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un temps où la foi est si rare, la piété si affaiblie ? Nous reprendrons ce sujet un peu plus bas.

« Je dis, en second lieu, que la loi du jeûne eucharistique veut que depuis minuit du jour où l'on se propose de communier on n'ait pris chose quelconque par manière d'aliment, de boisson, de médecine, rien en un not qui puisse se digérer à l'ordinaire. C'est la doctrine constante des pasteurs et du peuple, qui, quelque désir qu'ils eussent de participer au corps du Seigneur, s'en abstiennent, lors même que par mégarde ils ont bu ou mangé, etc. La Rabrique y est formelle (1), et l'Eglise s'en explique d'une manière qui annonce une loi incontestable.

a Quoique ce principe soit sûr, on n'est pas tout à fait d'accord sur les conséquences qui en résultent. Le scrupule les étend au delà de leurs bornes; la liberté d'opiner les resserre un peu trop efforçons-nous d'éviter ce double écueil.

4. Pour le faire, nous dirons d'abord à ceux qui s'alarment mal à propos, que rien de ce qui passe dans l'estomac, par manière de salive, ou de simple respiration, n'empêche le jeûne naturel. Ainsi la pituite, le sang qui coule des gencives ou du cerveau, les restes de vin ou d'eau avec lesquels on s'est lavé la bouche (2), les parcelles de viande qui quelquefois s'attachent aux dents, et qui, sans qu'on y pense ou malgré qu'on en ait, s'avalent avec la salive, ne doivent pas empêcher de communier.

« en est de même, selon Sylvius et les plus rigides théologiens, si on se borne à goûter du vin ou un bouillon, à nordre un fruit ou quelque autre chose semblable, sans rien faire passer, si ce n'est peut-être par manière de salive : c'est que, dans ces occasions, on ne peut dire qu'un homme ait mangé ou bu. Ce serait autre chose s'il allait jusqu'à avaler, car alors la plus petite quan lité romprait son jeûne. Ainsi, quoiqu'on at de la peine à entrer dans un détail qui devient oiseux à force de devenir mince, je ne crois pas, avec Quarti et Diana, qu'un homme qui avale volontairement quelques grains d'anis qui lui étaient restés dans la bouche garde le jeûne rigoureux que l'Eglise pres crit pour la communion. Ce n'est point du tout là ce qu'on appelle trajectio per modum salive; c'est une manducation très-libre.

« 3. On ne doit pas non plus s'inquiéter de ce qui ne passe dans l'estomac que par manière de respiration, comme la poussière, la pluie, un moucheron. J'y ajouterai, contre Pontas (3), la fumée du tabac. Autrement un homme qui voyage avec des fumeurs de profession, et qui en avale toujours peu ou

(1) Si quis non est jejunus post mediam noctem, etiam per sumptionem aquæ, vel alterius potus aut cibi, per modum etiam medicinæ, et in quantumcumque parva quantitate, non potest communicare, nec celebrare. Rubric. ☎ part. tit. 9.

(2) Si lavando os, deglutiatur stilla aquæ præter intentionem, non impeditur communio. Rubrica, ibid. n. 3.

(3) Pontas, v. Messe, cas G.

beaucoup, ne pourrait célébrer quand il est arrivé au terme. On me dira que c'est malgré lui; j'en conviens mais outre que cette raison n'est pas concluante, comme on le verra plus bas, je ne crois pas que ceux qui fument, souvent par nécessité, respirent volontairement ce qu'ils renvoient de toutes leurs forces. Il en est de même, et par le même principe, de ceux qui dans une cuisine avalent quelque partie de la fumée des viandes qui s'y préparent. Nous avouons cependant que d'habiles théologiens (4) excluent de la communion ceux qui, de plein gré ou par le moyen de quelque instrument, avaleraient la fumée des viandes ou du tabac.

« 6. Mais que dire de ceux qui avaleraient un louis d'or, un morceau de plomb, un petil os, de la craie, du papier, et autres choses pareilles, qui de leur nature ne sont pas comestibles?

