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CESSION DE CRÉANCES OU DE DROITS INCORPORELS.

taine quantité de marchandises, à des époques déterminées, peut refuser d'effectuer ces livraisons aux mains d'un tiers, cessionnaire de son acheteur, et ne reconnaitre que ce dernier pour l'exécution du marché et le règlement du prix; que, par suite, l'acheteur qui a cédé son marché demeure garant de l'exécution du marché envers son concessionnaire, quoique celui-ci n'ait point notifié la cession au vendeur qui doit faire la livraison, et ait consenti à se charger de faire exécuter le marché et de régler le prix de la vente; et que le cessionnaire ne doit être considéré et ne peut agir, à raison de ces opérations, vis-à-vis du vendeur, que comme mandataire de l'acheteur. - Cass., 3 juill. 1827, Ardaillon, [P. chr.]

312. Cette solution ne nous paraît pas devoir être admise d'une manière absolue. Il est bien certain que, pour ce qui regarde les effets de commerce, transmissibles par voie d'endossement, c'est-à-dire les lettres de change et les billets à ordre, le principe de l'art. 1690, C. civ., ne peut recevoir d'application. C'est, au reste, la disposition formelle de l'art. 136, C. comm. (V. suprà, n. 257 et s.). Mais, à cette exception près, quelle que soit la forme du titre, quelle que soit la nature mème de la créance, la notification de la cession qui en serait faite devient nécessaire pour que le cessionnaire soit saisi à l'égard des tiers. Telle est l'opinion de MM. Duranton, t. 16, n. 505; Duvergier, Vente, t. 2, n. 213; Pardessus, t. 2, n. 313; Troplong, Vente, t. 2, n. 908. Ce dernier auteur s'explique ainsi sur la question: «<< Toutes les fois que le Code de commerce a voulu établir un mode particulier de transmission des créances commerciales, ne l'a-t-il pas fait d'une manière expresse, comme, par exemple, dans les art. 35, 136 et 187? Si l'art. 1690, C. civ., eût été inapplicable dans les usages du commerce, aurait-il fallu une disposition positive pour les actions au porteur? Aurait-il été nécessaire de faire un article exprès pour dire que, dans le cas où l'action est sous la forme d'un titre au porteur, la cession s'opère par la délivrance du titre ?... » En présence d'une telle unanimité d'opinions, nous ne saurions donc admettre que les transports de créances commerciales dans une forme autre que celle des effets transmissibles par voie d'endossement, soient dispensés de la formalité de la notification. C'est du reste en ce sens que la question a été résolue par un arrêt de Cass. du 23 nov. 1813, Lévi, [S. et P. chr.] V. cep. suprà, n. 308. 313. Jugé encore que la cession d'une créance commerciale à un non-commerçant n'est qu'un acte purement civil; en conséquence, elle n'est point affranchie des règles du droit civil, et notamment de la nécessité de la signification au débiteur cédé, pour produire effet à l'égard des tiers. - Riom, 8 mars 1845, Cellier, S. 46.2.118, P. 46.2.74, D. 46.2.65]

2o Acceptation du débiteur.

314. En matière commerciale, est-il nécessaire, comme en matière civile, que l'acceptation du débiteur cédé soit faite par acte authentique?

315. Plusieurs auteurs pensent qu'en matière commerciale, l'acceptation authentique n'est pas toujours indispensable. Pardessus, t. 2, p. 323; Duvergier, t. 2, n. 213; Troplong, t. 2, n. 908.

-

316. Pardessus (t. 2, n. 313) enseigne que, dans certaines circonstances, l'acceptation du débiteur cédé, quoique non faite par acte authentique, par exemple celle qui serait prouvée par les livres du débiteur, pourrait suffire pour opérer la transmission à l'égard des tiers, et il invoque à l'appui de cette doctrine un arrêt de la Cour de cassation du 7 janv. 1824, Gay, dans une espèce où, il est vrai, l'acceptation faite par simple lettre par le débiteur cédé a été réputée valable; mais, dit M. Duvergier, ce débiteur était une administration publique, en sorte que ses actes avaient une sorte d'authenticité. Au reste, M. Duvergier pense aussi (Vente, n. 213), que le principe qui fait de l'authenticité de l'acceptation par le débiteur cédé une condition essentielle de la cession à l'égard des tiers, doit être concilié avec la doctrine généralement admise, qu'en matière commerciale la certitude de la date des actes peut être établie par d'autres moyens qu'en matière civile. « C'est aux tribunaux, dit-il, à user avec réserve du pouvoir qui leur est attribué, et à renfermer dans de justes limites l'exception à la règle générale. »

-

317. Cette doctrine a été sanctionnée par un arrêt de la Cour de cassation du 17 juill. 1837, Lédin, [S. 37.1.1022, P. 37.

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Chap. V. 2.592], par lequel il a été jugé que le cessionnaire, par acte sous seing privé, des droits d'un négociant dans la liquidation d'une société ayant existé entre ce dernier et un tiers pouvait être préféré au cessionnaire des droits du même individu par titre authentique postérieur en date, si la sincérité de la date du premier transport résultait tant des faits et circonstances de la cause que des éléments de procédure admis par l'art. 109, C.

comm.

318. Mais cette décision, qui paraît être plutôt une déci sion d'espèce, est contredite par l'arrêt du 23 nov. 1813, précité, décidant qu'en matière commerciale, comme en matière civile, une cession ne saisit le cessionnaire, au préjudice des tiers, qu'autant que la cession a été signifiée ou qu'elle a été acceptée par un acte authentique. Ainsi, la cession, par un commissionnaire, du prix de la marchandise vendue, ne saisirait pas le cessionnaire, si la cession était faite et acceptée verbalement : une telle cession ne s'opposerait aucunement à la revendication du propriétaire (C. civ., art. 1690; C. comm., art. 581). — V. dans le même sens, Duvergier, Vente, n. 213; Troplong, Vente, t. 2, n. 908; Duranton, t. 16, n. 505; Pardessus, Droit comm., t. 2, n. 313.

