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liv. 3 c. pr., fut décrétée le 29 avril 1806, et promulguée le 9 mai

- ARBITRE. Enfin la loi sur l'arbitrage, qui est devenue le titre unique du

der le tiers de la valeur de l'objet litigieux. Là, celui qui interjetait appel d'un jugement arbitral n'obtenait audience qu'après avoir payé la peine stipulée; quelques tribunaux se permettaient de modérer cette peine quand elle leur paraissait excessive, quelquefois même d'en dispenser l'appelant.

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12. Bien d'autres différences se remarquaient dans le mode de procéder, suivant le lieu dans lequel opéraient les arbitres, et il est facile d'apercevoir quels grands et quels nombreux inconvénients en résultaient. loi du 24 août 1790 en a fait cesser quelques-uns, et les principaux sans doute; mais, conçue en six articles seulement, elle n'a pu rémédier à tous. —N'est-elle pas même tombée dans de nouveaux, en autorisant l'arbitrage entre toutes personnes usant de leurs droits, dans tous les cas et en toutes matières, en permettant aux arbitres de proroger leurs pouvoirs, en n'admettant l'appel des jugements arbitraux qu'autant que les parties se le seraient expressément réservé, et auraient de plus désigné le tribunal devant lequel il serait porté?- Des lois postérieures à celles dont je viens de parler ont étendu plus loin encore la faculté de se faire juger par des arbitres, et accordé à leurs jugements un bien plus grand effet. Dans certains cas, dans les cas les plus importants, ce n'était pas une simple faculté que laissaient ces lois, c'était une obligation absolue qu'elles imposaient aux citoyens, de se soumettre à l'arbitrage, et dans tous, nonseulement l'appel, mais le recours en cassation, étaient interdits à ceux qui ne s'étaient pas réservé l'un et l'autre.

13. Nous croyons, messieurs, pouvoir le dire sans être accusé d'en faire une censure trop amère, si les lois et la jurisprudence anciennes n'avaient pas donné assez de faveur à l'arbitrage, celle du 24 août 1790, et d'autres plus récentes, lui en avaient accordé une exorbitante. Sans doute les idées libérales qui ont présidé à la rédaction de celles-ci ont dû inspirer une grande confiance dans cette espèce d'institution respectable en elle-même; mais elles ne devaient pas aller jusqu'à la dénaturer. Le projet qui vous est présenté la rétablit dans ses attributs essentiels, et permet d'en attendre tous les avantages qu'un acte de cette nature peut et doit produire. Il désigne avec précision les personnes qui peuvent se soumettre à l'arbitrage et les matières qui peuvent y être soumises; il détermine la forme de l'acte par lequel les arbitres doivent être choisis, les obligations qui en résultent, les causes qui peuvent en suspendre ou en faire cesser l'effet; il énonce avec clarté les droits et les devoirs des arbitres, donne des règles fixes sur l'instruction et le jugement des procès dont ils seront saisis; il prescrit enfin les formalités à suivre pour l'exécution de leurs jugements, comme aussi pour en faire réformer ou annuler ceux qu'ils pourraient rendre en contravention aux lois. Toutes ses dispositions nous ont paru, comme je l'ai déjà dit, conformes aux principes, et propres à concilier le respect et l'influence qu'il importe tant de conserver aux tribunaux, avec la liberté dont il n'importe pas moins de laisser jouir les citoyens dans l'administration de leurs affaires personnelles.

14. Pour motiver l'opinion que nous en avons prise, il n'est pas inutile d'observer qu'un arbitrage doit nécessairement avoir pour base un compromis. Un compromis est un contrat : il en a tous les caractères, il doit en avoir tous les effets; mais il doit aussi être soumis à toutes les règles établies par les lois en matière de contrat.

15. § 1. Nous voyons, messieurs, une application exacte de ces règles dans la permission que le projet accorde à toutes personnes de compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition. On ne pourrait sans injustice refuser à celui que la loi autorise à disposer librement d'un droit quelconque, la faculté de soumettre à des arbitres la question de savoir s'il doit perdre ou conserver ce droit, ou de quelle manière il peut en jouir. — Il est juste, au contraire, de ne pas accorder cette faculté à celui qui ne peut pas disposer librement du droit qu'il conteste ou qui lui est contesté. Le compromis, en effet, emporte une véritable disposition, au moins conditionnelle, puisqu'il oblige celui qui le souscrit, à abandonner le droit litigieux, si les arbitres l'y condamnent. Ce serait donc permettre de faire, par une voie indirecte, ce que la loi défend de faire directement, que d'autoriser à compromettre sur des droits dont on ne peut disposer; et certes on ne pouvait rencontrer une pareille contradiction dans les lois que vous donnez à l'empire.

16. § 2. On doit y trouver, et vous voyez, messieurs, dans le projet qui vous est présenté, une prohibition formelle de compromettre sur les questions dont la décision intéresse plus ou moins l'ordre public. Le motif de cette prohibition sort encore de la nature même du compromis. Les intérêts purement privés peuvent seuls faire la matière d'un contrat: on ne peut y insérer aucune stipulation qui toucherait à l'ordre public. Quelque favorables que fussent les lois romaines aux arbitrages et aux compromis, elles les avaient interdits dans les causes importantes, telles que celles d'ingénuité et de liberté. Vous penserez sans doute que les lois françaises doivent l'interdire dans celles où il s'agit de l'état où de l'honneur des citoyens, d'un divorce, d'une séparation de corps entre mari et femme; enfin, de don, ou de legs d'aliments. Ces causes touchent de trop près à l'ordre public, pour que le jugement en puisse être abandonné à des arbitres, qui, quelque instruits, quelque sages qu'on les suppose, n'offrent jamais à la société la même garantie, la même indépendance que les juges

institués par la loi, et investis par le chef de l'État de son autorité. D'ailleurs, puisque nous avons jugé utile d'établir près de nos tribunaux des officiers chargés de prendre connaissance de certaines contestations, ne serait-ce pas une inconséquence que de permettre aux parties de soustraire à l'examen, et peut-être à la censure de ces officiers, des prétentions qu'elles soumettraient à des arbitres? Des abus sans nombre pourraient naître d'une pareille tolérance. Le projet, plus prévoyant sur ce point que nos lois anciennes, que celle même du 24 août 1790, prévient ces abus, et nous paraît offrir, sous ce rapport, une grande amélioration. 17. § 3. Après avoir désigné les personnes qui peuvent compromettre, et les matières qui peuvent faire l'objet d'un compromis, il énonce les formes dans lesquelles cet acte peut être rédigé, et les clauses dont il est susceptible. A cet égard, il laisse aux parties la liberté la plus entière.— Et d'abord, toutes les formes dans lesquelles peuvent être passés une convention, un contrat ordinaires, conviennent au compromis. Authentique ou sous signature privée, il sera également valable.

