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« 17. Le troisième cas est celui où l'on ne peut autrement éviter un scandale ou une perte considérable. La raison en est que les lois humaines, et assez souvent même les lois positives de Dieu, n'obligent pas dans de pareilles circonstances. C'est le sentiment de saint Thomas et il est reçu communément (1). De là on a coutume d'inférer qu'un prêtre peut célébrer sans être à jeun, lorsqu'en y manquant contre son ordinaire il se fera soupçonner d'un crime qui s'est commis la veille, ou qu'il donnera à son peuple un grand scandale. Voy. ABLUTION, n. 6, où nous avons dit quand un prêtre, chargé d'un double service, peut dire une seconde messe après avoir pris les ablutions

Plusieurs étendent cette décision à un séculier, qui ne se souvient d'avoir pris quelque chose que quand il est déjà à la sainte table, et qui craint le scandale et l'infamie s'il se retire sans communier. Quoique ce cas ne soit pas absolument impossible, on doit le regarder comme très-rare, et par conséquent arrêter dans la pratique les conséquences que l'amour-propre et la crainte d'un scandale imaginaire en tireraient indubitablement. En effet rien de plus commun que de voir des laïques de toute espèce quitter la table de la communion pour quelques moments, ou même tout à fait, à cause de leurs scrupules. D'ailleurs on y voit toujours bien des personnes, dont les unes ont déjà communié, et les autres n'y pensent pas, mais cherchent uniquement la propreté et la commodité du lieu. Enfin, quand un séculier qui

est à l'abri du soupçon dirait à tous ceux qui voudraient l'entendre qu'il s'est souvenu d'avoir mangé après minuit, risque-t-il beaucoup? et la communion du lendemain ne peut-elle pas suppléer à celle dont il se prive aujourd'hui ?

« 18. Le quatrième cas est celui d'un malade qui doit recevoir le saint Viatique. I n'y a qu'une voix sur cet article. Il faut seulement observer que dans les pays où il est d'usage de communier les criminels avant le dernier supplice, on les regarde comme on fait en France les malades qui tendent à la mort. Au reste, quoique certains théologiens (2) fassent à ceux qui sont chargés d'admin strer les derniers sacrements, une loi étroite de prendre, pour communier un moribond, le temps où il n'a encore rien pris, quand ils le peuvent sans se déranger considérablement; je ne vois pas, même dans les communautés où de l'Eglise aux infirmeries il n'y a qu'un pas à faire, qu'on se gêne pour cela. Surtout on aurait grand tort, en atten-, dant une ou deux heures après minuit, d'exposer un malade à mourir sans communion, ou à ne la recevoir que dans un état d'accablement et d'aliénation commencée, où l'es

neutrun horum fieri possit, in ipso calice, seu patena decenter conservet, quousque vel in tabernacalo reponatur, vel ab altero sumatur: quod si non babeat quomodo honeste conservetur, potest eam ipsemet sumere. Ibid., n. 3.

(1) S. Thom., g. 85, art. 6 ad 2; Suarez, disp.

prit ne connaît presque plus la grandeur du don de Dieu.

« 19. C'est ici le lieu d'examiner une question fort débattue parmi les casuistes. Il s'agit de savoir si un prêtre qui n'est plus à jeun peut célébrer pour consacrer une hostie, faute de laquelle un malade mourra saus Viatique?

« Le plus grand nombre des docteurs prétend qu'il ne le peut pas : 1° parce que le respect et la dignité infinie du sacrement exigent qu'on ne le consacre qu'avec les rites marqués par l'Eglise, hors le cas de la dernière nécessité. Or, poursuivent-ils, ce genre de nécessité ne se trouve point dans le cas présent, puisque, de l'aveu de tout le monde, la communion n'est pas absolument nécessaire au salut, et moins encore quand il ne dépend pas de nous de la recevoir; 2' parce qu'il n'est pas plus permis de célébrer sans être à jeun, pour communier un moribond, qu'il n'est permis de le faire pour la même fin, sans autel, sans ornements, sans calice consacré, en un mot, sans ponvoir suivre ces rites principaux, dont l'Eglise a fait autant de lois inviolables. Or, l'on convient que cela serait défendu dans tous ces cas; donc, 3° parce que, pour célébrer après avoir rompu le jeune, il faut une dispense de l'Eglise, comme il en faut une pour communier en pareil cas. Or l'on ne trouve ni trace, ni vestige d'une semblable dispense. Il faut donc s'en tenir à la loi générale, et ne s'exposer pas à faire un mal pour procurer du bien à un autre. Ainsi théologiens l'ont suivi (3), et Benoit XIV pense saint Antonin: plusieurs habiles s'y est joint d'une manière très-décidée. »

JOUR.

