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1828 (1); Lyon, 14 juill. 1828, aff. Frédéric, V. chap. 12). | 99. Des cours royales, qui avaient vu une dénaturon de l'arbitrage forcé dans les stipulations qu'on vient de rappeler, ont cru donner plus de force à leur solution en relevant soit la circonstance que l'attribution du dernier ressort et la renonciation aux voies de recours était postérieure à la nomination des arbitres (V. no 92), soit celle que les associés auraient exprimée dans leur acte social, que les arbitres seraient nommés conformément à l'art. (resté en blanc) du code de procédure.—Mais, de ces deux circonstances, la première était manifestement sans signification aucune, car on ne comprend point que le caractère de l'arbitrage soit changé, selon que le dernier ressort aura été stipulé après ou avant la nomination des arbitres : la date est ici indifférente, quoique l'art. 51 c. com. ne s'exprime pas dans les mêmes termes que l'art. 1010 c. pr., qui autorise la renonciation à l'appel avant comme après le compromis. La seconde circonstance, à supposer qu'elle n'ait pas été l'objet d'une simple méprise de la part du rédacteur de l'acte social, à qui il échappait peut-être en ce moment que les formes de la nomination des arbitres forcés, lorsqu'elle est faite par les parties, sont tracées dans l'art. 53 c. com., ne mérite pas plus de considération; car, d'une part, les formes du code de procédure sont les mêmes que celles consignées dans le code de commerce, lequel n'a fait que reproduire pour ainsi dire

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(1) Espèce:-(Bonnet, etc. C. Delcros.) - En 1812, société entre les sieurs Bonnet, Pagès et Delcros, pour les fournitures de vivres aux armées. En 1820, contestations entre les associés. - Le tribunal de Décès de commerce de Perpignan nomme les arbitres désignés par eux. — l'un des arbitres. Premier compromis, suivi successivement de plusieurs autres par lesquels, faisant choix de nouveaux arbitres, les parties les dispensent d'abord des formes et des délais de droit, puis ensuite abdiquent le droit de se pourvoir contre le jugement à rendre par appel, recours en cassation, requête civile, ou par aucune autre voia de droit. 3 déc. 1822, sentence arbitrale qui règle définitivement les réclamations respectives des parties; - 8 janvier, ordonnance d'exequatur. — 31, opposition de la part de Bonnet et Pagès.-19 mars, jugement du tribunal de commerce de Perpignan qui déclare cette opposition non recevable. Appel; 27 août 1824, arrêt confirmatif de la cour de Montpellier ainsi conçu : — « Considérant qu'il s'agit d'arbitrage en matière commerciale; que, dans ce cas, l'arbitrage est ordonné par la loi et forcé; que, dans ce cas encore, les arbitres nommés pour la cause ont les mêmes pouvoirs que les juges, et sont mis à la place des tribunaux de commerce ;-Que la voie de l'opposition à l'ordonnance d'exécution ne saurait être ouverte dans le cas do l'arbitrage forcé, soit parce que le code de commerce ne parle pas de ce recours particulier qui demeure spécial aux arbitrages volontaires réglés par le code de procédure, soit parce qu'il ne serait pas dans l'ordre que les tribunaux de commerce fussent appelés à reviser des sentences rendues par les arbitres qui ont reçu de la loi les mêmes pouvoirs qu'eux, pour l'objet qui leur est attribué;— Qu'il n'y a, dans le compromis, qui ait dénaturé l'arbitrage forcé et qui puisse caractériser l'arbitrage vo❤ lontaire; qu'en effet les arbitres n'ont pas été nommés amiables compositeurs, ni autorisés à s'écarter des règles touchant au fond du droit; Que, d'ailleurs, la voie de l'opposition à l'ordonnance d'exequatur fût-elle ouverte en arbitrage forcé, les parties ont renoncé par la clause du compromis où elles veulent que ce jugement soit définitif, et renoncent à se pourvoir par appel, recours en cassation, requête civile, ni par aucune autre voie. »

rien

Pourvoi de la part de Bonnet et Pagès, pour violation de l'art. 1028; fausse application de l'art. 52 c. com.- - Ils soutiennent, à l'égard de la violation de l'art. 1028 c. pr., que la jurisprudence, qui a décidé que cet article ne s'appliquait point aux sentences arbitrales rendues entre associés de commerce, ne peut recevoir d'application dans l'espèce, parce qu'il s'agit, dans la cause, non d'un arbitrage forcé, mais d'un arbitrage volontaire, et ils en cherchent la preuve dans la nature et l'étendue des attributions dévolues aux arbitres. Les fonctions de juge sont incompatibles avec celles d'amiable compositeur; ainsi l'a decidé la cour de cassation, dans un arrêt du 30 août 1813. L'arbitre forcé est un véritable juge; il perd ce caractère dès qu'il reçoit de la partie le pouvoir de ne pas Be our former à la loi; il devient dès lors arbitre volontaire, et sa décision demeure soumise à l'opposition dans les termes de l'art. 1028; arrêt du 16 juillet 1817, civ. cas.- - Quant à la question de savoir si, dans l'espèce, les arbitres ont reçu et accepté des pouvoirs excédant ceux qu'ils lenaient de la loi, il suffit de lire le compromis pour s'en convaincre. Répondant à l'objection tirée de ce que la qualité d'amiable compositeur n'a point été donnée aux arbitres, et de ce qu'ils n'ont point été autorisés à s'écarter des règles touchant au fond du droit, les sieurs Bonnet et Pagès pensent que la nature de l'arbitrage change, soit que la dispense porte sur la forme ou sur le fond. Ils se demandent si l'on pourrait valablement donner à un tribunal la permission de se dispenser des règles de la

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l'art. 1005 c. pr.; et, d'autre part, il faudrait une expression plus marquée de l'intention de changer la nature de l'arbitrage pour que les juges aient pu la faire résulter de la simple stipulation employée par les parties.

100. Une question plus vivement débattue encore est celle de savoir si la qualité d'amiables compositeurs donnée à des arbitres forcés dénature le caractère de l'arbitrage et le fait dégénérer en arbitrage volontaire? L'affirmative a été pendant longtemps tenue pour constante. Merlin, Q. D., vo Arbitrage, § 4, 4o, p. 530, est de cet avis; et il en donne pour raison que des associés sont obligés de se faire juger par des arbitres, mais non transiger. Or les amiables compositeurs ne sont en réalité, aux yeux de M. Merlin, que des mandataires préposés pour terminer, par une transaction équitable, les différends soumis à leur examen; en un mot, ils ne remplacent pas les arbitres forcés, Et c'est en ce sens qu'il a lesquels sont des juges véritables. été jugé que l'arbitrage cesse d'être forcé et devient volontaire, s'il est donné aux arbitres, ou à l'arbitre, par l'acte de société, le pouvoir de juger comme amiables compositeurs (Paris, 21 déc. 1836; Rouen, 27 mars 1838; Lyon, 4 mars 1840; Toulouse, 7 av. 1840 (2); Montpellier, 27 août 1824, aff. Bonnet, V. n° 98; Lyon, 14 juill. 1828, aff. Frédéric, V. chap. 12; Cass., 28 av. 1829, aff, Frossard; Rej., 7 mars 1832, même aff., V. no 92; Cr. cass.,