18. S'il est exigé, à peine de nullité, qu'il précise l'objet en litige, et contienne les noms des arbitres, c'est que ceux-ci n'étant pas des juges, n'ayant aucun caractère public, il faut bien que le compromis leur donne un titre, et aux parties une garantie contre tout excès de pouvoir.

19. §4. Quant aux clauses dont le compromis est susceptible, toutes celles qui ne sont pas prohibées par la loi, et qui ne sont contraires ni aux bonnes mœurs ni à l'ordre public, peuvent y être insérées. Ainsi les parties pourront elles-mêmes régler les formes et les délais dans lesquels leurs arbitres devront procéder; elles pourront les autoriser à nommer un tiers, en cas de partage d'opinions, à prononcer comme amiables compositeurs; elles pourront enfin renoncer à l'appel.-Si elles ne se sont pas expliquées, on présumera qu'elles s'en sont référées au droit commun, c'està-dire qu'elles ont voulu que les arbitres suivissent les formes et délais établis par les lois; qu'en cas de partage, ils demandassent un tiers pour les départager; qu'ils appliquassent rigoureusement la loi; qu'enfin leurs jugements fussent, dans les cas de droit, sujets à l'appel. Nous disons dans les cas de droit, parce que, quand un jugement arbitral sera rendu sur appel ou sur requête civile, il sera nécessairement définitif. Alors, en effet, les parties auront subi au moins deux degrés de juridiction, et la loi, dont l'intention bienfaisante est de mettre un terme aux procès, de rapprocher ce terme par la voie de l'arbitrage, ne peut permettre aux parties de le reculer au delà des bornes posées par le droit commun. Ces dispositions, presque toutes contraires à celles de la loi du 24 août 1790, et aux usages suivis jusqu'à ce jour, sont la conséquence immédiate de cette ancienne maxime: «Que le retour au droit commun est toujours favorable et doit toujours être présumé. » N'est-il pas, en effet, naturel et juste d'induire du silence des parties une soumission plutôt qu'une dérogation au droit commun; et que, comme l'a dit un ancien jurisconsulte (a), les exceptions cessant, nous reprenions les règles générales ?

20. Ainsi, comme il est évident qu'encore que les arbitres ne soient pas des juges, ils exercent cependant les fonctions de juges, il l'est également qu'ils doivent remplir les devoirs imposés aux juges par les lois, à moins que les parties ne leur aient bien formellement accordé le pouvoir de s'en écarter. Ainsi, comme nous devons avoir deux degrés de juridiction dans les matières civiles ordinaires, quand les parties n'auront pas expressément déclaré qu'elles renoncent au second, leur comparution devant des arbitres ne tiendra lieu que du premier; elles conserveront le droit d'appeler du jugement arbitral. Si la loi, par de puissantes considérations, autorise, dans quelques cas, la renonciation à un droit généralement établi, du moins faut-il que cette renonciation soit écrite et bien expresse, et qu'elle ne puisse résulter d'une surprise ou d'une omission involontaire.

21. § 5. Autant les parties auront de liberté dans les stipulations du compromis, autant elles seront rigoureusement obligées à son exécution. C'est, vous le savez, messieurs, un principe certain en droit que les contrats obligent irrévocablement ceux qui les ont souscrits.

22. Nous avons encore vu une juste conséquence de ce principe tutélaire dans la défense qui sera faite aux parties de révoquer, de récuser les arbitres pendant le délai de l'arbitrage, et à ceux-ci de se déporter si leurs opérations sont commencées.

25. Cette défense cessera cependant, le compromis demeurera même sans effet, ou son effet sera suspendu indépendamment de la volonté des parties dans certains cas, toujours par ce motif qu'un compromis étant un contrat formé d'abord entre les parties, et dès qu'il est accepté entre cellesci et leurs arbitres, il peut et doit être dissous, soit par le consentement unanime des contractants, soit par la survenance de causes qui en rendent pour un temps ou pour toujours l'exécution légalement impossible. Le projet qui vous est soumis, messieurs, contient l'énumération de ces causes, et distingue avec précision celles qui peuvent naître de la matière et celles qui tiennent à la personne ou des parties ou des arbitres, en attribuant à chacune l'effet qu'elle doit produire.

24. § 6. Il contient aussi quelques règles qui devront diriger les ar(a) Le Maître, 12 plaid

de la même année; on place ci-dessous les termes de ce titre (1). 37. Les souvenirs de la période révolutionnaire n'étaient pas

pitres dans leurs opérations, et dont ils ne pourront même jamais s'écarter précaution sage et nécessaire pour garantir, soit les parties, soit les arbitres eux-mêmes, des erreurs et des abus auxquels les aurait exposés une trop grande indépendance. Ceux qui se soumettent à l'arbitrage s'obligent, par cela seul, à mettre les arbitres en situation de prononcer en parfaite connaissance de cause; et les arbitres, en acceptant la commission qui leur est confiée, s'obligent également à prononcer un jugement équitable. Si les parties pouvaient méconnaître leurs obligations, les arbitres aussi pouvaient se faire une fausse idée de leur pouvoir. Il était donc d'une sage prévoyance de fixer d'une manière certaine leurs devoirs respectifs, d'autant surtout qu'à cet égard il n'y avait, comme je l'ai déjà observé, aucun principe généralement admis, et que les usages reçus dans les différentes parties de l'empire présentaient une étrange diversité. Et ce n'est pas seulement, messieurs, dans les formalités de l'instruction, c'était dans le jugement des contestations soumises aux arbitres que l'on regrettait de ne pas trouver cette uniformité si désirable, on peut même dire si nécessaire dans l'administration de la justice.

25. § 7. Les anciennes ordonnances, la loi du 24 août 1790, étaient muettes sur ce point important, et les jurisconsultes n'avaient pas tous la même doctrine. Les uns (a) avaient établi en principe que les arbitres étant choisis autant pour accommoder que pour juger les affaires, ils n'étaient pas tenus de prononcer avec la sévérité et l'exactitude prescrites aux juges ordinaires, parce que, disent-ils, les parties, en nommant des arbitres, annoncent assez qu'elles veulent se relâcher de ce qu'elles auraient pu espérer en justice et faire remise, pour le bien de la paix, d'une partie de leurs intérêts. D'autres (b) avaient pensé au contraire que les arbitres devaient donner leur sentence juste et équitable, suivant la rigueur du droit et l'ordre judiciaire. D'autres (c) enfin avaient distingué entre les arbitres et les amiables compositeurs, voulant que les premiers fussent tenus de garder dans leur instruction et jugement les formalites de justice et de décider précisément des lois, mais que les derniers pussent accommoder les parties sans aucune formalité, et suivre dans leurs décisions l'équité plutôt que les règles du droit.