- 9 mars

. 27 nov.

319. Depuis, les décisions des cours d'appel et de la Cour de cassation ont abondé dans le même sens. Cass., 26 janv. 1863, Couillaud, [S. 63.1.64, P. 63.429, D. 63.1.47]; 1864, Clerc, [S. 64.1.185, P. 64.668, D. 64.1.1907; 1865, Lafontaine, S. 66.1.60, P. 66.146, D. 66.1.56] Rennes, 29 juill. 1861, Desplanchet, [S. 62.2.225, P. sous Cass., 26 janv. 1863, 63.4291 Rouen, 3 janv. 1874, Avril, (S. 74.2. 278, P. 74.1161]

CHAPITRE V.

EFFETS DE LA CESSION.

SECTION I.

-

Effets de la cession entre les parties contractantes.

V. aussi

320. Nous avons admis plus haut (n. 13), que la cession de créance est un véritable contrat. A ce titre, les effets de la cession créent certaines obligations (C. civ., art. 1101).

321. D'autre part, la cession étant un contrat synallagmatique, le contrat fait naitre des obligations à la charge des deux parties contractantes. Et il n'y a pas, à cet égard, à distinguer entre la cession à titre onéreux et la cession à titre gratuit. 322. Nous examinerons successivement: 1° les obligations du cédant; 2o les obligations du cessionnaire.

§ 1. Obligations du cédant.

323. Bien que la cession de créance ait souvent lieu à titre gratuit, il faut reconnaitre que la loi, en la réglementant, s'est plutôt inspirée des règles établies pour le contrat de vente.-V. suprà, n. 11 et 12.

324. Pour savoir quelles sont les obligations du cédant, il faut donc se référer à Tart. 1603, C. civ., d'où il suit que le cédant s'impose deux obligations principales: 1° celle de délivrer; 2° celle de garantir la créance qu'il vend. Examinons successivement ces deux obligations.

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325. «La délivrance, dit l'art. 1604, C. civ., est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ». Et l'art 1607 ajoute que cette délivrance s'opère, pour les choses incorporelles ou les droits, par la remise des titres qui les constatent.

326. L'art. 1689, C. civ., applique ces principes spécialement en matière de cession de créances. Mais cet article ne donne efficacité à cette délivrance qu'entre les parties contractantes. L'art. 1690, C. civ., nous indique comment il faut procéder pour donner à la délivrance efficacité à l'égard des tiers.

327.- Nous avons étudié ces dispositions lorsque nous avons parlé des formes de la cession. Nous avons ici, négligeant la question de forme, à examiner uniquement la question de fond : ce que comprend l'obligation de délivrance.

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la délivrance opérée d'après les règles indiquées suprà, n. 150 et s. La seule question à résoudre est donc celle-ci : quels sont les droits et avantages qui passent au cessionnaire par suite de la délivrance?

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329. L'art. 1692, C. civ., répond à notre question. «La vente ou cession d'une créance, dit ce texte, comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque. 330. La pensée de la loi vaut très-certainement mieux que la forme qu'elle lui a donnée dans le texte que nous venons de transcrire. Car, à en juger par ce texte, la cession ne comprendrait que les sûretés accessoires de la créance. Or, il est certain que la cession comprend non seulement les sûretés, mais tous les avantages accessoires de la créance, ou du moins ceux qui ne sont pas essentiellement attachés à la personne du cédant.

331. Il est à peine besoin de faire remarquer que si le cessionnaire reçoit ainsi tous les droits et avantages qui appartenaient au cédant, le débiteur cédé n'en souffre aucunement : les droits et exceptions qu'il pouvait faire valoir contre le cédant, il peut également les faire valoir contre le cessionnaire.

La

332. — I. Sûretés accessoires. A. Cautionnement. caution continue à garantir la créance cédée et est tenue envers le cessionnaire comme elle l'était envers le cédant. Et il n'y a pas lieu de distinguer entre le cas où le cautionnement a été consenti par l'effet d'un sentiment de bienveillance pour le débiteur ou même pour le créancier. — Huc, Cession de créances, t. 2, n. 437. 333. B. Privileges. Le privilège passe au cessionnaire avec la créance, dont il est une qualité inséparable (C. civ., art. 2095). Aucune autre formalité que celle prescrite par l'art. 1690, C. civ., n'est nécessaire, s'il s'agit de privilèges sur les meubles; mais s'il s'agit de privilèges sur les immeubles, il est possible qu'on soit forcé d'accomplir, pour sa conservation à l'égard des tiers, les formalités de publicité exigées par la loi en cette matière. V. sur tous ces points, Huc, n. 438 et s.

334. Remarquons, à cet égard, qu'au cas où le privilège n'est pas encore rendu public, le cessionnaire pourra prendre l'inscription en son nom (Huc, loc. cit.); au cas où le privilège est déjà inscrit, le cessionnaire peut, si la cession a eu lieu par acte authentique, échanger, à son profitt, le domicile élu dans l'inscription sur les registres du conservateur des hypothèques (C. civ., art. 2152).

335. C. Hypothèques. L'hypothèque est un accessoire attaché à la créance, dont elle garantit le paiement; elle passe au cessionnaire avec tous les avantages qu'elle confère. Dans une certaine mesure, en effet, elle est inséparable de la créance qu'elle garantit.

336. — Il a été jugé, dans cet ordre d'idées, que la cession de l'hypothèque attachée à une créance, emporte cession de la créance elle-même, tellement que le créancier ne peut ultérieurement donner la créance dont il a ainsi cédé l'hypothèque (C. civ., art. 1689 et 1692). Nimes, 11 déc. 1809, Ve Mazein, S. et P. chr.]

