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deux parties. Dans cette dernière hypothèse, nous serions tenté d'admettre que les parties, qui peuvent déférer le jugement de leur litige à un seul arbitre, ont la faculté de choisir l'un des arbitres pour remplir l'office de tiers arbitre : c'est ici une sorte de compromis nouveau qu'elles entendent souscrire, et la confiance qu'elles ont dans les lumières et l'impartialité de la personne à laquelle elles s'en remettent peut être telle qu'elles ne croiraient pas trouver ailleurs un juge plus éclairé ni plus juste: leur choix devrait donc être déclaré valable; mais, en cas pareil, il serait bien que le compromis portât la preuve que les parties connaissaient parfaitement l'opinion de l'arbitre qu'elles ont désigné. Mais si la désignation du tiers arbitre a été faite dans le compromis ou avant que l'opinion de l'arbitre eût été parfaitement connue, il ne nous paraît pas que cette nomination soit valable. Une telle désignation ne pourrait, en effet, être considérée comme un compromis nouveau, elle serait réputée être le résultat de l'erreur ou de la surprise. D'ailleurs, l'opinion émise par le juge est un cas de récusation, et il est de principe qu'on ne peut renoncer d'avance à celle-ci. Or ce serait une renonciation anticipée que feraient les parties si elles investissaient de la qualité de tiers arbitre celui qu'elles viendraient de désigner pour prononcer dans leur différend comme arbitre. Quand on accepte pour juge celui qui est dans un cas de récusation, il est nécessaire que la cause de récusation soit bien connue, et que cette cause soit de telle nature qu'on puisse renoncer expressément à la faire valoir. Or, c'est ce qui ne saurait exister dans les renonciations anticipées. — Voilà pour le cas où le choix du tiers arbitre est fait par les parties. Mais que doit-on décider si la désignation est faite soit par les arbitres, en vertu du droit que les parties leur ont donné par le compromis, soit par le tribunal ou par le président? Nous refusons péremptoirement aux uns et aux autres la faculté de choisir pour tiers arbitre une personne qui a déjà rempli les fonctions d'arbitre : la nullité de la nomination serait à nos yeux manifeste, 349. Juge. Un juge, un tribunal, une cour souveraine peuvent-ils être choisis pour arbitres? La question est approfondie par M. Merlin, Quest., v° Arbitres, § 14, art. 18, sous les diverses phases de la législation ancienne.

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1° Droit romain. La loi 9, § 2, Dig., De receptis, a donné lieu aux plus graves controverses; elle porte : Si quis judex est arbitrium recipere ejus rei in quá judex est, sive se compromitti jubere, lege Julia prohibetur; et si sententiam dixerit, non est danda pœnæ persecutio. Cette loi, extraite des écrits d'Ulpien, et dont le sens a été l'objet de longues controverses, est traduite ainsi par Hulot : « Si un juge est dans le cas de la loi Julia, par laquelle il lui est défendu d'accepter la qualité d'arbitre dans l'affaire dont il est juge, ou d'ordonner que lui-même sera nommé arbitre, on ne devra point prononcer la peine stipulée, si on refuse d'acquiescer à la sentence qu'il aura rendue en cette qualité.» La controverse s'est portée sur ces mots de la loi, si quis judex est. Quels sont les juges dont cette loi entendait parler? Il y avait, comme on sait, à Rome deux sortes de juges, les uns qui étaient en titre et revêtus d'un caractère permanent, les autres qui, sous le nom de juges pédanés ou délégués, n'en exerçaient les fonctions que d'une manière accidentelle, choisis par le magistrat pour juger d'après les formules qu'il leur traçait sur les affaires qu'il ne voulait ou ne pouvait expédier lui-même. Des interprètes du droit romain appliquaient les mots si quis judex au premier; mais Hubert, Zoez, d'Argentrée et Merlin, loc. cit., pensent qu'ils ne sont applicables qu'au juge pédané, et qu'il était de maxime que tout juge ordinaire pouvait être pris pour arbitre. Cette dernière interprétation paraît être celle qui est la plus

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pour Favière, l'un des deux arbitres nommés par la commune de Geziers. Le 4 frim. an 2, deux des arbitres nommés avaient rendu un jugeLent qui réintégrait la commune de Geziers dans les 50 arpents de bois. Opposition par Favière à ce jugement rendu par défaut contre lui. Il en fut débouté, le 7 niv. suivant, par les mêmes arbitres. Pourvoi en cassation de la part de Favière, 1o en ce que le juge de paix avait nommé d'office pour lui un des arbitres nommés pa a commune de Geziers; 2o en ce que tous les arbitres n'avaient pas concouru aux deux jugements. Jugement.