26. Cette distinction, messieurs, est admise par le projet qui nous occupe. Les arbitres y trouveront un guide unique et sûr, qui ne leur permettra pas de s'écarter de la voie qui leur aura été indiquée par les parties intéressées. Ils sauront qu'il est de leur devoir d'appliquer rigoureusement la loi, si les parties ne leur ont pas demandé de prendre pour base de leurs décisions des considérations particulières, en leur donnant le pouvoir de prononcer comme amiables compositeurs. Ils pourront, dans ce cas, mais dans ce cas seulement, tempérer la sévérité de la loi, écouter l'équité naturelle que l'orateur romain appelle laxamentum legis (d), et prononcer, comme a dit un ancien philosophe, non prout lex, sed prout humanitas aut misericordia impellit regere (e). La section du tribunat, au nom de laquelle j'ai l'honneur de parler, n'a vu, messieurs, aucun inconvénient à donner cette latitude à d'amiables compositeurs, parce qu'une composition amiable emporte nécessairement l'idée de remises, de sacrifices respectifs, dont l'heureux résultat est le rétablissement de la paix et de la tranquillité entre des personnes dont le vœu principal est d'en recouvrer la jouissance inestimable.-Dira-t-on qu'il est à craindre de voir naitre quelques abus de l'exercice d'un si grand pouvoir? Mais cette crainte sera bientôt dissipée, si l'on considère que l'on ne pourra plus à l'avenir, comme on l'a pu dans ces derniers temps, se soumettre à l'arbitrage dans tous les cas et en toutes matières sans exceptions; que cette voie est interdite dans toutes les causes sujettes à communication au ministère public; qu'enfin les jugements rendus par des arbitres ne peuvent faire autorité, ni être opposés à des tiers. D'ailleurs, messieurs, il nous est permis sans doute de présumer assez de ceux que l'estime et la confiance appelleront aux fonctions d'amiables compositeurs, pour ne pas appréhender que, suivant les expressions de M. d'Aguesseau, ils se mettent en révolte contre la règle, et osent combattre la justice, sous le voile spécieux de l'équité. Ils sauront, comme le dit encore ce grand magistrat, que l'équité ne peut jamais être contraire à la loi même, et qu'elle consiste à en accomplir plus parfaitement le vœu (f). Nous ne pourrions donc voir dans la liberté qui sera accordée aux amiables compositeurs, qu'un danger imaginaire, qui ne doit pas nous porter à renoncer aux avantages réels.

27. § 8. Les arbitres, de quelque manière qu'ils procèdent, n'ont, en leur qualité, aucune partie de la puissance publique: leurs jugements ne pourront, par cette raison, être exécutés qu'en vertu d'ordonnances du président du tribunal qui aurait été compétent pour connaitre de l'objet litigieux; et c'est devant ce tribunal que sera suivie l'exécution du jugement définitif.

28. § 9. Le projet établit quelques autres différences entre les jugements arbitraux et ceux rendus par les tribunaux ordinaires. Ceux-là,

(a) Voyez Domat, Droit public, 1. 2, sect. 1. (b) Despeisses, de l'Ordre judic., til. 2, sect. 1. (c) Ferrieres, Diction. de droit. Voyez Compromis. -(d Orat. p. Cluentio. (e) Senec., de Benef., 1. 5, ch. 7.-(1) De l'autorité du magistrat.

favorables à l'arbitrage; aussi fut-il attaqué directement par l'un des meilleurs esprits de l'époque, par M. Mounier. « Le compro

comme ceux-ci, pourront bien être attaqués, dans les cas de droit, par appel ou par requête civile; mais ils ne pourront l'être par le recours en cassation. Au lieu de cette voie longue et difficile, le projet en ouvre une courte et facile pour empêcher l'exécution de ces jugements, quand ils ont été rendus sans pouvoir ou par excès de pouvoir. Les arbitres reçoivent des parties qui les choisissent un véritable mandat : ils doivent en observer les termes avec scrupule. S'ils les excèdent, ce n'est plus comme arbitres qu'ils agissent, c'est en usurpateurs. L'acte qu'ils qualifient jugement est une entreprise téméraire sur l'ordre des juridictions, une violation manifeste du contrat formé entre eux et les parties. Un tel acte est radicalement nul, et le juge ordinaire a naturellement l'autorité nécessaire pour en prononcer la nullité. - Tels sont, messieurs, les principaux motifs qui ont déterminé la section de législation du tribunat à voter l'adoption de la première partie du projet soumis en ce moment à votre examen.

(1) Voici ce titre : Liv. 3, titre unique, des Arbitrages.

1003. Toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition. — V. n° 4, 15.

1004. On ne peut compromettre sur les dons et legs d'aliments, logement et vêtements; sur les séparations d'entre mari et femme, divorces (a), questions d'état, ni sur aucune des contestations qui seraient sujettes à communication au ministère public. V. no 5 et 16.

1005. Le compromis pourra être fait par procès-verbal devant les arbitres choisis, où par acte devant notaire, ou sous signature privée. — V. n° 17.

1006. Le compromis désignera les objets en litige et les noms des arbitres, à peine de nullité. V. no 18.

1007. Le compromis sera valable, encore qu'il ne fixe pas le délai; et, en ce cas, la mission des arbitres ne durera que trois mois, du jour du compromis. V. no 3.

1008. Pendant le délai de l'arbitrage, les arbitres ne pourront être révoqués que du consentement unanime des parties. V. n° 5.

1009. Les parties et les arbitres suivront, dans la procédure, les délais et les formes établis pour les tribunaux, si les parties n'en sont autrement V. n° 7 et 19.

convenues.

-

1010. Les parties pourront, lors et depuis le compromis, renoncer à l'appel. Lorsque l'arbitrage sera sur appel ou sur requête civile, le jugement arbitral sera définitif et sans appel. V. no 8 et 19.

1011. Les actes de l'instruction, et les procès-verbaux du ministère des arbitres, seront faits par tous les arbitres, si le compromis ne les autorise à commettre l'un d'eux.