Le jour est une division du temps. On en distingue de trois sortes: le jour astronomique, le jour civil et le jour ecclésiastique. Le jour astronomique est mesuré par le temps que le soleil, dans son mouvement diurne ou apparent, emploie pour revenir au méridien qu'il a quitté; le jour civil est celui qui est reconnu pour la gestion des affaires. Il a été différent chez différents peuples. Les Babyloniens commençaient leur jour au lever du soleil; celui des Athéniens était compris entre deux couchers consécutifs de cet astre. Les Italiens modernes commencent aussi leur jour au coucher du soleil; les Français et les Anglais commencent et finissent leurs jours civils à minuit. Le jour ecclésiastique est celui qui est employé dans le comput ecclésiastique. On peut en distinguer de deux sortes, le férial et le festival. Le premier commence à minuit et finit à minuit. Le fes tival commence la veille, à l'heure où on peut dire les premières vêpres, et se continue jusqu'au lendemain soir. Cette distinc

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68, sect. 5; Lugo, disp. 15, n. 70, etc.

(2) Zambranus apud Quarti, part. III, tit. 9, sect. 1, dub. 6: Tertia causa, etc.

(3) Paludanus, Soto, Ledesma, Navarre, Suarez, disp. 68. sect. 5; Tolet, Bonacina, Habert, etc. Beredictus XIV, de Sacrificio, lib. ш, c. 12, n. 8.

tion est importante, parce qu'on peut faire, dès la veille, depuis l'heure des premières vėpres, les exercices prescrits pour gagner l'indulgence attachée à une fête.

JUBILÉ.

1. Il n'est pas dans le christianisme de faveur religieuse plus grande que celle du jubilé. L'Eglise semble par là mettre le comble à ses indu!gences en faveur des pécheurs. Voulant faire connaitre complétement cette grâce extraordinaire, nous essayerons, 1o de donner l'histoire du jubilé et de ses différentes espèces; 2° d'exposer les œuvres nécessaires pour gagner le jubilé: 3° de traiter des priviléges attachés au jubilé; 4° de dire ceux qui peuvent gagner le jubilé; 5° de faire connaître les effets du jubilé, et de la suspension des indulgences pendant ce saint temps. Nous ne disons rien du pouvoir d'accorder l'indulgence du jubilé. C'est une conséquence nécessaire du pouvoir d'accorder l'indulgence plénière; or, le pape seul peut accorder l'indulgence plénière; c'est donc à lui seul et au concile général qu'il appartient de conférer la grâce du jubilé. Nous devons proposer une petite question sur la concession du jubilé.

Si le souverain pontife venait à monrir avant l'expiration du temps fixé pour gagner Je jubilé, pourrait-on le gagner?

-

Comme nous le dirons dans la suite, il faut distinguer dans le jubilé l'indulgence qui y est attachée des priviléges qui sont alors accordés. Les auteurs ne doutent pas que dans ce cas même le pouvoir d'absoudre des censures et des cas réservés de commuer les vœux ne subsiste. C'est ici un pouvoir de juridiction accordé sous condition; il subsiste donc jusqu'au moment où il ait été révoqué. « Or, dit Mgr Bouvier, la révocation ne peut être valide si elle n'est clairement manifestée. On ne doit donc avoir aucune inquiétude sur les actes de juridiction qui ont été exercés jusque-là. Cette opinion, enseignée par Collet et par beaucoup d'autres théologiens, me paraît très-fondée; je ne crois pas qu'on puisse raisonnablement l'atta