Il y a des docteurs qui défendent la communion dans tous ces cas. Ils en donnent pour raison, 1° que, selon la doctrine de saint Thomas (5), il n'est pas nécessaire, pour rompre le jeûne, que ce qui passe dans l'estomac nourrisse: le poison, par exemple, ne nourrit pas, mais tue l'homine, et cependant on ne pourrait communier qu'en viatique ceux qui en auraient pris; 2° que personne n'admettrait à la sainte table une femme qui, par mauvais goût ou pour tempérer la chaleur naturelle, aurait mangé de la terre ou du charbon, comme cela est arrivé plus d'une fois. Ainsi pensent Bonacina, Layman, Habert (6), etc.

« D'autres, dont le sentiment nous paraît plus juste, croient que parmi les choses dont nous avons fait l'énumération il y en a qui ne peuvent rompre le jeûne naturel, comme l'or, une balle de plomb, des osselets extrêmement durs, parce que rien de tout cela n'est capable ni d'être digéré, ni de nourrir en aucun sens. Mais ils raisonnent différemment de la craie, du charbon, de la terre, etc., parce qu'il s'y trouve un peu d'humeur nutritive et que cela se peut digérer.

« 7. l y a un nouvel embarras à décider, si le tabac en poudre, l'eau de la Reine de Hongrie, et autres drogues pareilles qui se prennent par le nez, rompent le jeûne eucharistique. Pontas le nie du tabac, d'après Paul Zacchias (7), célèbre médecin de Rome. D'autres le nient de l'eau de la Reine de Hongrie. Leur principe est que rien n'est aliment, breuvage ou médicament, que ce qui se prend par la bouche.

Mais il me semble que ces décisions ont besoin d'explication; et d'abord je ne puis croire que celui qui avalerait volontairement du sang qui lui découle du cerveau ne

(1) Salmanticenses, Trat. iv, cap. 7, n. 71.

(5) Nec refert utrum aliquid bujusmodi nutriat, vel non nutriat, aut per se, aut cum aliis, dummodo sumatur per modum cibi vel potus. S. Thomas, 3 p. q. 80, art. 8. Ces dernières paroles, Dummodo sumatur, etc., fournissent ad 4 une partie de la répouse. (6) Habert, de Euchar. cap. 20 q. 2.

(7) Pontas, ibid. Zacchias, toin. II Quæstionum medico-legalium.

rompit pas le jeûne naturel. Quoi! de l'aven de Quarti, un homme qui suce et avale trois ou quatre gouttes du sang qui lui sort du doigt ne peut communier, et celui qui en avale dix fois davantage le pourra, parce que ce sang ne vient pas du dehors? A ce compte, un homme qui se mangerait une partie de la langue serait censé à jeun. J'ai peine à le concevoir.

« A l'égard des eaux qui se prennent par le nez, ce qu'il en pourrait passer dans l'estomac n'y va que par manière de salive. Ainsi on peut se tranquilliser en ce cas, à moins qu'il n'y eût quelque chose de volontaire.

« Pour ce qui est du tabac, dont la mode, comme bien d'autres, est aussi suivie qu'elle est incommode, on rejette si vite tout ce qui en va jusqu'au gosier, qu'il ne paraît pas qu'on doive avoir d'inquiétude là-dessus. Cependant Sylvius (1) croit que s'il passait jusqu'à l'estomac, fût-il vomi sur-le-champ, il nuirait au jeûne, parce que, dit-il, c'est une sorte de médicament, quoiqu'il fasse du mal à beaucoup de monde et du bien à trèspeu. Sur ce principe, auquel l'autorité de celui qui l'avance donne du poids, il serait à craindre que ceux qui se couchent tard et qui prennent du tabac jusqu'à ce qu'ils se mettent au lit, et quelquefois après, ne donnent atteinte au rigide précepte que nous examinons, quand ils savent par expérience que le tabac passe aisément chez eux.

