la délicatesse de son goût, profond helléniste, habile grammairien, il n'est étranger à aucune partie des connaissances humaines; mais il cultive de préférence la littérature classique. Ce savant professeur n'a encore publié que la traduction de quelques morceaux des tragiques grecs, épars dans les mémoires de l'académie; ses amis le pressent en vain d'achever et de mettre au jour quelques ouvrages d'une hautę littérature, qu'il s'obstine à ne point livrer à l'impression. Avec un si rare mérite, M. Vincens a une bonté, une négligence de caractère qu'on ne peut comparer qu'à celle de La Fontaine, et une modestie qu'on ne peut comparer à aucune autre.

Sans avoir jeté un aussi grand éclat dans les arts que dans les lettres, Nimes n'est cependant jamais restée étrangère à leur culture. Trois peintres y ont acquis et laissé une assez grande réputation, Renaud Levieux, Natoire, qui fut long-temps directeur de l'école française à Rome, et un jeune peintre, nommé Sigalon, qui donne aujourd'hui les plus grandes espérances.

M. Durand Subleyras tient le premier rang parmi les architectes. On lui doit les premières réparations faites à la maison carrée, dont les travaux se continuent sous sa direction. M. Durand a embelli la ville de deux édifices très-remarquables, le Palais de Justice, imité des Propilées d'Athènes, et l'Hospice, bâtiment de la même longueur que l'hôtel des Monnaies de Paris. J'ai été visiter l'habitation charmante que M. Durand a bâtie pour lui-même près de la citadelle; la façade, dans le genre italien, est formée par un péristyle à quatre colonnes; du haut de la seconde terrasse, qui couronne l'édifice, on découvre la ville entière. Cet érmitage, digne de l'artiste habile qui l'a construit, et du sage qui l'occupe, a souvent attiré les regards des étrangers (1).

(1) M. Durand, architecte, est le père de M. l'avocat Durand, auteur de l'écrit intitulé: Marseille, Nîmes et ses environs, qui ré

Le souvenir des gens de lettres et des artistes me ramène à la gloire des guerriers.

Saint-Jean de Gardouenque, petite ville du département du Gard, est la patrie de ce célèbre maréchal de Toiras, un des plus grands hommes de guerre de son temps, et l'une des plus illustres victimes de la tyrannie de Richelieu; son éloge est tout entier dans l'estime de ses soldats, qui, trempant leurs mouchoirs dans le sang de sa plaie, au siége de Fontanelle, où mourut ce grand capitaine, s'écriaient : Tant qu'il ne sera pas effacé, nous vaincrons nos ennemis.

Le héros du Canada, le patriote et valeureux Montcalm; Louis d'Assas, immortalisé par son dévouement à Clostercamp, honoreront, dans la dernière postérité, ces murs où ils ont pris naissance.

de

Cette ville, ainsi que le reste du département, a fourni dans la dernière guerre une foule de braves, dont plusieurs se sont signalés par des actions d'éclat; le baron Fornier d'Albe est, je crois, le seul qui soit parvenu au grade d'officier général. Après avoir servi avec beaucoup de distinction en Italie, en Égypte, en Allemagne, aux, batailles d'Jéna et de Wagram, où il fut nommé maréchal camp, il a couronné sa carrière militaire par la défense la plus glorieuse de Custri, qu'il n'a rendue (malgré les malheurs de la campagne de Russie et la désertion des troupes alliées qui formaient la majeure partie de la garnison), qu'après avoir épuisé tous les moyens possibles de résistance, et avoir supporté jusqu'aux dernières extrémités les plus cruelles privations. Mais la gloire de cette mémorable défense s'est perdue dans le tourbillon des événemens politiques de 1814, et la modestie du général est en quelque sorte complice de l'insouciance de ceux qui au raient dû s'en souvenir et la récompenser.

véla le premier aux Français les crimes de la faction révolutionnaire de 1815.

J'ai consacré une journée entière à visiter les monumens antiques les mieux conservés qui existent maintenant en Europe.

L'époque de la construction de l'amphithéatre (les arè nes) n'est pas connue; on conjecture cependant qu'il a été bâti sous le règne d'Antonin le Pieux: bien qu'il n'offre que des ruines dans quelques-unes de ses parties intérieures, il n'en est pas moins, dans son ensemble, un des plus majestueux monumens qui nous restent de la grandeur. romaine : c'est M. Grangent, ingénieur en chef du département, qui a présidé à sa restauration ; et les premiers fonds, pour ce travail important, ont été accordés par M. François de Neufchâteau, alors ministre, à la sollicitation de M. Chabaud-Latour. On doit à ce dernier un témoignage de reconnaissance plus solennel, encore, pour la part qu'il a prise aux démarches qui ont obtenu grâce pour les malheureuses victimes des erreurs judiciaires de 1815.