quer. »>

2. Les théologiens sont divisés sur le gain de l'indulgence. Nous croyons qu'il faut distinguer les indulgences sont ordinairement accordées pour une fin principale; c'est sur cette fin qu'il faut porter son attention. Or elle subsiste nonobstant la mort du pape, ou elle ne subsiste plus. Si elle subsiste, il est évident que le jubilé doit pouvoir exister comme les indulgences générales. Ainsi, que le pape meure au milieu du jubilé séculaire, d'un jubilé extraordinaire qui n'est pas attaché à sa personne, l'indulgence du jubilé peut être gagnée malgré la mort du pontife. Si, au contraire, la fin pour laquelle la concession a été faite cesse totalement par la mort du pape, nous croyons que, n'ayant plus de cause, l'indulgence serait révoquée. Un pape, à son avénement, publie un jubilé pour demander la bénédiction du ciel sur son pontificat; il meurt; le jubilé doit tomber avec Jur. Les jésuites de Milan apprécièrent ainsi

la question après la mort d'Innocent IX à l'égard du jubilé qu'il avait publié pour obtenir la faveur du ciel pendant son pon tificat.

CHAPITRE PREMIER.

HISTOIRE DU Jubilé et de ses différeNTES ESPÈCES.

3. Les savants ne sont nullement d'accord sur l'étymologie du mot jubilé. Il signifie, de l'aveu de tous, joie et allégresse. Il a existé chez un grand nombre de peuples placés en dehors du christianisme.

Chez les Juifs, chaque cinquantième année était célébrée par un jubilé qui rétablissait toutes choses dans leur premier état. Cette année était annoncée solennellement au son des trompettes. Les esclaves, qui avaient refusé la liberté qui leur était offerte l'année sabbatique, devenaient libres, lorsque l'année du jubilé arrivait. Les terres qui avaient été aliénées revenaient à leurs premiers maitres; toutes les dettes étaient remises, et tous les travaux de l'agriculture interrompus. Les productions de la terre étaient abandonnées aux pauvres. L'institution du jubilé avait pour but de rappeler aux Israélites le souvenir de la servitude d'Egypte, d'empêcher que les pauvres ne fussent opprimés et retenus dans un éternel esclavage, et que les riches ne s'emparassent de toutes les terres. Quelques-uns pensent que les Israélites avaient coutume de compter par jubilés, comme les Grecs faisaient par Olympiades, et les Romains par lustres. Ce sentiment paraît assez vraisemblable. L'année du jubilé, ainsi que l'année sabbatique, commençait vers le mois de septembre, et finissait de même ; en sorte qu'avant l'hiver on pouvait faire les semailles, et préparer la récolte de l'année suivante.

Les habitants du royaume de Laos, en Asie, ont une espèce de jubilé, tous les ans, au mois d'avril, pendant lequel les prêtres distribuent des indulgences plénières.

Les Mexicains avaient une espèce de jubilé qu'ils célébraient de quatre en quatre ans. C'était une fête très-solennelle, pendant laquelle ils s'imaginaient recevoir le pardon général de tous leurs péchés. Les cérémonies étaient à peu près les mêmes que celles de la fête de Tescalipuca, dieu de la pénitence. Ce qu'il y avait de particulier à la fête du jubilé, c'est que plusieurs jeunes gens, des plus lestes et des plus vigoureux, se déliaient mutuellement à la course. Il s'agissait de monter, sans reprendre haleine, au sommet d'une montagne très-rapide, sur laquelle était bâti le temple de Tescalipuca. Celui qui y parvenait le premier emportait le prix. Il recevait les plus grands honneurs ; et, entre autres priviléges, on lui permettait d'emporter les viandes sacrées qui avaient été servies devant l'idole, et auxquelles les prêtres seuls avaient le droit de toucher.

L'Eglise a aussi établi son jubilé, et il était tellement dans les mœurs des chrétiens avant la réforme, que les protestants en ont conservé le nom et certaines cérémonies. Eu 1617, les luthériens célébrèrent le jubilé

de leur réforme ; et ils ont continué depuis. Voici quelles sont les principales cérémonies de cette fête, qui dure ordinairement plusieurs jours. Les citoyens les plus distingués de la ville se rendent dès le matin à l'hôtel de ville, revêtus de manteaux noirs, et de là ils vont processionnellement à la principale église du lieu. Ils rencontrent en chemin le clergé el les colléges qui se joignent à eux, et forment une procession régulière et nombreuse. On arrive en bon ordre à l'église, qui, ce jourlà, est jonchée de fleurs et parée de ses plus beaux ornements. Bientôt elle retentit du chant des psaumes et des cantiques d'alégresse, dans lesquels on célèbre le triomphe de Luther et de la réforme, la défaite du pape et de l'Eglise romaine. Les instruments se joignent aux voix, et forment une harmonie complète. A ces chants de victoire succède un prêche, ou sermon, dont le sujet est l'établissement du luthéranisme.

