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faire cesser l'obligation d'accomplir les vœux ? Peut-on dispenser des vœux, et à qui appartient ce pouvoir? Telles sont les questions que nous nous proposons de résoudre ?

CHAPITRE PREMIER.

DE LA NATURE DU VOEU ET DES CONDITIONS ESSENTIELLES A SA VALIDITÉ.

2. Le vœu est une espèce de contrat passé entre Dieu et l'homme par lequel celui-ci s'engage à l'égard de la Divinité à quelque boune œuvre d'où on a coutume de le définir: Une promesse d'un plus grand bien faite à Dieu librement et avec délibération. Comme il est absolument nécessaire aux confesseurs de bien entendre le sens de cette définition, nous allons faire connaître les conditions essentielles au væu.

3. Puisque le vou n'est qu'un engagement à l'égard de la Divinité, il faut nécessairement, 1° le consentement de la partie qui s'oblige; 2° la capacité de se lier par des vœux; 3 un objet certain qui forme l'objet de l'engagement; 4° une cause licite dans l'engagement; 5° une personne à l'égard de laquelle on puisse faire un vou.

ARTICLE PREMIER.

Du consentement nécessaire pour la
validité du vœu.

4. I. Personne ne peut contracter un engagement qui dépend essentiellement de sa volonté sans un consentement intérieur. Pour consentir, il faut connaître; car on ne peut consentir à ce qu'on ne connaît pas. En matière de vœu il faut donc la connaissance : 5. 1° De la nature du væu. Car celui qui ne sait pas ce que c'est qu'un væn, qui ne connait nullement la nature du lien qu'il forme ne peut validement s'engager par væru, parce que l'engagement qui dépend absolument de la volonté ne peut s'étendre au delà de ce à quoi on veut s'obliger.

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2° De la substance du vœu qu'on veut. faire. Celui qui connaît bien le lien du væu, mais qui est dans l'ignorance de la substance et des conditions essentielles du vœu ne peut être obligé à ce vœu par la raison que nous avons donnée ci-dessus. Ainsi une personne fait vœu d'entrer dans une maison religieuse, ignorant que l'on y fait vou de pauvreté, qu'elle n'a eu nullement l'intention de contracter; son vœu est évidemment nul.

6. L'ignorance de circonstances de peu d'importance ne rend pas le vœu nul. V. g., si quelqu'un fait vou d'entrer dans une communauté dont il connaît la règle, mais dont il ignore la stricte observation, il est tenu d'accomplir son vou. Mais si les circonstances ignorées étaient tellement importantes qu'elles pussent être regardées comme imposant un très-lourd fardeau, nous croyons que le vœu serait nul par défaul de consentement, parce que la volonté n'a pas entendu s'engager à un si grand sacrifice. V. g., quelqu'un fait vou d'aller à Jérusalem: il ne sait pas que cette ville est

à 600 lieues de son pays, il croit que quelques jours de marche suffiront pour faire le pèlerinage; le vœu est évidemment nul.

7. II. De la liberté nécessaire pour faire un vau. Tout ce qui dépend pleinement. de la volonté doit être essentiellement libre; la crainte et la violence sont donc, de leur nature, contraires au vou, parce qu'elles gênent la liberté. Toute la di ficulté est de savoir si elles annulent les vieux.

Aux mots CRAINTE et VIOLENCE, nous avous distingué plusieurs espèces de crainte et de violence, les unes justes et les autres injustes, les unes grièves et les autres légères, les unes intérieures et les autres extérieures. Nous ne rappellerons pas ici ces notions; nous en ferons l'application au vœu simple d'abord, et au vœu solennel ensuite. 8. I. Il est certain qu'une crainte légère, ou quand elle est grave si elle est juste ou intérieure, n'empêche pas la validité du vœu si le consentement intérieur a existé; il n'y a rien, en effet, qui milite en faveur de la nullité. Voy. CRAINTE.

