors que le navire serait désarmé. Trib. Marseille, 20 juin 1849, [J. Marseille, t. 28.1.183]

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47. La cour de Rouen est allée plus loin encore dans cette voie; par arrêt du 17 mars 1862, [J. Marseille, 62.2.420], elle a jugé que le capitaine ayant, pendant le voyage, le droit de faire tous les actes nécessaires au salut, à la conduite ou à la gestion du navire, avait par cela même pouvoir de compromettre sur des contestations provenant d'un abordage, et que le compromis passé par lui était opposable à l'armateur. Quant à la Cour de cassation, elle a, par trois arrêts en date du même jour, 10 août 1875, Vincent, (S. 76.1.117, P. 76.276, D. 76.1.384], proclamé le principe que le capitaine, en sa qualité de préposé de l'armement, peut être actionné en justice à raison des obligations contractées dans l'intérêt du navire, et en a fait l'application à diverses avances et fournitures faites au capitaine.

48. D'autre part, il a été jugé que le capitaine ne peut, en sa qualité, être actionné en justice, qu'à raison des réclamations qui supposent un droit réel existant sur le navire, de telle sorte que si ce droit (ici le privilège attaché au prêt à la grosse) n'existe plus, pour un motif quelconque, le capitaine est

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sans qualité pour répondre à la demande. Trib. Marseille, 11 févr. 1828, [J. Marseille, t. 10.1.148]; 30 janv. 1833, [J. Marseille, t. 13.1.581- De plus, et ceci est plus important et plus remarquable, l'application de la règle a toujours été refusée en matière d'assurance, dans le cas de sinistres majeurs (art. 369), et il a toujours été décidé que l'armateur seul peut intenter, soit l'action d'avarie, soit l'action en délaissement. Cass., 15 mai 1854, Assur. marit., [S. 57.1.64, P. 56.1.100, D. 55.1.162] Bordeaux, 9 août 1853, Assur. marit., [S. 54.2.273, P. 55.1. 192, D. 54.2.15]

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49. Peut-être ces décisions, qui doivent du reste être approuvées, ne sont-elles pas inconciliables avec les premières, et s'expliquent-elles par cette considération qu'il ne s'agit plus ici d'actions du navire, puisque le navire, réellement ou légalement, n'existe plus, mais de droits en quelque sorte extrinsèques, ne se reliant pas nécessairement à l'expédition.

50. C'est également par application des principes du mandat que l'on décide communément que le capitaine ne peut exiger le paiement de ses salaires avant d'avoir rendu ses comptes à l'armateur (art. 1993, C. civ.). Trib. Marseille, 18 mars 1831, J. Marseille, t. 12.1.175]; 15 mai 1833, J. Marseille, t. 15.1.170] - Aix, 21 nov. 1833, [J. Marseille, t. 14.1.257]; — 6 juin 1860, J. Marseille, 61.1.50]; - 24 mars 1863, [J. Marseille, 63.1.997; 4 juill. 1870, [J. Marseille, 70.1.229]; 21 août 1873, [J. Marseille, 73.1.303] - Sic, Cresp et Laurin, t. 1, p. 660; Ruben de Couder, n. 106; Lyon-Caen et Renault, t. 2, n. 1785, note 1. Décision très-juridique, quelle que soit du reste l'opinion que l'on professe sur la question qui va être discutée ci-après (n. 32), car les devoirs du capitaine ne sont pas uniquement ceux du reste de l'équipage, puisqu'ils ne se réfèrent pas uniquement à la conduite du navire; ce sont en même temps des devoirs d'administration comportant comme corollaire l'obligation de rendre compte.

51. Toutefois, comme la dette de l'armateur en ce qui concerne le paiement des salaires est liquide, tandis que celle du capitaine ne l'est point, il n'y aurait pas lieu, en principe, à compensation. L'administration de la marine serait donc en droit d'exiger le paiement des salaires du capitaine, sauf à ne les lui faire tenir qu'après apurement du compte, et à les détenir en attendant pour qui de droit. Rouen, 2 août 1873, David Van der Cruyac, [S. 73.2.210, P. 73.873, D. 74.2.180 A plus forte raison, pourrait-elle exiger le paiement des frais de rapatriement, puisqu'obligée qu'elle est de rapatrier elle-même, les avances qu'elle fait sous ce rapport donnent lieu plutôt à une créance personnelle en sa faveur à l'encontre de l'armateur, qu'elles ne constituent celui-ci débiteur vis-à-vis du capitaine. V., sur la nature et la raison d'être de l'obligation de rapatriement, Cresp et Laurin, t. 1, p. 500 et s. Trib. Marseille, 15 juill. 1835, J. Marseille, t. 15.1.287]