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procédure, sans ôter à ce tribunal son caractère; et il y a, selon eux, même raison de décider à l'égard du tribunal arbitral. Dans la cause d'ailleurs, on ne s'est pas contenté de dispenser les arbitres des formes, on leur a de plus accordé le droit de rendre une décision souveraine. Enfin, la cour de Montpellier a pensé que l'opposition ne pouvait plus être recevable, puisque les parties avaient renoncé à tout appel, recours ou autre voie de droit. Mais, aux termes de l'art. 6 c. civ., on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public, et la faculté accordée par l'art. 1028 est une de celles qui intéressent l'ordre public. Telle est l'opinion de M. Pardessus; telle a été l'opinion de la cour de cassation, dans un arrêt rendu, le 8 août 1825, dans une espèce absolument identique. — Arrêt, LA COUR; Attendu que, d'après l'art. 51 c. com,, toute contestation entre associés, et pour raison de société commerciale, doit être jugée par des arbitres; qu'ainsi, les arbitres sont de véritables juges investis de tous les pouvoirs des tribunaux ; - Attendu que, suivant l'art. 52, il y a lieu à l'appel du jugement arbitral, si la renonciation n'a pas été stipulée; qu'ainsi, la renonciation à l'appel ne change pas la nature du jugement arbitral, de même qu'elle ne changerait pas la nature d'un jugement émané de toute autre juridiction; Attendu que, d'après l'art. 54, les arbitres ne sont nommés d'office par le tribunal de commerce qu'en cas de refus des associés ou de l'un d'eux; et que, soit que les arbitres soient nommés par les parties intéressées ou d'office par le tribunal de commerce, la nature du jugement arbitral n'est pas changée non plus; - Attendu que, dans l'espèce, il s'agissait d'une contestation entre associés et pour raison de la société; que les arbitres formaient donc un tribunal investi, à raison de la matière, des mêmes pouvoirs que les autres tribunaux, relativement aux attributions qui leur sont conférées par la loi ; — Attendu que la voie de la nullité n'est admise par aucune loi contre les jugements en dernier ressort, et qu'elle ne peut pas l'être davantage contre un jugement arbitral, rendu, en dernier ressort, sur les contestations résultant de la société; Attendu que l'opposition formée par Bonnet et Pagès à l'ordonnance d'exequatur, du jugement rendu entre eux et le sieur Delcros, en matière de société, avait pour objet de parvenir à faire annuler la décision en dernier ressort desdits arbitres, et qu'en rejetant cette opposition, la cour royale a fait une juste application des articles du.code de com relatif aux arbitrages merce; Attendu enfin que l'art. 1028 c. pr., volontaires, est étranger aux arbitrages en matière de société; jette, etc.

Re

Du 7 mai 1828.-C. C., ch. req.-MM. Henrion, pr.-Dunoyer, rap.-Lebeau, av. gén., c. conf.-Nicod, av.

-

Considérant que

Attendu que, par

(2) 1re Espèce: (Bellée C. Gallois,) — La cour; les parties ont conféré aux arbitres les pouvoirs de juges souverains et d'amiables compositeurs, qu'elles ont ainsi changé l'arbitrage forcé en arbitrage volontaire ; Déclare l'appel non recevable. Du 21 déc. 1836.-C. de Paris.-M. Lepoitevin, pr. 2o Espèce: (Lemière C. Hayet.) — LA COUR ; le compromis en date du 6 mars 1833, enregistré... les parties ont nommé un seul arbitre qu'elles ont dispensé des formalités et règles du droit, et auquel elles ont confié la mission de juger comme amiable compositeur; Que, bien qu'il fût question d'un arbitrage entre associés, ceux-ci ont pu déroger, et ont en effet dérogé aux règles tracées par le code de commerce en pareille matière; Que les parties ayant ainsi substitué leur volonté à l'autorité de la loi, et nommé un arbitre dont les pouvoirs étaient

29 av. 1837, aff. Parquin, V. no 106; Lyon, 21 mars 1838, aff. Marleix, V. n° 84; Paris, 20 nov. 1838, aff. Le Droit, V. infrà;

tout différents de ceux conférés par la législation commerciale, il en résulte que la décision rendue par cet arbitre ne porte plus le même caractère que celle qui serait émanée d'un arbitre forcé;- Attendu, en effet, qu'en matière de société les arbitres forcés constituent un véritable tribunal, qui remplace momentanément la juridiction commerciale; - Que ce tribunal forcé et constitué par la loi a, comme le tribunal de commerce, pour mission de juger et non de faire d'amiables compositions; - Que sa, décision est transcrite sur les registres mêmes du tribunal de commerce de la même manière que si elle appartenait à cette dernière juridiction; Que le jugement arbitral et l'ordonnance d'exéquatur ne peuvent être attaqués que par les voies ordinaires de l'appel ou du pourvoi, comme tous autres jugement commerciaux, et non par voie d'opposition à l'ordonnance devant la juridiction commerciale; Attendu que, si, au contraire, par la volonté des parties, les arbitres ont été déclarés amiables compositeurs affranchis des règles du droit et des formes judiciaires, la natuse et l'étendue de leurs pouvoirs n'ont plus rien de commun avec la nature de la juridiction conférée aux juges arbitraux et forcés; —Que l'ordonnance d'exéquatur peut alors être attaquée par voie d'opposition devant le juge ordinaire, et la décision arbitrale être annulée dans les cas prévus par la loi ; Que, si, d'après l'art. 52 c. com., les associés peuvent renoncer d'avance à l'appel ou au pourvoi, cette renonciation ne change pas plus la nature et le caractère de la mission légale confiée aux arbitres, qu'elle ne modifie, aux termes de l'art. 639, § 2, c. com., la nature et le caractère des pouvoirs conférés aux juges de commerce euxmêmes; Que, dans l'un et l'autre cas, s'il y avait prorogation de juridiction, elle n'a pas pour effet d'en altérer le principe et de la transformer en une juridiction volontaire privée; - Attendu, au contraire, qu'en conférant aux arbitres forcés la latitude de s'affranchir des règles du droit, on dénature leur institution légale, en y substituant un autre mode de procéder dont les conséquences et les effets sont tout différents;

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Attendu que, dans l'espèce, c'est réellement à un arbitre amiable compositeur que les parties ont confié la mission de statuer sur les difficultés qui les divisaient; que, par cela même, elles sont soumises aux conséquences de ces sortes d'arbitrages; - Qu'aux termes de l'art. 1020 c. pr., l'acte qualifié arbitral devait être déposé au greffe du tribunal civil du Havre, et de plus être rendu exécutoire par le président de ce tribunal;

Attendu que, dans cet état de choses, il y a lieu de surseoir sur le fond des contestations qui ont été portées devant le tribunal de commerce du Havre, et sur lesquelles est intervenu le jugement du 7 janv. 1837; · Qu'en effet, si, devant le tribunal compétent, la sentence arbitrale était annulée, elle ne pourrait plus servir de base aux opérations ultérieures, et que dans ce cas il y aurait nécessité de nommer de nouveaux arbitres; -Qu'il y a donc lieu de surseoir sur le fond des demandes principales et incidentes qui ont été soumises au tribunal de commerce dans la première instance engagée entre les parties, jusqu'à ce qu'il ait été statué, par les juges compétents, sur la validité de la sentence arbitrale; - - Réformant, déclare nulle et incompétemment rendue l'ordonnance d'exéquatur du 3 avril 1835; dit et juge que la sentence arbitrale dont il s'agit ne pouvait être valablement déposée au greffe du tribunal de commerce du Havre; et, en ce qui concerne le jugement du 7 janv. 1837, émendant, surseoit à l'examen des contestations du fond, jusqu'à ce qu'il ait été statué par les voies de droit sur la sentence arbitrale.