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337. II. Avantages accessoires de la créance cédée. A. Intérêts. Maitre de la créance, le cessionnaire l'est de tout ce qui s'y rattache et de tout ce qu'elle produit en vertu du droit d'accession, et conformément aux principes établis par les art. 547 et s., C. civ. Lorsque l'objet de la cession est un capital productif d'intérêts ou une rente, les intérêts ou arrérages échus postérieurement à la cession lui appartiennent done. Duvergier, Vente, n. 219 et 220; Troplong, Vente, n. 914; Huc, op. cit., t. 2, n. 448. 338. La question de savoir si les intérêts échus avant la cession doivent être réputés en faire partie présente plus de difficulté. Cependant elle doit, à moins de circonstances particulières, être résolue dans le même sens : les intérêts dùs sont, en effet, une dépendance de la créance; c'est d'ailleurs au vendeur a expliquer clairement sa pensée; si le pacte est obscur, on doit l'interpréter contre lui (C. civ., art. 1602). - Duvergier, n. 221; Troplong, n. 915; Duranton, t. 16, n. 507; Huc, n. 448.

S'il

a remis le titre constitutif de la créance, cette circonstance vient encore ajouter une nouvelle présomption contre lui, puisque, privé qu'il est du titre, il ne peut plus exercer de poursuites contre le débiteur cédé. · Mêmes auteurs.

339. B. Les avantages secondaires peuvent également être réclamés par le cessionnaire. Il a été jugé, à cet égard, que si un bail contenant promesse de vente est cédé par le preneur, le cessionnaire peut invoquer le bénéfice de cette clause au moment de l'échéance du terme fixé pour son accomplissement. - V. Trib.

RÉPERTOIRE. Tome IX.

civ. Seine, 18 nov. 1885, [Gaz. Pal., 1886, p. 99] Sie, Hue, n. 448, in fine. 340.- Que la cession faite par l'époux survivant de tous les droits et reprises quelconques qu'il a à exercer sur la société d'acquêts qui à existé entre lui et son conjoint prédécédé, comprend non seulement la part revenant au cédant en sa qualité d'associé, mais encore les droits qu'il a pu acquérir comme héritier d'un de ses enfants, héritier lui-même de l'époux prédécédé. — Bordeaux, 29 déc. 1831, Bodin, [S. 32.2.633, P chr.]

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341.- Que la cession faite par une femme de tous les droits résultant de son contrat de mariage contre la succession de son père, avec subrogation à toutes les actions dérivant à son profit de cet acte, sans aucune exception ni réserve, comprend nécessairement l'action de la cédante contre la succession de son mari en restitution de sa dot. En conséquence, si, nonobstant la généralité de ce transport, la cédante a touché des héritiers de son mari le montant de sa dot et donné mainlevée de son hypothèque, le cessionnaire a le droit de demander la résolution de son contrat et la restitution du prix qu'il a payé. — Limoges, 12 août 1838, Tourtaud, [P. 39.1.211]

342. Si, du reste, il s'élève quelques difficultés sur l'interprétation des conventions des parties, les tribunaux ont un pouvoir discrétionnaire pour les trancher, et pour décider quels sont les objets compris dans la cession.

343. Ainsi, la cession de sommes qui seront reconnues être dues au cédant à partir d'une époque déterminée peut être réputée comprendre les sommes devenues exigibles depuis cette époque, alors même que les créances à raison desquelles ces sommes sont payées auraient une date antérieure à l'époque déterminée par la cession; du moins, l'arrêt qui juge ainsi échappe, comme se livrant à une pure interprétation du contrat, à la censure de la Cour de cassation. Cass., 12 mai 1835, GlaumontRoullet, [S. 36.1.42, P. chr.] 344. C. Actions en justice. - Les actions en justice qui appartenaient au cédant à l'occasion de la créance cédée passent-elles au cessionnaire? Il est certain d'abord que l'action qui tend à obtenir l'exécution de la créance par le débiteur passe au cessionnaire à titre d'accessoire inséparable du droit cédé. Il importe même de remarquer que le dessaisissement du cédant est complet, à tel point que le cessionnaire peut seul poursuivre l'exécution de la créance, par ce motif déterminant qu'il y a seul intérêt. 345. – Il a été jugé, en effet, que le cédant qui allègue que son cessionnaire lui a imposé l'obligation de faire toutes poursuites à raison de la créance cédée, s'il déclare, d'ailleurs, être sans intérêt, se trouve par cela même dépouillé du droit d'exercer des poursuites (C. civ., art. 1680). — Colmar, 27 avr. 1824, Mairan, [S. et P. chr.]

346. Et, d'une façon générale, que le débiteur cédé ne peut être poursuivi en paiement au nom du cédant, lorsque celui-ci a été désintéressé par le cessionnaire, encore bien que la cession n'ait pas été notifiée au débiteur. - Cass., 19 janv. 1869, Etienne, [S. 69.1.296, P. 69.750, D. 71.5.387] - Alger, 16 mars 1868, Zoffran, (S. 68.2.244, P. 68.1.973] V. cep., sur ce point, suprà, n. 277 et s.

347.-... Que l'appelant a, par le fait de la cession, perdu tout droit à soutenir son appel, et que la stipulation d'après laquelle il serait tenu de continuer à suivre cet appel en son nom doit être considérée comme non écrite. Metz, 1er mars 1823, N..., P. chr.]

348. - Mais des actions en résolution ou en nullité du contrat d'où dérive la créance cédée peuvent appartenir au cédant à titre de droits accessoires de cette même créance. L'exercice et le bénéfice de ces actions vont-ils passer au cessionnaire? Les avis sont partagés. Dans une première opinion enseignée par Troplong (Vente, t. 2, n. 916, et Privilège, t. 1, n. 349), et par Duvergier (Vente, t. 2, n. 222), on admet que tous les droits du cédant relatifs à la créance cédée sont transmis au cessionnaire, sans aucune distinction.