LE TRIBUNAL; Vu les art. 3, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12, sect. 5, de la loi du 10 juin 1793; - Considérant que, les parties devant nommer espectivement des arbitres en nombre égal, l'arbitre nommé d'office pour

généralement reçue. Merlin, qui la défend avec force, convient cependant qu'il ne peut en donner une raison satisfaisante; et ce qu'il y a de remarquable, c'est que l'ancienne interprétation s'était maintenue dans la Savoie et que le sénat de Chambéry tenait encore pour constant, en 1591, que les juges ordinaires ne pouvaient être pris pour arbitres. Certes, à ne considérer que la raison, il semble que c'est de ce côté que se trouve le sens véritable de la loi; car la prohibition d'accepter des arbitrages a dû être plus rigoureuse suivant l'élévation plus grande du magistrat. C'est ainsi qu'en France les juges inférieurs pouvaient remplir les fonctions d'arbitres, alors que cette faculté était interdite aux membres des cours souveraines; et c'est surtout lorsqu'il s'agit d'une magistrature essentiellement temporaire comme celle des juges pédanés que la prohibition qui leur est faite cesse d'être comprise, à moins qu'on n'eût craint que le magistrat en titre ne fût soupçonné, en déléguant le jugement à un citoyen, de designer celuici au choix des parties pour le constituer arbitre de leur différend; mais on ne voit nulle part que cette explication ait quelque réalité.

20 Droit ancien, L'ordonnance d'octobre 1535, faite pour le parlement d'Aix, était ainsi conçue : « Art. 15. Pource que le nombre des conseillers de notre dite cour est petit, et qu'on a trouvé la retardation de la yuidange d'aucun procès estant en icelle, pour autant qu'aucun desdits conseillers avoient été arbitres des causes y estant, et avoient esté jugés par lesdits conseillers, nous enjoignons à nos dits présidents et conseillers qu'ils s'abstiennent de prendre charge d'arbitrage ne de compromis.»-M. Merlin fait très-bien remarquer que cette ordonnance suppose, 1o que jusque-là les conseillers du parlement d'Aix pouvaient remplir les arbitrages; 2° que l'innovation est motivée sur le petit nombre de conseillers dont le parlement est composé; 3° qu'elle ne s'étend pas aux juges inférieurs, puisque ceux-ci n'y sont pas désignés, -L'ordonnance d'Abbeville, du 23 fév. 1539, restreinte au parlement du Dauphiné, portait, art. 99: « Et ne pourront, nos dits présidents et conseillers de notre dite cour de parlement (de Dauphiné) prendre charge d'arbitrage ni de compromis. » — Cette ordonnance donne lieu à peu près aux mêmes explications que celle qui précède.-Quant aux coutumes, « des trois cents et tant qui, dit Merlin, p. 566, gouvernaient la majeure partie de la France, il n'y en avait qu'une seule qui, en dépit de l'usage général, interdit les fonctions d'arbitres aux juges; c'était celle de Bretagne, art. 17. » Et les motifs que l'ancienne coutume de cette province donnait de cette défense ont paru trop gothiques à Merlin pour qu'ils aient pu imprimer à la disposition qu'elle renfermait ce caractère de raison qui souvent a fait convertir en droit commun des règles qui n'étaient écrites que dans quelques coutumes particulières.

3o Jurisprudence.-Une délibération du parlement de Toulouse de 1584 est ainsi retracée par La Roche-Flavin, liv. 8, ch. 28, n° 2: « Par notre mercuriale de l'an 1584, est inhibé aux prési dents et conseillers de la cour et gens du roi, accepter aucun arbitrage sans licence et permission de la cour. » — On lit dans une autre délibération du même parlement, du 22 juin 1701:« La cour, les chambres assemblées, a délibéré: Art. 1er. Qu'aucun des officiers du parlement ne pourra accepter d'arbitrage sans permission de la cour. 2. Qu'en aucun cas, il ne pourra donner de sen→ tence arbitrale.-3. Qu'en cas de registre portant permission de pouvoir être arbitre, celui qui aura dit son avis sur quelque article du procès, aux parties ou à l'une d'elles, ne pourra être juge sans le consentement par écrit de toutes les parties. » - Le par lement de Rouen, d'après Basnage, sur l'art. 12 de la coutume

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une partie ne pouvait être le même que celui déjà nommé par l'autre partie; que, dans l'espèce, Billotet, nommé d'office par le juge de paix pour arbitre de Favière, était un des arbitres nommés par la commune de Geziers; que cette nomination d'office, radicalement nulle et sans objet, dans l'intérêt de Favière, doit être considérée comme n'ayant point été faite; en sorte que le tribunal arbitral n'a point été légalement formé; Considérant encore que tous les arbitres nommés n'ont point concouru aux deux jugements dont la cassation est demandée, quoique la juridiction arbitrale ne fût attribuée qu'à tous les arbitres réunis, et non à une partie d'entre eux; que, sous ce rapport, ces jugements n'ont point le caractère de véritables jugements; Casse, etc.