Du 27 mars 1838.-C. de Rouen, 1re ch.-MM. Fercoq, pr.-Gesbert, av. gén., c. conf.

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3o Espèce - (Deleuze C. Pommet.) 26 nov. 1839, jugement du tribunal de commerce de Lyon, ainsi conçu :- « Considérant que, par acte sous seing privé du 30 janv. 1839, enregistré, les parties ont contracté une société en participation pour l'entreprise du journal le Réparateur. Considérant que les deux demandes distinctes et séparées formées par Deleuze à Pommet, le 5 novembre, dérivent du même fait, se rattachent à l'association en participation et constituent une contestation commerciale entre associés, qui doit être soumise à la juridiction arbitrale, aux termes des art. 51 et suiv. c. com. ; que les parties d'ailleurs le reconnaissent tellement, que l'acte qui les lie avait d'avance nommé Mc Margerand, avocat, pour juger comme amiable compositeur les difficultés qui pourraient s'élever sur l'exécution de leurs conventions; Considérant

que le point litigieux est celui de savoir si Me Margerand est, dans l'espèce, légalement nommé; - Considérant qu'aux termes de l'art. 1006 c. pr., des arbitres ne peuvent être nommés avant l'existence des difficultés qui doivent leur être soumises; que ce serait confondre l'engagement de compromettre avec le compromis lui-même, chose essentiellement distincte ; Considérant que, dans le cas où les parties n'auraient pas fixé de délai dans le compromis, la mission des arbitres est fixée à celui de trois mois du jour du compromis, délai qui, dans la cause, est depuis longtemps expiré; que vainement on se prévaut de la stipulation portée dans la convention que l'arbitre choisi est dispensé de toutes formes et délais; qu'ici encore on voudrait faire une étrange confusion entre la durée de l'arbitrage et les délais pour certains actes d'instruction et de procé

15 fév. 1840, aff. Alexis, V. no 84; Rouen, 11 fév. 1845, aff. Morin, D. P. 45. 4. 24).—V. aussi chap. 10, art. 3.

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dure; que l'art. 1009 c. pr., combiné avec les art. 1007, 1012 et 1019, ne laissent aucun doute sur ce point; qu'il en ressort évidemment que, dans aucun cas, le pouvoir des arbitres ne peut être indéfini ; qu'il doit être essentiellement limité, et qu'à défaut de l'avoir stipulé, la loi le fixe à trois mois ; qu'ainsi il devient inutile d'examiner les autres moyens d'exception proposés; Par ces motifs, le tribunal, jugeant en premier ressort, dit et prononce que la nomination faite de Me Margerand, par l'acte du 30 janvier, est déclarée nulle, et, dans tous les cas, les pouvoirs qui lui étaient donnés, expirés. Ordonne que, sur les deux instances qui demeurent jointes, les parties soient renvoyées devant arbitres; donne acte à Deleuze de la nomination qu'il fait du sieur Boisset, avocat, pour son arbitre, et à défaut par Pommet d'en avoir nommé un, le tribunal nomme d'office Me Gabriel Magneval, avocat, lequel demeure reçu, à défaut d'être contredit dans les trois jours de la signification du présent jugement. » — Appel par le sieur Pommet; - Arrêt.

LA COUR; Attendu que Pommet et Deleuze, liés entre eux par un contrat de société, se trouvaient soumis à la juridiction d'arbitres forcés; Mais qu'ils ont remplacé la juridiction que leur donne la loi par l'institution d'un tribunal arbitral chargé de juger comme amiable compositeur; qu'en donnant ces pouvoirs à Me Margerand, ils se sont ainsi placés sous les dispositions d'un arbitrage volontaire, réglé par les art. 1006 et suiv. c. pr.; Par ces motifs, et sans adopter ceux des premiers juges, dit qu'il a été bien jugé, mal appelé, en conséquence, ordonne que ce dont est appel, etc. Du 4 mars 1840.-C. de Lyon, 2o ch.-M. Achard-James, pr.

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(Noguès C. Vidal.) LA COUR; Attendu que si,

4 Espèce: aux termes de l'art. 51 c. com., toute contestation entre associés et pour raison de la société doit être jugée par des arbitres qui forment, dès lors, une juridiction obligée, il dépend des parties de donner à cet arbitrage forcé, quand il reste dans les termes de la loi, le caractère d'arbitrage volontaire; que soutenir le contraire, ce serait, en les empêchant de constituer un tribunal d'amis, porter atteinte à la faculté qu'a chacun de traiter de ses droits ainsi qu'il lui convient; que, si l'arbitrage est devenu purement volontaire, il doit être réglé, en tout ce qui est relatif à la procédure, notamment au dépôt de la sentence, conformément aux dispositions du code de procédure civile; - Qu'il y a donc lieu d'examiner si, en donnant aux arbitres le pouvoir de juger comme amiables compositeurs, Vidal et Nogués n'ont pas changé la nature de la juridiction à laquelle la loi les soumettait, pour constituer un arbitrage volontaire; - Attendu que les arbitres auxquels le code de commerce renvoie la connaissance des différends entre associés sont forcés parce qu'ils ont les attributions des juges ordinaires, exerçant un pouvoir parallèle au leur; que de là vient que leur décision n'est pas susceptible d'opposition, comme celle des arbitres ordinaires, et ne peut être attaquée que par les voies ouvertes contre celles des juges revêtus de l'investiture royale; que, s'ils ont les mêmes droits, et leur décision la même force, c'est parce qu'ils forment un tribunal; que, dès lors, ils sont soumis aux mêmes règles; —Attendu que nul n'oserait soutenir qu'il dépend des parties de soustraire les tribunaux à l'obligation d'appliquer les dispositions du droit écrit aux contestations qui s'agitent devant eux, puisqu'un des premiers devoirs de leur institution est d'exécuter la loi, qui est pour eux l'expression de l'équité; qu'il en doit être de même des arbitres forcés, qui, en participant de leur pouvoir, sont tenus de leurs obligations, qu'ils perdent donc leur caractère par l'amiable composition qui leur donne la faculté de ne point décider d'après les règles du droit; Que leur mission est changée, dès lors, et qu'ils deviennent plutôt des amis appelés à concilier les parties, à tran siger pour elles, que des juges chargés de prononcer des condamnations contre celle qui les a encourues; qu'ainsi il ne peut y avoir lieu à appel et à pourvoi en cassation contre leur décision rendue d'après les lois arbitraires de l'équité; et qu'ainsi les parties sont privées des recours de droit sans y avoir expressément renoncé; - Qu'en vain on prétendrait qu'en organisant un tribunal arbitral pour vider les discussions nées à la suite d'une société, le législateur a voulu que ceux qui avaient été unis par des liens aussi intimes que des associés, trouvassent dans ces juges spéciaux une sorte de juridiction paternelle, et que les parties ne font que se pénétrer de l'esprit de la loi, en les appelant à suivre les inspirations de l'équité naturelle, au lieu d'appliquer les règles du droit dont la rigueur peut être excessive dans des affaires traitées par une mutuelle confiance, avec un réciproque abandon; que, si cette considération peut être fondée sur la vérité, l'arbitrage par le changement de son organisation ne prend pas moins un caractère différent, et qu'il faut seulement considérer si les pouvoirs des arbitres sont changés ; qu'ils le sont évidemment, lorsque, en leur qualité d'amiables compositeurs, ils cessent d'être soumis à l'empire de la loi, pour se prononcer d'après les règles de convenance et d'équité; qu'ainsi, en leur donnant ce pouvoir, Vidal et Nogués ont fait dégénérer l'arbitrage en arbitrage volontaire; que le jugement devait donc être déposé au greffe du tribunal civil; que, par voie de suite, l'ordonnance d'exécution a été apposée par le président du tribunal de commerce, en