52. Le caractère de mandat attribué à la convention qui lie le capitaine à l'armateur est donc indiscutable; mais ce caractère est-il unique, et cette convention ne procède-t-elle pas aussi du louage de services? Cette conclusion semble forcée, puisque les règles qui régissent le contrat d'engagement des gens de mer, qui est, à n'en pas douter, un louage de services, sont communes au capitaine et à tous les autres marins de l'équipage (V. art. 250 et 272). La vérité est que le contrat fait par le capitaine est primordialement un louage de services, louage sur lequel est venu ensuite, en raison de la spécialité des fonctions de capitaine, se greffer le mandat. Cresp et Laurin, t. 1, p. 606; Lyon-Caen et Renault, t. 2, n. 1783. 53. Cette idée a cependant été combattue avec une trèsgrande force par M. Charveriat (Annales de droit commercial, année 1888, p. 1 et s.). Pour ce jurisconsulte, le contrat dont il s'agit est un pur contrat de mandat, non compliqué de louage de services.

54. On pourrait tout d'abord se demander quel peut être l'intérêt de cette controverse, puisque, quelque opinion que l'on professe sur ce point, on est bien obligé d'admettre, en présence des art. 250 et 272, que toutes les prescriptions du tit. 5, liv. 2, C. comm., s'appliquent au capitaine non moins qu'aux matelots. M. Charveriat voit cet intérêt dans une disposition du Code civil, celle de l'art. 2000, qui s'appliquerait au capitaine en sa qualité de mandataire, et non au reste de l'équipage, simple locateur de services (il s'agissait de savoir dans l'espèce jugée par la Cour de cassation et au sujet de laquelle M. Charveriat a écrit sa dissertation, si le capitaine et les ma

telots blessés dans un événement de mer peuvent prétendre à une indemnité supplémentaire en dehors de celle arbitrée par l'art. 262, C. comm., et cela, au dire du moins de M. Charveriat, par application de l'art. 2000, C. civ.).

55. Mais principe et conclusion sont également erronés. Le principe est faux parce qu'il contredit l'assimilation nettement établie par les art. 250 et 272 entre le capitaine et les autres matelots, et va à l'encontre d'une disposition non moins remarquable du titre du capitaine, celle de l'art. 238, aux termes de laquelle le capitaine engagé pour un voyage est tenu de l'achever. Si le capitaine se trouve dans ce cas, s'il est en quelque sorte rivé à son engagement, c'est qu'il n'est pas un mandataire pur et simple, puisque celui-ci peut toujours renoncer au mandat (art. 2007, C. civ.). C'est ainsi, du reste, que la règle a toujours été entendue. V. Desjardins, t. 2, n. 473; LyonCaen et Renault, t. 2, n. 1788. Quant aux objections que M. Charveriat tire des art. 218 et 221 en faveur de son système, elles ne seraient déterminantes que si, tombant dans un exclusivisme semblable au sien, on niait d'un autre côté l'idée du mandat; ce qui, on l'a vu, n'a jamais été la pensée de personne.

56. Si le principe est erroné, la conséquence que M. Charveriat en tire, en ce qui concerne l'application ou la non-application de l'art. 2000 au capitaine, n'est pas plus exacte, et repose sur une fausse interprétation de cet article. Si, en effet, aux termes de la disposition dont il s'agit, le mandant est obligé d'indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, c'est parce que ces pertes sont censées avoir été amenées par cette gestion même, qu'elles en sont une suite forcée; d'où la conséquence que si elles ne s'y rattachaient qu'accidentellement ou occasionnellement, elles ne seraient plus à la charge du mandant. Pothier en faisait la remarque très-judicieuse, dans un passage de son traité du mandat (n. 76 de l'édit Bugnet) qui est d'autant plus significatif que c'est celui-là même dont les rédacteurs du Code ont tiré la règle de l'art. 2000.