« Cependant je vois deux choses: l'une, que ceux même qui craignent Dieu se font ordinairement très-peu de scrupule au sujet du tabac; l'autre, que la raison de Sylvius n'est pas péremptoire. Que le tabac soit un médicament, je le veux; mais au moins estil sûr qu'il n'est pas de la nature de ceux qui se mangent et qui se boivent. Or cela, joint à la pratique, paraît suffisant pour tranquilliser. Après tout, il n'est pas difficile de parer aux inconvénients on peut s'abstenir de tabac une heure avant que de se coucher; il serait même à souhaiter qu'on s'en passât avant la messe. Deux conciles, tenus l'un à Lima et l'autre à Mexico, et qui tous deux ont été approuvés à Rome, l'ont très-sévèrement défendu (2). Urbain VIII en a prohibé tout usage dans les églises du diocèse de Séville, et cela sous peine d'excommunication (3). Si ces ordonnances ne font pas loi pour nous, elles peuvent faire des rè

(1) Si os intret tabacum et deglutiatur, communionem impedit; quia est medicina, licet multis noceat, etc. Sylvius ad q. 80, art. 8.

(2) Ob reverentiam, quæ eucharistiæ percipiendæ exhibenda est, percipitur, ne ullus sacerdos ante com munionem, quidquam tabaci picietive, aut similium, medicamenti causa, per modum fumalis evaporationis, aut alio quovis modo percipiat. Concil. Mexican. an. 1585. Romæ approbat. an. 1589, lib. m, tit. 15, § 15; Lab, tom. xv, pag. 1291; Liwense III act. 3, c. 24.

(5) Urbanus VIII, bulla 161, die 3 januar. 1641, tom. iv, bullar. p. 227. Le P. Alexandre, Sarnel, évè̟que, et Hurtado souhaitaient et croyaient même nécessaire que les évêques défendissent aux prêtres et

gles de conduite. Au fond, l'abus, de ce côté là, est poussé aussi loin qu'il peut aller. Le tabac devient, dans le temple du Seigneur, un lien de politesse, de galanterie même. Est-ce pour cela qu'on se rend à la maison de prière?

« 8. A l'égard du tabac mâchicatoire, quatre théologiens que je cite dans les notes (4) en croient l'usage contraire au jeûne naturel. La raison qu'ils en rendent, c'est qu'il n'est guère possible que plusieurs des parties I's plus succulentes ne passent dans l'estomac, ou qu'au moins il y a toujours à craindre que cela ne soit ainsi : ce qui, en morale, doit suffire pour arrêter. On dira peut-être qu'elles n'y passent que par manière de salive. Mais, réplique-t-on, si pour adoucir une inflammation vous aviez mis dans votre bouche un morceau de sucre qui malgré vous eût passé en partie avec la salive, oseriez-vous communier? Il n'y a pas d'apparence. Pourquoi donc le faire dans un cas dont la différence n'est pas assez marquée pour rassurer parfaitement?

« Je ne sais si ces sortes de choses ne dépendent point de la constitution des organes, ou de la vigil ince sur soi-même. Sans doute qu'il y a des personnes moralement sûres de ne rien avaler si cela est, il n'y a rien à craindre pour elles. J'en dis autant de celles à qui, dans cette occasion, il n'arrive rien de plus que, lorsqu'après s'être rincé la bouche, elles avalent quelques gouttes d'eau sans le vouloir. C'est sur ce fondement que Pontas (5) décide, en général, que les feuilles de tabac dont on use en mâchicatoire ne rompent pas le jeûne naturel, non plus que celui qui se prend en poudre. Nous avouons néanmoins. continue cet auteur, qu'un prêtre qui prendrait du tabac de cette manière, sous prétexle de se purger le cerveau par l'évacuation des eaux, serait très-blamable; et une telle indécence serait plus pardonnable à un soldat qu'à un ecclésiastique qui va recevoir le corps et le sang de Jésus-Christ. Ce docteur eût apparemment excepté le cas de ces besoins réels qui bannissent l'indécence. Il y a des gens que la pituite étouffe et qui ne peuvent dire la messe de bonne heure. Mgr Gousset croit, avec plusieurs auteurs, qu'il y a péché véniel à mâcher du tabac sans nécessité avant la communion.