349. Dans une seconde opinion enseignée par Marcadé (sur l'art. 1392) et par Laurent (Princ. de dr. civ., t. 24, n. 535), on admet, au contraire, que, sauf le droit d'exiger l'exécution de l'obligation, le cessionnaire n'a aucun des droits qui pouvaient compéter au cédant.

350. Entre ces deux opinions extrêmes se place une troisième opinion qui propose une distinction entre l'action en résolution et les actions en nullité. L'action en résolution est celle

qui appartient au vendeur non payé créancier du prix de vente;

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les actions en nullité sont celles qui dérivent d'une incapacité | ou d'un vice du consentement. Lorsque le créancier cède son droit de créance, dit-on, il en réalise le produit par anticipation; or, en aliénant son droit de créance moyennant certaines conditions, le cédant serait évidemment disposé à recevoir, dans les mêmes conditions, le paiement des mains du débiteur cédé. Il en résulte qu'après la réception du paiement il ne saurait être question d'actions en nullité ou rescision, le cédant y avant implicitement renoncé. Aubry et Rau, t. 4, p. 439, § 359 bis;

Huc, Cession de créances, n. 450.

351. Tout autre est, au contraire, le cas de l'action en résolution qui appartient au vendeur au cas de non paiement du prix de vente. Cette action est un des moyens de coercition accordés par la loi pour forcer le débiteur à s'exécuter; c'est donc un accessoire inhérent à la créance cédée, et elle passe à ce titre au cessionnaire. Aubry et Rau, t. 4, p. 438, § 359 3is, texte et note 46; Huc, loc. cit.

-

352. C'est la doctrine qui prévaut en jurisprudence. Cass., 22 juin 1830, Dublan, [S. chr.] — Amiens, 9 nov. 1825, Carruette, S. et P. chr.] Bordeaux, 25 févr. 1829, sous Cass., 22 juin 1830, précité. Paris, 8 juill. 1829, Séguin, [S. et P. chr.]— Bordeaux, 23 mars 1832, Gatinel, [S. 33.2.57, P. chr.j 353. Il est bien entendu, d'ailleurs, que le cessionnaire profite, pour la poursuite de la créance, de la force exécutoire accordée à l'acte qui la constate; et ce, alors même que la cession aurait eu lieu par acte sous seing privé.

-

354. Il a été jugé, en ce sens, que le cessionnaire d'un titre exécutoire n'est pas tenu, avant de le mettre à exécution, de s'y faire autoriser par justice. Nimes, 2 juill. 1808, Perrochel, S. et P. chr.] Ce point, quelque certain qu'il puisse paraître, était cependant autrefois contredit par plusieurs coutumes, notamment par celle de Blois, art. 263, et celle de Melun, art. 311. Suivant ces coutumes, le cessionnaire d'un titre exécutoire était tenu de se faire autoriser par justice à le mettre à exécution. Mais la généralité des coutumes contenait des dispositions plus conformes à la volonté des parties et à la force du titre, ainsi que le constate Dumoulin, sur l'art. 263 de la coutume de Blois, et Coquille (sur Nivernais, tit. 32, art. 1). — Aujourd'hui la question ne saurait être douteuse; la vente ou cession d'une créance comprend, aux termes de l'art. 1692, C. civ., tous les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque, à quoi il faut aussi ajouter la voie parée qui est un des accessoires de la créance, bien que cet accessoire ne se trouve pas expressément compris dans l'énumération de l'art. 1692, cette énumération n'étant pas limitative, mais purement indicative. V. en ce sens, Toullier, t. 7, n. 99, 100 et 165; Duranton, t. 16, n. 509; Duvergier, De la vente, t. 2, n. 218; Troplong, De la vente, n. 924; Hue, op. cit., n. 456; Aubry et Rau, t. 4, p. 438, § 359 bis, texte et note 45.

355. Il n'est pas nécessaire que l'acte de transport, signifié en tête du commandement fait au débiteur d'une créance par le cessionnaire, soit revêtu de la formule exécutoire. Les poursuites à fin d'exécution étant dirigées non en vertu de cet acte, mais en vertu du titre d'obligation, il suffit que ce titre contienne la formule exécutoire. Toulouse, 11 janv. 1831, Sansac, [S. 31.2. 217, P. chr.]

356. D'ailleurs, le cessionnaire qui poursuit une expropriation forcée en vertu des titres de son cédant, n'est pas tenu de les signifier avant de faire commandement au débiteur; il suffit que la signification des titres accompagne le commandement. Nimes, 2 juill. 1808, précité.

357. Toutefois, le cessionnaire n'entre pas, même quant à la créance cédée et aux moyens de la faire valoir, d'une manière tellement absolue dans la place du cédant, qu'il soit autorisé à se prévaloir des avantages attachés à la condition personnelle de ce dernier, et qu'on doive, en sens inverse, lui refuser la faculté d'invoquer, en vertu de sa condition personnelle, des bénéfices dont ne jouissait pas le cédant. La substitution d'un nouveau créancier à l'ancien peut, à ce double point de vue, apporter certaines modifications aux droits des parties. Aubry et Rau, t. 4, p. 438, § 359 bis.

358. C'est ainsi qu'en cas de cession à un majeur d'une créance due à un mineur, la prescription, qui était suspendue au profit du cédant, reprendra immédiatement son cours au détriment du cessionnaire; et que vice versa la prescription qui courait contre le cédant majeur sera suspendue en faveur du cessionnaire mineur. Aubry et Rau, t. 4, p. 438, § 359 bis, texte et note

47; Bodin, Revue critique, année 1858, p. 147; Mourlon, Revue pratique, année 1863, p. 116 à 119, n. 31 à 34.

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4 févr.

-5 nov.