Du 18 frim an 7.-G. C., sect. civ.-MM. Bayard, pr.-Beaulaton, rap.

de Normandie, tenait pour constant que les juges ordinaires pouvaient être arbitres; « et c'est aussi notre usage, écrivait-il vers le milieu du dix-septième siècle; tous les jours on compromet sur MM. les présidents et conseillers de la cour. »>

Le nouveau Denisart, yo Arbitrage, § 2, n° 3, et Merlin, p. 568, eod., citent plusieurs exemples desquels il résulte qu'au parlement de Paris, les conseillers étaient dans l'usage de n'accepter des arbitrages qu'avec la permission de la cour ou du roi ; mais le même usage ne s'étendait pas aux tribunaux inférieurs (V. Peleus, dans ses Actions forenses, § 33; Mornac, sur la loi 9 $2, D., De receptis). Néanmoins Bouchel et Brillon citent un arrêt du 31 mai 1622, par lequel « il fut dit qu'un juge inférieur, c'était le lieutenant particulier de Saumur, non poterat arbitrium suscipere; et d'autant qu'au commencement de la plaidoirie, on demanda la peine commise suivant l'ordonnance; l'appelant soutint que la sentence était nulle, ex defectu potestatis, il en fut déchargé par le même arrêt. »-Sur ce point, Merlin remarque que peu après, et le 23 déc. 1623, un arrêt a jugé, au rapport du même auteur, qu'un juge ou conseiller d'un siége peut être élu arbitre, et que sept ans après, le 5 août 1630, la question a été jugée implicitement dans le même sens (V. Bartet, t. 1, liv. 3, ch. 121, et Merlin, eod., p. 569). Malgré ces contradictions, Jousse, Tr. de l'adm. de just., t. 2, p. 696, dit, après avoir passé en revue les usages des parlements d'Aix, de Grenoble, de Toulouse et de Dijon: «< Mais comme il n'y a point d'ordonnance pa ́reille pour le parlement de Paris, cela fait que le règlement dont on vient de parler ne s'y observe point; et l'on souffre dans notre usage que des officiers, même d'une compagnie supérieure, soient pris pour arbitres du procès dont ils doivent être juges: ce qui se pratiquait ainsi par un motif de bien public que la faveur des accomodements autorise. » — Au parlement de Bordeaux, la prohibition n'existait point: au moins c'est ce qui résulte d'un arrêt que Lapeyrère, t. 1, p. 62, rapporte en ces termes: « Le juge devant qui le procès pouvait être porté peut être choisi pour arbitre; ainsi jugé en l'audience de la grande chambre en 1743. » Salviat, p. 58, constate aussi que « ce n'était pas non plus une nullité de ce que celui qui est le juge naturel des parties sera choisi pour arbitre. » Enfin, M. Merlin constate que c'est là le droit commun des Pays-Bas; il cite, à cet égard, Groenevegen, Voet, l'art. 23 de l'ordonnance des archiducs Albert et Isabelle, 13 av. 1604, concernant le style et manière de procéder au souverain conseil de Brabant et pays d'outre Meuse, lequel porte : « Que, dorénavant, nul de nos conseillers n'acceptera aucune submission (c'est-à-dire aucun compromis) des causes pendantes en leur conseil, ou qui, selon les apparences, y pourraient venir, ne fût par avis de notre chancelier (président de ce tribunal).»--M. Merlin dit qu'il résulte de cet article que le droit commun de la Belgique et de la Hollande était que la prohibition n'existait point pour les juges inférieurs.

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Toutefois, une jurisprudence contraire s'était établie au parlement de Dijon; on jugeait constamment que les magistrats, de quelque rang qu'ils fussent, ne pouvaient être arbitres des affaires sur lesquelles ils étaient appelés à prononcer en leur qualité publique (V. les arrêts des 29 nov. 1571 et 23 fév. 1579, rapp. par Bouvot, Quest. not., t. 1, part. 2, vis Conseiller et Deniers dotaux, et t. 2, vo Arbitrage). Fevret, liv. 4, ch. 4, no 11, retrace trois autres arrêts de la même cour qui jugent dans le même sens. Enfin, Houard, qui écrivait au milieu du 18e siècle, constate qu'au parlement de Rouen on n'acceptait plus de compromis, parce qu'il ne pourrait conférer aux conseillers le droit de juger souverainement.

Telle est, en résumé, notre ancienne jurisprudence: on y voit qu'à mesure que les lumières se sont répandues dans la société et que la dignité de la magistrature a été mieux comprise, les juges ont cessé insensiblement de se charger des arbitrages; et de là nous serions tentés de conclure à un commencement de dé

(1) Espèce:-( Nassans C. Cassaigne. )· Contestation relative à des eaux entre Nassans et Cassaigne; elle roulait sur une question de réintégrande et de propriété. 28 mai 1821, compromis par lequel les parties nomment M. C....., juge au tribunal de M. (*), pour arbitre, amiable (*) Le journal d'Agen, dans lequel nous puisons cette notice, n'indique ce tribunal que par l'initiale M. Nous pensons que c'est du tribunal de Mirande, lieu de La contestation, qu'il a voulu parler; et c'est pour ce motif que nous avons fait entrer