57. Or, est-il exact de dire que la blessure reçue par un capitaine dans un naufrage soit une suite forcée du mandat particulier assumé par lui? N'est-elle pas plutôt une conséquence de sa profession, qui l'expose à de tels hasards, ou mieux la suite de son engagement? En réalité. l'accident peut se produire dans tous les voyages entrepris par lui, et indépendamment du contrat qui le le à l'armateur. Il faudrait des circonstances bien particulières pour le rattacher à telle expédition plutôt qu'à telle autre.

58. Dans tous les cas, la question ne se pose pas pour le capitaine autrement que pour tous les autres hommes de l'équipage, et si on décide que l'art. 2000 est applicable au capitaine, il faut décider qu'il l'est également à tout l'équipage. Il n'importe que la disposition soit placée au titre du mandat; si le législateur y a proclamé la règle, c'est qu'il l'a jugée devoir être appliquée plus souvent en matière de mandat qu'en toute autre; mais par son esprit la règle est générale, puisqu'elle n'implique même qu'une application du grand principe de l'art. 1135, C. civ. Il n'y a donc aucune différence à faire à ce point de vue entre le mandat et le louage de services, entre le capitaine et les autres gens de mer.

59.- La Cour de cassation, dans son arrêt du 31 mai 1886, Alarcon, S. 87.1.209, P. 87.1.508, D. 87.1.163] a plus simplement et plus sagement agi: 1o en ne mêlant pas l'art. 2000 dans une question à laquelle il est étranger; 2o en décidant que l'unique réparation due dans ce cas au capitaine et autres marins est celle admise par l'art. 262, C. comm., sauf à eux, s'ils prétendent à une indemnité supplémentaire en suite des principes du droit commun art. 1382, C. civ.), à prouver la faute. Ceci, du reste, se rattache à la question beaucoup plus générale et trèsdiscutée de savoir si le commettant est tenu contractuellement ou delictuellement, vis-à-vis de ses préposés, et en conséquence si, dans le cas d'une action en responsabilité dirigée contre lui, c'est à lui à prouver la force majeure pour faire tomber sa responsabilité, ou au préposé à prouver la faute pour la faire naître.

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61. Mais le capitaine ne peut-il pas acquérir une autre qualité vis-à-vis des chargeurs? Ne peut-il pas devenir, dans certaines hypothèses et à des conditions déterminées, leur mandataire, et ne peut-il pas les obliger par les actes qu'il accomplit relativement à la gestion ou à la conservation des marchandises? C'est une question que l'on a récemment agitée, en la posant dans les termes suivants : le capitaine est-il le représentant des chargeurs? V. de Courcy, Rev. crit., année 1885, p. 304 et s.; Levillain, note sous Cass., 2 avr. 1884, D. 84.1. 449]; Lyon-Caen, note sous le même arrêt, S. 85.1.25, P. 85. 1.39]; Laurin, Annales du droit commercial, 1886, p. 5 et s.

62. Pour bien comprendre l'intérêt pratique du problème, il faut supposer que la valeur de la marchandise, au sujet de laquelle les actes de gestion ont été accomplis, a diminué au point de ne pas pouvoir couvrir la dépense. Ce n'est guère que dans ce cas que les chargeurs se refuseront à indemniser le capitaine, ou à exécuter l'engagement contracté par lui (par exemple, un emprunt à la grosse sur la marchandise), en se basant sur le défaut de mandat du capitaine, qui, par suite, n'aurait aucune qualité pour les représenter.

63. — Quoi qu'il en soit de ce point de fait, il semble, après réflexion, que la question ne puisse pas se poser. En effet, si le capitaine n'est pas le mandataire des chargeurs, il est ou peut être tout au moins leur gérant d'affaires, et les actes qu'il accomplit en cette qualité les obligent comme s'il y avait mandat (art. 1372, C. civ.). Mais la réponse est insuffisante, et l'observation ne porte pas pour deux motifs: 1° si le capitaine n'est qu'un gérant d'affaires, il ne sera pas responsable de n'avoir pas fait, dans certains cas donnés, les actes de gestion voulus, car nul n'est gérant d'affaires qui ne le veut, tandis qu'il qu'il en est autrement du mandat; 2° d'un autre côté, le capitaine, s'il n'est que gérant d'affaires, sera obligé d'établir l'utilité de la gestion à l'appui de son recours contre le chargeur, tandis que, s'il est mandataire, ce recours est de droit, sauf justification de l'inutilité, c'est-à-dire de la faute, de la part du chargeur.