-

101. Et cela encore bien que le choix des arbitres serait fait par le tribunal de commerce (Montpellier, 25 av. 1831, aff. Sijas, V. chap. 11, art. 5),... et d'office (Cass., 15 juill. 1818, aff. Bedout, V. no 567).

102. Et lors même que les arbitres choisis auraient été remplacés par jugement du tribunal de commerce, si, d'ailleurs, les parties ont conservé à ceux nommés le caractère d'amiables compositeurs, qu'elles avaient donné à ceux qu'elles avaient choisis (Toulouse, 13 juill. 1835, aff. Olmade, V. chap. 11, art. 5).

103. Il en est ainsi, surtout si les arbitres ont reçu de la part d'associés, par compromis ou par l'acte social, le pouvoir de les juger comme amiables compositeurs, sans appel, ni formes, ni règles de droit (Cass., 16 juill. 1817, aff. Leclerc, V. no 84; Poitiers, 13 mai 1818, même affaire). - C'est dans cette espèce que M. Merlin a émis l'opinion qu'on a retracée plus haut; mais son opinion a été déterminée uniquement par la nature particulière de l'amiable composition.

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104. ...Et si, en outre, des personnes étrangères à la société ont concouru à leur nomination avec les associés (Rej., 6 av. 1818) (1). Cette circonstance a paru décisive à M. Merlin, Q. D., vo Arbitrage, § 4, 5°; et, en effet, à l'égard du tiers étranger à la société, l'arbitrage ne pouvait qu'être volontaire; la règle générale reprenait dès lors son empire. Si, dans les juridictions privilégiées, le privilége attire à lui les individus placés dans le

dehors de ses attributions; que c'est donc le cas de l'annuler et de condamner Vidal, qui succombe, aux dépens; par ces motifs, disant droit sur l'appel, réformant, casse et annule l'ordonnance d'exécution mise par le président du tribunal de commerce au bas du jugement rendu par MM. Artaud et Crevot, arbitres nommés amiables compositeurs par les parties, qui se pourvoiront ainsi qu'elles aviseront.

Du 7 avril 1840.-C. de Toulouse, 2 ch.-M. Martin, pr. (1) Espèce: (Saint-Denis C. Lambert.) En 1791, société commerciale entre les sieurs Lambert et Saint-Denis. Peu après, Lambert s'associa dans sa moitié le sieur Levacher, qui, suivant l'une des clauses de l'acte du 20 janv. 1791, resta entièrement étranger à la société entre Lambert et Saint-Denis, laquelle fut dissoute le 31 déc. 1799. - Avant qu'elle fût liquidée, Levacher fit faillite, et des syndics furent nommés. Quoique Levacher fût étranger à leur société, Lambert et Saint-Denis consentirent à ce que les syndics de sa faillite fussent présents au règlement de leurs comptes, et concourussent avec eux à la nomination des arbitres: en conséquence, et par deux compromis, en date des 22 oct. 1809 et 1er août 1810, ils instituèrent en commun un tribunal arbitral composé de trois juges, auxquels ils donnèrent le pouvoir de prononcer comme amiables compositeurs sans observer les règles, et en dernier ressort. Le 18 mars 1811, sentence qui détermine d'abord les droits de SaintDenis et de Lambert, et ensuite ceux de ce dernier avec les syndics : elle est déposée au tribunal civil d'Évreux, et revêtue de l'ordonnance d'exécution. Opposition par Lambert, qui demande la nullité de la sentence, en se fondant sur ce que des syndics, non autorisés par les créanciers, ont figuré dans le compromis portant nomination d'arbitres volontaires. Les syndics et Saint-Denis soutiennent l'opposition non recevable, attendu qu'il s'agit d'arbitrage forcé; mais Lambert répond que l'arbitrage doit être considéré comme volontaire, soit parce que le compromis a été passé avec les syndics étrangers à la société, soit parce que les arbitres ont reçu pouvoir de juger comme amiables compositeurs en dernier ressort. Saint-Denis insiste, et il s'attache principalement à soutenir que, lors même que le jugement arbitral serait nul à l'égard des syndics, il n'en doit pas moins obtenir effet entre lui et Lambert, qui tous deux ont eu le droit d'employer la voie de l'arbitrage volontaire. Qu'importe, dit-il, que les syndics Levacher aient concouru à la nomination des arbitres qui ont prononcé? Ces arbitres en ont-ils moins été nommés par nous? pourquoi, dès lors, leur décision ne serait-elle pas obligatoire à notre égard?

Néanmoins la sentence est déclarée nulle en son entier, par deux jugements du tribunal d'Évreux, des 18 mai et 7 juin 1813. - Appel; et, le 98 juin 1814, arrêt confirmatif de la cour de Rouen, ainsi conçu : Attendu que l'acte de société dont il s'agit n'a été contracté qu'entre Saint-Denis père et Lambert; qu'il était absolument étranger à Levacher; que si les compromis des 22 oct. 1809 et 1er août 1810 eussent été arrétés entre ces deux associés seulement, et uniquement pour le règlement de leur compte et droits sociaux, ce serait le cas de considérer l'arbitrage comme forcé; mais que les associés ayant admis à ces compromis les syndics des créanciers de Levacher, à qui Lambert avait cédé la moitié de son intérêt dans la société, cession absolument étrangère à Saint-Denis, compromis sont l'effet de la volonté libre de toutes les parties qui les ont signés, ce qui caractérise un arbitrage volontaire; Attendu que les syndics Levacher ne pouvaient valablement compromettre sur les intérêts de la généralité des créanciers, puisque plusieurs d'entre eux n'avaient pas

ces

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droit commun, il n'en saurait être de même à l'égard de celles qui ne sont pas fondées sur le privilége. Or, ce n'est pas en vertu d'une faveur particulière que les associés en matière de commerce ont été soumis à l'arbitrage forcé, c'est dans un intérêt d'ordre public, non moins que dans l'intérêt commun des contendants.