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suétude plutôt qu'à un usage plein de virtualité, usage qui, đu reste, ne saurait disparaître tant que le législateur ne l'aura point proscrit. Nous avons parlé de désuétude, est-ce à dire qu'elle soit entièrement consommée? Non certainement. Et la nullité dont serait frappé un arbitrage accepté par un juge, fût-il juge de la contestation, contiendrait un véritable excès de pouvoir. Que si l'on voit quelque inconvenance à ce que les juges soient nommés arbitres, c'est au pouvoir disciplinaire de la prévenir, et il est armé de moyens suffisants pour que la dignité de la magistrature n'ait point à en souffrir. Au reste, le législateur moderne a reconnu virtuellement la compatibilité des fonctions de juge avec celles des arbitres, lorsque, par les décrets des 20 prair. et 13 mess. an 13, pour l'organisation de la justice dans les États de Parme, de Plaisance et de Gênes, il a disposé, art. 5 du titre des juges et des tribunaux en général, en ces termes : « Les juges sont salariés par l'État; ils ne peuvent rien recevoir des parties, soit à titre de salaire, d'épices, de présents...; ni les juges de paix, ni aucun autre magistrat ne pourront aussi demander ni recevoir aucun salaire ni présent, sous prétexte du temps qu'ils auront employé, ou du travail qu'ils auront fait pour concilier les parties, et lorsqu'ils seront choisis pour leurs arbitres. » — La conséquence qui se tire de ces derniers mots est certaine : le droit d'accepter des arbitrages est, à défaut de prohibition, permis aux juges comme à tous les autres citoyens. C'était là l'usage le plus général, et les rares exceptions que la jurisprudence avait introduites dans quelques parlements ont dû disparaître en présence du principe de notre unité législative et des circonscriptions nouvelles de la France judiciaire. La règle d'abrogation des anciens usages que contient l'art. 1041 c. pr. viendrait, au besoin, à l'appui de ce système, si les principes ordinaires du droit qui tolère dans la société tout ce qui n'est point défendu ne suffisaient pour l'étayer; ajoutons que cette interprétation semble puiser une nouvelle force dans l'art. 378, no 8 c. pr., d'après lequel on peut récuser le juge qui a précédemment connu de la contestation comme arbitre. Comme arbitre! Ne résulte-t-il pas de là que le législateur avait encore présent à l'esprit l'usage journalier où étaient les juges de se charger des arbitrages, et ne serait-ce pas s'égarer que de prétendre qu'il a eu uniquement en vue ces cas fort rares, où il aurait connu d'une contestation avant d'avoir reçu l'institution judiciaire? Et, si telle est bien l'interprétation de l'art. 378, quel moyen reste-t-il de soutenir que l'aptitude du juge aux fonctions d'arbitre n'existe plus sous les lois qui nous régissent?

Toutefois, il résulte du décret qui vient d'être cité et du principe de notre droit public, d'après lequel l'administration de la justice en France est gratuite, que les juges ne seraient plus fondés à exiger des honoraires. Mais qu'ils soient saisis ou non du litige mis en arbitrage, qu'ils soient investis ou non du caractère d'amiables compositeurs, ils peuvent, quoiqu'il serait mieux qu'ils s'en abstinssent, accepter les fonctions d'arbitres sans que la sentence à laquelle ils auront participé s'en trouve nullement viciée. Disons, avant de retracer la jurisprudence, que l'opinion de M. Pigeau, t. 1, p. 20, qui, se fondant sur la loi 9, Dig., cidessus citée, enseigne que les juges naturels de la contestation ne peuvent être arbitres, est repoussée par MM. Merlin, loc. cit., Berriat, p. 41, Demiau, Boucher, no 204, Carré et Chauveau, n° 3260, Goubeau, p. 85, Mongalvy, nos 124 et 127. Ces auteurs ne font pas d'exception pour le cas où le juge désigné serait le juge naturel de la contestation. Voyons la jurisprudence.

850. Ila été jugé que, bien que les magistrats doivent s'abstenir autant que possible d'accepter des fonctions d'arbitres, ils peuvent cependant accepter des arbitrages, à charge par eux de ne pas recevoir de salaires.-Tel est le motif général donné parla courd'Agen, à l'appui d'une décision par laquelle elle a déclaré valable une sentence arbitrale rendue par un juge du tribunal des parties, et que celles-ci avaient nommé amiable compositeur et seul juga en dernier ressort de leur différend (Agen, 5 janvier 1825) (1). compositeur, jugeant sans formalités et en dernier ressort, et avec la faculté de s'adjoindre une ou deux personnes de son choix pour juger avec lui. - M. C....use de cette dernière faculté, et s'associe Me S...., avoué. - 26 fév. 1822, sentence arbitrale, favorable à Cassaigne. — Opposi→ dans la position de la résolution cette circonstance très-importante, comme on en peut juger en recourant aux arrêts annotés. Un passage des conclusions da M. l'avocat général Lebé laisse au reste, peu de doute sur ce point

851. Il a été jugé aussi qu'un membre du tribunal saisi d'une contestation peut être nommé parmi les arbitres que les parties ont choisis pour la juger (Trèves, 24 juin 1812) (1). — L'opinion de MM. Bellot, n° 115, et Vatimesnil, no 164, est conforme à cette décision, qui en effet ne paraît pas, comme on l'a dit, pouvoir être jugée autrement.