« 9. Avant que de pa.ser outre, nous croyons devoir observer, en peu de mots,

aux fidèles de prendre ou de mâcher du tabac avant de dire la messe, ou d'y communier. Quelques-uns même voulaient que cela fût défendu sous peine de censure le sage Benoit XIV, quoiqu'il ne prit point de tabac, pensait bien différemment; ce qui est odieux dans un temps, quand il n'est presque pratiqué que par des soldats, ne choque plus dans un autre, où l'usage des plus gens de bien l'autorise. C'est la réflexion de ce pontife dans son traité de Synodo Diœc., l. vii, cap. 63.

4) Van-Roy, tom. 1, p. 254; Ethica amoris, pag. 75; Henno, p. 251; Paulus a Lugduno Capucinus, tom. vi, pag. 232.

(5) Pontas, v. Messe, cas 6.

1' que le jeûne naturel peut être rompu par une action forcée et involontaire; car, quoique l'Eglise n'ait pas dû interdire la communion à ceux qui, malgré qu'ils en aient, avalent quelques-uns de ces petits corps qui nagent dans l'air et qui le suivent naturellement partout où il entre, comme un flocon de neige, une petite paille, uu moucheron, elle a pu défendre ce qui ne vient pas de l'air, mais d'une cause toute différente. Aussi ne dira-t-on jamais qu'un homme soit à jeun, parce qu'il a pris un bouillon malgré lui. Si cela était, une personne à qui on aurait entonné une bouteille de vin pourrait communier ce qui révolte. Ainsi pense le cardinal de Lugo (1); et Henri de Saint-Ignace aurait bien fait de penser comme lui.

« 2° Que ceux qui avant que de se coucher mettent dans leur bouche du sucre, de la réglisse, ou quelque autre chose qui peu à peu se fond et se résout par la chaleur naturelle, ne peuvent communier le lendemain, s'ils ne sont moralement sûrs qu'il n'en a rien passé depuis minuit. Ce qui serait entré dans l'estomac depuis ce temps-là ne serait pas un de ces restes de nourriture, qui se cachent sans qu'on en soit maître ce serait une vraie partie d'un aliment proprement dit, qui se prend à mesure qu'il se dissout dans la bouche. Aussi n'y a-t-il guère qu'une voix sur cet article. Diana et Quarti se sont récriés contre le sentiment opposé.

« 3° Qu'il est à souhaiter que ceux qui se disposent à la communion du lendemain soupent plus sobrement qu'à l'ordinaire, s'ils n'ont pas la force ou le courage de pousser la mortification jusqu'au jeûne, ce qui serait plus difficile à un prêtre qui célèbre souvent. Au reste, c'est une erreur de croire que pour communier il faille avoir dormi depuis le dernier repas, ou avoir fait digestion. Si quelque chose, dans ces occasions, devait faire différer l'action sainte qu'on voulait faire, ce serait une pesanteur de tête et d'esprit, qui ne s'allient pas bien avec la ferveur que demande l'Eucharistie.

a Il nous faut maintenant entrer dans un long et pénible examen de plusieurs difficultés qui se présentent tous les jours sur le sujet que nous traitons.

« 10. La première est de savoir si la transgression de la loi du jeûne naturel peut n'être que vénielle, soit à raison de la légèreté de la matière, comme si une personne ne mangeait avant la communion qu'une amande, soit à raison de la brièveté du temps, comme si on buvait un verre d'eau

(1) Lugo, disp. 15, n. 35.

(2) Gibert, Consultat. sur l'Eucharistie, consult. 14, pag. 131.