En m'amusant à tracer sur mon album un croquis de l'amphithéâtre, de la maison carrée et du temple de Diane, je n'ai pas oublié d'esquisser la figure de quelques originaux qui se trouvaient en même temps que moi au milieu de ces ruines. J'ai placé en regard, dans mon am◄ phithéatre, deux personnages très-pittoresques. L'un vêtu en noir, les bas sur les talons, la tête chauve, tenait son mouchoir d'une main et de l'autre une pierre avec laquelle il s'essuyait le visage par distraction: il y avait de la science, de l'esprit, de la bonté dans cette figure-là ; j'ai su depuis que je ne m'étais pas trompé.

L'autre, en habit gris, en chapeau blanc, mordait ses lèvres minces en se promenant d'un pas mal assuré, et les mains derrière le dos; comme le procureur dans les Deux Frères, il grommelait entre ses dents: Cela va mal.

Les fouilles que l'on a faites à l'amphithéâtre pour abaisser l'arène au niveau de son ancien sol, ont considérable

ment augmenté le trésor de fragmens antiques dont jouissait déjà la ville de Nîmes; on se propose de former, de tous ces précieux débris, un musée dans le magnifique monument vulgairement appelé la maison carrée. On sait que Louis XIV avait conçu le projet de transporter dans le parc de Versailles ce monument consacré aux petits-fils d'Auguste; Mansard, envoyé sur les lieux, trouva la chose impossible, et l'on se contenta de prendre des mesures pour arrêter les progrès de la dégradation de cet admirable édi fice, dont la façade a servi de modèle pour la colonnade du Louvre. L'admiration qu'excitait en moi la vue de ce chef-d'œuvre de l'art, a été un moment distraite d'une manière bien désagréable, à la vue des deux hommes les plus laids, l'un au physique et l'autre au moral, que j'aie je crois rencontrés dans ma vie ; le talent et la probité rachètent du moins, dans le premier, les outrages de la nature; mais l'autre, grand, fluet, le teint brûlé, coiffé d'un chapeau militaire....! Je ne savais à quoi attribuer le malaise que sa vue m'inspirait; on l'a nommé près de moi; le dégoût et l'horreur ont pris la place de la répugnance, et je me suis demandé, en m'enfuyant, pour qui la justice des hommes était faite.

Les autres monumens romains sont la Tour-Magne (Turris-Magna), qui tenait aux remparts, antiques; le Temple de Diane, et, à une très-petite distance de la ville, les débris d'un ancien temple communément appelé Église Sainte-Perpétue. En continuant mon voyage, j'aurai occasion de parler du magnifique aquéduc romain connu sous le nom de Pont du Gard.

On a long-temps regretté que ces chefs-d'œuvre de l'architecture antique restassent inconnus à la nation qui les possède; l'ouvrage que publient par souscription MM. Grangent, Durand et Simon Durant, ne laissera plus rien à désirer à cet égard (1). Je ne dois pas oublier non plus de faire mention des jolis dessins litographiés que vient de

publier M. Alphonse de Seynes, qui cultive les arts en amateur avec un talent qui pourrait faire la réputation d'un artiste.

L'ERMITE DE la Guyane.

VARIÉTÉS.

LETTRES SUR PARIS.

No. 33.

Paris, le 10 novembre 1818.

Les promotions que je vous avais annoncées viennent d'être rendues publiques; peut-être eût-il été plus adroit de les retarder de quelques semaines; le secret des hommes d'état est de savoir punir et récompenser à propos. Les élections de Seine-et-Marne et de la Manche ont été purement ministérielles, et les préfets de ces deux départemens sont nommés maîtres des requêtes. Il est dès lors probable que ceux de la Sarthe et de la Vendée seront aussi appelés à d'autres fonctions.

Les chambres sont convoquées pour le 30; leur session paraît devoir être d'une haute importance: l'instruction publique et le système municipal, la liberté de la presse et la responsabilité des ministres, la réforme du code pénal et le budget, telles sont les graves discussions qui leur seront soumises. Le ministère n'est cependant pas d'accord sur l'étendue des concessions qu'il doit faire; il veut aupa

(1) Antiquités du midi de la France. A Paris, chez Gœury, quai des Augustins, no. 4t.