Lorsque la crainte est grave, extérieure et injuste, c'est-à-dire quand une personne, sans avoir le droit d'imposer un vou, emploie la crainte grave ou la violence pour déterminer à le faire, il n'est pas certain que le vœu simple soit valide ou invalide. Beaucoup de théologiens le regardent comme invalide; les raisons qu'ils donnent sont loin d'être dénuées de fondement. La glose sur le chapitre: Abbas, de iis qui vi metuve ne regarde ce vœu que comme un conseil. Le canon Non est, 5, q. 1, déclare que Dieu ne veut point de sacrifice forcé. La raison répu gne à consacrer la validité de ce qui est conire les bonnes mœurs. Or la crainte et la violence sont certainement contraires aux bonues mœurs lorsqu'elles sont employées injustement; aussi le Digeste (Liv. I., til. 17, règl. 116) déclare-t-il nuls de pareils actes. Liguori embrasse cette opinion.

Cependant l'opinion opposée n'est pas destituée de motifs : car il y a ici consentement de la volonté et tout ce qui est rigoureusement requis pour un acte humain. Il y a aussi plusieurs décisions des souverains pontifes qui semblent en décider la validité; nous les avons rapportées au mot JUREMENT. Plusieurs docteurs conseillent de consulter l'évêque dans le cas d'incertitude; nous le conseillons aussi; nous ne voudrions cependant pas en faire une obligation car la première opinion nous parait assez probable pour qu'on puisse la suivre dans la pratique.

9. I. Considéré sous ce point de vue du droit naturel, le vœu solennel n'est pas plus annulé par la crainte que le vœu simple. Mais le droit ecclésiastique a employé la puissance irritante. Et il est certain qu'un vou solennel est cassé par une crainte grave, extérieure et injuste (cap. Perlatum; Cum delectus, de iis qui vi metuve. Concil. Trid., sess. xxv, cap. 17 de irregul.) On conçoit que la profession religieuse étant une chose très-grave, il ne peut appartenir à tout reli

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10. Dès lors que quelqu'un a l'usage de la raison, il a de droit naturel la capacité nécessaire pour faire un vou, et comme le vœu simple est resté soumis au droit naturel, il s'ensuit qu'un enfant de dix ans pourrait faire un vou. Le droit ecclésiastique a déclaré incapables de faire un vœu solennel tous ceux qui n'ont pas atteint un certain âge. L'ancien droit l'avait fixé à l'âge de puberté (canon Forma, cap. 20, q. 1). Le concile de Trente a éloigné ce terme : il l'a fixé à seize ans accomplis (sess. XXV, cap. 15). * ARTICLE III.

De l'objet du rœu.

11. Le vœu ne peut avoir toutes sortes de choses pour objet, parce que toutes les choses ne sont pas également bonnes ce serait insulter la Divinité de lui offrir quelque chose de mauvais. La matière du vœu doit donc être revêtue de certaines conditions.

1. Elle doit être moralement bonne en faisant le vœu et en l'exécutant. La raison de cette condition est évidente. 1° Si quelqu'un faisait vou d'une chose mauvaise, il pécherait. Liguori pense que ce péché serait mortel quand la matière ne serait que véniellement mauvaise (lib. 11, no 206). Le serment fait pour assurer un léger mensonge est un péché mortel; pourquoi ne raisonnerait-on pas de même à l'égard du vou? 2° Si la matière était complétement viciée par l'intention, il en serait de même, le vœu serait nul, et le péché mortel. Si, au contraire, la malice de l'action n'était qu'accidentelle, le vœu subsisterait, et le péché n'aurait d'autre gravité que celle qu'il tire de sa nature. V. g., quelqu'un fait vœu de faire l'aumône en présence du public, uniquement pour satisfaire sa vanité : ce vœu est nul. Si, au contraire, il voulait faire une bonne œuvre, et qu'en faisant le vœu un retour d'amour-propre se présentât, même pour le moment de l'exécution, le vœu est valide. 3° Si la matière était absolument indifférente, le vœu serait nul. Saint Thomas l'enseigne. Vota quæ sunt de rebus vanis et inutilibus sunt magis deridenda quam servanda. Il faut prendre garde de ne pas confondre ce qui paraît inutile avec ce qui l'est réellement. Ce religieux qui portait une pierre sur la montagne pour ne pas demeurer dans l'oisiveté n'aurait pas fait un vœu inutile, s'il avait fait de cette occupation l'objet de son vœu.