(5) Si quis presbyter post hoc edictum nostrum in hac vesania fuerit deprehensus, id est, ut non jejunus, sed QUOCUMQUE JAM CIBO PERCEPTO oblationem consecraverit, continuo ab officio suo privatus, a proprio deponatur episcopo. Concil. Braccar., II, an. 572, can. 10. Nullus post cibi potusve QUEMLIBET MIMIMUM SUMPTUM, missas facere præsumat omnino. Si quis hæc tentare præsumpserit, excommunicationis sententiam sustinebit. Concil. Tolet. vm, an. 646,

pendant que minuit sonne, ou quelques minutes après. Ces questions primitives en amèneront souvent d'autres. Celle qu'on vient de proposer a deux parties; discutonsles l'une après l'autre.

Pour commencer par la première, j'avouerai d'abord que je fus extrêmement surpris, pour ne pas dire scandalisé, de voir un homme aussi célèbre que le fut M. Gibert, décider nettement et sans détour (2) que ceux qui vont à la communion après avoir mangé quelque dragée ou pomme, noisette ou autre petite bagatelle, ne pèchent pas mortellement. Cette idée, abstraction faite de la bonne foi, et par conséquent d'une ignorance invincible, qu'on ne peut guère supposer, eu égard aux instructions sans nomdis-je, est absolument insoutenable. Et 1° il bre qui se font sur cette matière; cette idée, faut tomber d'accord qu'elle heurte de front le commun sentiment des fidèles. Tous, dit le savant Sylvius, sont persuadés que quelque peu de chose qu'ils aient pris, ne fût-ce que par inadvertance, ils ne peuvent sans crime s'approcher de la sainte table. Or, cette perjugé, puisqu'elle naît de l'instruction, aussi suasion intime ne peut être un simple préConstante qu'unanime, des pasteurs du premier et du second ordre.

«< 2° 11 est de principe, et nous le répélerons plus d'une fois, qu'on ne menace point pour une faute légère des plus rigoureuses peines de l'Eglise, telles que sont la suspense déposition. Or c'est de ces peines terribles indéfinie, l'excommunication majeure et la que l'Eglise dans ses conciles a menacé, et peut-être frappé en partie ceux qui oseraient célébrer après avoir mangé ou bu, en quelque petite quantité qu'ils l'eussent fait (3). d'autres, ni usages à contrebalancer par des Et ici vous n'avez ni conciles à opposer à sinuée même entre le ministre de l'autel et usages différents, ni distinction établie, inle simple fidèle. Ce qui s'est dit de l'un, quant à la substance du précepte, s'est toujours entendu de l'autre ; et le casuiste à qui tout était probable, n'a pas pensé autrement que le théologien exact (4). Donc.

« 3° Quoiqu'une chose légère en elle-même ne puisse être précisément, comme telle, la matière d'une loi qui oblige sub gravi, elle le peut néanmoins à raison de la fin que se propose le législateur, de la signification mystérieuse qu'il a eue en vue et des autres circonstances. C'est très-peu de chose en soi qu'une ou deux gouttes d'eau mêlées avec le vin pour la consécration: mais le mystère

can. 2. Prohibemus sub pœna suspensionis, ne ullus post cibum potumque MINIMUM sumptum, audeat celebrare. Concil. Nemausense supra. Ör, M. Gibert expliquant, p. 137, le deuxième canon du concile de Tolède tenu en 646, raisonne du simple fidèle comme du prêtre, et du prêtre comme du simple fidèle. Donc.

(4) Censeo cum Suario et Diana contrariam sententiam non esse practice probabilem. Quarti, p. 3, tit. 9, sect. 1, dub. 1. Voyez Suarez, disp. 68, sect. 4; Lugo, disp. 15, n. 22; Sylvius, 3, p. q. 80, a. 8, p. 348; le P. Alexandre, Theolog. dogmat., lib. n, art. 2, p. 411; in fol. etc.