64. La question présente donc un très-grand intérêt pratique; quelle solution faut-il lui donner? M. de Courcy a soutenu (loc. cit.), que le capitaine ne peut être le représentant des chargeurs 10 parce qu'il n'est, à tout prendre, qu'un voiturier, et que le voiturier n'a jamais été considéré comme le représentant des expéditeurs; 2° parce que le mandat, comme tous les contrats, implique le consentement des parties intéressées, et parce que les chargeurs n'ont eu à donner aucun avis sur le choix du capitaine, ce qui exclut leur consentement; 3° parce que les intérêts du chargement sont le plus souvent en opposition avec ceux de l'armement que le capitaine représente et qu'il semble bien impossible qu'on puisse accomplir simultanément deux mandats opposés; 4° parce qu'enfin, si le mandat existait, et la responsabilité du chargeur à la suite, mandat et responsabilité devraient avoir pour correctif une faculté analogue à celle de l'art. 216, laquelle n'est pas reconnue dans l'espèce.

65. - Ces raisons ne sont nullement décisives. 1o Le capitaine est sans doute un voiturier, mais il n'est pas un voiturier comme un autre, et la preuve en est que la loi l'a soumis ici et ailleurs (art. 273 et s.) à des règles spéciales; 2o le mandat peut être légal aussi bien que contractuel, c'est-à-dire que la loi peut l'imposer en vue d'une situation déterminée, et pour le plus grand bien du commerce maritime; 3° les intérêts du chargement ne sont pas toujours en conflit avec ceux de l'armement, et pour que la question se pose, il faut supposer que les intérêts de l'armement ne sont pas en cause, c'est-à-dire que le capitaine n'a agi que pour le compte du chargeur; 4° l'absence d'un correctif à la responsabilité serait, sans doute, un argument; mais ce correctif existe, nous allons le démontrer ciaprès. V. infrà, n. 70.

66. Pour M. Levillain, le capitaine est le représentant des chargeurs comme de l'armateur; il croit en trouver la preuve dans les textes, notamment dans l'art. 296 et implicitement dans

l'art. 381 en même temps que dans les principes généraux; en effet, ou la gestion a été utile ou elle ne l'a pas été si elle l'a été, le capitaine doit avoir action même ultra vires rei, ne fût-ce que par application des règles de la gestion d'affaires, et la diminution qui s'est produite après coup dans la valeur de la chose ne doit pas l'atteindre; si elle ne l'a pas été, alors, à la vérité, il n'a pas d'action, mais il n'en a pas plus en se réclamant du mandat que de la gestion d'affaires, car il est en faute.

67. C'est encore là une exagération; les principes de la gestion d'affaires ne conduisent pas à des résultats identiques à ceux du mandat, ainsi que cela vient d'être démontré (suprà, n. 63, et l'assimilation admise par M. Levillain est erronée. Quant à l'argument tiré de l'art. 296, il ne serait probant qu'à la condition de démontrer que cette disposition n'a pas un caractère exceptionnel, caractère qu'elle paraît bien avoir. Ajoutons qu'il y a quelque chose d'exorbitant, dans ce système, ce que le chargeur, dont le mandat a été si peu défini par le législateur, soit tenu ultrà vires rei des actes de gestion du capitaine, tandis que l'armateur, pour lequel le mandat est formel, n'est tenu qu'intrà vires, par suite de l'abandon du navire et du fret. Sous ce rapport, l'objection formulée par M. de Courcy reste dans toute sa force.

68. M. Lyon-Caen se prononce pour un système intermédiaire; le capitaine représente les chargeurs, mais dans une certaine mesure. Laquelle? L'auteur se borne à donner des exemples: sacrifice volontaire fait dans l'intérêt de la cargaison et constituant une avarie commune, prêt à la grosse contracté sur elle, frais de sauvetage, etc. Il ajoute que, dans tous les cas, le chargeur ne saurait être tenu que dans la mesure de la valeur de sa chose, soit par une extension de l'art. 216 à la situation, soit par argument tiré des art. 381, 417 et 424.