105. Si solidement affermie qu'ait paru cette jurisprudence, elle n'a point résisté devant un examen plus sérieux de la question. L'amiable composition est autorisée par le code de procédure (art. 1019). C'est dans ce code que sont posées les règles générales de l'arbitrage; c'est à lui, c'est à ses dispositions qu'il convient de recourir dans tous les cas où le code de commerce est silencieux. Il ne s'agit plus, dès lors, que de savoir si l'arbitrage forcé est susceptible de recevoir les diverses stipulations qui sont autorisées en arbitrage volontaire, et en particulier la constitution d'amiable compositeur. Or, loin que sa nature y résiste, elle semble, au contraire, appeler l'amiable composition comme plus conforme à la pacification que le législateur a voulu atteindre dans l'intérêt des associés, ou plutôt de la famille comme il l'a dit lui-même. Il y a d'ailleurs dans l'art. 52, c. comm., une raison d'analogie extrêmement puissante; cet article permet la renonciation, non-seulement à l'appel, mais encore au pourvoi en cassation, tandis que le code de procédure ne s'exprime qu'à l'égard de la renonciation à l'appel. Le code de commerce a donc permis de renforcer, d'étendre le pouvoir des arbitres plus que le

souscrit l'acte de leur nomination, qui d'ailleurs n'avait aucune autorité, n'ayant pas été homologué. »>

Pourvoi de Saint-Denis et des syndics, pour violation de l'art. 51 c. com. et fausse application de l'art. 1028 c. pr., en ce qu'on avait admis l'opposition à un jugement d'arbitres volontaires. Dans l'espèce, ont-ils dit, la présence des syndics n'a pu rien changer à la nature de l'arbitrage; il s'agissait de la liquidation d'une même société, non pas entre trois coassociés, il est vrai, mais entre deux associés et le coassocié de l'un d'eux; or, cette légère différence ne fait rien à la chose. On pourrait, en quelque sorte, dire qu'il y a eu deux compromis réunis en un seul; le premier, entre Lambert et Saint-Denis; le second, entre Lambert et les syndics; mais toutes ces contestations avaient un même but, la liquidation d'une même société commerciale. De ce que la sentence contient des dispositions distinctes et séparées, 1o entre Lambert et Saint-Denis; 2° entre Lambert et les syndics, on ne peut conclure qu'elle n'a pas été rendue en matière de société, et, sous ce rapport, l'opposition était inadmissible. — SaintDenis a soutenu de nouveau que l'intervention des syndics dans le compromis n'aurait, dans tous les cas, changé la nature de l'arbitrage qu'à l'égard de ces derniers seulement, et non quant à la partie du compromis relative à la société préexistante entre lui et Lambert, laquelle n'avait aucun point de contact avec les différends élevés entre Lambert et les syndics. Lambert a répondu que la sentence était attaquable par opposition, puisqu'elle émanait d'arbitres volontaires, et qu'en outre, elle avait été déposée au tribunal civil, conformément à l'art. 1020 c. pr.; qu'elle était attaquable dans son entier, puisqu'elle n'avait pas deux natures à la fois; qu'enfin le compromis était nul, pour défaut d'autorisation des syndics, en ce que d'abord tous les créanciers n'y avaient pas donné leur consentement, et que l'autorisation n'avait pas été homologuée, et parce qu'en second lieu, l'autorisation de nommer des arbitres donnée purement et simplement ne conférait pas le droit de nommer des arbitres volontaires. Arrêt (après délib. en ch. cons.).

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LA COUR; Attendu que Lambert et Saint-Denis n'ont pas soumis la liquidation de leur société à des arbitres forcés; que, soit en admettant, dans les compromis des 22 oct. 1809 et 1er août 1810, des parties étrangères à leur société, soit en donnant aux arbitres nommés dans ces mêmes compromis le pouvoir de juger hors des termes de la loi et comme amiables compositeurs, sans appel ni recours en cassation, ils ont institué des arbitres volontaires; qu'ainsi la cour royale a dû recevoir, ainsi qu'elle l'a fait, l'opposition formée à l'ordonnance d'exequatur du jugement arbitral rendu par ces arbitres; - Attendu que, si les syndics des créanciers Levacher avaient eu pouvoir de nommer des arbitres forcés, ils n'auraient pu, conformément à l'art. 1003 c. pr., nommer des arbitres volontaires, qu'en vertu d'une autorisation spéciale qui ne leur avait pas été conférée ; que de là il suit que la cour royale s'est conformée à la loi en déclarant nuls les compromis volontaires souscrits sans pouvoirs par les syndics des créanciers Levacher; Attendu enfin que, par le concours de ces syndics, non autorisés et d'ailleurs étrangers à la société Lambert et SaintDenis, à la nomination des arbitres chargés de procéder à la liquidation de cette même société, le tribunal arbitral avait été irrégulièrement formé, et que la cour royale a pu, dans cet état, sans violer aucune loi, déclarer nulles toutes les décisions portées par ce tribunal; - Rejette.

Du 6 avril 1818.-C. C., sect. civ.-MM. Brisson, pr.-Poriquet, rap.Joubert, c. conf.-Rochelle et Guibout, av.

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code judiciaire ne l'avait fait : n'y aurait-il pas dès lors évidente contradiction à déclarer l'amiable composition contraire à l'arbi trage forcé alors qu'on la juge rentrer si pleinement dans les conditions de l'arbitrage volontaire? Et n'est-ce pas le cas de répéter avec M. Dupin que ce n'est pas à l'étendue des pouvoirs des arbitres, mais uniquement à leur nature qu'il convient de s'attacher?

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106. Il a donc été jugé, avec raison, que la qualité d'amiables compositeurs donnée aux arbitres nommés par les associés ne faisait point dégénérer l'arbitrage forcé en arbitrage volontaire (Rej., ch. réun., 15 mai 1838; Bourges, 28 déc, 1839; Paris, 18 nov. 1841; Nîmes, 7 juill. 1842; Paris, 25 nov. 1844 (1); — Conf., Req., 22 août 1832, aff. Cazalis, V. no 936).