que ce mélange signifie, est aux yeux de l'Eglise quelque chose de si grand, qu'on ne peut y manquer sans péché mortel. C'est enTore assez peu de chose qu'un verre de vin pris au cabaret par un ecclésiastique in sacris; et cependant le plus grand nombre des évêques l'ont défendu, et très-justement défendu, sous peine de censure, à cause des conséquences. Or ces deux motifs, je veux dire celui de la fin, et celui de la signification, se trouvent ici. D'un côté on a voulu prévenir jusqu'à l'ombre du scandale, qu'auraient insensiblement donné des gens, qui en fait de boisson comptent peu pour rien, et beaucoup pour peu (1). De l'autre, on a voulu apprendre aux fidèles que JésusChrist est leur principal aliment, et qu'ils doivent avant toutes choses chercher cette nourriture céleste, qui donne la vie, et la donne avec abondance (2). Concluons donc sans hésiter, qu'en fait de jeûne naturel, il n'y a point de légèreté de matière, et qu'un évêque sage eut raison de condamner à trois mois de retraite un homme qui, dans ce cas, avait abusé de la maxime: Parum pro nihilo reputatur.

« J'ajoute qu'il n'y en a point non plus du côté du temps. C'est encore le sentiment commun des fidèles, qui n'aiment même pas à entendre disputer contre. D'ailleurs, pour peu qu'on se donnât la liberté de franchir la règle, bientôt on ne garderait plus de mesure: c'est de quoi l'expérience répond. Depuis qu'on a commencé à mettre cet article en question, les uns ont étendu la liberté de manger jusqu'au dernier coup de minuit, d'autres jusqu'au temps d'un Ave, Maria; quelques-uns à un demi-quart d'heure ; d'autres plus hardis, à tout espace au-dessous d'une heure. Et qui doute qu'à force d'opiner, on n'eût bientôt été plus loin? La probabilité féconde en conséquences ne s'arrête pas aisément, quand une fois elle est en train.

« Mais, nous dira-t-on peut-être, un homme de la trempe de feu M. Gibert, homme qui ne fut jamais suspect de relâchement, ne s'est pas roidi contre la multitude sans de bonnes raisons. Je conviens que c'est la première pensée qui se présente à l'esprit: mais il s'en présente en même temps une autre; c'est qu'il est difficile que l'univers entier ait sans de bonnes raisons adopté un sentiment contraire à l'opinion de ce canoniste. Quelque habile que soit un homme, le préjugé n'est pas pour lui, quand il est luimême contre le reste des hommes. Mais enfin examinons au moins quelques-unes de ses raisons.

« 11 La première est que le jeûne spirituel, qui consiste dans l'abstinence du péché, est plus nécessaire à la communion que le jeûne matériel qui consiste dans l'abstinence

(1) On le voit, par ces paroles du sixième canon du concile de Mâcou, tenu en 1585', et qui apparemment n'ont pas été dites à propos de rien : ‹Decernimus ut nullus presbyter confertus cibo, aut crapulatus vino, missas concelebrare præsumat. › (2) Vid. S. Thomam, hic, q. 80, art. 8.

des aliments; parce qu'il est de droit divin, sans aucune exception, et que l'autre n'est que de droit ecclésiastique, qui a eu autrefois une exception pour le jeudi saint, comme nous l'avons dit ci-dessus. Or il est certain qu'on ne pèche que véniellement, lorsqu'avant la communion on n'a violé le jeûne spirituel qu'en matière légère. Donc par la raison des semblables, etc.

« Mais qui ne voit que la première de ces trois propositions est absolument fausse dans le sens de l'auteur? parce que l'Eglise, en vertu de l'autorité que Dieu lui en a donnée, peut faire des lois qui obligent sous des peines plus grièves que plusieurs lois de Dieu même. Que répondrait M. Gibert, si on lui disait en raisonnant sur ses principes: Le jeûne spirituel est plus nécessaire à la célébration du sacrifice que les ornements sacerdotaux, puisqu'il est de droit divin, et que ceux-ci n'en sont pas? Donc il n'y a point, ou il n'y a que peu de péché à célébrer sans ornements sacerdotaux. Et encore en le serrant de plus près: Le jeûne spirituel est plus nécessaire à la communion que le jeûne matériel. Or il n'y a point de loi qui défende de célébrer à un prêtre qui n'a qu'un ou deux péchés vénie's sur sa conscience; donc il n'y en a point qui le défende à un prêtre qui n'aura bu qu'un ou deux coups de vin. Je laisse à tirer de plus fâcheuses conséquences à ceux qui se sont accoutumés à croire que le liquide et le jeûne ne vont pas mal ensemble.