1012. Le compromis finit, 1o par le décès, refus, déport ou empêchement d'un des arbitres, s'il n'y a clause qu'il sera passé outre, ou que le remplacement sera au choix des parties ou au choix de l'arbitre ou des arbitres restants; 2o par l'expiration du délai stipulé, ou de celui de trois mois s'il n'en a pas été réglé; 5o par le partage, si les arbitres n'ont pas le pouvoir de prendre un tiers arbitre. V. n° 9 et 23.

1013. Le décès, lorsque tous les héritiers sont majeurs, ne mettra pas fin au compromis: le délai pour instruire et juger sera suspendu pendant celui pour faire inventaire et délibérer.

1014. Les arbitres ne pourront se déporter, si leurs opérations son commencées: ils ne pourront être récusés, si ce n'est pour cause survenue depuis le compromis. V. n° 3 et 22.

1015. S'il est formé inscription de faux, même purement civile, ou s'il s'élève quelque incident criminel, les arbitres délaisseront les parties à se pourvoir, et les délais de l'arbitrage continueront à courir du jour du jugement de l'incident. - V. no 6.

1016. Chacune des parties sera tenue de produire ses défenses et pièces, quinzaine au moins avant l'expiration du délai du compromis; et seront tenus les arbitres de juger sur ce qui aura été produit. — Le jugement sera signé par chacun des arbitres; et dans le cas où il y aurait plus de deux arbitres, si la minorité refusait de le signer, les autres arbitres en feraient mention, et le jugement aura le même effet que s'il avait été signé par chacun des arbitres. Un jugement arbitral ne sera, dans aucun cas, sujet à l'opposition.

1017. En cas de partage, les arbitres autorisés à nommer un tiers seront tenus de le faire par la décision qui prononce le partage: s'ils ne peuvent en convenir, ils le déclareront sur le procès-verbal, et le tiers sera nommé par le président du tribunal qui doit ordonner l'exécution de la décision arbitrale. Il sera, à cet effet, présenté requête par la parthe la plus diligente. Dans les deux cas, les arbitres divisés seront tenus de rédiger leur avis distinct et motivé, soit dans le même procès-verbai, soit dans des procès-verbaux séparés. V. n° 19.

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mis, disait-il, n'est que la satire de l'administration judiciaire : ii convient d'obliger les citoyens à ne reconnaître pour juges que les ministres de la loi. » — Mais les abus d'une autre époque ne pouvaient faire perdre de vue ce qui se rencontrait de bon, d'utile, de conforme à la liberté dans cette institution; aussi fut-elle adoptée, et les discours dont il vient d'être parlé mettent trop bien en lumière les motifs sur lesquels cette institution repose, pour qu'il soit utile de les développer plus longuement ici. Cependant, de cette division des esprits, et de la crainte de voir le retour d'abus qui avaient alarmé l'opinion publique, il résulta des dispositions contraintes et méticuleuses qui tendraient à gê-❘ ner beaucoup l'usage des compromis, si la réserve particulière que réclament certains intérêts n'en faisait sentir la nécessité, et si l'intelligence des citoyens ne savait tempérer les exigences de la législation. Les principaux reproches qui paraissent devoir être adressés au titre de l'Arbitrage sont: 1° l'indétermination complète des qualités requises pour être arbitre; 2o le silence du législateur touchant la clause compromissoire que la jurisprudence regarde en ce moment comme illégale; 3° la nécessité pour les arbitres, c'est-à-dire pour des hommes souvent étrangers aux règles de la procédure, d'observer les formes judiciaires, lorsqu'ils n'en sont point dispensés, ce qui serait une cause d'incessante critique, si le compromis ne prenait soin de les en affranchir. M. Bellot, dans l'exposé des motifs du code de Genève (V. plus bas, n° 38), critique aussi la disposition qui veut que les arbitres se conforment aux règles du droit; mais cette critique ne saurait à nos yeux être approuvée. En général, les parties ont dû s'attendre à être jugées d'après le droit commun; il faut une dérogation de leur part à ces règles et la constitution d'une amiable composition pour que les compromettants doivent être présumés avoir voulu être jugés d'après les seules inspirations de l'équité, et en quelque sorte à titre transactionnel. Il n'en est pas de même des formes ou règles de la procédure; on ne peut guère penser

ne se réunissent pas, le tiers arbitre prononcera seul; et néanmoins il sera tenu de se conformer à l'un des avis des autres arbitres.

1019. Les arbitres et tiers arbitres décideront d'après les règles du droit, à moins que le compromis ne leur donne pouvoir de prononcer comme amiables compositeurs. - V. n° 7, 19, 24, 25.

:

1020. Le jugement arbitral sera rendu exécutoire par une ordonnance du président du tribunal de première instance dans le ressort duquel il a été rendu à cet effet, la minute du jugement sera déposée dans les trois jours, par l'un des arbitres, au greffe du tribunal. S'il avait été compromis sur l'appel d'un jugement, la décision arbitrale sera déposée au greffe de la cour royale, et l'ordonnance rendue par le président de cette cour. Les poursuites pour les frais du dépôt et les droits d'enregistrement ne pourront être faites que contre les parties. — V. no 27.

1021. Les jugements arbitraux, même ceux préparatoires, ne pourront élre exécutés qu'après l'ordonnance qui sera accordée, à cet effet, par le président du tribunal, au bas ou en marge de la minute, sans qu'il soit besoin d'en communiquer au ministère public; et sera ladite ordonnance expédiée en suite de l'expédition de la décision. La connaissance de l'exécution du jugement appartient au tribunal qui a rendu l'ordonnance. 1022. Les jugements arbitraux ne pourront, en aucun cas, posés à des tiers.

être op

1023. L'appel des jugements arbitraux sera porté, savoir devant les tribunaux de première instance, pour les matières qui, s'il n'y eût point eu d'arbitrage, eussent été, soit en premier, soit en dernier ressort, de la compétence des juges de paix ; et devant les cours royales, pour les matieres qui eussent été, soit en premier soit en dernier ressort, de la compétence des tribunaux de première instance.

1024. Les règles sur l'exécution provisoire des jugements des tribunaux sont applicables aux jugements arbitraux.

1025. Si l'appel est rejeté, l'appelant sera condamné à la même amende que s'il s'agissait d'un jugement des tribunaux ordinaires.

1026. La requête civile pourra être prise contre les jugements arbitraux, dans les délais, formes et cas ci-devant désignés pour les jugements des tribunaux ordinaires. Elle sera portée devant le tribunal qui eût été compétent pour connaître de l'appel.