107. La question a paru moins douteuse à la cour, alors que

matières où la loi l'a établi, telles que les contestations qui naissent entre associés, au sujet des associations commerciales, constitue un véritable tribunal; que les arbitres alors remplacent nécessairement le tribunal de commerce; qu'ils sont assujettis aux mêmes obligations que des

le caractère public qui appartient à tous ses organes; qu'il en est autre ment des arbitres volontaires, en général, qui tiennent leur pouvoir et leur mandat de la délégation des parties, toujours libres de transiger ou de préférer la voie de l'arbitrage pour terminer leurs différends, si elles ne veulent pas recourir à l'autorité des tribunaux institués par la loi; qu'alors les arbitres auxquels des particuliers ont confié, sans y ètre contraints, le soin de régler leurs intérêts, agissent dans un caractère privé;

(1) 1 Espèce:-(Parquin, etc. C. Salmon, etc.) — Au sujet de contestations survenues entre l'administration des voitures accélérées de Faris à Saint-Germain, et les sieurs Salmon, Richomme et Blessebois, actionnaires de cette entreprise, Me Parquin, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour royale de Paris, M Ducros, avocat, et M. Bonne-juges; et que la loi qui a créé la mission qu'ils remplissent, leur imprime ville, ancien agréé, nommés arbitres amiables compositeurs, rendirent, en 1834, une sentence qui rejetait les prétentions de Salmon, Richomme et Blessebois.-Quelque temps après, une brochure anonyme fut distribuée au palais, au tribunal de commerce, à la bourse et dans d'autres lieux publics. Elle était intitulée : « Dénonciation à l'opinion publique d'une sentence rendue par MM. Parquin et Ducros, avocats à la cour royale, et Bonneville, ancien agréé, présentement en faillite, accusé de banque route frauduleuse, » et avait pour but d'attaquer, par des assertions ca¬ lomnieuses, l'honneur, le désintéressement et la bonne foi des membres du tribunal arbitral.-MM. Parquin et Ducros, assistés de Me Dupin, bâLonnier, et de plusieurs membres du conseil de discipline de l'ordre des avocals, poursuivirent en diffamation, devant le tribunal correctionnel de la Seine, les sieurs Salmon, Richomme et Blessebois, désigués par l'imprimeur comme auteurs de la brochure incriminée. Ces derniers déclinèrent la compétence du tribunal; ils prétendirent que les faits reprochés dans l'écrit emané d'eux étaient relatifs à la qualité d'arbitres dont les plaignants avaient été investis; qu'à ce titre, ceux-ci devaient être considérés comme des juges en premier ressort imposés par la loi aux parties dans une matière spéciale; que, comme juges, les arbitres étaient revêtus, quoique leurs fonctions ne fussent que momentanées, d'un caractère public qui rendait admissible la preuve par témoins des faits reprochés; qu'en conséquence, d'après la loi du 8 oct. 1830, art. 1er, la cause devait être renvoyée devant le jury. 16 mars 1856, jugement qui repoussa cette exception d'incompétence et ordonna la plaidoirie au fond. Sur l'appel, la cour de Paris rendit, le 21 avril 1836, un arrêt confirmatif.

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Pourvoi de Salmon, Richomme et Blessebois, qui s'attachent à établir uniquement la thèse soutenue en première instance; et c'est dans ces termes que la cour de cassation a annulé l'arrêt de la cour de Paris, le 15 juill. 1836.

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Mais, devant la cour de Rouen, saisie sur renvoi, on a examiné, dans l'intérêt de M Parquin et autres, la question de savoir si, de cela que les arbitres étaient institués amiables compositeurs, il ne résultait pas une transformation de l'arbitrage forcé en volontaire, et si, par suite, les arbitres ne devaient pas être réputés avoir agi dans un caractère privé. -Par arrêt du 4 mars 1857, la cour adopta la négative. -«Attendu que, lors même que les parties auraient étendu les pouvoirs légaux des arbitres, en les autorisant à juger comme amiables compositeurs, ils n'auraient point cessé d'agir dans un caractère public et en vertu d'une mission légale, parce qu'il n'était pas loisible aux parties de s'adresser à une autre juridiction. » — - Pourvoi de Parquin, etc. Arrêt (ap. dél. en ch. du cons.).

LA COUR; Vu les art. 4 et 2 de la loi du 8 nov. 1830; 15, 16 et 18 de la loi du 17 mai 1819; 13, 14 et 20 de la loi du 26 du même mois; 51, 52 et 61 c. com.; 1003, 1019 et 1028 c. pr. civ.; Attendu que les demandeurs en cassation ont, pour la première fois, excipé, devant la cour royale de Rouen, de la qualité d'amiables compositeurs, à eux conférée par la volonté des parties, pour soutenir qu'ils n'ont pas agi dans un caractère public, et comme arbitres forcés en procédant à l'arbitrage, à l'occasion duquel ils se plaignent d'avoir éte diffamés; - Attendu qu'ils ne s'étaient eux-mêmes présentés et n'avaient été considérés que comme arbitres forcés, dans l'instance jugée par l'arrêt de la cour royale de Paris, du 21 avril 1836, et dans l'arrêt de la cour qui a cassé celui-ci; que rien ne s'opposait à ce que, devant la cour de renvoi, où l'affaire tout entière était reportée, ils aient pu se prévaloir d'une qualité qu'ils avaient eu dès l'origine, et qui aurait donné à leur mission un caractère particulier, différent de celui qui avait servi de base aux décisions intervenues jusque-là; Attendu que cette qualité d'amiables compositeurs a été formellement admise, en fait, dans l'espèce, par l'arrêt attaqué; Attendu que, dès lors, pour déterminer la compétence de la cour d'assises ou du tribunal de police correctionnelle, aux termes des lois des 17 et 26 mai 1819, il faut rechercher en droit: 1° Si des arbitres volontaires, de même que des arbitres forcés, agissent dans un caractère pablic; 2° Si des arbitres, en matière de société commerciale, lorsqu'ils sont amiables compositeurs, cessent d'être des arbitres forcés, pour n'être plus que des arbitres volontaires; et que ni l'une ni l'autre de ces deux questions n'a été résolue par le précédent arrêt de la cour, rendu entre les nièmes parties;

Sur la première question : ---- Allendu que l'arbitrage forcé, dans les

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Sur la deuxième question; Attendu que, si, pour les contestations, en matière de société commerciale, la seule juridiction est celle des arbitres, en sorte que, sous ce rapport, cette juridiction est obligée, il est certain néanmoins qu'il n'est, ni dans la lettre, ni dans l'esprit du code de commerce, de priver des associés du droit essentiel et primitif qui appartient à tous les citoyens, de ne pas recourir aux tribunaux et de se faire juger par des arbitres volontaires; Attendu qu'aux termes de l'art. 1019 c. pr. civ., la qualité d'amiables compositeurs donnée aux ar bitres les dispense de prononcer d'après les règles du droit, et que cette faculté est limitée aux arbitres volontaires dont s'occupe le code de procédure; Attendu que les arbitres établis par le code de commerce sont, au contraire, tenus de se conformer exactement aux dispositions de la loi; que nul texte de ce code ne les en dispense, dans aucun cas, et que la renonciation à l'appel ou au pourvoi en cassation, lorsqu'elle a été stipulée suivant l'art. 52, ne va pas jusqu'à les affranchir de cette obligation, qui résulte pour eux du caractère même dont ils sont revêtus par la loi; Attendu que l'arbitrage cesse d'être forcé et devient purement volontaire, lorsque les associés, usant de la liberté qui leur appartient, substituent au jugement arbitral prescrit et déterminé par le code de commerce un autre mode d'arbitrage soumis à d'autres règles, et dont les conséquences sont différentes, tant en ce qui concerne les formes, l'exécution et les effets de cette décision, qu'à l'égard des arbitres euxmêmes, dont le caractère spécial est essentiellement altéré; qu'ainsi, la qualité d'amiables compositeurs est exclusive de la mission et du caractère des arbitres forcés, qui sont de véritables juges; - Attendu qu'il suit de là que le fait de diffamation, par la voie de la presse, imputé aux intervenants, était prévu, non par les art. 15 et 16 de la loi du 17 mai 1819, mais par l'art. 18, relatif à la diffamation envers des particuliers, et que la connaissance devait, par conséquent, en être attribuée au tribunal de police correctionnelle, suivant l'art. 14 de la loi du 26 du même mois; qu'en jugeant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les art. 14 de la loi du 26 mai 1819, 2 de la loi du 8 oct. 1830, et fait une fausse application des autres dispositions ci-dessus visées;- Casse et anpule, etc. Du 29 avril 1837.-C.,C.. ch. crim.-MM. de Bastard, pr.-De Gartempe, fils, rap.-Hébert, av. gén., c. conf.-Scribe et Gatine, av.