-Sie, Po

359. III. Exceptions qui peuvent être opposées au cessionnaire. Si, par l'effet de la cession, la créance est transmise au cessionnaire avec tous ses avantages, elle ne lui passe également que telle qu'elle existe au moment du transport, de sorte que le débiteur n'en est tenu envers lui que dans la mesure de son obligation envers le cédant. Le débiteur peut donc opposer au cessionnaire toutes les exceptions, personnelles ou réelles, qu'il eût pu faire valoir contre le cédant. Cass., 29 juin 1881, Goin et consorts, [S. 82.1.125, P. 82.1.272. D. 82.1.331; 1889, Worms, [S. 89.1.320, P. 89.1.774, D. 90.1.121]; 1889, Lambert, [S. 91.1.407, P. 91.1.995, D. 90.4.379 thier, Vente, n. 558; Aubry et Rau, t. 4, p. 440, § 359 bis; Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 4, p. 330, § 691; Laurent, t. 24, n. 536. 360. Jugé que le cessionnaire d'une créance entachée de nullité est passible, malgré sa bonne foi, de toutes les exceptions que le débiteur pouvait opposer au cédant, et spécialement de l'exception résultant du dol pratiqué par l'une des parties vis-avis de l'autre; qu'en conséquence, est opposable au cessionnaire la nullité de l'obligation souscrite par l'individu à la veille d'être pourvu d'un conseil judiciaire, au profit d'un bénéficiaire qui a frauduleusement exploité ses faiblesses pour faire échec aux mesures de précaution qui allaient être prises. — Cass., 5 nov. 1889, précité.

--

361. Que le cessionnaire d'une créance ne pouvant avoir plus de droits que le cédant dont il est l'ayant-cause, il s'ensuit qu'au cas de cession d'un prix de vente dont la réduction a été ultérieurement prononcée pour cause de dol de la part du vendeur, le cessionnaire ne peut, pas plus que celui-ci, exiger de l'acquéreur le paiement de la portion de ce prix sur laquelle a porté la réduc tion. Cass., 19 juill. 1869, Prieur de la Comble, S. 69.1.370, P. 69.920, D. 70.1.81]

362. Il en est de même de l'exception tirée du défaut de cause ou de l'illégalité de la cause de l'obligation. Il a été jugé. en effet, que l'exception prise de ce que la cause exprimée dans une obligation est simulée, et de ce que cette obligation se trouve sans cause pour inobservation de certaines conditions auxquelles elle était subordonnée, est opposable au cessionnaire de l'obation comme elle l'eût été au créancier lui-même. — Cass.. 20 aðùt 1862, Morel, [S. 63.1.303, P. 63.909, D. 63.1.150] -- Amiens, 21 mai 1879, Lecoq, [S. 80.2.134, P. 80.353]

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364. Mais il ne faudrait pas aller jusqu'à décider que le débiteur qui a librement consenti à l'indication d'une cause simulée, et en apparence légitime, dans une obligation par lui souscrite, est recevable à prouver la simulation contre le cessionnaire de bonne foi, pour faire annuler son engagement, même à l'encontre de ce dernier. Il devrait être condamné à désintéresser le cessionnaire, qui n'a pas participé à la fraude et qui ne doit pas être victime de l'imprudence du débiteur, sauf le recours de celui-ci contre le cédant. Aubry et Rau, t. 4, p. 440, § 359 bis, texte et notes 53 et 54. 365. Le débiteur cédé jouit d'ailleurs du droit d'invoquer ces exceptions, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait fait des réserves à cet égard, et encore bien qu'il aurait accepté la cession purement et simplement.

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366. Jugé que si l'acceptation pure et simple de la cession par le débiteur ne lui permet plus de compenser les créances qu'il pourrait avoir contre le cédant, elle ne lui enlève pas le droit d'opposer au cessionnaire les vices inhérents à la créance cédée, comme il aurait pu le faire vis-à-vis du cédant. Spécialement, le locataire, dont les loyers à échoir ont été transportés à un tiers par le propriétaire, est fondé à se prévaloir vis-à-vis du cessionnaire, comme il aurait pu le faire vis-à-vis du propriétaire luimême, d'une privation de jouissance, et à retenir sur le montant des loyers l'indemnité à laquelle il avait droit de ce chef, ainsi que le montant du paiement des travaux à la charge du propriétaire, qu'il a été obligé de faire exécuter pour entrer en possession des lieux à lui loués. Cass., 4 févr. 1889, précité. 367. Il en est évidemment de même au cas où la cession.

au lieu d'avoir été acceptée par le débiteur cédé sans réserves, lui a été simplement signifiée. Cass., 29 juin 1881, précité.

368. Mais lorsque le débiteur cédé a non seulement accepté la cession, mais, en outre, a déclaré s'obliger personnellement au paiement de la dette du cédant, il ne peut plus ultérieurement, dans le cas où il serait en droit d'obtenir une réduction sur le montant de sa propre dette (spécialement, s'il s'agissait d'un supplément de prix secret stipulé pour la cession d'un office), opposer cette réduction au cessionnaire. Cass., 19 avr. 1854, Legendre, [S. 56.1.160, P. 55.2.400, D. 54. 1.145]

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369. Quant à l'exception tirée de la compensation, l'art. 1295, C. civ., décide que « le débiteur qui a accepté purement et simplement la cession qu'un créancier a faite de ses droits à un tiers, ne peut plus opposer au cessionnaire la compensation qu'il eût pu, avant l'acceptation, opposer au cédant. A l'égard de la cession qui n'a point été acceptée par le débiteur mais qui lui a été signifiée, elle n'empêche que la compensation des créances postérieures à cette notification. »>

370. Au cas d'acceptation par le débiteur cédé de la cession faite sur lui, l'ignorance dans laquelle il se trouve de l'extinction de la créance par la compensation, n'empêche pas le cessionnaire d'avoir action contre lui. Duranton, t. 12, n. 436. 371. D'une façon générale, le débiteur cédé peut se prévaloir, à l'encontre du cessionnaire, de toutes les causes d'extinc

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tion de la créance.