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1027. Ne pourront cependant être proposés pour ouvertures, -1° L'inobservation des formes ordinaires, si les parties n'en étaient autrement Convenues, ainsi qu'il est dit en l'art. 1009; -2° Le moyen résultant de ce qu'il aura été prononcé sur choses non demandées, sauf à se pourvoir en nullité, suivant l'article ci-après.

1028. Il ne sera besoin de se pourvoir par appel ni requête civile dans les cas suivants : - 1° Si le jugement a été rendu sans compromis, ou hors des termes du compromis; 2° S'il l'a été sur compromis nul ou expiré; -5° S'il n'a été rendu que par quelques arbitres non autorisés à TOME IV.

que les parties aient eu l'idée d'obliger les arbitres à leur observation et de s'y soumettre elles-mêmes. Il serait donc mieux qu'une grande simplicité régnât sur ce point. Il y a plusieurs critiques encore qu'on pourrait faire, notamment au sujet du silence que le code a gardé sur la portée de la renonciation à toutes les voies de recours, renonciation que la jurisprudence a étendue même au cas d'excès de pouvoir. Mais cette critique ne s'adresse pas moins à la jurisprudence qu'à la loi.

38. Au reste, et même dans ces derniers temps, on s'est passionné pour et contre l'utilité de l'arbitrage. « Les uns, dit M. Armand Dalloz, Dict. gén., vo Arbitrage, no 10, y voient une justice mieux instruite et plus éclairée, un moyen de terminer les procès sans haine, sans délai, sans frais et sans éclat, sine strepitu forensi. D'autres, au contraire, y voient ignorance du juge, partialité, causes de récrimination, inconvénients du huis-clos, un piége pour l'homme de bien, toutes les facilités de fraude pour l'improbe, puis de l'arbitraire, puis des lenteurs incessantes, qu'il n'est même pas au pouvoir des parties d'abréger, impuissantes qu'elles sont à contraindre le mauvais vouloir des arbitres; puis enfin des frais plus grands que devant la justice réglée. Ces deux opinions ont l'inconvénient de tout ce qui est extrême. – L'arbitrage a une utilité incontestable, surtout dans notre système judiciaire où les délais sont trop longs, trop variés, où il n'est pas facultatif au juge d'abréger les formes, ni aux citoyens de soustraire à la publicité les débats même les plus étrangers à l'intérêt public. — Les juges fussent-ils plus parfaits, qu'on devrait conserver l'arbitrage volontaire, mais en simplifiant ses formes, trop compliquées pour une juridiction exercée par les citoyens, sans greffiers, sans secrétaires, sans légistes. >> · C'est aussi dans le sens de cette dernière opinion que se sont prononcés les nouveaux auteurs du code de procédure de Genève, par l'organe de M. Bellot, dans l'exposé des motifs de ce code qu'on trouvera ci-dessous (1).

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juger en l'absence des autres; - 4° S'il l'a été par un tiers sans en avoir conféré avec les arbitres partagés; -5° Enfin s'il a été prononcé sur choses non demandées. Dans tous ces cas, les parties se pourvoiront par opposition à l'ordonnance d'exécution devant le tribunal qui l'aura rendue, et demanderont la nullité de l'acte qualifié jugement arbitral. Il ne pourra y avoir recours en cassation que contre les jugements des tribunaux, rendus soit sur requête civile, soit sur appel d'un jugement arbitral.-V. n° 28.,

(1) Exposé des motifs du titre 24 de la loi sur la procédure du canton de Genève, présenté par P.-F. Bellot, professeur de droit.

Après avoir tracé la marche à suivre dans les causes portées à la décision des juges publics donnés aux parties par la loi, nous traitons ici de celle qui sera observée dans les causes portées à la décision des arbitres, c'est-à-dire des juges privés, choisis par les parties elles-mêmes.-Notre édit civil ne contenait qu'un seul article sur les sentences arbitrales ; il prescrivait qu'elles fussent présentées au conseil d'État ou au tribunal de l'audience, selon qu'il s'agissait de procès du ressort de l'un ou de l'autre, pour y être autorisées et déclarées exécutoires (a).-Quelques dispositions du droit romain, modifiées par une jurisprudence traditionnelle, servaient de règles en cette matière. L'une des principales était celle qui ne permettait pas de recevoir l'appel d'une sentence arbitrale, que l'appelant n'eût acquitté la peine pécuniaire stipulée dans le compromis. En France il n'existait, avant la révolution, aucune loi générale sur l'arbitrage. Dès 1790 jusqu'à la promulgation des codes de procédure et de commerce, le législateur, tour à tour favorable ou contraire à l'arbi trage, l'a tantôt facilité, tantôt entravé; rarement a-t-il été exempt d'exagération dans un sens ou dans un autre. - La première assemblée nationale, en tête de la loi sur l'organisation judiciaire, du 24 août 1790, décréta que l'arbitrage étant le moyen le plus raisonnable de terminer les contestations entre les citoyens, les législatures ne pourraient faire aucunes dispositions qui tendraient à diminuer, soit la faveur, soit l'efficacité des compromis. - Cette assemblée et les deux suivantes furent fidèles à ce principe. Le système de l'arbitrage avait la faveur du moment. Des décrets successifs dépouillèrent les tribunaux de leur plus importantes attributions, pour en revêtir les arbitres. Cette même loi, du 24 août 1790, confia à des arbitres pris parmi les parents, amis ou voisins des parties, la décision des contestations entre mari et femme, père et fils, grand-père et petit-fils, frères et sœurs, oncles et neveux, alliés aux mêmes degrés, pupilles et tuteurs. La loi du 20 septembre 1792, qui introduisit le divorce, chargea ces mêmes arbitres de prononcer sur les demandes en divorce pour cause déterminée. D'autres lois renvoyèrent à des (a) Edit civil, tit. 1, art. 35.

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39. Entre le code de procédure et le code de commerce, il ne s'est guère écoulé qu'une année, et la discussion de celui-ci

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arbitres, et les difficultés sur les procès en partage de biens communaux, et les contestations auxquelles donneraient lieu les lois nouvelles sur les successions (a). Dans cette manie d'arbitrage, on alla même plus loin; le mot de juge cessa d'être un terme légal; on ne reconnut plus que des arbitres volontaires ou des arbitres publics, selon qu'ils étaient nommés par les parties ou par les assemblées électorales (b). Cette contagion nous atteignit. Au tribunal de l'audience, une loi éphémère (c) substitua des arbitres forcés. L'office du juge de paix se bornait à constater le choix des parties, et à nommer un arbitre pour les défaillants.