« La seconde des raisons de M. Gibert, c'est qu'il n'y a point d'autorités assez expresses pour établir le rigoureux sentiment que nous avons embrassé. Mais ce savant homme se trompe en ce point (3). D'ailleurs la coutume et le jugement du monde entier ne suffiraient-ils pas pour l'établir?

« Enfin il argumente par comparaison du jeûne à la simonie, et il prétend que puisque celle-ci peut n'être que vénielle, à cause de la légèreté de la matière, il en doit être de même de celui-là. Mais nous ne lui passerons, ni le principe dont nous avons prouvé la fausselé dans un autre ouvrage (4), ni la conséquence qui ne peut être juste dans des matières aussi disparates.

« 12. La seconde question que l'on propose ici regarde la manière de se conduire, quand on doute si on n'a rien pris depuis minuit. A cela la plus juste réponse est que si l'on ne peut prudemment déposer son doute, il faut s'abstenir de célébrer; à moins qu'on ne fût dans quelqu'un des cas dont nous allons parler tout à l'heure. La raison en est, que dans un vrai doute si telle ou telle action n'est pas défendue, il faut prendre le parti qui expose le moins, ou plutôt qui soustrait à tout danger. C'est une maxime

(3) Voyez les canons cités n. 22, et remarquez encore une fois que Gibert fait ia loi égale pour le prêtre et pour le peuple.

(4) Continuat. Tournely, tom. 1; Tract. de Simonia, cap. 3, in-8.

contre laquelle les fausses subtilités ne prévaudront jamais.

« Quand il y a dans un lieu plusieurs horloges qui ne s'accordent pas, il est de l'ordre de s'en tenir à celle qui passe pour aller mieux. Il n'en est pas moins vrai devant Dieu qu'il est déjà minuit, parce que votre horloge ne sonne minuit que dans un quart d'heure. Dès que le premier coup sonne, il n'est plus permis de manger, pas même d'avaler le morceau que vous auriez dans la bouche. Au reste un homme sage ne s'expose point à toutes ces discussions; et elles ne lui serviront tout au plus que dans les voyages. Si à l'inspection des étoiles un astronome, qui en connaît le cours, jugeait que les horloges sont en défaut, il pourrait laisser celles-ci et se régler sur celles-là.

« La dernière question, mais qui se partage en plusieurs branches, est de savoir en quel cas on peut célébrer sans être à jeun. Car qu'on le puisse en certaines occasions, c'est ce dont l'autorité du concile de Constance ne permet pas de douter (1).

ally a de ces cas sur lesquels tout le monde est d'accord, d'autres sur lesquels on est partagé. Nous allons les parcourir l'un après l'autre, et en dire notre sentiment sans préjudice de celui de nos maîtres. Ils savent de tout temps le profond respect que nous avons pour eux.

« 13. Le premier cas est celui où l'on ce peut empêcher la profanation du sacrement, si on ne le prend au moment même, quoiqu'on ait déjà mangé. Un juif, un magicien, un calviniste forcené s'avance pour outrager la sainte Hostie, la j ter au feu, la faire servir à des opérations damnables; i n'y a ni prêtre, ni laïque à jeun, qui puisse parer le coup tout homme, s'il ne peut autrement soustraire le corps du Sauveur aux insultes qu'on veut lui faire, peut après diné, comme auparavant, le toucher, s'en communier soimême, et le consommer. Il en serait de même si, dans un lieu écarté, ou dans un pays infidèle, un prêtre, après la consécration des espèces, tombait en défaillance, de manière à ne pouvoir achever le sacrifice, et qu'il y eût, faute de ministre capable de suppléer, un danger réel que les espèces ne se corrompissent, etc. Le motif de cette décision, aussi solide qu'il est court, c'est que la loi du jeûne n'a été établie que par respect pour le sacrement de nos autels: or le bon sens veut que ce qui n'a été introduit que pour procurer du respect, ne subsiste pas, quand il produirait un effet tout contraire. On peut en quelque sorte appliquer ici cette maxime

(1) Sacrorum Canonum auctoritas laudabilis, et approbata consuetudo Ecclesiæ servavit et servat quod hujusmodi Sacramentum non debeat confici post cœnam, et a Fidelibus recipi non jejunis, nisi in casu infirmitatis, aut alterius necessitatis, a jure vel ab Ecclesia concesso, vel admisso. Concil. Const. an. 1415, sess. 15.