II. Elle doit être de meliori bono. Il serait injurieux à Dieu de s'engager à une chose qui entraîne l'obligation d'omettre ce qui est meilleur. Il faut cependant bien

distinguer le meilleur absolu et le meilleur relatif. Il arrive souvent que ce qui paraît moins bon est le meilleur pour tel individu. Le mariage est moins parfait que la virginité; cependant, selon l'Apôtre, melius est nubere quam uri. Le mariage serait donc le meilleur pour celui qui tomberait fréquemment dans des péchés d'incontinence.

13. III. Il faut que l'objet du vœu soit possible. Nemo ad impossibile tenetur. Il y à plusieurs sortes d'impossibilités, les unes absolues et les autres morales. L'impossibilité absolue annule certainement le vœu. Il en est de même du væn dont la matière est mauvaise, ou dont on n'a pas la disposition. En est-il de même de ce dont on est maître, qui est bon en soi, mais qui est seulement très-difficile ? On ne peut en douter, car on fait tous les jours des vœux de celle sorte. Aussi les théologiens conviennent qu'on peut faire vœu d'éviter tous les péchés mortels, et même tous les péchés véniels pleinement délibérés. Mais un vœu absolu d'éviter tous les péchés est nu, parce que son execution exigerait un privilége semblable à celui qui a été accordé à la sainte Vierge. Ce serait une témérité d'attendre une pareille faveur.

14. Les théologiens discutent entre cux sur la validité du vou de faire toujours le plus parfait. Sainte Thérèse a fait ce vou. Les uns pensent que l'accomplissement d'un tel væeu est impossible, ils le regardent conséquemment comme nul. Les autres interprèdélibérées, et ils croient qu'une personne tent ce vœu des seules actions pleinement réfléchissant sur les actions qui se présentent, peut se déclarer pour la meilleure, cu égard aux circonstances. Quoi qu'il en soit de la validité de ce vou, tous les auteurs conviennent qu'on ne doit pas le permettre légèrement, qu'il faut un motif très-grave pour faire un semblable vou. Nous croyons qu'il serait sage de l'interdire toujours aux consciences scrupuleuses dont il ferait le tourment. On voit d'après cela que l'objet du vœu est très-étendu, qu'il comprend ce qui est permis, conseillé, toléré, défendu, envisagé sous le point de vue du bien, du meilleur et du possible.

ARTICLE IV.

Des causes du vœu.

15. Il n'est pas un engagement qui ne doive avoir une bonne fin, et si les conventions faites entre les hommes sont nulles lorsqu'elles ont une cause illicite, qu'elles sont contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, à plus forte raison faut-il une cause légitime pour contracter avec Dieu. Ilya encore des fins indifférentes qui ne peuvent être agréables à Dieu tel est le vœu de jeûner pour épargner son bien. On de mande si ces fins doivent être regardees comme non avenues, et si le vœu subsiste pour la bonne fin attachée à l'œuvre. Pls sieurs théologiens croient que le vœu est nul, parce que le vœu ne peut subsister sans une bonne cause. Mais beaucoup de théologiens jugent de la cause illicite des

virux comme de celles qui ont dicté une donation, un testament: la condition est regardée comme non avenue. Ils estiment donc que celui qui, par un mauvais motif ou pour un motif indifférent, a contracté un vœu, est tenu de l'exécuter en changeant son intention.

ARTICLE V.

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Envers qui peut-on s'engager par vœu ? 16. Dieu seul peut être l'objet du vœu qui est un acte du culte de latric. Ce n'est pas qu'on ne puisse faire des promesses aux saints, qui sont réellement obligatoires comme l'enseigne saint Thomas (2-2, q. 88, art. 5). Ces promesses peuvent même devenir l'objet d'un vœu lorsqu'elles sont faites à Dieu en l'honneur de tel saint. C'est ce qui a lieu en joignant le nom de Dieu à celui d'un saint. L'histoire ecclésiastique nous présente plusieurs exemples remarquables de semblables voeux. Grégoire de Tours nous apprend que les Francs envoyés par Clovis au tombeau de saint Martin firent des vœux à cet illustre patron des Gaules.