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L'expérience mit bientôt à découvert les vices de ce système, et une voix générale accusa l'imprévoyance du législateur. De toutes parts on citait en France des sentences arbitrales où les lois avaient été impudemment violées, les intérêts les plus sacrés compromis; où des arbitres ignorants, pusillanimes, subornés, n'avaient écouté que leurs préjugés, la crainte ou la faveur. Deux ans de règne suffirent à l'arbitrage forcé pour accumuler plus d'abus que n'en avait présenté l'ordre judiciaire dans une longue suite d'années.

Enfin, les tribunaux de famille et l'arbitrage forcé furent supprimés (d), et nous détruisîmes à notre tour l'œuvre d'une imitation servile. L'impression de ces funestes effets subsistait encore lorsque le code de procédure parut. On ne sut pas distinguer le mal qu'avait fait l'arbitrage forcé du bien que pouvait produire l'arbitrage libre. On les confondit dans la même défaveur; on oublia la recommandation de l'assemblée constituante; et si l'on n'alla pas jusqu'à décréter l'entière abolition de l'arbitrage, du moins on chercha à le rendre moins facile et plus rare, par les formes qu'on y introduisit. Toutes les dispositions de ce code respirent, en quelque sorte, la haine des compromis, et décèlent le désir secret d'en anéantir l'usage (e).-Le code de commerce, postérieur d'un an au code de procédure, maintint la disposition de l'ordonnance de 1673, qui exigeait que toute contestation entre associés, pour raison de leur société, fût jugée par des arbitres; il dégagea, en partie, ce genre d'arbitrage des formes compliquées et vicieuses du code de procédure (f).

ie

C'est en cet état que cette branche de la législation s'offrait à nous. L'arbitrage volontaire nous a paru une voie paisible, accélérée, économique, de terminer les différends; un moyen de prévenir, d'adoucir du moins les conséquences, quelquefois si graves, d'une lutte judiciaire. Il n'y a eu qu'une voix pour le maintenir. Nous n'avons pu envisager du même il l'arbitrage forcé (9), quoique restreint aux sociétés commerciales. Les avantages en ont été contestés. Ils l'avaient été déjà par conseil de commerce de l'une des premières villes de France (h). De sérieuses objections furent présentées contre ce mode; ses adversaires opposaient la difficulté d'obtenir des arbitres, la difficulté plus grande encore d'obtenir une décision de leur part, l'inutilité de toute contrainte pour les obliger à prononcer, le scandale de ces démissions concertées avec une partie pour différer sa condamnation. Ils citaient quelques exemples d'arbitrages forcés, prolongés sans résultat pendant des années entières. Ils donnaient la préférence au tribunal de commerce jugeant à huis-clos. Quelque vérité qu'il pût y avoir dans ces observations, nous en avons ajourné l'examen à l'époque où l'on s'occupera de la révision du code de commerce. Une dérogation aussi essentielle ne pouvait être admise incidemment dans une loi de procédure. Nous avons autorisé (art. 85) la plaidoirie à huis-clos des causes entre associés, afin de préparer la substi tution du tribunal de commerce aux arbitres, en levant d'avance l'objection tirée d'une publicité que ne comportent pas toujours les opérations de commerce et les intérêts des associés.

Notre loi ne permet pas l'arbitrage sans exception. Nous l'avons interdit d'abord aux personnes n'ayant pas le libre exercice de leurs droits, et ensuite dans les causes d'état, dans les demandes en divorce ou en séparation, et sur les objets non susceptibles de transaction (art. 337) (i). Il fallait ici assurer la protection due à la faiblesse, et donner à des questions de cette gravité toutes les garanties qu'offrent les tribunaux. D'ailleurs, dans la plupart de ces cas, il s'agit moins du droit privé que du droit public, auquel les parties ne peuvent déroger. Or, permettre l'arbitrage dans l'application de ce dernier droit, c'eût été, dans le fait, accorder la faculté d'y déroger indirectement.

D'après les codes de procédure et de commerce, les arbitres sont en nombre pair. Ils sont choisis, moitié par l'une des parties et moitié par (a) Décrets du 10 juin 1795, du 17 niv. an 2, etc. (b) Constitution de 1793. (c) Loi du 27 juill. 1794. - (d) Par deux lois du 9 vent. an 4.- (e) Liv. 3, sect uniq. de la seconde partie. (f) Liv. 1, tit. 3, sect. 2. (g) Il ne s'agit ici que de l'arbitrage forcé légal et non de l'arbitrage forcé conventionnel. La convention par laquelle les parties se lient d'avance pour soumettre à des arbitres des différends à naître, nous a paru mériter l'appui de la loi, comme celle où elles compromettent sur un différend déjà nó (art. 336).—(h) Celui de Bordeaux, dans ses observations sur le code de com. —(i) La loi 8, D., De transactionibus, défend à ceux à qui des aliments ont été laissés, de transiger sur ces aliments sans l'autorité da prêteur. Cette loi, que l'humanité dicta à Marc-Aurèle, échappa aux rédacteurs du code civil. Le législateur se la rappela dans le code de procédure; il ne permit pas de compromettre sur les dons et les legs d'aliments (art. 1004). Mais cette interdiction devenait illusoire dès qu'il était libre de transiger.

se préparait au moment où l'on promulguait celui-là. C'est dans le titre 3, des Sociétés, au code de commerce, que se trouve la

l'autre. Ils nomment un sur-arbitre en cas de partage d'opinions enlie eux; et, s'ils ne s'accordent pas, le choix appartient au tribunal ou à son président (a). —Notre loi écarte ce mode. Nous introduisons, comme pour les tribunaux et pour les experts, le nombre impair. Nous admettons les parties à concourir au choix de tous les arbitres. - Deux changements, en apparence si légers, amélioreront sensiblement notre système d'arbitrage. Il n'y aura plus ni partage, ni nomination de sur-arbitre. Nous faisons l'économie du temps et des frais qu'entraînait le circuit de ces formalités inutiles. A ces délibérations successives des arbitres, d'abord seuls, et ensuite réunis au sur-arbitre, nous substituons, d'entrée, une délibération commune avant toute divergence d'opinions. Nous prévenons par là le conflit des amours-propres. On apportera dans la discussion plus de calme et plus de maturité. Enfin, les arbitres, du choix de toutes les parties, revêtiront mieux ce caractère d'impartialité qui en fait de véritables juges. Ils cesseront d'être ce qu'ils sont trop souvent aujourd'hui, les défenseurs, de celui qui les a nommés.