Les catholiques distinguent deux espèces de jubilé : l'un ordinaire et l'autre extraordinaire. Le premier se célèbre à Rome l'année de sa publication, et l'année suivante dans le reste du monde chrétien. Le second s'accorde dans des circonstances spéciales, pour un besoin particulier.

ARTICLE PREMIER.

Du jubilé ordinaire à Rome.

4. On ne connaît pas l'époque précise de l'établissement du jubilé. On sait seulement que sous le pontificat de Boniface VIII, vers la fin de l'année 1299, le peuple disait hautement que c'était un ancien usage de l'Eglise, que, chaque centième année, on gagnât une indulgence plénière, en visitant l'église de Saint-Pierre. Boniface, informé des bruits qui couraient, fit chercher dans les anciens livres; mais l'on n'y trouva rien qui autorisât cette opinion. Il interrogea un vieillard âgé de cent sept ans, qui lui répondit, en « Je me présence de plusieurs témoins: a souviens qu'à l'autre centième année a mon père, qui était laboureur, vint à Rome, et y demeura, pour gagner l'in«dulgence, jusqu'à ce qu'il eut consommé a les vivres qu'il avait apportés. Il me re« commanda d'y venir la prochaine cen« tième année, si j'étais encore en vie; ce « qu'il ne croyait pas. » Quelques autres Italiens et deux vieillards du diocèse de Beauvais en France confirmèrent cette tradition. Le pape réunit le collége des cardinaux, demanda leur avis et donna, le 22 février 1300, Ja bulle Antiquarum, dans laquelle il déclara que, ayant acquis la conviction sur des témoignages dignes de foi que les saints pontifes, ses prédécesseurs, avaient accordé de grandes indulgences à ceux qui visiteraient l'église de Saint-Pierre, il accorde lui-même la même faveur à ceux qui, pendant l'an 1300, à toutes les centièmes années, se repentiraient de leurs fautes, les confesseraient et visiteraient les deux églises de Saint-Pierre, de Saint-Paul, pendant trente jours de suite ou par intervalle, s'ils sont habitauts de Rome, ou seule

ment 15 fois, s'ils sont étrangers. Il fait observer que la grâce ne sera pas la même à tous, qu'elle sera proportionnée aux dispositions.

On compta plus de 200,000 pèlerins à Rome durant le cours de cette année. Cent ans étaient un laps de temps bien long. Combien de chrétiens devaient être privés de la grâce du jubilé. En 1342, les Romains députèrent vers le pape Clément VI, qui était à Avignon, pour le prier d'abréger le temps marqué pour le retour du jubilé. Le pape, touché des motifs qu'ils apportaient, rendit, le 13 janvier 1343, une bulle pour statuer que le jubilé aurait lieu chaque 50 ans. En conséquence on célébra un jubilé à Rome en 1350. On compta les pèlerins par millions: tout l'univers s'ébranlait pour aller visiter le tombeau des saints apôtres Pierre et Paul.- Cinquante ans parurent encore un terme trop long pour le retour du jubilé, parce que pendant cet espace de temps une multitude de chrétiens devaient nourir sans avoir joui de celle faveur inexprimable. Urbain VI résolut de l'abréger, il le fixa à 33 ans pour se conformer à l'opinion connue qui donne 33 ans de durée à la vie de Jésus-Christ. Paul II trouva que le laps de temps de 33 ans est encoro trop long. I le réduisit à vingt-cinq ans. Aussi, à partir de 1475, le jubilé ordinaire a été célébré tous les vingt-cinq ans.

Le jour de l'Ascension qui doit précéder le jubilé, où on fait dans la basilique de SaintPierre la publication en latin, et au sou des trompettes, comme se publiait autrefois le jubilé des Juifs. On le proclame de nouveau en latin et en italien aux portes du Quirinal, le quatrième dimanche de l'avent. Voici comment un auteur rend compte de cette solen

nité.