CHAPITRE II.

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE VOEU.

17. On divise les vœux en trois classes, 1° en absolus et conditionnels; 2° en personnels, réels et mixtes; 3 en simples et solennels.

1 Le vœu absolu est celui qui ne dépend d'aucune condition. Il est complet aussitôt qu'il est fait. On est obligé de l'accomplir le plus tôt possible s'il n'y a aucun terme, ou au terme fixé s'il y en a un de marqué. Un retard considérable pourrait être matière de péché mortel. Voy. RESTITUTION, n. 13, TERME, el ci-dessous, n. 19.

2 Le vœu conditionnel est celui dont l'existence est attachée à une condition. Ce vœu est soumis aux règles générales des conditions. Voy. CONDITION.

3 Le vœu personnel est celui qui a pour malière nos personnes ou nos actions. Nous sommes conséquemment obligés de l'exécuter nous-mêmes. Si nous ne pouvons le faire, nous en sommes dispensés; si nous mourons sans l'avoir accompli, uos héritiers ne sont pas lenus de l'accomplir.

4 Le vœu réel est celui dont la matière est hors de nous. Tel est le vœu de donner un calice d'or à une église, une somme d'argent aux pauvres. Nous pouvons faire exécuter ce vœu par autrui et en notre nom. Si nous ne l'exécutons point, l'obligation de l'accomplir passe à nos héritiers, selon les chapitres suivants du droit canon: Licet de voto... Si hæredes de testamentis... Lorsque le vœu réel est en faveur d'un tiers, on ne peut en obtenir dispense sans le consentement de ce tiers ou de la personne qui peut abandonner son droit.

5 Le vœu mixte est celui qui est réel et personnel il suppose un vœu réel qu'on se charge soi-même d'exécuter, v. g., de distribuer soi-même l'aumône aux pauvres. Ce qu'il y a de réel passe aux héritiers, en sorte

qu'ils sont obligés de l'accomplir si l'auleur du vœu ne l'a pas fait.

6 Le vœu solennel est celui qui est fait par une profession religieuse dans un ordre reconnu par l'Eglise. On met au rang des vœux solennels tacites le vœu de chasteté qu'on fait en recevant le sous-diaconat.

7° Le vœu simple est celui que l'Eglise no reçoit pas solennellement, soit pour une profession solennelle dans un ordre approuvé par le saint-siége, ou pour le sous-diaconat. Conséquemment tout vou fait en particulier ou en public, même dans une congrégation religieuse non approuvée par le saint-siége, n'est qu'un vou simple.

CHAPITRE III.

DE L'OBLIGATION ET DES EFFETS QUI RÉSULTENT DU VOEU.

§ 1. De l'obligation du vœu.

18. Il n'y a pas de doute que quiconque a fait un vœu ayant toutes les conditions né cessaires pour être valide, est obligé de l'accomplir. Si l'honneur et la justice ne nous permettent pas de ne pas exécuter des obligations contractées envers les hommes, à plus forte raison est-on tenu d'accomplir celles qu'on a contractées envers Dieu. Cum volo voveris Domino Deo tuo, non tardabis reddere quia requiret illud Dominus Deus tuus; el si moratus fueris, reputabitur tibi in peccatum (Deut. xx11, 21).

L'obligation d'accomplir un vœu est, de sa nature, sous peine de péché mortel. Il est. cependant plus probable que l'omission entière d'un vœu qui n'a qu'une matière légère n'est que péché véniel (Liguori, lib. ш, n. 211. Il en est de même en matière grave si on avait seulement eu la volonté de s'engager sub levi, parce que celui qui pouvait ne pas s'obliger du tout, peut s'obliger à une moindre peine (Lig. lib. 111, n. 213).

On est obligé d'accomplir son vou, tout entier, dans le temps et de la manière qu'on a promis de l'exécuter. Ces conditions sont si évidentes que nous nous croyons dispensé de les prouver; nous nous contenterons do les expliquer.

1° L'omission d'une partie d'un vœu est un péché mortel si cette partie est considérable, elle n'est que vénielle si elle est légère. Il faut juger de la légèreté ou de la gravité de la matière d'après les principes généraux établis aux art. Lois, n. 60; PÉCHÉ ACTUEL, n. 6.