Nous avons dit que le code de procédure contenait plusieurs dispositions destructives de l'arbitrage. Telle est celle qui exige que les parties et les arbitres suivent les délais et les formes établies par les tribunaux. Telle est encore celle qui prescrit aux arbitres de décider d'après les régles du droit (b). Tout le bien de l'arbitrage disparaissait par là; car les avantages de ce mode consistent précisément, et dans la substitution d'une marche plus simple, plus accélérée, aux formes plus régulières, mais plus longues, plus coûteuses des tribunaux, et dans la faculté accordée aux arbitres de faire céder la rigueur du droit aux préceptes de l'équité, en prononçant d'après leur conscience, ex æquo et bono. L'arbitrage était comme anéanti par ces deux dispositions; mais ce qui le sauva, ce fut le pouvoir donné aux parties de déroger à la loi, de renoncer à tout ce système de rigueur; sans cette clause, il est douteux qu'aucun compromis eût jamais été contracté sous l'empire de ce code.

Nous revenons à des formes simples, expéditives, conformes à l'esprit et au but de l'arbitrage (sect. 3). — Nous assimilons le jugement arbitral aux jugements des tribunaux, quant à ses effets et aux voies d'exécution, dès que l'ordonnance du président du tribunal lui a imprimé le sceau de l'autorité publique (art. 356). Nous avons adopté les dispositions du code de procédure sur la forme de cette ordonnance et sur le dépôt du jugement arbitral (sect. 4). Mais nous avons fixé pour effectuer le dépôt au greffe, un terme fatal de dix jours, afin de prévenir toute tentation, tout soupçon d'antidate (art. 353). Si les arbitres son! sans mission, si leurs pouvoirs sont expirés, s'ils ont prononcés sur une question dont la loi ou les parties leur interdisaient la connaissance, dans tous ces cas, nous ouvrons, comme le code de procédure, la voie de nui lité contre l'acte qualifié de jugement arbitral (art. 358).

Le jugement arbitral rendu par défaut sera-t-il susceptible d'opposi tion? Les considérations qui nous ont fait introduire l'opposition devant les tribunaux, cette possibilité que la partie défaillante ignorât la demande dirigée contre elle, cette crainte qu'elle ne fût victime de quelque surprise, cessent devant les arbitres. Le compromis étant l'œuvre de toutes les parties, si le défaillant se tait, c'est avec intention; il doit s'imputer les conséquences de son silence. Nous lui refusons le recours de l'opposition (art. 557).

Nous n'avons point admis non plus la voie de l'interprétation contre le jugement arbitral pour le cas où il présenterait quelque obscurité. Il eût fallu prolonger la mission des arbitres, et de plus il était à craindre que, cédant aux plaintes, aux suggestions d'une partie, ils ne changeassent leur jugement sous le prétexte de l'interpréter. Nous laissons au tribunal, qui connaitra de l'exécution, à statuer sur les difficultés que pourrait offrir une rédaction obscure. Les mêmes circonstances qui ont introduit la révision devant les tribunaux la rendent nécessaire à l'égard des arbitres. Mais nous n'aurions pu la leur confier sans donner à une fonction essentiellement temporaire une durée indéfinie. Nous en avons attribué la connaissance aux juges qui auraient prononcé, si l'arbitrage n'avail pas eu lieu (art. 360).

La loi du 24 août 1790 n'ouvrait la voie de l'appel qu'aux parties qui se l'étaient expressément réservée par le compromis. Deux lois postérieures (c) confirmèrent cette disposition; et tel était le droit en vigueur lorsque le code de procédure (d) vint y substituer la règle inverse, l'admission de l'appel dans tous les cas où les parties n'y auraient pas renoncé.

Appelés à opter entre la loi de 1790 et le code de procédure, un fait nous a décidés: la renonciation à l'appel a toujours été fréquente dans le compromis, et la réserve rare; admettre pour règle l'exclusion de l'appel, c'était donc partir du cas le plus commun, de l'intention générale et présumée des contractants (art. 362). En revenant à la loi de 1790, nous l'avons modifiée à deux égards. Nous refusons la réserve de l'appei lorsque la contestation soumise aux arbitres aurait été jugée en dernier

(a) Code de proc., art. 1017. Code de com., art. '60.-(b) Code de proc., art. 1009 et 1019.-(c) La constitution de l'an 5 et la loi du 27 vent an 8. (d) art. 1010.

section relative à l'arbitrage légal ou forcé, dénomination sous laquelle les jurisconsultes désignent la juridiction instituée pour connaître des contestations entre associés. L'exposé des motifs du titre 5 fut présenté par M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angély, Je 1er sept. 1807; on n'y trouve sur l'arbitrage que cette seule phrase: « Si, dans les sociétés ainsi organisées, soumises à des règles précises qui offrent tous les moyens d'arriver au bien, toutes les garanties pour préserver du mal, il survient des contestations, la loi en enlève la connaissance aux tribunaux; elle ordonne le jugen ent par arbitre, et indépendamment des dispositions sur les arbitrages portées au code de procédure civile, elle fixe un mode particulier qui assure la prompte expédition des affaires, et tarit entre les individus ou la famille la source de toute discorde. »

40. Ce passage, d'un trop grand laconisme, est remarquable cependant en deux points: 1o en ce que le code de procédure doit être appliqué lorsque le code de commerce est resté silencieux, ou lorsque les principes qui découlent des dispositions de ce dernier code ne contiennent pas une dérogation virtuelle aux principes posés par le code de procédure au titre de l'arbitrage; 2o en ce que les membres d'une société commerciale ont été envisagés par le législateur comme composant une sorte de famille, au sein de laquelle l'arbitrage pouvait mieux que toute autre juridiction maintenir la paix et l'harmonie, sans lesquelles elles ne sauraient prospérer. Ce rappel de la famille était-il un souvenir des tribunaux organisés par les lois de 1790 et de niv. an 2? c'est ce qu'on ne peut guère admettre. Il est significatif, cependant, en ce qu'il justifie davantage la juridiction forcée que le législateur de 1807 a cru devoir emprunter à l'ordonn. de 1673, et qu'il l'a rendue plus inévitable encore que ne l'avait fait cette ordonnance.