Sur nouveau renvoi et le 14 août 1837, la cour d'Amiens a jugé dans le même sons que la cour de Rouen, par les motifs que voici : «Attendu que la question de savoir si les membres d'un tribunal arbitral sont à considérer comme des membres de l'autorité ou comme agissant dans un caractère public, et si, à ce titre, l'art. 20 de la loi du 26 mai 1819 leur est applicable, doit trouver sa solution dans les principes du droit public français ; - Attendu qu'en France, toute justice émane du roi; Qu'en général, et sauf les exceptions, tout citoyen qui se présente en justice, a la garantie des deux degrés de juridiction; Que, par les lois constitutionnelles et par les lois organiques de l'État, l'exercice du pouvoir judiciaire est confié à diverses juridictions dont la compétence est réglée en raison des matières ou des personnes; — Qu'il est incontestable que tous ceux qui, à quelque titre, à quelque degré que ce soit, sont investis du droit d'exercer une partie du pouvoir judiciaire, sont dépositaires de l'autorité et agissent dans un caractère public; — Qu'à cet égard, il n'y a aucune distinction à faire sur la nature, l'origine et l'étendue de la délégation; qu'en effet, soit que les pouvoirs émanent du prince, soit qu'ils émanent de la loi, du droit d'élection, ou du choix des parties, ils donnent à ceux qui en sont investis la même autorité, le mème caractère; - Qu'ainsi, le magistrat inamovible ou révocable, le juré, le juge consulaire élu à temps, le juge arbitral en matière de commerce ou autre, l'avocat appelé momentanément sur le siége, exercent tous le pouvoir judiciaire; Attendu que, d'après ces principes, la question relative au tribunal arbitral forcé, en matière de société commerciale, ne peut présenter aucun doute;-Qu'en effet, d'après l'art. 55

la qualité d'amiables compositeurs était donnée aux arbitres avant la contestation (Ch. réunies, Rej., 45 mai 1858, aff. Parquin V. n° 106). Cette particularité ne nous semble pas modifier le principe général; mais il suffit que les chambres réunies l'aient relevée dans leur arrêt, pour que nous devions en faire mention ici. 108. Toutefois, il a été très-bien jugé 1o que des arbitres nommés pour régler les comptes d'une société de commerce perdent le caractère d'arbitres forcés en acceptant des parties des pouvoirs à l'effet de régler leurs comptes respectifs, traiter et

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e. com., ces arbitres constituent, pour les parties, la juridiction commerciale au premier degré, puisqu'il n'est pas permis à cette classe de justiciables de demander justice devant un autre tribunal;-Que, d'après l'art. 52, les juges composant ce tribunal peuvent, du consentement des parties, devenir juges souverains, et exercer ainsi dans sa plénitude le pouvoir de rendre justice, au nom du roi; Que, puisque aucune loi ne le défend, il est même permis aux associés soumis à l'arbitrage forcé d'étendre les pouvoirs des arbitres jusqu'à l'amiable composition; que cette faculté, qui est de droit commun, est surtout de l'essence des relations commerciales, et rentre dans les art. 51 et 52; mais que les associés, en ce cas, n'en restent pas moins en arbitrage forcé, selon la loi commerciale, et qu'ils doivent, pour l'organisation et la régularisation de l'arbitrage, procéder devant ce tribunal;

>> Attendu que cette extension facultative des pouvoirs conférés parla loi et par les parties aux membres du tribunal arbitral ne peut les dépouiller de leur caractère public, ni les faire descendre du rang qui leur appartient dans l'ordre des juridictions; - Attendu que c'est contrairement à ces principes et à l'art. 20 de la loi du 26 mai 1819, que le tribunal de la Seine s'est déclaré incompétent par le jugement du 16 mars 1836, dont est appel; - Décharge les appelants des condamnations prononcées contre eux; déclare la plainte incompétemment portée devant la juridiction correctionnelle, et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit. »

Nouveau pourvoi de Me Parquin. M. le procureur général Dupin a soutenu: 1° que le caractère de l'arbitrage ne se trouvait pas dénaturé, mais seulement étendu, parce que ce n'est pas à l'étendue des pouvoirs des arbitres, mais à leur nature qu'il faut s'attacher; 2° qu'au surplus les arbitres n'avaient pu agir que dans un caractère privé (V. son réquisit., n° 959). Arret (après délib. à deux audiences).

LA COUR; Vu les art. 13, 14 et 20 de la loi du 26 mai 1819; - Vu pareillement les art. 51 et 52 c. com.; Attendu, en fait, que l'art. 25 du traité social, souscrit le 16 oct. 1828, ne contient en aucune façon la convention d'un arbitrage volontaire; que ce traité n'est, d'après să teneur même, qu'un acte de soumission, par des associés commerçants, à l'art. 51 c. com., dont il reproduit les expressions; et qui, dans l'absence même de la stipulation écrite, aurait exercé son empire sur les contractants, sauf l'extension de pouvoir que les arbitres ont reçue, dans l'espèce, de la volonté exprimée des parties, autorisées par l'art. 52 à renoncer à tout recours d'appel ou de cassation;

Attendu, en droit, que la faculté donnée à des arbitres-juges (créés par l'art. 51 c. com.) de prononcer comme amiables compositeurs, surtout lorsqu'elle est contenue dans un traité antérieur à toute contestation entre les parties, proroge, sans la dénaturer, la juridiction ou la mission de ces arbitres ultérieurement nommés par le tribunal de commerce; · D'où il suit que, dans l'exercice de leurs fonctions, ils n'ont pas cessé d'agir dans un caractère public; qu'il doit leur être fait application de l'art. 20 de la loi du 26 mai 1819, et qu'en jugeant ainsi, et renvoyant, par suite, les parties à procéder devant la cour d'assises, la cour royale d'Amiens n'a violé aucune loi; - Rejette, etc.

Du 15 mai 1838.-G., C., ch. réun.-MM. Portalis, 1er pr.-Quéquet, rap.-Dupin, pr. gén., c. contr.-Scribe et Gatine, av.