372. Quant à la preuve de l'extinction, il est admis que le débiteur peut opposer au cessionnaire les quittances du cédant, quoiqu'elles n'aient pas date certaine antérieure au transport, sauf aux juges à en apprécier la sincérité (C. civ., art. 1691). Delvincourt, t. 3, p. 170; Toullier, t. 8, n. 249 et 250; Duvergier, t. 2, n. 224; Troplong, t. 2, n. 920; Duranton, t. 16, n. 304.

373. Jugé que le débiteur cédé peut, pour établir que la créance cédée n'existait pas ou a cessé d'exister, opposer au cessionnaire dont le titre a acquis date certaine et a été notifié des actes sous seing privé émanés du cédant, bien que ces actes soient sans date certaine antérieure à la notification du transport, lorsqu'ils n'ont pas pour effet de détruire une créance établie par un titre préexistant, mais seulement de prouver que la créance même n'existait pas. Cass., 26 nov. 1834, Duplessis, [S. 35.1.109]

374. Toutefois, le débiteur cédé ne peut opposer une contre-lettre au créancier cessionnaire. Cass., 12 déc. 1859, Ledonné, [S. 60.1.129, P. 60.513] Sic, Duvergier, t. 2, n. 225; Troplong, t. 2, n. 921; Aubry et Rau, t. 4, p. 441, § 359 bis, texte et note 58.

375. — De même, une contre-lettre souscrite par le cessionnaire d'une créance n'est pas opposable aux tiers à qui ce cessionnaire a lui-même cédé la créance. A cet égard, les derniers cessionnaires ne sauraient être considérés comme les ayants-cause de leur cédant. Cass., 25 juill. 1832, Fould, S. 33.1.347, P. chr.

376. Remarquons enfin que si la créance cédée se trouvait dans le patrimoine du cédant soumise à quelque cause de résolution, elle sera résoluble dans les mêmes conditions. cit., n. 470.

2o Obligation de garantie.

Huc, op.

377. L'obligation de garantie est l'obligation en vertu de laquelle le cédant est tenu d'assurer au cessionnaire la jouissance complète de la créance cédée. Lorsqu'il s'agit d'une vente proprement dite, les art. 1625 et s., C. civ., indiquent ce qui comprend l'obligation de garantie, et quels en sont les effets. En matière de cession de créance, cette réglementation est l'objet des art. 1693, 1694 et 1695, C. civ.

378. Remarquons tout d'abord que lorsque la cession a lieu à titre gratuit, la garantie n'est pas due, puisque le donateur ne doit pas, en principe, la garantie de sa donation. Colmet

de Santerre, t. 7, n. 139 bis-VI. Il en serait autrement, toutefois, si la cession à titre gratuit avait été consentie à titre de constitution de dot (C. civ., art. 1440, 1547). - V., sur cette question, infra, vo Dot.

379. Il résulte des art. 1593 et s., que les éléments de l'obligation de garantie sont : 1° l'existence de la créance cédée; 2o la solvabilité du débiteur cédé. Toutefois, une différence

essentielle les sépare: tandis que le cédant est astreint de plein droit à garantir l'existence de la créance cédée, il ne garantit la solvabilité du débiteur que s'il s'y est expressément obligé.

380. L'étendue et la nature de la garantie telles qu'elles viennent d'être déterminées peuvent être modifiées par les conventions des parties; il en résulte qu'il faut distinguer la garantie de droit, c'est-à-dire celle qui est imposée au cédant en l'absence de toute stipulation et découle de la nature même du transport, et la garantie de fait, c'est-à-dire celle qui nait de conventions particulières. 381.-I. Garantie de droit. Aux termes de l'art. 1693, C. civ., celui qui vend une créance ou autre droit incorporel, doit en garantir l'existence au temps du transport, quoiqu'il soit fait sans garantie.

382. La garantie de droit porte donc sur l'existence du droit cédé, c'est-à-dire de l'objet même du contrat. Le droit de créance est considéré comme inexistant, soit lorsqu'il n'avait jamais existé, soit lorsqu'il n'appartenait pas au cédant, soit lorsqu'il se trouvait éteint au moment du transport.

383. Si le cédant vendait une prétendue créance n'ayant jamais existé sur personne, il est manifeste que la cession serait nulle faute d'objet - Alger, 21 nov. 1888, [Gaz. Pal., supp. 88, p. 55]; elle pourrait même alors constituer un fait délictueux. Huc, n. 482.

384. Aucune difficulté ne saurait non plus s'élever au cas où la créance existait, mais n'appartenait pas au cédant. La cession est nulle par application de l'art. 1599, C. civ. — Huc, n. 488. 385. Jugé, en conséquence, que le cessionnaire d'une créance qui se trouve exclu par un cessionnaire postérieur dont la cession a été régulièrement signifiée avant la sienne, a un recours contre le cédant en réparation du dommage que lui cause la seconde cession. Douai, 11 févr. 1843, Smet, [S. 45.2. 375] V. suprà, n. 255.

386. Il en est de même au cas où la créance est déjà éteinte par un des modes d'extinction prévus par l'art. 1234, Č. civ. Spécialement, au cas où la créance est éteinte (C. civ., art. 1234) par la nullité ou rescision. Cass., 19 févr. 1861, Petit-Didier et Adam, [S. 62.1.504, P. 63.153]

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387. Et au cas où elle est éteinte par compensation. Cass., 6 oct. 1807, Prat, P. chr.]; 1er août 1808, Prat, [S. et P. chr.] Sic, Merlin, Rép., vo Garantie de créance, n. 1; Troplong, Vente, t. 2, n. 932; Duvergier, Vente, t. 2, n. 248; Marcadé, art. 1693, n. 1; Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. 4, p. 330, § 691, note 21; Aubry et Rau, t. 4, p. 442, § 359 bis-6o, texte et notes 61 et 62; Colmet de Santerre, t. 7, n. 139 bis-I; Laurent, t. 24, n. 541 et 542; Huc, Cession de créances, t. 2, n. 482 et 483.