5. « Le pape intime le jubilé universel, « dans la capitale de la chrétienté, par <«< une bulle qu'il fait publier le jour de « l'Ascension de l'année précédente, quand « il donne la bénédiction solennelle. Un sous« diacre apostolique commence à publier ce « jubilé devant toute la cour romaine, par << la lecture de la bulle qui est en latin; et << un autre sous-diacre la lit à haute voix de« vant le peuple, en italien. Incontinent << après, les douze trompettes ordinaires du « pape commencent des fanfares; et, quel«ques moments ensuite, douze veneurs son«nent de leurs cors d'argent, avec une es<< pèce de concert qui s'accorde avec les trom« pettes ; et en même temps le château Saint<< Ange fait une décharge de toute son artil«<lerie. Le quatrième dimanche de l'Avent, « les sous-diacres apostoliques publient une « autrefois la bulle du jubilé; et, les trois jours qui précèdent immédiatement les fê«tes de Noël, les cloches de la ville annon«< cent de toules parts une solennité dont « l'ouverture se doit faire le lendemain. Le « vingt-quatrième jour du mois de décembre, « tout le clergé séculier et régulier s'assemble a au palais apostolique, et de là s'en va en pro« cession à Saint-Pierre du Vatican; mais le <clergé, étaut arrivé dans la grande place

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« qui est devant Saint-Pierre, trouve les por«ies de cette église fermées, et toutes les ena trées du portique occupées par des gardes « qui empêchent la foule d'entrer. Le pape, « les cardinaux et les évêques, revêtus de « leurs parements de damas blanc, et la mi« tre en tête, s'assemblent à la chapelle de « Sixte, où Sa Sainteté entonne le Veni Crea«tor, tenant à la main un cierge allumé. « Tous les cardinaux, en ayant de même, « sortent chacun en son rang, el vont sous a le portique des Suisses, où le pape nomme « trois d'entre eux légats a latere, pour aller « faire l'ouverture de la porte de Saint-Jean « de Latran, de Sainte-Marie Majeure, et « de Saint-Paul hors des murs. » Pour lui, il se réserve le soin d'ouvrir la porte de Saint-Pierre; ce qu'il fait avec les cérémonies suivantes. Armé d'un marteau d'or, qui lui a été présenté par le prince du trône, il heurte à la porte sainte, à trois reprises différentes, disant à chaque fois : Aperite mihi portas justitiæ; « Ouvrez-moi les portes de justice. » Le clergé, qui le suit, lui répond par ces paroles : « C'est ici la porte de l'Eternel; les justes y entreront. Sa Sainteté va s'asseoir ensuite sur un trône dressé au milieu du grand portique, pendant que les maîtres magons abattent le mur qui ferme la porte sainte, et en mettent les débris à quartier. La porte est ensuite nettoyée et lavée avec de l'eau bénite par les pénitenciers de Saint-Pierre; après quoi le pape vient se mettre à genoux devant cette porte sainte; entonne le Te Deum; puis se relève et entre dans l'église, où l'on dit les premières vêpres. Dès que l'ouverture de la porte de SaintPierre est faite, les cardinaux nommés pour cet office vont faire la même cérémonie aux trois autres églises dont on vient de parler. Le lendemain, après la messe du jour, Sa Sainteté monte à la grande loge de SaintPierre, qu'on appelle la loge de la bénédiction, et donne une bénediction solennelle au peuple, en forme de jubilé.

6. « L'année du jubilé étant révolue, le souverain pontife, après avoir officié solennellement aux premières vêpres la veille de Noël dans l'église Saint-Pierre, entonne une antienne qui commence par ces mots : Cum jucunditate exibitis. « Vous sortirez avec a joie.» Aussitôt tous les assistants sortent avec joie par la porte sainte. Le pape, après avoir béni les pierres et le ciment destinés à fermer cette porte, pose lui-même la première pierre sous laquelle on a soin d'enfouir quelques médailles pour perpétuer le souvenir de cette cérémonie. Les maîtres magons achèvent l'ouvrage, et murent la porte, au milieu de laquelle ils enchâssent une croix de cuivre. Toute la cérémonie se termine par une bénédiction solennelle que le pape donne au peuple.

ARTICLE II.

Du jubilé ordinaire dans le reste de la
chrétienté.