Nous observerons que lorsqu'on s'engage à faire pendant une suite de jours une cerlaine chose, v. g., de dire les litanies de la sainte Vierge, l'obligation est complète pour chaque jour, en sorte qu'on ne doit pas unir l'obligation de la veille avec celle du lendemain pour former une malière grave. Il en serait autrement si le vœu était réel, v. g., de donner chaque jour, pendant six mois, 20 centimes aux pauvres, parce que ce terme est présumé marqué non ad finiendam obligationem, mais plutôt pour en rendre l'exécution plus facile. Si le terme était

réellement ad finiendam obligationem, il faudrait raisonner différemment.

19. 2 Nous avons expliqué longuement les obligations à terme. Voy. OBLIGATION, n. 16. On doit juger du terme des vœux sur ces règles. Nous observerons seulement que le retard est regardé comme péché mortel en matière de vou de religion, v. g., quand il est de six mois (Lig. lib. 1, n. 221). On doit mesurer l'importance du retard sur l'importance de la matière.

3 La manière d'accomplir un vœu ressort ou de la nature de l'obligation ou des conditions spéciales qu'on y a apposées. Il est évident que dans ces deux cas le mode devient lui-même obligatoire. On pense qu'il ne faut pas avoir l'intention d'accomplir son vœu pour s'en acquitter. Mais nous croyons qu'il faut faire ici les distinctions que nous avons faites au mot SATISFACTION, n. 10. On a voulu s'obliger seulement à faire l'oeuvre de quelque manière qu'elle soit faite, ou on a voulu s'imposer une obligation spéciale, de surérogation et qu'on doit accomplir comme væu. Dans le premier cas, le vœu est accompli par l'exécution de la chose promise, qu'on ait pensé à son vœu ou qu'on n'y ait pas pensé; dans le second, l'intention est évidemment nécessaire.

§ 2. Des effets du væu.

20. Les effets du vœu simple ne sont autres que l'obligation qu'il impose nous en avons parlé dans le paragraphe précédent. Voy. ci-dessus, n. 18 et 19. Le vœu solennel rend de plus inhabile à contracter mariage: ceux donc qui ont fait profession dans un ordre approuvé par le saint-siége ou qui ont reçu le sous-diaconat, ne peuvent validement se marier, comme nous l'avons dit aux mots PROFESSION RELIGIEUSE, MARIAGE CIVIL, n. 3, et ORDRE (EMPÊCHEMENT DE L').

CHAPITRE IV.

DES CAUSES QUI FONT CESSER L'OBLIGATION DES VOEUX. 21. L'obligation des vœux cesse, 1° par le changement de matière; 2° par l'irritation; 3 par la dispense ou la commutation.

ARTICLE PREMIER.

De la cessation du vœu par le changement de matière.

22. On peut distinguer trois espèces de changements qui peuvent survenir à la matière.

1° Quand la matière est devenue mauvaise, inutile, de minori bono, ou impossible. Ce changement casse totalement le vœu, si la matière ne doit probablement pas recevoir plus tard les conditions nécessaires pour être un vou. Si on prévoyait que plus tard elle recouvrerait ces qualités, l'obligation du vœu ne serait que suspendue.

Si une partie seulement était impossible et que l'autre fût possible, il faudrait distinguer si en faisant le vœu on a contracté une obligation divisible. Si elle est indivisible comme celle de bâtir une église, dès lors qu'une partie est impossible, le vœu cesse tout entier. Si l'obligation était divisible,

V. g., j'ai 10,000 francs, je fais vœu de les donner à un hôpital, on me vole 5,000 fr., l'obligation n'est pas éteinte, parce qu'elle est parfaitement divisible.

2° La seconde espèce de changement est quand la fin principale et unique qui a porté à faire vœu a cessé; v. g., un homme fait vœu d'aller visiter une église pour demander la guérison de son fils; celui-ci meurt, le vœu cesse entièrement. Mais s'il n'y avait que l'une des fins principales ou les fins accessoires qui eussent cessé, le vœu continuerait à obliger.