69. Ce système se rapproche de la vérité, mais il n'indique pas pourquoi, dans les hypothèses qu'il prévoit, le capitaine représenterait les chargeurs et pourquoi ceux-ci seraient tenus. Il y en a même une au sujet de laquelle il y aurait beaucoup à dire, celle du prêt à la grosse contracté sur marchandises, parce que, suivant la cause et les circonstances du prêt, on concoit que la solution ne soit plus la même. Quant à la limite que M. Lyon-Caen assigne à l'obligation des chargeurs, il convient de l'adopter, mais en écartant de la question l'art. 216, dont l'extension serait complètement arbitraire.

70. — La vérité stricte est donc celle-ci : le capitaine ne représente pas, en principe, les chargeurs, parce qu'il n'est, par rapport à eux, qu'un transporteur, ayant le plus souvent des intérêts contraires aux leurs. Mais comme le transport s'exécute ici dans des conditions toutes spéciales, comme certaines éventualités presque normales en matière de navigation peuvent rendre indispensables un maniement, un transbordement, en un mot des actes de conservation ou de gestion de la marchandise, propres à assurer la continuation et l'achèvement du transport, on conçoit que, par interprétation de la convention des parties, le capitaine ait, du chef même des chargeurs, toute qualité pour procéder à ces mesures, et les oblige en y procédant. Le capitaine représentera donc les chargeurs, mais dans les mesures qui auront le transport en vue, qui s'y rattacheront comme moyen d'exécution. C'est, comme on voit, mieux prouvée, la formule de M. Lyon-Caen. Laurin, loc. cit.

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71. L'art. 296 fournit, en faveur de cette opinion, un argument décisif, en ce sens qu'en même temps qu'il établit ce mandat du capitaine à l'égard des chargeurs, il en détermine les conditions. Il s'agit dans cet article du cas où un navire est devenu innavigable, et la loi dit que le capitaine est tenu d'en louer un autre. Il est admis aujourd'hui, après controverse à la vérité, que ce n'est pas comme fréteur, en accomplissement de ses obligations premières que le capitaine est obligé de procéder à ce soin, par cette raison que l'affrétement qui, selon la loi elle-même (art. 273) est le louage d'un vaisseau, a été dissous par la perte même du navire, mais du chef des chargeurs, comme investi de leurs intérêts, et la preuve en est que s'il y a excédant de fret (fret proportionnel dù au capitaine, et nouveau fret dù au second transporteur), cet excédant incombe aux chargeurs (art. 393). — V. suprà, v° Affrétement, n. 344, et les autorités citées. Qu'est-ce à dire, sinon que le capitaine représente ici les chargeurs, mais qu'il les représente uniquement parce que la mesure prise a le transport en vue, et que sans elle il ne pourrait pas s'exécuter.

-

'72.

Voici, à titre d'exemple, une hypothèse où, par suite de la même idée, la solution devrait être différente un capitaine trouve qu'une marchandise ne peut plus supporter le transport et la vend dans un port d'échelle ou de relâche, au mieux des intérêts des chargeurs. Le capitaine a-t-il agi ici comme mandataire? Non; le capitaine n'a pas plus le droit de vendre la marchandise que le navire (art. 237, car cela ne rentre nullement dans ses devoirs de transporteur. Il n'a agi que comme gérant d'affaires, d'où la double conséquence déjà signalée : 10 qu'on ne pourrait pas, en principe, lui reprocher de n'avoir pas procédé à l'accomplissement de la mesure; 2° que, dans le cas de cet accomplissement, il serait obligé d'en établir l'utilité.

73. Quant à la mesure dans laquelle le chargeur est tenu, c'est bien celle indiquée par M. Lyon-Caen, mais pour d'autres motifs. Les dispositions absolument pertinentes en ce sens sont celles des art. 381 et 401, C. comm. L'art. 381 porte que, en cas de naufrage ou d'échouement avec bris, l'assuré doit travailler au recouvrement des effets naufragés, et il ajoute que sur son affirmation, les frais de recouvrement lui sont alloués JUSQU'A CONCURRENCE DE la valeur des effets RECOUVRÉS. On voit déjà l'argument d'analogie qui se tire d'une disposition semblable; mais il y a plus que l'argument d'analogie, il y a nécessité d'appliquer la même règle à tous les intéressés. Supposons, en effet, que l'assuré dont il s'agit soit le chargeur lui-même; comment pourrait-il être tenu ultrà vires vis-à-vis du capitaine qui a opéré le sauvetage, alors qu'il n'aurait de recours qu'intrà vires vis-à-vis de son assureur? Le résultat serait aussi choquant qu'injuste, et l'argument à simili s'impose forcément.