7. Les souverains pontifes, dit Mgr Bouvier, invitent tous les chrétiens à aller visi

ter les tombeaux des apôtres à Rome, pour y ranimer leur foi et y gagner l'indulgence du jubilé, mais ils n'ont jamais prétendu en faire un précepte. Ils se montrèrent difficiles, il est vrai, dans un temps à permettre qu'on pût gagner l'indulgence du jubilé ailleurs qu'à Rome; cependant, après que le jubilé fixé par Urbain VI à l'année 1390 fut passé, Boniface IX, qui avait succédé à ce pontife, donna une année d'indulgence, sous la même forme que celle de Rome, à la ville de Cologne; de sorte que les habitants de cette ville et ceux qui y viendraient pendant 1391, visiteraient certaines églises déterminées, et y feraient leur offrande, gagneraient l'indu!gence plénière comme en faisant les stations de Rome.

« L'année suivante il accorda la même faveur à la ville de Magdebourg, et ensuite il donna de semblables indulgences, pour quelques mois seulement, à quelques autres villes de l'Allemagne, telles que Meissen et Prague, où il y eut un concours de peuple immense.

« Après le jubilé célébré à Rome en 1450, Nicolas V accorda, l'année suivante, aux Polonais et aux Lithuaniens, sur la demande du cardinal Sbignée, évêque de Cracovie, l'indulgence du jubilé, et dispensa du voyage de Rome, à condition de donner, à titre d'aumône destinée à faire la guerre aux Turcs, la moitié de ce qu'il en aurait coûté pour les frais d'aller et de venir. On réduisit cette moitié au quart, et elle produisit encore des sommes considérables.

« Alexandre VI étendit le jubilé de 1500, par une bulle du 20 novembre de cette même année, à tous les chrétiens éloignés de Rome, les exemptant de l'obligation d'y aller, à condition qu'ils payeraient en compensation une certaine somme pour aider à faire la guerre aux Turcs.

« Depuis ce temps-là les souverains pontifes ont accordé la même faveur aux églises étrangères à la ville de Rome, sans exiger aucun émolument temporel : ils ont voulu éviter tout soupçon d'intérêt, et se conformer aux dispositions du concile de Trente, qui défend de faire des quêtes ou de solliciter des aumônes à l'occasion des indulgences (Sess. 21, c. 29).

« Quant à la publication de l'extension de ce jubilé, elle doit être faite dans les diocèses par les propres évêques, selon la forme qu'ils jugent convenable, après avoir examiné la bulle et reconnu son authenticité. Car les conciles de Latran, de Vienne et de Trente, n'ont point excepté le jubilé de la mesure qu'ils ont prescrite pour les indulgences en général.

« Il ne suffit donc pas d'avoir la certitude de science privée que la bulle d'extension a été publiée à Rome; il faut attendre que l'évêque se prononce et manifeste ses intentions jusque-là on ne peut participer au jubilé. Tel est du moins le sentiment commun, le mieux fondé et le seul qui puisse étre suivi.

Néanmoins, dans les pays hérétiques et

infidèles, dans les colonies et autres lieux où il n'y a point d'évêques, ce sont les curés et les missionnaires qui reconnaissent l'au thenticité de la bulle, et en font la publication. Les bulles mêmes portent cette disposition: Et ipsis deficientibus, disent-elles, en parlant des ordinaires, per eos qui ibi curam animarum exercent, etc.

Le temps accordé pour la célébration du jubilé dans les divers diocèses, est réglé par la bulle même de concession: il faut donc l'examiner et s'y conformer. Benoît XIV accorda six mois en 1751; Pie V1, six mois en 1776, el Léon XII a accordé six mois pour 1824, comme on peut le voir dans sa bulle Exultabat, du 25 décembre 1824. » ARTICLE III.

Du jubilé extraordinaire.