352. Une décision semblable a été rendue au sujet d'un membre du tribunal de commerce: il a été jugé que l'une des parties avait pu choisir pour son arbitre l'un des juges de ce tribunal devant lequel l'autre partie était assignée en nomination d'arbitres, et que la sentence à laquelle ce dernier a concouru, sans que d'ailleurs aucune récusation ou allégation ait été élevée par les parties, ne pouvait être annulée pour la prétendue incompatibilité entre les fonctions de juge et celles d'arbitre ( Bruxelles, 16 avril 1831, V. no 546). — Cette décision et celle qui précède trouvent un appui dans ce motif de l'arrêt du 30 août 1813 (rapp. no 356): « la réunion des qualités de juge et d'arbitre, à laquelle résistent toutes les convenances, était littéralement probibée par les lois romaines, par les anciennes ordonnances et par diverses coutumes. » - On a vu plus haut ce qu'on doit penser de la force de ce motif. La cour de cassation ajoute que ce cumul des fonctions de juge et d'arbitre est également contraire à l'esprit des lois nouvelles. Il nous a paru que la contrariété existait non avec les lois nouvelles, mais avec les mœurs et la discipline modernes de la magistrature, ce qui est bien différent, lorsqu'il s'agit de faire sortir de cette opposition une nullité d'ordre public. Au reste, M. Merlin, eod., § 14, art. 8, nos 3 et 4, est aussi d'avis que la nullité ne saurait être prononcée, même dans le cas où c'est l'un des juges saisis de la contestation qui a consenti à figurer au nombre des arbitres. Plus loin M. Merlin, eod., no 9, p. 574, revenant sur cette question relative au cas où c'est le juge saisi qui accepte l'arbitrage, critique de nouveau la jurisprudence du sénat de Chambéry, d'après laquelle, au dire du président Fabre, « les présidents et les sénateurs, étant considérés comme juges ordinaires, ne peuvent être pris pour arbitres de droit; mais qu'ils puissent être pris pour arbitrateurs ou amiables compositeurs, c'est ce dont on ne doute nullement, et le sénat l'a ainsi jugé le 27 juin 1791. La raison de cette jurisprudence, c'est que le juge ordinaire est dans la nécessité de juger, parce qu'il ne peut s'y soustraire, et que cependant il s'y soustrairait s'il prononçait comme arbitre, puisqu'il ne pourrait le faire que s'il prononçait dans sa propre qualité. » Or, cette raison, assurément bien futile, dit avec raison M. Merlin, cessait absolument lorsque le juge acceptait un compromis qui le constituait amiable compositeur, puisque, dispensé de prononcer suivant la rigueur du droit, le rôle qu'il avait à remplir était tout différent de celui de

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tion par Nassans à l'ordonnance d'exécution et demande en nullité, fondée, 1° sur ce que M. C.... était, comme juge, incapable d'être arbitre; 2° sur ce que la sentence ne statuait que sur l'action en réintégrande et ne disait rien de la question de propriété. Le tribunal de Mirande rejette cette prétention.-Appel.-M. Lebé, avocat général, a pensé qu'un juge n'était pas incapable d'être arbitre; qu'il serait conforme aux bienséances qu'un magistrat n'acceptât pas un arbitrage dans une cause dont il serait le juge naturel, si le compromis ne lui conférait pas une mesure de pouvoir plus étendue que celle qu'il tient de la loi, parce qu'il convient qu'il ne mette pas ce pouvoir, résultant de son caractère public, en parallèle avec une délégation qui n'émane que de la confiance privée des parties. Mais M. l'avocat général fait observer que cette attribution plus étendue a été conférée à M. Č.... — Quant à l'omission reprochée à la sentence, ce magistrat a pensé qu'elle constituait non un moyen de nullité, mais un moyen de requête civile. — Arrêt.

