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France de présenter une portion de la France (p. ro) comme « ne voyant devant elle que le drapeau blanc, l'autel et le » trône, »puisqu'ils sont aujourd'hui dans l'état et cessent de constituer l'état exclusivement; d'ajouter que « ce triple but est essentiellement un, pour tout Français en » qui la réflexion peut redresser les divagations du mo »ment,» c'est-à-dire la charte, qui voit devant elle encore autre chose que ce triple but ; enfin, de regretter que de nos jours <«<le pouvoir humain forme un contraste inouï avec la puissance divine, essentiellement rémunératrice » et vengcresse, » mots soulignés par l'auteur, apparemment pour faire entendre que les récompenses doivent être des restitutions de biens et de priviléges, et les vengeances, des réactions pareilles à celles dont 1815 et 1816 nous ont fait goûter les prémices.

Mais que diraient ces hommes monarchiques, comme M. de Villeneuve les appelle, p. 14, ces hommes que leurs antécédens politiques nous montrent « animés d'un dé» vouement sûr, incontestable, invincible à la monarchie » héréditaire dans la maison de Bourbon; » que diraientils, si, nos annales à la main, nous recherchions les monumens, non de leur amour pour les rois, mais seulement de leur fidélité? Sans doute, je ne prétends pas remonter aux vieilles guerres féodales qui couvrirent la France de sang et de deuil ; je ne veux pas même arrêter mes regards sur ce fameux connétable, qu'un si brillant cortége de gentilshommes suivit dans sa trahison; mais je puis demander ce que fut la ligue, sinon la révolte des Guises et de la noblesse contre les Valois et les Bourbons; révolte où les seigneurs entraînaient leurs villes sans hésitation comme sans remords; ce que fut la fronde, sinon la rébellion are mée des Condé, des Turenne, des Beaufort, en un mot de la noblesse réunissant, contre le gouvernement royal, les tronçons mutilés par le fer de Richelieu ?

Le jour où le peuple français, par l'organe de ses man

dataires, recouvra l'exercice de ses droits, le règne des priviléges finit, celui des lois commença. Parmi les nobles, ceux à qui leurs priviléges étaient moins chers que les lois, donnèrent un bel exemple à l'Europe; et, pour des titres devenus sans valeur, s'acquirent une reconnaissance et un honneur immortels. Ceux qui ne voulaient point de lois, mais toujours, toujours des priviléges, allèrent pardelà le Rhin adorer la vieille idole de la féodalité. Les uns, dans la suite (ce fut le grand nombre composé des propriétaires), rentrèrent dans le sein de la patrie, et firent acte de soumission aux lois et à la puissance. Les autres persistèrent dans la rupture jusqu'au jour qui les ramena sous la protection de la charte. Ceux à qui déplaisaient ces conditions, et qu'importunait la double fidélité, devenue nécessaire, envers la patrie et envers le prince, étaient les maîtres de repasser de nouveau la barrière de la Manche ou du Rhin. Mais, dans la vue de ressaisir des biens et des préférences que le torrent des destructions humaines a emportés sans retour, répandre dans la France la discorde; mettre en effervescence les passions des uns, armer l'hypocrisie des autres; allumer la soif des vengeances; s'efforcer de faire du peuple franc infusé dans le peuple gaus lois une race d'espions et de délateurs; s'agiter enfin pour bouleverser l'état, et pour solliciter son déshonneur, je laisse à la morale de tous les temps et de tous les lieux à caractériser cette conduite à l'égard du prince et de la patrie.

M. de Villeneuve, qui demande tout simplement le retour de l'ancien régime sous le nom des lois, des mœurs et des volontés de la monarchie, veut «qu'on se fie aux >> hommes éprouvés, plus qu'aux choses nouvelles et trom»peuses (p. 31). » C'est au peuple français à prononcer entre une chose nouvelle, telle que la charte, et des hommes éprouvés, tels que l'ancien préfet des départemens de Tarn-et-Garonne, des Hautes-Pyrénées et du Cher. Je répéterai de lui ce qu'il dit des nouveaux députés, page 14:

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« Je ne le connais point personnellement, et il va sans » dire qu'il ne saurait entrer dans ma pensée de porter » aucun préjudice à son caractère, à ses talens, à ses qua»lités privées. Ce sont uniquement ses actes publics qui frappent mon esprit. Et, ces actes, je ne veux pas même les rappeler. Qu'il me soit perinis seulement de lui demander si les fleuves qui ont donné leurs noms aux départemens successivement administrés par lui, sont compris à ses yeux dans la catégorie « de ces fleuves ignorés dont la révolution a obscurci nos provinces; » car on voit que ce fougueux réprobateur des choses nouvelles ne fait pas même grâce à notre division territoriale. Le passé, voilà son dieu; regarder en arrière est sa seule attitude. L'infortuné se condamne, dans ses amers et inutiles regrets, au supplice de ceux à qui la terrible imagination du Dante plaça le visage du côté des épaules, et il appelle les rois à partager ce supplice et à se séparer des nations. Sa voix imprudente ne sera point écoutée. Les temps sont venus où les rois cherchent, dans leur union intime avec les peuples, le gage d'une fidélité qui ne soit pas insatiable de richesses, d'honneurs et de priviléges, et qui ne crie pas qu'on réduit à la condition des ilotes (p. 27) des hommes qui ne sont plus que les égaux des autres citoyens, et n'ont conservé que le tiers ou la moitié des propriétés du pays. L'expérience fait connaître aux têtes couronnées que des peuples qui ne verraient dans leur souverain qu'un maître ne tenant rien d'eux, ne leur ayant rien promis, ne leur devant rien, s'uniraient difficilement à lui par des nœuds à l'épreuve du teraps et des séductions. Au lieu que ceux qui peuvent se dire: Voilà notre législateur tout ensemble et notre roi, ou voilà son fils, son petit-fils, son arrièrepetit-fils, ni la sagesse ne lui manqua pour promettre, ni la force et la volonté pour tenir; nous lui sommes liés le même contrat qui l'attache à nous; il est le modérateur, le père commun, n'aimant, ne favorisant aucun de ses en

T. IV.

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par

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fans au préjudice des autres; ceux-là, on peut en être sûr, montreront une fidélité moins dangereuse et plus efficace que celle du vieil ordre de la noblesse; surtout ils sauront mieux qu'elle tenir loin des révolutions ces classes laboricuses et trop peu instruites encore, dont un désespoir

insensé semble assez ouvertement appeler à soi le périlleux

secours.

A.

SÉANCES ACADÈMIQUES.

Sur la délibération de l'académie française, du 3 novem-. bre 1818, concernant M. Arnaut, l'un de ses anciens membres.

L'académie française a pris, le premier mardi de ce mois, 3 novembre, une délibération déjà devenue publique, et qui n'avait rien en effet qui dût la laisser secrète; sous tous les rapports, elle appartient à ces comptes rendus des séances de ce corps, que nous avons établis dans notre Minerve, avec la double pensée de ne laisser ni la littérature étrangère à l'heureux renouvellement d'un esprit public dans notre patrie, ni les travaux littéraires sans le contact naturel avec les mouvemens de l'esprit public.

Sur la proposition de M. Aignan, l'académie a arrêté qu'il serait porté par elle une respectueuse prière à sa majesté, pour obtenir de sa constante protection pour les lettres, de sa touchante bonté envers tous les infortunés, de sa paternelle sollicitude pour tout ce qui peut effacer les souvenirs de nos derniers troubles, le rappel dans ses foyers de M. Arnaut, l'un de ses anciens membres.

Elle a arrêté en même temps que, pour rendre cette démarche encore plus favorable, elle serait préliminairement

concertée avec les ministres qu'elle a l'avantage de compter parmi ses membres ; et en conséquence une lettre, délibérée à la séance suivante, a été adressée à M. le duc de Righelieu, comme au président du conseil des ministres et au directeur actuel de l'académie.

Je ne me permettrai aucun détail sur cette délibération, dont plusieurs journaux, empressés de satisfaire à une attente générale, se sont emparés, avant qu'elle fût consommée. Ils ont cité quelques académiciens comme auteurs ou appuis de la proposition; ils ont omis de dire qu'elle a passé sans contradiction et avec un assentiment unanime.

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La Minerve ne se félicite de rien davantage que d'avoir la première rempli le devoir civique envers nos compatriotes frappés sans être jugés, à une époque où les er reurs de la politique touchaient de trop près à nos désastres publics pour n'avoir pas eu cette triste explication. L'infortuné Arnaut, distingué par d'honorables duvrages, sera non moins célèbre par la cruelle bizarrerie de sa destinée, qui a fait tomber son nom sur les listes fatales, comme par un billet noir dans une conscription;;. il le sera aussi par le noble caractère qu'il a développé dans une infortune, qui ne lui a rien laissé au monde que ce nouveau droit à l'affection de ses amis et à l'intérêt public. Jetée au milieu de nos tempêtes politiques, sa jeunesse n'y avait participé que par les impressions plus fortes dont ces terribles spectacles enrichissent les talens. Ses tragédies ont un mérite remarquable d'invention dans les plans et les caractères, dans les effets obtenus ou cherchés, Ses fables sont celles où l'auteur a le moins voulu ressem→ bler à La Fontaine'; et c'est par là qu'elles ont une physionomie qui les élève, selon moj, au-dessus de tant d'autres recueils, dont plusieurs cependant ont une place dans notre Littérature. Il a peu écrit en prose; mais sa prose, simple et nerveuse, est celle d'un penseur; elle est devenue éloquente, depuis qu'une belle âne, source de tout en lui, s'est retrempée dans de rudes épreuves; ce n'est pas seule

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