(2) Tulius reputarem, maxime in casu manducationis et excommunicationis, quod Missam incœptam desereret, nisi grave scandaluin timeretur. S. Thom., §. 82, art. 6, ad 2.

du droit : Quod ob gratiam alicujus conceditur,non est in ejus dispendium retorquendum.

a 14. Le second cas est celui où un prêtre ne peut achever à jeun le sacrifice qu'il a commencé. Cela arrive, 1° quand il ne s'aperçoit que lui ou le diacre qui le sert a mis dans le calice de l'eau pour du vin qu'après en avoir goûté dans le temps de la communion: et alors il ne doit ni en prendre davantage, dès qu'il a connu sa méprise, ni rejeter ce qu'il a dans la bouche, de peur qu'il ne rejette en même temps quelque particule de la sainte Hostie; 2° quand, après la consécration d'une des espèces ou de toutes les deux, il se souvient qu'il n'est pas à jeun : eût-il commencé la messe de mauvaise foi, il faudrait la continuer, après s'être profondément humilié devant Dieu.

15. Mais que faire, quand on se rappelle avant la consécration qu'on a pris quelque chose le matin? Précisément tout ce que nous avons marqué pour le cas où l'on se rappelle qu'on a encouru quelque censure ecclésiastique (Voy. COMMUNION), c'est-àdire se retirer, si on le peut sans scandale; el continuer, si on ne le peut pas. C'est la décision du docteur Angélique (2). Mais quoiqu'elle soit plus praticable en fait de jeûne rompu qu'en fait de censure encourue, parce que l'aveu du premier ne déshonore pas ce que fait l'aveu de l'autre, nous estimons qu'elle ne peut servir qu'à un prêtre dont la réputation est bien établic, et qui est aimé de ceux devant qui il célèbre. Tout autre s'exposerait au murmure et souvent à la calomnie (3).

« 16. Si le prêtre, après avoir pris les ablutions, aperçoit sur le co poral ou ailleurs quelques particules, grandes ou petites, d'une ou de plusieurs hosties qu'il a consacrées, il doit les prendre, quoiqu'il ne soit plus à jeun, parce qu'elles appartiennent au même sacrifice (4). Il péchera s'il y manque, et son péché irait au mortel s'il en résultait quelque profanation de ces mêmes particules: ce qui peut arriver en bien des occasions, et surtout quand on célèbre sur un autel où il n'y a point de tabernacle, et sur lequel on ne célébrera de longtemps. S'il restait une hostie tout entière, la rubrique veut ou qu'on la mette dans le ciboire, ou qu'on la laisse au prêtre qui doit célébrer après. Que si on ne peut faire ni l'un ui l'autre, il faut la conserver décemment dans le calice ou sur la patène. Mais si ce dernier parti n'avait pas lieu, comme il arrive aisément dans de petites chapelles, le célébrant devrait la prendre (5). Voy. ABLUTION.

(3) Règle générale, il faut continuer.

(4) Si sacerdos deprehendat post sumptionem corporis et sanguinis, aut etiam post ablutionem, reliquias aliquas consecratas; eas sumat, sive parvæ sint, sive magnæ, quia ad idem sacrificium spectant. Rubrica, 3 p. tit. 7. n. 2.

(5) Si vero relicta sit hostia integra consecrata, eam in Tabernaculo cum aliis reponat : si hoc fieri nequit, sequenti Sacerdoti ibi celebraturo, in altari supra corporale decenter opertam, sumendam uza cuin altera quam est consecraturus, relinquat; vel si

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