LA COUR; Attendu que les moyens de nullité ne peuvent point se suppléer; qu'ils doivent être exprimés nettement dans la loi; et, bien que les magistrats doivent s'abstenir, autant que possible, d'accepter des fonctions d'arbitres, on doit induire du silence de la loi nouvelle et des dispositions des décrets rendus sur l'administration de la justice dans quelques départements de l'Italie, que les juges pouvaient accepter des arbitrages, à la charge par eux de ne pas recevoir de salaire;-Attendu que les arbitres qui étaient chargés de prononcer sur une question de réintégrande et sur une question de propriété, ont déclaré que, puisque les parties n'avaient pas voulu consentir à proroger les délais du compromis, ils ne pouvaient statuer que sur la question de réintégrande, et renvoyèrent les parties à se pourvoir, ainsi qu'elles l'aviseraient, sur la question de propriété; qu'une semblable décision rentre tout à fait dans la limite des pouvoirs donnés par le verbal du 28 mai 1821, et qu'on ne peut

magistrat. Le parlement de Toulouse, par délibération du 22 juin 1701, avait, dit Brillon, vo Arbitre, no 21, « rejeté un avis arbitral donné et remis cacheté à un notaire par un conseiller de ladite cour en forme de projet de transaction, quoique l'une des parties soutint que la défense ne tombait que sur la personne des conseillers et ne rendait pas le compromis nul. » Il résulte de ces termes que c'était en réalité d'une sorte d'amiable composition qu'il s'agissait dans cette dernière espèce. Sous ce rapport le parlement de Toulouse serait plus logique et plus conséquent que le sénat de Chambéry; mais il faut remarquer que celui-ci jugeait sous l'empire de la loi romaine, à laquelle il donnait l'interprétation que nous avons fait connaître plus haut, et que M. Merlin a critiquée, sans pouvoir alléguer une raison suffisante à l'appui de sa critique, tandis que le parlement de Toulouse, jugeant dans la plénitude de son omnipotence, a fait sortir d'un point de discipline qu'il jugeait à propos d'établir, une nullité qu'il appliquait en quelque sorte rétroactivement aux contestations de ses justiciables. 353. Venant à d'autres spécialités, disons qu'il a été jugé : 1° qu'un tribunal de commerce ne pouvait nommer d'office l'un de ses membres à peine de nullité (Grenoble, 24 juill. 1812) (2); 2o Qu'il n'a pu en nommer un d'office pour la partie défaillante et donner acte à la partie correspondante du choix qu'elle fait pour son arbitre d'un autre juge du tribunal, également siégeant (Angers, 5 fév. 1842, aff. Société de la Porée, V. Acte de commerce, n° 286). Dans cette dernière affaire les choses étaient entières, c'est-à-dire qu'il n'était pas encore intervenu de décision arbitrale au moment où la nullité a été prononcée; et l'on conçoit très-facilement que la cour, saisie par évocation sur une exception préliminaire d'incompétence, ait exigé une nouvelle nomination d'arbitres et annulé celle que le tribunal avait faite de ses membres. Mais, dans l'affaire qui précède, il y avait eu une décision arbitrale; il ne paraît même pas que la partie pour laquelle une nomination d'office avait été faite eût réclamé contre cette nomination, en sorte qu'elle devait être réputée l'avoir approuvée, si, comme on doit le croire, elle avait fourni ses défenses devant les arbitres. Or, l'annulation prononcée par la cour dans une semblable circonstance pourrait être en opposition avec la doctrine retracée plus haut, si les raisons de haute convenance qui doivent faire rejeter l'idée qu'un tribunal puisse imposer l'un de ses membres pour arbitre aux parties, n'élevaient cette considération à la hauteur d'un principe d'ordre public, et par suite ne repoussaient toute ratification en cette matière. Cette espèce diffère essentiellement de celles sur lesquelles nous avons eu l'occasion de faire connaître notre opinion, et où la nomination a été faite non par le tribunal, mais par les parties ellesmêmes.

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inférer un grief de ce que le juge, appelé à vider deux points de contestation, ne prononce que sur un chef, et déclare qu'il n'a pu prononcer que sur le second, parce que les parties n'avaient pas fourni les pièces qui devaient justifier de leurs droits;-Démet le sieur Nassans de son appel. Du 5 janv. 1825.-C. d'Agen.-M. Delong, 1er pr. (1) Espèce: (Fuchs C. Schneider.) Des difficultés entre Jean Schneider et Henry Fuchs, d'abord soumises au tribunal de Cousel, juge d'arbitrage. L'un des trois arbitres fut choisi parmi les juges mêmes du des plaideurs à raison de leur domicile, furent ensuite décidées par voie Schneider, mécontent de la sentence arbitrale, l'attaqua sous ce prétexte, invoquant la loi 9, § 2, D., De receptis. - Le tribunal de Cousel, se fondant sur cette loi, annule la sentence. Appel. - Arrêt. LA COUR; Attendu que le moyen tiré de la loi 9, ff., De recept., ne peut être accueilli, cette loi n'étant pas applicable dans l'état de la légisation actuelle; qu'il s'infère des dispositions du § 8 de l'art. 378 c. pr. que la récusation d'un juge, qui a été arbitre, n'étant que facultative, on doit nécessairement en conclure qu'il n'est pas interdit à un membre d'un tribunal d'accepter un arbitrage.

ttribunal de Cousel.

Du 24 juin 1812.-C. de Trèves.