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2o Espèce :— (Didier C. Faye.) — Du 28 déc. 1839.-C. de Bourges. 3 Espèce (Giraudeau C. X...) — LA COUR; Considérant que les juridictions sont d'ordre public; Considérant que l'art. 51 du code de commerce dispose que toutes contestations entre associés, et pour raison de la société, seront jugées par des arbitres;

Considérant que cette prescription de la loi est tellement impérative et absolue, que les parties ne pourraient s'y soustraire, même de leur commun consentement; -- Qu'il suit de là que la faculté donnée aux arbitres-juges de prononcer comme amiables compositeurs peut bien étendre et proroger leurs pouvoirs, mais ne saurait avoir pour effet d'en altérer la nature et de convertir ainsi en un arbitrage volontaire et facultatif un arbitrage rigoureusement imposé par la loi; Considérant qu'il est dit dans l'art. 20 des statuts de la Société de jurisprudence, que toute contestation entre les actionnaires et le gérant, relativement à la société, pendant sa durée ou après sa dissolution, sera jugée par trois arbitres nommés par le président du tribunal de commerce, lesquels prononceront comme amiables compositeurs ; -Considérant que la sentence arbitrale du 6 février 1841 a été rendue dans les termes de cet article, et que de tout ce qui précède il résulte que l'action en nullité contre cette sentence,

transiger irrévocablement sur les différends qu'ils étaient primitivement chargés de juger comme arbitres (Rennes, 27 mars 1821) (1). Ici, en effet, c'est moins un arbitrage que font de tels mandataires qu'une transaction proprement dite; 2o Que l'arbitrage doit être réputé volontaire, si les associés ont déclaré vouloir que les arbitres ne jugent que comme arbitres de commerce sans appel (Colmar, 22 vent. an 13, aff. Meyer, V. no 678). 109. Et il est sensible que si, par jugement passé en force de chose jugée, des associés en matière commerciale ont été ren

par voie d'opposition à l'ordonnance d'exéquatur, n'est point ouverte ; Que c'est donc à tort que le jugement dont est appel, en prononçant un sursis fondé sur la nécessité de mettre en cause le syndic de la faillite Giraudeau, a implicitement déclaré recevable à cet égard la demande de celui-ci, en nullité de sa sentence; - Infirme: Déclare Giraudeau non recevable en sa demande.

Du 18 nov. 1841.-C. de Paris, 3° ch.-M. Tardif, av. gén., c. contr. 4 Espèce (Mudier C. Boule.) — LA COUR; Attendu qu'en autorisant à prononcer comme amiables compositeurs, ils ont prorogé leur juridiction et étendu la nature de leur mission, mais ne les ont pas dénaturées; Attendu, au surplus, que l'art. 52 c. com., en reconnaissant aux parties le droit de renoncer à l'appel et au recours en cassation, les a implicitement autorisées à faire prononcer les arbitres forcés comme amiables compositeurs.

Du 7 juill. 1842.-C. de Nimes.

5 Espèce (Foulon C. Loisel.)-LA COUR;-Considérant que les parties, en donnant aux arbitres les pouvoirs d'amiables compositeurs, ne leur ont pas ôté le caractère d'arbitres-juges qu'ils tenaient de la loi; - Considérant que la sentence arbitrale ainsi rendue, en matière de société, par les arbitres-juges, devait, au termes de l'art. 61 c. com., ètre déposée au tribunal de commerce pour recevoir l'ordonnance d'exequatur du président de ce tribunal; Considérant que les arbitres, même investis des pouvoirs d'amiables compositeurs, n'ont pu intervertir l'ordre des juridictions, et déposer leur sentence au greffe du tribunal civil pour y recevoir l'ordonnance d'exequatur du président dudit tribunal; — Qu'il suit de là que le dépôt de la sentence fait au greffe du tribunal civil de la Seine, l'ordonnance rendue par le président dudit tribunal, et le jugement rendu sur l'opposition formée à l'exécution de ladite ordonnance, sont nuls et de nul effet; Infirme.

Du 25 nov. 1844.-C. de Paris, 2o cb.-M. de Chanteloup, pr.

-

(1) (Riou Kerallet C. Bazin.) LA COUR; - Sur l'appel du jugement du 26 déc. 1820;- Considérant qu'il est acquis au procès que Riou Kerallet ayant formé à Bazin une demande en payement d'un billet de 6,000 fr., Bazin, à son tour, forma à Riou Kerallet une demande en reddition de compte d'une association en participation, pour fournitures faites à la marine; qué ces deux demandes furent soumises au tribunal de commerce de Brest; que ce tribunal, par jugement du 23 janv. 1819, du consentement des parties, joignit ces deux jugements, les renvoya devant les arbitres de leur choix, pour être par eux statué irrévocablement, sans appel hi pourvoi en cassation, sur toutes les contestations élevées et résultant des deux actions, circonstances et dépendances, avec faculté aux arbitres, en cas de partage d'opinion, de nommer un sur-arbitre, sauf à le faire nommer par le tribunal, s'ils ne pouvaient s'accorder sur le choix; que les arbitres choisis par les parties se trouvant divisés d'opinion, et n'ayant pu s'accorder sur le choix d'un surarbitre, le tribunal de commerce de Brest, par jugement du 17 avril 1819, nomma pour sur-arbitre le sieur Moreau, négociant à Brest; - Considérant que ce fut dans cet état que les parties, préférant une transaction à un jugement arbitral qui était sur le point d'intervenir entre elles, consentirent, respectivement régler leurs comptes respectifs, traiter, transiger irrévocablement sur aux mêmes arbitres dont elles avaient fait choix, procuration à l'effet de tous ces comptes, à telles clauses et conditions qu'ils jugeraient à propos;

Considérant qu'il est toujours libre aux parties majeures de transiges sur leurs droits, soit par elles mêmes, soit par leurs fondés de pouvoirs; qu'à l'instant même où Me Gillard et Briand, arbitres précédemment choisis par Riou Kerallet et Bazin, avaient accepté leurs procurations à l'effet de transiger entre eux, leurs fonctions et leurs pouvoirs comme arbitres avaient cessé, ils n'étaient plus que leurs représentants, leurs mandataires pour faire la transaction qu'ils leur avaient prescrite de la manière la plus expresse; Considérant que les parties, au lieu d'un jugement arbitral auquel elles avaient consenti, voulaient formellement qu'une transaction eût terminé leurs différends, et que cette transaction fût l'ou vrage de Me Gillard et Briand, qui avaient seuls reçu leurs pouvoirs à cet effet;-Considérant que, par la volonté expresse des parties, il ne s'agit plus d'un jugement arbitral à rendre entre elles; que le surarbitre Moreau, nommé par le tribunal de commerce, n'avait plus aucune espèce de pouvoir pour intervenir dans un acte auquel les parties ne l'avaient pas appelé à concourir; que cependant le sieur Moreau, non-seulement a figuré dans la transaction, quoiqu'il n'eût aucune mission, mais que l'acte prouve qu'elle

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