74. L'art. 401, par la façon dont il est conçu, est non moins décisif; il dispose que les avaries communes sont supportées par les marchandises et par la moitié du navire et du fret, etc. Sont supportées par les marchandises! C'est donc la chose elle-même qui paie la dette contractée en sa faveur; on ne pouvait accuser plus énergiquement, au prix même d'une inexactitude d'expression (car l'action dont il s'agit est plutôt personnelle que réelle, et elle est plutôt restreinte à la valeur de la chose qu'à cette chose elle-même: V. suprà, v° Avaries, n. 463 et s.) cette idée que les chargeurs comme l'armateur, représentés, quant à leurs intérêts respectifs, par le capitaine, ne sont tenus que dans la limite de cet intérêt. C'est ce que, du reste, a jugé, pour ce cas particulier, la Cour de cassation par un arrêt en date du 2 avr. 1884, de Montricher, [S. 85.1.25, P. 85.1.39, D. 84.1.449] - celui au sujet duquel toutes ces dissertations ont été écrites.

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CHAPITRE IV.

OBLIGATIONS ET POUVOIRS DU CAPITAINE; ACTES QU'IL DOIT

OU PEUT FAIRE.

75. Les obligations et les pouvoirs du capitaine, les actes que la loi le met dans l'obligation ou lui donne le droit de faire, se réfèrent presque tous, soit à la conduite, soit à l'administration du navire. Quelques dispositions ont été consacrées de plus au capitaine considéré comme voiturier (art. 222, 229 et 230; mais cet ordre d'idées est étranger à notre matière, et se rattache plus logiquement à celle de l'affrétement (V. suprà, vo Affrétement, n. 454 et s., et infrà, v° Connaissement). Une seule de ces prescriptions sera ici retenue parce qu'elle présente un caractère réglementaire, c'est celle de l'art. 229. - V. infrà,

n. 92 et s.

SECTION I.

Conduite du navire.

76. Le capitaine a sous ce rapport, et de par sa vocation même, pleins pouvoirs; et la vieille maxime qui le considérait comme le maître de la nef après Dieu est restée, à ce point de vue, entièrement vraie. L'unique but de la loi, dans les règles dont l'explication va suivre, a été de transformer certaines mesures, dont la nécessité s'imposait pour la protection de tous les intérêts engagés dans la navigation, en autant d'obligations professionnelles à la charge du capitaine, et de les sanctionner par une responsabilité, soit civile, soit pénale.

77. Ces obligations sont les suivantes : 1° le capitaine est

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obligé, avant de prendre charge, de faire procéder à la visite der, n. 139; Desjardins, t. 2, n. 407; Lyon-Caen et Renault, du navire, à l'effet de s'assurer de sa bonné navigabilité art. | t. 2, n. 1803. 225,; 29 il ne peut, si ce n'est du consentement dé l'intéressé, charger les marchandises sur le pont (art. 229;; 3° il doit avoir a bord un certain nombre de papiers ou documents, appelés, par cela même papiers de bord, et destinés à renseigner l'Administration et les tiers sur tout ce qui concerne le navire et la cargaison (art. 226; 4 il doit tenir lui-même une sorte de livrejournal, désigné sous le nom de livre de bord, relatant tous les événements de sa navigation et tous les faits de sa gestion (art. 224; 5 il doit être de sa personne à bord du navire, à l'entrée et à la sortie des ports ou rades, fleuves ou rivières 'art. 227,; 6 il ne peut quitter le navire qu'à la dernière extrémité et après avoir sauvé les objets les plus précieux (art. 241); 79 il doit, à son arrivée, faire un rapport sur tous les événements et faits de sa navigation (art. 242-248,.

§ 1. Visite du navire.