(2) (Rey C. Pecier. )- LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 51 c. com., le tribunal de commerce ne pouvait connaître de la contestation; qu'il a cependant nommé d'office, pour arbitre aux parties, un de ses membres qui a concouru au jugement; qu'il suit de là qu'un juge au tribunal de commerce s'est lui-même nommé d'office pour arbitre, ce qui est contraire à la règle et au vœu de la loi; Annule le jugement arbitral, etc.

Du 24 juill. 1812 C. de Grenoble, 2o ch

354. La qualité d'amiable compositeur n'a pas paru à la cour d'Agen, dans l'arrêt rapporté no 350, devoir modifier la question ni présenter un à fortiori dans la question à résoudre; mais les auteurs voient, dans cette extension des pouvoirs dujuge ordinaire, une circonstance qui rend favorable l'acceptation de l'arbitrage par le juge naturel des parties. C'est, du reste, la remarque que M. l'avocat général Lebé faisait dans l'espèce soumise à la cour d'Agen, « usage général, dit M. Berriat, p. 41, usage bien ancien, puisque Accurse en fait mention comme constant. >>

855. Le juge de paix devant lequel les parties comparaissent pour se conciler peut-il être choisi par elles arbitre de leur différend en dernier ressort? - L'affirmative a été adoptée sous fa loi de 1790 (Colmar, 21 déc. 1813)(1). —M. Carré, se fondant sur l'usage, pense que cette décision doit être suivie sous le code, et c'est aussi ce qui résulte implicitement des motifs d'un arrêt

(1) (Galliath C. Weyl.) — LA COUR; Attendu que c'est contrairement à la vérité du fait de la cause que l'appelant prétend que le juge de paix du canton de Guebwiller n'avait pu juger, le 23 mess. an 13, que par prorogation de juridiction; qu'ainsi son jugement est un acte arbitraire et nui, et, par suite, l'ordonnance d'exequatur; tandis qu'il conste, par le procès-verbal du 16 dudit mois de mess., que Galliath, appelé devant le juge de paix par l'intimé, après avoir reconnu devoir légitimement les 3,500 fr. répétés par celui-ci, a demandé quatre années de terme, invitant le juge de paix de juger la contestation en dernier ressort, le nommant arbitre à cet effet; et que, de son côté, l'intimé a consenti que ce juge de paix décidât sans appel, le nommant également arbitre; d'où est résulté un compromis formel: or, d'après l'art. 2 du titre 7 de la loi du 24 août 1790, les parties avaient le droit de compromettre, et elles étaient maîtresses du choix de leur arbitre; le juge de paix a douc pu, dans l'espèce, être choisi comme tel, puisque aucune foi ne l'avait déclaré inhabile à juger comme arbitre et en dernier ressort;

Attendu, au fond, que, le 16 mess. an 15, l'appelant ayant avoué la légitimité de la créance par-devant le juge de paix, et le jugement arbitral de celui-ci, du 23, ayant acquis l'autorité de la chose jugée, c'est en vain qu'il invoque aujourd'hui l'application du décret du 17 mars 1808; Par ces motifs, prononçant sur l'appel du jugement rendu entre les parties, par le tribunal civil de Colmar, le 23 mars 1813; Met l'appel au néant.

Du 21 déc. 1813.-C. de Colmar.

(2) Espèce:-(Michaux-Larosière C. Bidermann, etc.) - Le tribunal de commerce de Paris était saisi d'une contestation sur un compte à régler entre les sieurs Michaux-Larosière et ses consorts, d'un côté, les sieurs Bidermann et Cie, de l'autre. Après les plaidoiries durant sept audiences, la cause avait été mise en délibéré, lorsque, par deux actes des 3 et 11 août 1812, les parties conviennent de s'en rapporter au jugement à rendre par le tribunal, promettant d'exécuter ledit jugement dans tous ses points comme un arrêt en dernier ressort, renonçant dès à présent à toutes voies d'appel. Elles consentent, en outre, « à ce que les juges, auxquels la présente convention sera adressée, prononcent sur toutes les contestations qui leur seront soumises par forme transactionnelle, et comme amiables compositeurs. Ainsi fait triple, etc. » Les juges du tribunal, ayant accepté les pouvoirs qui leur étaient attribués, rendent, le 14 août 1812, un jugement non qualifié en dernier ressort, par lequel ils statuent sur tous les chefs de la contestation, et qu'ils terminent par cette disposition: «< Le tribunal ordonne, par forme transactionnelle et amiable composition, que le compte entre Michaux-Larosière, Bidermann et Cie est définitivement réglé et réduit à une somme de 120,000 fr. en capital et intérêts compris jusqu'à ce jour, dont les sieurs Bidermann et Cie sont redevables envers Michaux-Larosière. »