8. Le jubilé ranime tellement la ferveur des fidèles, il produit tant de fraits de salut, que les souverains pontifes résolurent d'accorder un jubilé extraordinaire à tout l'univers pour les besoins généraux, ou à certaines régions pour des causes graves qui peuvent leur être particulières. Léon X est le premier des papes qui ont accordé un jubilé extraordinaire. L'islamisme débordait sur l'Europe: pour déterminer les Polonais à se liguer contre ce redoutable ennemi, il leur accorda un jubilé extraordinaire en 1518. Paul IIIen publia un semblable à Rome en 1546, pour prier pour l'Eglise accablée par l'hérésie, et pour l'heureux succès de la guerre qu'il voulait lui faire. A la reprise du concile de Trente, Pie IV publia un jubilé pour implorer l'assistance du Saint-Esprit sur cette sainte assemblée, Sixte V donna un jubilé en 1585 pour attirer les bénédictions du ciel sur son pontificat. Il voulut que toutes les Eglises du monde le publiassent la première semaine qui suivrait la connaissance qu'elles auraient de sa bulle. Il ne donnait que quinze jours pour gagner l'indulgence. La plupart des papes depuis Sixte V ont accordé des jubilés extraordinaires à leur avénement au souverain pontificat. Il y a en aussi un très-grand nombre de jubilés pour les besoins extraordinaires de l'Eglise. Nous en avons eu un il y a quelques années pour l'Eglise d'Espagne. Les dispositions des bulles qui les accordent ne sont pas toujours les mêmes; il faut les consulter pour connaître ce qu'elles prescrivent.

CHAPITRE II.

DES ŒUVRES NÉCESSAIRES POUR GAGNER LE JUbilé.

9. En dispensateur fidèle des indulgences, le souverain pontife prescrit pour gagner le jubilé des œuvres qui sont en rapport avec les besoins actuels des fidèles. C'est donc la bulle particulière qui accorde cette grâce extraordinaire, qu'il faut consulter pour savoir ce que l'on doit faire afin de gagner l'indulgence. Mais il y a des œuvres qui sont prescrites par la plupart des balles du jubilé, en sorte qu'on peut les regarder comme appartenant à une espèce de droit commun. Nous allons les développer. Il y en a qui sont

communes à toute espèce de jubilé, d'autres qui sont propres à quelques espèces de jubilé.

ARTICLE PREMIER.

Des œuvres communes aux différentes espèces de jubilé..

10. Il y a trois œuvres qui se rencontrent dans chaque espèce de jubilé: ce sont la confession, la communion et la visite des églises.

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1er. De la confession requise pour gagner le jubilé.

11. A l'art. Indulgence, nous avons traité de la nécessité de la confession pour gagner l'indulgence plénière. Il ne faut pas entièrement juger dela nécessité de la confession prescrite pour le jubilé par celle qui est nécessaire pour communier: car il paraît certain, quoi qu'en aient dit quelques théologiens, qu'elle est essentielle même à ceux qui ne seraient coupables que de péchés véniels. Dans la bulle pour le jubilé de 1750, Benoît XIV l'a déclaré formellement. Les papes qui ont après lui donné des bulles de jubilé, tout en prescrivant la confession, ne se sont pas expliqués aussi catégoriquement que Benoît XIV. Il ne serait pas prudent de s'écarter de la règle qu'il a établie. D'où il suit, dit Mgr Bouvier, 1 que si l'on était dans l'impossibilité de se confesser, si on se confessait à un prêtre non approuvé, si le confesseur refusait l'absolution, même injustement, ou ne pourrait gagner le jubilé: à plus forte raison on ne le pourrait pas, si on faisait une confession sacrilege; 2° qu'on ne le gagnerait pas davantage, si, se faisant illusion à soi-même, on se trompait sur ses propres dispositions, en prenant pour une vraie contrition ce qui n'en aurait que l'apparence: car le pape prescrit une confession qui réconcilie avec Dieu.

On convient néanmoins que, malgré la clause Rite contritis, la contrition imparfaite, qui justifie avec le sacrement de pénitence, est suffisante pour remplir les intentions du souverain pontife: c'est bien en effet le sens naturel des termes.

PREMIÈRE QUESTION. Quand faut-il faire cette confession? Est-ce au commencement, au milieu ou à la fin des œuvres prescrites? Il n'y a rien de commandé, et par conséquent rien d'essentiel à cet égard: la seule chose indispensable est qu'on soit en état de grâce au moment où l'on termine les œuvres prescrites, puisque c'est dans cet instant que l'indulgence est appliquée. Il serait plus avantageux sans doute que toutes les œuvres fussent faites en état de grâce, et que l'on commençat par la confession; Benoît XIV y exhorie (Lettre encyclique, Inter præteritos. n. 73), et les confesseurs doivent y préparer leurs pénitents autant qu'ils le peuvent; mais ils ne doivent pas l'exiger.

Un homme qui aurait eu le malheur de retomber dans quelque faute grave entre sa confession et la dernière auvre prescrite, devrait recourir de nouveau à la grâce sacramen

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