78. L'origine de cette obligation remonte à une très-importante déclaration royale du 17 août 1779. Auparavant, l'Ordonnance de la Marine parlait bien de la visite liv. 1, tit. 5, art. 7), pour dire que le capitaine était tenu de la souffrir; et en conséquence, un reglement postérieur, en date du 10 janv. 1770, en avait réglé les formes. Mais c'était là une simple inspection administrative qu'il était obligé de subir, lorsqu'on la pratiquait à son encontre, et non une mesure qu'il devait luimême, et à des intervalles périodiques, provoquer.

79.- C'est donc l'Ordonnance de 1779 qui, pour couper court à des contestations sur la part à faire au vice propre du navire ou à la force majeure dans un événement de mer, a créé cette obligation, laquelle, depuis, a toujours été maintenue, bien qu'on l'ait récemment adoucie dans l'application. Les textes réglementaires sur ce point sont, outre l'ordonnance dont il s'agit, qui n'a plus du reste qu'une valeur historique, et l'art. 223, C. comm., qui lui a emprunté son principe, une loi du 13 août 1791 tit. 2, art. 12), une ordonnance du 1er nov. 1826, le décret du 24 mars 1852 (art. 83), le règlement général de 1866 (art. 185 et 8.), enfin la loi du 29 janv. 1881 (art. 2).

80. De cet ensemble de textes, découlent les conclusions suivantes, et quant aux navires qui sont soumis à l'obligation de la visite, et quant aux conditions ou aux formes en lesquelles elle doit être faite, et quant aux conséquences qui résultent, soit de son observation, soit de son inobservation."

81.-I. Navires soumis a l'obligation de la visite. - L'Ordonnance de 1779 ne faisait aucune distinction à cet égard; d'où il résultait que les navires faisant le cabotage devaient y être soumis aussi bien que les longs courriers. Du reste, un délai spécial avait été pour eux établi art. 3). Mais, depuis, la loi du 13 août 1791 a, par son art. 14, restreint à ces derniers l'accomplissement de la formalité, et comme l'art. 223 se réfère, pour l'application, aux termes et aux formes prescrits dans les réglements, il semble bien que c'est la solution qu'il faut encore admettre aujourd'hui.

82. Toutefois, la pratique est contraire, et il faut avouer qu'elle peut invoquer en sa faveur un texte qui paraît bien décisif; l'art. 184 du règlement de 1866 contient, en effet, la déclaration suivante : l'art. 3 de l'Ordonnance du 17 août 1779, permet aux capitaines des bâtiments employés au cabotage de ne faire constater qu'une fois par an que leur navire est en bon état de navigation. D'un autre côté, la commission instituée par la loi du 28 juill. 1873 à l'effet de chercher les moyens économiques ou juridiques de venir en aide à la marine marchande, a, par l'organe de son éminent rapporteur, M. Dupuy de Lôme, formulé le même avis.-V. en ce sens, Aix, 1er avr. 1878, [J. Marseille, 79.4.131] Sic, Caumont, v° Capitaine, n. 28.

83. La solution n'en est pas moins illégale; le règlement de 1866 n'a pu déroger à la loi de 1791, confirmé par l'art. 225, C. comm. Aussi l'opinion générale en jurisprudence et en doctrine est-elle en ce sens. · Cass., 23 mars 1826, Assur. marit.,

Sie,

S. et P. chr.]; 49 févr. 1852, Ranger, D. 52.5.376] — Bordeaux, 26 févr. 1826, Assur. marit., D. Rep., və Dr. marit., n. 386] Montpellier, 40 mai 1847, Barraud, [D. 47.2.121] Bruxelles, 6 mars 1826, D. Rép., v° Dr. marit., n. 386] Beaussant, t. 1, p. 204; Alauzet, t. 3, n. 1133; Bédarride, t. 1, n. 382; Bravard-Veyrières et Demangeat, t. 4, p. 206 et 207; Cresp et Laurin, p. 580 et s.; Boistel, n. 1210; Ruben de Cou