3o Lorsque les circonstances sont tellement changées que l'homme n'eût pas fait vœu s'il eût présumé ce changement; parce que celui qui fait vou est toujours censé mettre celle condition tacite : les choses res tant dans le même état. Une personne fort riche fait vœu de bâtir une église; des malheurs si considérables lui surviennent qu'elle ne peut exécuter son vœu sans se réduire à la mendicité : elle n'est pas tenue de l'ac complir.

ARTICLE II.

De l'irritation des vœux.

23. Ceux qui ne sont pas maîtres de leur personne, dit saint Thomas, ne peuvent faire vœu qu'avec cette condition tacite si les su périeurs ne les révoquent pas : Si non revo centur a superiore, ex qua conditione licita et valida redduntur, si conditio existal. Tous les droits reconnaissent ce pouvoir. Le droit canon l'établit, comme nous le verrons; le droit divin le reconnaît évidemment, comme on peut le voir au livre des Nombres, chap. xxx, v. 4 et suiv. « Mais quels sont les supérieurs qui ont le droit d'irriter les vœux ! Pour l'intelligence de ce droit nous devons distinguer deux sortes d'irritation, l'une directe et l'autre indirecte. L'irritation directe est celle qui annule absolument le vœu; l'irritation indirecte est celle qui suspend seulement l'exécution du vœu qui ne peut être accompli maintenant sans porter atteinte aux droits légitimes d'un tiers.

On convient que celui qui a le droit d'irriter les vœux peut le faire sans autre cause que son bon plaisir. Quelques docteurs croient qu'il pèche alors véniellement, mais tous sont d'accord que s'il a un léger motif, il ne pèche nullement (Lig. lib. m, n. 220).

1o Les supérieurs réguliers peuvent irriter directement tous les vœux de leurs religieux (canon Non dicas, cap. 12, q. 1, cap. Si religiosus de electione). Le droit contient une exception, c'est lorsque le vœu a pour objet d'entrer dans un ordre plus sévère (Cop. Licet, de Regularibus).

Le supérieur ne peut irriter directement les vœux des novices, parce qu'ils ne lui sont pas absolument soumis, et peut les suspendre pour les irriter directement après la profession. Mais si les novices ne font pas profession, ils sont obligés d'accomplir leurs vœux lorsqu'ils sont sortis des monas lères.

Le pape étant le supérieur général des re

ligieux, a le droit d'irriter directement les vieux de tous les religieux. C'est une conséquence des chapitres que nous avons cités. 24. 2 Les pères, mères, tuteurs peuvent irriter directement tous les vœux de leurs enfants qui n'ont pas atteint l'âge de puberté (Canon Puella, cap. 20, q. 2).

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Après l'âge de puberté, les parents et tuteurs ne peuvent rien ur les vœux personnels de leurs enfants, à moins que leur autorité n'en füt blessée, parce que le droit n'étend ces pouvoirs que jusqu'à l'âge de puberté. Si le vœu était réel, c'est-à-dire s'il consistait à donner de l'argent, du travail, en un mot quelque chose d'appréciable à prix d'argent, le père a, jusqu'à la majorité ou l'émancipation de son fils, le droit d'irriter ce vœu, parce que jusqu'à cet âge le fils n'a pas la libre disposition de ces objets. Le travail appartient à son père qui a aussi la gestion des biens de son fils. Mais la difficullé concerne la nature de l'irritation : les uns pensent qu'elle est absolue et directe, et les autres seulement suspensive. Nous croyons la première opinion suffisamment probable pour qu'on puisse la suivre en conscience; elle est soutenue par Sanchez et beaucoup d'autres théologiens. Les Conférences d'Angers semblent la partager. Un père peut donc annuler le vœu de son fi's par lequel il s'engage à faire des aumônes, des voyages, etc.

25. 3° Les maîtres ont aussi le droit d'annuler les vœux de leurs serviteurs, mais seulement en ce que ces vœux ont de contraire au service de la maison, parce qu'un vœu différent n'intéresse en rien le maître. Le domestique qui fait vœu de dire son chapelet en travaillant ne pourrait donc le faire irriter par son maître. Mais le vœu de celui qui promettrait d'aller tous les jours à l'église pourrait être irrité: le premier peut s'accomplir sans nuire au service; le second pourrait y porter atteinte.