388. Lorsqu'une des éventualités prévues plus haut s'est réalisée, le cessionnaire peut agir en garantie contre le cédant. Mais au cas où la créance est rescindable ou annulable, le cessionnaire peut-il agir en garantie, alors que l'action en nullité ou rescision n'a pas été intentée? L'affirmative nous semble dictée par l'art. 1653, C. civ. Alger, 21 nov. 1888, précité. Sic, Colmet de Santerre, t. 7, n. 139 bis-III; Huc, n. 484.

389. Il a cependant été jugé que l'action dirigée par le cessionnaire d'une créance en garantie contre son cédant, avant qu'il ait été jugé que la créance n'existait pas au moment de la cession, ou avait été acquittée, peut être déclarée prématurée, encore bien qu'un compte ait été ordonné au sujet de cette créance. Cass., 14 déc. 1829, Peyraud, [P. chr.]

390. Néanmoins, les tribunaux peuvent, dans certaines circonstances, lorsque l'éviction est imminente, admettre le recours du cédant, quoiqu'aucune instance régulière ne soit encore introduite contre lui. Bruxelles, 18 oct. 1822, Bogaert-Declercq, [P. chr.]

391. Mais l'action en garantie cesse d'être recevable si la créance a péri par la faute du cessionnaire ou par sa négligence à faire en temps utile des actes conservatoires. Ainsi, par exemple, le cessionnaire d'une créance communale, devenue dette de l'Etat, ne peut, à raison de la déchéance encourue à défaut de production de titres, en temps utile, depuis la cession, exercer contre son cédant l'action en garantie, bien qu'à l'époque même des diligences à faire, le procès sur la réalite de la créance ne fùt pas encore terminé. Cass., 30 mai 1826, Gide, [S. et P. chr.] 392. La garantie de droit s'étend aussi à l'existence dé tous les accessoires qui doivent être considérés comme compris

dans la cession d'après l'art. 1692, C. civ. (V. suprà, n. 329 et s.). Cass., 10 févr. 1857, Delle, [S. 57.1.602, P. 57.330, D. 57.1.87] Orléans, 23 juill. 1857, sous Cass., 29 juill. 1859, Achet, S. 60.1.750, P. 60.459, D. 59.1.125]

393. Ainsi jugé que la perte d'un privilège résultant de la faillite du débiteur, alors que la faillite est reportée à une époque antérieure à la cession, bien qu'elle ait été déclarée depuis, doit le faire considérer comme n'ayant jamais existé. En conséquence, le cessionnaire peut, en ce cas, recourir en garantie contre le cédant. Huc, n. 485; Colmet de Santerre, t. 7, n. 139 bis-III; Aubry et Rau, t. 4, p. 442, § 359 bis, texte et note 62; Troplong, t. 2, n. 933; Duvergier, t. 2, n. 352 et s.; Merville, Revue pratique, année 1857, p. 401.

394. Il a été décidé, en sens contraire, que le cessionnaire d'une créance privilégiée devenue inefficace par suite de la faillite du débiteur cédé n'a aucun recours à exercer contre son cédant lorsque celui-ci ne s'est soumis qu'à la garantie de droit, alors même que l'ouverture de ladite faillite aurait été reportée à une époque antérieure à la cession. - Bourges, 14 août 1855, Dantin, S. 55.2.613, P. 55.2.609, D., 56.2.100] Mais cet arrêt a été cassé par celui du 10 févr. 1837, précité.

395. Garant de l'existence des sûretés accessoires, le cédant ne l'est pas de l'efficacité d'une créance hypothécaire qui a été cédée sous la seule garantie de son existence; le cessionnaire ne peut se refuser au paiement du prix de la cession, quoique les débiteurs cédés opposent la dotalité des biens sur lesquels repose l'hypothèque, et que le recouvrement de la créance devienne ainsi plus ou moins improbable. En tout cas, l'arrêt qui le décide ainsi, en reconnaissant qu'il n'y pas eu dol et que le cessionnaire a connu le danger d'éviction, ne viole aucune foi. Cass., 19 nov. 1873, David, [S. 74.1.24, P. 74.36, D. 74.1.75] 396. Jugé de même, sur ce dernier point, que le cessionnaire d'une créance pour sûreté de laquelle une femme a hypothéqué un bien dotal, hors des cas autorisés par l'art. 1558, C. civ., n'a aucun recours en garantie contre le cédant, s'il a connu le danger d'éviction résultant de la nullité de l'hypothèque. Cass., 7 juill. 1851, Brun, [S. 51.1.472, P. 51.2.367, D. 51.1.297]

397 Jugé, également, que bien qu'en principe, la cession d'une créance implique, de la part du cédant, la garantie de T'hypothèque qui en est l'accessoire, les juges peuvent, par interprétation de l'intention des parties, décider que l'énonciation, dans un acte de transport, qu'il est fait « sans autre garantie que celle de l'existence de la créance », limite la garantie à la réalité même de la créance et exclut celle de l'hypothèque qui l'accompagnait. A cet égard, leur appréciation est souveraine. Cass., 8 avr. 1874, Delrue, [S. 74.1.368, P. 74.917] 398. Une application intéressante a été faite de ces principes en cas de cession d'un marché à livrer. En effet, la convention par laquelle un acheteur de marchandises à livrer cède son marché à un tiers constitue non une vente des marchandises qui font l'objet du marché, mais une cession du droit de se les faire livrer par le vendeur. Cass., 6 mai 1857, Aquarone et Cie, [S. 57.1.593, P. 57.1056, D. 57.1 289]

399. Il a été, par suite, décidé que le cédant n'est garant envers le cessionnaire, à moins de conventions contraires, que de l'existence du marché au temps du transport, et non de son exécution et de la livraison des marchandises. En conséquence, le cessionnaire, nonobstant la non-livraison des marchandises, n'en est pas moins tenu de payer au cédant le prix convenu de la cession. Alors surtout que le cédant fait offre de l'aider de son concours pour agir vis-à-vis du vendeur des marchandises qui, ayant traité avec le cédant et non avec le cessionnaire, n'est pas forcé d'accepter le cessionnaire pour débiteur du prix. Même arrêt.