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84. La même formalité est-elle applicable aux navires étrangers? L'affirmative est fort douteuse, bien que l'on puisse se réclamer en ce sens de l'art. 3, C. civ. Il est bien difficile, dans une matière comme celle-ci, qui a un caractère réglementaire, de soumet re navire et capitaine à une autre loi que celle de leur nationalité. Comment, en effet, des chargeurs pourraient-ils faire un grief au capitaine de n'avoir pas fait visiter son navire, alors que sa loi nationale ne lui en ferait pas une obligation, et comment pourraient-ils tirer de là une présomption de mauvaise navigabilité? La question ne serait un peu délicate que pour le navire étranger qui chargerait en France, et qui aurait par cela même la possibilité de se conformer à l'art. 225; mais, même dans cette hypothèse, la solution est trop en contradiction avec la règle reçue touchant l'application de la loi du pavillon, pour être admise. - Cass., 11 févr. 1862, La Garonne, S. 62.1.376, P. 62.739, D. 62.1.158 Sic, Desjardins, t. 2, n. 408; de Valroger, t. 2, n. 170; Lyon-Caen, Etudes de dr. murit., n. 46; Lyon-Caen et Renault, Précis de dr. comm., t. 2, n. 1804; Cresp et Laurin, t. 1, p 580; Ruben de Couder, n. 140; Bravard-Veyrières et Demangeat, t. 4, p. 207. V. aussi Trib. Tours, 9 oct. 1827, (J. Marseille, t. 9.2.110] 85. II. Conditions et formes de la visite. L'art. 225 dispose que le capitaine est tenu, avant de prendre charge, de faire visiter son navire, etc., ce qui, à l'exception de ce que nous venons de dire des bâtiments armés au cabotage, implique que la visite devait avoir lieu à chaque voyage. Mais cette obligation a été trouvée, à la longue, trop dure; les voyages, même ceux de long cours, étant aujourd'hui d'une durée relativement courte, il y avait, dans ces conditions, exagération à imposer la visite à chaque départ du navire; la mesure perdait son caractère d'utilité pour devenir onéreuse et vexatoire. Aussi la loi du 29 janv. 1881, réformant ce point de la législation antérieure, a-t-elle exigé simplement que la visite, sauf le cas d'avarie, se fit tous les six mois (art. 2).

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86. Cette nouvelle réglementation a fait disparaître une question agitée auparavant, celle de savoir, dans le cas d'un voyage entrepris pour l'aller et le retour, s'il devait être fait deux visites, l'une à l'aller, l'autre au retour, ou s'il suffirait d'une seule effectuée au départ. En effet, dans les six mois, il n'y a pas lieu à la visite, où que le navire se trouve, et après les six mois, il doit y être procédé lors du premier chargement qui se réalisera, quelque part que le navire se trouve également. 87. La loi et la disposition précitées font exception à la règle pour le cas d'avarie, ce qui va de soi et n'avait guère besoin d'être dit; en effet, les experts désignés dans ce cas pour indiquer les réparations à faire, étant dans l'habitude de constater par un second procès-verbal la bonne exécution des travaux, on a toujours considéré cette pièce comme équivalant au certificat de visite; à telle enseigne qu'antérieurement à la législation actuelle, la question qui se posait pour le port de destination, en cas de voyage d'aller et de retour, et dont il vient d'être parlé, ne s'est jamais élevée en ce qui concerne les ports de relâche. Cresp et Laurin, t. 1, p. 582; Desjardins, n. 409, note 3.

-

88. La visite se fait en deux fois : une première fois avant l'armement du navire, à l'effet d'en constater l'état et de déterniner les travaux à exécuter, une seconde après l'armement, pour s'assurer de la bonne exécution de ces travaux, et voir si le navire est pourvu de tout le grément nécessaire (L. de 1791, art. 12; Règl. de 1866, art. 186). A la suite de chaque visite, un procès-verbal est dressé, puis déposé au greffe du tribunal de commerce et de la justice de paix (Ord. de 1826). Un extrait en est délivré au capitaine et figure parmi les pièces de bord (art. 226). Ajoutons que les experts visiteurs sont d'anciens navigateurs ou des constructeurs désignés annuellement par le tribunal de commerce (L. de 1791, tit. 3, art. 6; Règl. de 1866, art. 183).

89. Un point intéressant à noter dans cette procédure, c'est que les deux visites se placent toutes avant le chargement; aucune n'a lieu après. V. cep. Rennes, 8 mars 1875, Barjolles, [S. 76.2.17, P. 76.104) Or, c'est là très-certainement une lacune de la loi, et Valin (sur l'article précité de l'Ordonnance, t. 1, p. 194) avait été autrement sage et prévoyant en admettant que la mesure pouvait porter sur les marchandises de la cargaison aussi bien que sur le bâtiment. Il est avéré, en effet, que

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