Le rapport au corps législatif fut fait, le 10 sept. 1807, par le tribun Jard-Panvillier, qui fut plus laconique encore que l'auteur des motifs « Les dispositions du code de procédure civile, dit M. Jard-Panvillier, sur l'arbitrage, ne pouvant suffire ni s'appliquer entièrement au jugement des contestations dont il s'agit, la sect. 2, tit. 3 du projet qui vous est soumis en contient de particulières qu'on a jugées nécessaires pour remplir l'objet qu'on avait en vue; elles sont d'ailleurs conformes aux principes consacrés sur cette matière et aux règles de l'équité. »>

41. Enfin, le tit. 3 du liv. 1 c. com., décrété, avec ce liv. 1, le 10 septembre 1807, fut promulgué le 20. On retrace cidessous les art. 51 à 63 inclusivement de la sect. 2 qui se réfèrent à l'arbitrage (1).

42. L'arbitrage forcé fut attaqué au conseil d'État, mais d'une manière moins radicale cependant que ne l'avait été l'arbitrage volontaire; M. Corvetto prétendit « qu'au lieu de simplifier et d'accélérer l'expédition des affaires, il ne ferait que l'embarrasser et la ralentir; que la loi devait donc se borner à ressort par les tribunaux inférieurs (art. 361). — Nous accordons toutjours l'appel sur l'application de la contrainte par corps (art. 565). Cette exception nous était commandée par le respect pour la liberté individuelle. Nous avions refusé aux tribunaux eux-mêmes le pouvoir de prononcer en dernier ressort la contrainte par corps, pouvions-nous l'accorder à des arbitres sans caractère public?

Terminons par une dernière observation. Le code de procédure français, dans tout le titre de l'Arbitrage, est parti des cas les plus rares pour poser la règle; c'est dans l'exception qu'il embrasse les plus fréquents. Aussi, sous ce code, un compromis qu'est-il? Une série de clauses dérogatoires, où le rédacteur s'étudie à détruire, article par article, l'œuvre de la loi. Nous avons adopté la marche inverse. Nous présumons toujours dans les contractants une intention conforme à ce qui se pratique communément. C'est dans cet esprit que toutes nos règles sont tracées. On aura rarement à y déroger, et la rédaction du compromis se bornera, le plus souvent, à la désignation des parties, des arbitres et de l'objet du litige.

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permettre cette voie amicale; que les associés bien intentionnés en useraient avec avantage et que ceux qui ne le sont pas en abuseraient pour éterniser les procès. » — - M. Joubert ajouta que

« d'ailleurs il résulterait souvent de l'arbitrage forcé des frais inutiles, parce que le tribunal renvoie devant des arbitres des contestations d'un mince intérêt et qu'il aurait pu juger directement. >> En cela ces orateurs n'étaient que l'écho des cours de Bordeaux, Bruxelles, Nancy, Ajaccio, Lyon et Rouen, dans leurs observations sur le code de commerce (Observat. des trib., t. 2, p. 119, 205, 265, 473, 531 et 533). Ces critiques ont été reproduites avec plus de force encore dans l'ouvrage que M. Troplong a publié tout récemment sur les sociétés, t. 2, no 520.

« Dès les temps les plus reculés, dit cet auteur, le commerce a montré du penchant pour les arbitrages; la jurisprudence offre une foule de très-anciens exemples de contrats de société qui portaient l'obligation de faire juger par des arbitres les contesta tions sociales (Straccha, Décis. rot. gén. 21; Savary, t. 1, p. 354; Frémery, p. 65). Mais l'idée de convertir les arbitres volontaires en arbitres forcés date de l'édit de 1673. Ce fut, à mon avis, une exagération; j'en ai pour garant les réclamations qui s'élevèrent du sein du commerce, lorsque le projet de code de commerce proposa de maintenir l'existence de ce tribunal. Les négociants de Bordeaux n'affirmaient rien de trop quand ils disaient, dans leurs observations: « L'arbitrage forcé est une ancienne erreur contre laquelle l'expérience nous a prémunis et qu'il faut détruire. » En effet, l'arbitrage est une manière de juger si défectueuse, si dépourvue de garanties, qu'on aurait dû laisser les parties maîtresses d'y recourir ou de le répudier, suivant les occasions. Quant à moi, qui ai été arbitre quelquefois, je déclare, par expérience, que, dans un procès de quelque gravité, je ne conseillerais à personne de se faire juger par des arbitres; un tribunal, qui se croit le droit d'être plus équitable que les lois les plus équitables du monde, me paraît ne pouvoir s'adapter qu'à un petit nombre de questions de fait et à des intérêts médiocres. Le mouvement des sociétés de commerce soulève des débats trop importants pour que la connaissance ait dù en être forcément enlevée aux tribunaux. Mais cet inconvénient n'est pas le seul; chaque associé ayant le droit de nommer son arbitre, il arrive, dans les sociétés nombreuses, que le tribunal arbitral peut se trouver composé d'un nombre de juges plus considérable que celui de la cour royale de Paris tout entière, et qu'il y ait les plus grands inconvénients pour grouper les intérêts, classer les voix et arriver à un résultat. Quoi qu'il en soit, la loi existe, il faut en subir les inconvénients; c'est aux parties à les prévenir dans la prudence de leurs statuts. Pour montrer, du reste, combien a été vaine l'utopie du législateur, qui a cru donner à la paix des sociétés commerciales une sanction inviolable, il suffit de parcourir les recueils

54. Le délai pour le jugement est fixé par les parties, lors de la nomination des arbitres; et s'ils ne sont pas d'accord sur le délai, il sera réglő par les juges.

55. En cas de refus de l'un ou de plusieurs des associés de nommer des arbitres, les arbitres sont nommés d'office par le tribunal de com

merce.

56. Les parties remettent leurs pièces et mémoires aux arbitres, sans aucune formalité de justice.

57. L'associé en retard de remettre les pièces et mémoires est sommó de le faire dans les dix jours.

58. Les arbitres peuvent, suivant l'exigence des cas, proroger le délai pour la production des pièces.

59. S'il n'y a renouvellement de délai, ou si le nouveau délai est cxpiré, les arbitres jugent sur les seules pièces et mémoires remis.

60. En cas de partage, les arbitres nomment un surarbitre, s'il n'est nommé par le compromis: si les arbitres sont discordants sur le choix, le surarbitre est nommé par le tribunal de commerce.

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61. Le jugement arbitral est motivé. Il est déposé au greffe du tribunal de commerce. Il est rendu exécutoire sans aucune modification, et transcrit sur les registres, en vertu d'une ordonnance du président du tribunal, lequel est tenu de la rendre pure et simple, et dans le délai de trois jours du dépôt au greffe.

62. Les dispositions ci-dessus sont communes aux veuves, héritiere ou ayants cause des associés.

65. Si des mineurs sont intéressés dans une contestation pour raista d'une société commerciale, le tuteur ne pourra renoncer à la facuita drag, peler du jugement arbitral.

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