26.4 Le mari et la femme peuvent incontestablement irriter les vœux de l'un et de l'autre, lorsqu'ils portent atteinte à la société conjugale et à leurs droits d'époux (canon Manifestum est). Sans ce pouvoir l'un des deux époux pourrait priver l'autre de son droit. S'ils avaient tous deux fait un vœu semblable, en se faisant la condonation qu'ils peuvent se faire, il n'y aurait plus lieu à irritation; car pour irriter il faut avoir un droit, et dans la supposition ils n'en ont ni l'un ni l'autre, puisqu'il y a renonciation des deux côtés.

Les théologiens sont loin d'être d'accord sur la nature de ce droit d'irritation : les uns prétendent qu'il est direct, les autres prétendent qu'il ne fait que suspendre l'obligation du vœu durant l'existence du mariage. Cette dernière opinion paraît plus en rapport avec l'autorité du mari qui, une fois mort, laisse pleine et entière liberté à sa femme. On pourra cependant répondre que tous les liens ne sont pas rompus avec la mort, que l'intérêt de la famille peut exiger la rupture complète du væu. Quoi qu'il en soit, la première

opinion ne nous paraît pas assez probable pour qu'on puisse la suivre dans la prati

que.

On demande encore si le mari aurait le droit d'irriter les vœux de son épouse qui n'ont pas de rapport avec ses devoirs et ses droits. Liguori, considérant le mari comme le chef de la famille, le pense (lib. 11, n. 234); nous le croyons aussi, parce que le droit n'apporte pas de limitation expresse, c'est ici une faveur et d'ailleurs il est bien peu · de vœux qui ne touchent le mari de près ou de loin.

ARTICLE II.

De la dispense des vœux.

27. L'Eglise a toujours cru que Jésus-Christ lui a donné le pouvoir de dispenser des vœux, par ces paroles: Ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. Nous ne nous arrêterons pas à prouver une véri é qui l'a été assez longuement au mot D SPENSE. Voy. le Dict. dogmatique. Toute la difficulte est donc de savoir à qui il a confié ce pouvoir.

Suivant le droit, le pouvoir de dispenser appartient à ceux qui ont la juridiction au for extérieur dans le gouvernement de l'Eglise. Il peut aussi être conféré par le pouvoir ordinaire au pouvoir délégué: celui-ci ne peut en user que selon les lois de la délégation. Nous ne nous occuperons ici que pouvoir ordinaire. Nous avons deux degrés de juridiction, le pape et l'évêque. Il faut retracer les pouvoirs de ces deux autorités.

du

§ 1. Du pouvoir du pape sur les vœux. 28. Il faut dans l'Eglise un pouvoir qui ait la puissance de dispenser de tous les va ux saus exception; car il n'y a pas un vœu qu'il ne puisse y avoir nécessité de rompre. Le pouvoir universel ne peut appartenir qu'au souverain, placé au sommet de l'échelle sociale religieuse. Aussi le droit et tous les docteurs reconnaissent au pape le pouvoir de dispenser de tous les vœux sans aucune exception.

Mais comme en ceci il agit au nom de Dieu, on convient généralement qu'il ne peut dispenser des vœux sans cause, parce qu'il n'agit pas ici comme souverain, mais comme délégué de la puissance divine pour dispenser lorsqu'il y a nécessité. Or les causes de dispense sont :

1o Le plus grand bien de l'Eglise, de l'Etat, de la famille ou du sujet lui-même. Il est quelquefois nécessaire d'autoriser un religieux à se marier pour la conservation d'une dynastic, de laquelle dépend la tranquillité d'un empire. La dispense est quelquefois nécessaire à celui qui a fait un vœu qui est pour lui une occasion de transgre-sions coninuelles.

2o La grande difficulté d'accomplir le vœu. Lorsque les forces se sont affaiblies, que le vœu devient un très-lourd fardeau, il y a en◄ core cause de dispense.

3 Quand il n'y a pas cu pleine et entière liberté, ou qu'il y a eu ignorance sur des circonstances importantes, qui n'a cependant pas été suffisante pour annuler le vœu.

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