400. Mais il y a, dans les cessions de marchés, un élément particulier dont il faut tenir compte: c'est que le vendeur primitif, qui a traité avec le cédant, ne peut être forcé d'accepter le cessionnaire pour débiteur, et de là il suit que le vendeur des marchandises est en droit d'en subordonner la livraison, non seulement à l'exécution des conditions stipulées avec le cédant, mais à leur exécution par le cédant lui même; d'où il faut conclure que si le cédant se refusait à prêter son concours au cessionnaire, celui-ci pourrait se refuser à lui payer le prix de la cession. C'est en ce sens qu'il a été jugé par la Cour de cassation, que le cédant, qui doit garantir l'existence de la créance cédée, doit aussi, quand il s'agit d'assurer l'effet d'un marché,

aider le cessionnaire de tout concours indispensable de sa part; et que celui qui a vendu des marchandises et qui a promis de les livrer moyennant règlement à une échéance convenue, n'est obligé de les livrer qu'en recevant le règlement de l'acheteur lui-même, et qu'il n'est pas obligé de régler avec un cessionnaire. — Cass., 3 juill. 1827, Mion-Bouchard, [S. et P. chr.] — Sic, Duvergier, De la vente, t. 2, n. 213 et 285. 401. En vertu de la garantie de droit le cédant est tenu d'indemniser le cessionnaire de tout le dommage causé. - Aubry et Rau, t. 4, p. 442, § 359 bis, texte et note 64.

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402. Jugé que le cessionnaire d'une créance qui a été déclarée, par jugement, sans existence au moment même de la cession, et dont le titre a été par suite annulé, a droit de répéter contre son cédant, outre le prix de la cession, les frais par lui faits contre le prétendu débiteur de la créance cédée, encore bien qu'il n'ait pas appelé son cédant dans l'instance introduite contre ce débiteur. En un tel cas, la cession devant être considérée comme n'ayant jamais existé, attendu la non-existence de la chose cédée, l'affranchissement de garantie, prononcé par l'art. 1640, C. civ., ne peut recevoir son application. - Cass., 27 mar1833, Stacpool, [S. 33.1.262, P. chr.;-30 avr. 1838, André, S. 38.1.437, P. 38.2.112] V. aussi Cass., 29 juill. 1859, Achèt, [S. 60.1.750, P. 60.459]

403. Si, d'une façon générale, le cessionnaire doit être indemnisé de toutes les pertes que le transport peut lui avoir occasionnées, il n'a pas droit à la bonification de la différence existant entre la valeur nominale de la créance cédée et le prix de la cession. Duranton, t. 16, n. 512; Troplong, t. 2, n. 943; Duvergier, t. 2, n. 263; Aubry et Rau, t. 4, p. 442, § 359 bis, texte et note 65; Colmet de Santerre, t. 7, n. 139 bis-V.

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404. Jugé, en conséquence, que, dans le cas de cession aux frais, risques et périls de l'acquéreur d'une créance sur le gouvernement, créance non litigieuse, mais susceptible de réduction quant à sa quotité seulement par l'effet de la liquidation, on ne doit rendre au cessionnaire, exerçant son recours en garantie, que le prix réel de la cession, et non l'intégralité de la créance, qui a souffert une diminution par suite de cette liquidation. Paris, 4 mai 1825, Sandrié-Vincourt, [P. chr.]

404 bis. - Il va de soi que l'art. 1628, C. civ., qui oblige le cédant à garantir ses faits personnels, nonobstant convention contraire, s'applique au cédant d'une créance comme à tout autre vendeur. Il s'applique spécialement à celui qui a été partie dans le titre constitutif de la créance, et qui a concouru, dans ce sens, à la nullité du titre dont la nullité, cause de la demande en garantie, est ainsi son fait personnel (C. civ., art. 1628, 1693. Paris, 27 août 1816, Prignot, [S. chr.]

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405. II. Garantie de fait. Les effets ordinaires de la garantie peuvent être restreints ou étendus par la volonté des parties. La garantie ainsi modifiée prend le nom de garantie de fait. Duvergier, Vente, n. 264.

- Une

406.-A. Clauses restreignant l'obligation de garantie. stipulation qui aurait pour objet de restreindre l'étendue de la garantie du droit dérogeant au droit commun ne se présume pas facilement; elle n'a cependant pas besoin d'être constatée dans des termes sacramentels et peut s'induire des circonstances qui ont accompagné la convention.

407. Occupons-nous d'abord de la clause de non garantie et de ses effets. Lorsqu'une cession a été faite sans garantie de la part du cédant, le défaut de paiement ultérieur n'autorise un recours contre lui de la part du cessionnaire qu'autant que la créance cédée aurait été, au temps du transport, non existunte. - Cass. 16 juill. 1828, Parker, (S. et P. chr.]

408. La clause de non-garantie a la même valeur qu'au cas de vente (C. civ., art. 1629). Elle affranchit bien le cédant de toute bonification qui ne pourrait être réclamée qu'à titre de dommages-intérêts, mais, en principe, elle ne le dispense pas de la restitution du prix. Aubry et Rau, t. 4, p. 443, § 359 bis; Colmet de Santerre, t. 7, n. 139 bis-IV; Laurent, t. 24, n. 539; Huc, n. 495 à 498.

409. Au surplus, les parties peuvent convenir que la vente est faite sans garantie, aux risques et périls de l'acheteur, et que, par l'effet de cette clause, en cas d'inexistence de la créance cedée ou de ses accessoires utiles, le vendeur sera dispensé de payer des dommages-intérêts et même de restituer le prix. Cass., 13 janv. 1875, Porra, [S. 76.1.33, P. 76.52]

410. Ainsi celui qui, par un traité à forfait, se rend cessionnaire d'une créance qu'il sait être litigieuse, n'a aucun re

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