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Appel de la part de Bidermann. — Michaux-Larosière a soutenu que cet appel n'était pas recevable; que les parties avaient consenti d'être jugées en dernier ressort; qu'une pareille convention était expressément autorisée par l'art. 639 c. com., et que cette convention fût-elle nulle, ce n'était pas par la voie de l'appel qu'on pouvait en faire prononcer la nullité. Le 2 janv. 1813, arrêt de la cour de Paris, qui réforme le jugement: «Attendu qu'il y a connexité nécessaire entre les deux chefs de conclusions respectives des parties; que la question de la validité du jugement du 14 août, quant à sa forme, est indivisible de la question de validité des actes préparatoires, qui ont été les éléments de ce jugement; qu'à la cour seule il peut appartenir de juger si les parties ont pu donner, et le tribunal accepter des pouvoirs de la nature de ceux conférés par les actes des 3 et 11 août dont il s'agit; - Que l'art. 639 c. com., par la faculté qu'il accorde aux parties et aux juges de faire statuer et de prononcer définitivement et sans appel, n'autorise pas, en ce cas, le tribunal à décider d'après d'autres règles que celles du droit; que le pouvoir de prononcer transactionnellement et comme amiables compositeurs ne peut être conféré qu'à des arbitres privés, conformément à l'art. 1019 c. pr. ; qu'il résulte de la forme et de l'énoncé des actes des 5 et 11 août, comme du

de la cour de Paris qui semble admettre l'arbitrage du juge de paix, pourvu qu'il soit gratuit. Cet arrêt décide que le juge de paix manquerait à toutes les convenances et même à ses devoirs s'il exerçait une contrainte morale sur ses justiciables pour se faire nommer arbitre salarié, et s'il s'allouait des honoraires excessifs (Paris, 14 mai 1829, aff. Mathé, V. infrà). — Toutefois, M. Bellot, no 119, pense que le juge de paix ne peut être nommé arbitre, même amiable compositeur; il ne voit là qu'un tribunal substitué à un autre, ce que la jurisprudence lui semble devoir proscrire.

356. Mais un tribunal en corps ne peut accepter la mission d'arbitres amiables compositeurs, jugeant par forme transaction nelle et en dernier ressort, sur un procès dont il est saisi.Par suite, le jugement qu'il rend en cette qualité à l'audience est nul (Rej., 30 août 1813) (2). Tous les principes de droit

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jugement dont est appel, que les parties n'ont pas entendu constituer un arbitrage ni les juges prononcer comme arbitres; qu'ayant tout à la fois prononcé transactionnellement, par amiable composition et dans les formes exclusives des tribunaux, les premiers juges ont cumulé des fonctions incompatibles et statué par un acte irrégulier qui n'offre ni les caractères d'une décision arbitrale, ni ceux d'un jugement. »

Pourvoi en cassation de la part de Michaux-Larosière. Les parties, a-t-il dit, avaient déclaré qu'elles entendaient être jugées en dernier ressort; cette convention était autorisée recevoir l'appel, sous prétexte d'une prétendue nullité du compromis qui ne pouvait pas même être proposée pour la première fois en appel, c'était violer l'art. 639; d'ailleurs, si le compromís était nul, c'était par la voie d'opposition à l'ordonnance que le jugement devait être attaqué. Après tout, par quels moyens établiton cette prétendue nullité? On ne la trouvera pas dans la première partie du compromis qui autorisait le tribunal à juger en dernier ressort, c'est un pouvoir que très-évidemment l'art. 639 c. com. permettait d'attribuer au tribunal. Sera-ce dans la seconde partie du compromis qu'on trouvera cette nullité? Les parties ont donné, et les juges ont accepté le pouvoir de statuer en qualité d'arbitres et d'amiables compositeurs. Mais quelle est la loi actuellement en vigueur qui interdit aux juges les fonctions d'arbitres? Il est vrai que le droit romain, les ordonnances de nos rois, quelques coutumes et la jurisprudence de plusieurs parlements, ne permettaient pas aux juges d'être arbitres des procès dont ils pouvaient connaître; mais cette jurisprudence n'était pas observée au parlement de Paris, c'est un fait attesté par M. Merlin, dans son Répert., au mot Arbitrage.Si, au milieu de cette diversité de jurisprudence, nos lois nouvelles avaient entendu refuser aux juges le droit d'être arbitres, elles en auraient fait la matière d'une disposition formelle. Le silence qu'elles ont gardé sur un point aussi important prouve assez qu'elles n'ont pas voulu priver les juges d'un droit qu'elles ont attribué aux simples citoyens. Les incapacités sont une dérogation au droit commun. Or, il n'appartient qu'à la loi elle-même de mettre des limites à son autorité par des exceptions. Ce qui prouve que nos lois modernes n'interdisent pas aux juges les fonctions d'arbitres, c'est l'art. 5 du décret du 20 prairial an 13, concernant l'administration de la justice dans les ci-devant États de Parme et de Plaisance, c'est l'art. 5 d'un autre décret du 15 messidor de la même année, rendu pour les départements de Gênes, de Montenotte, des Apennins, de Marengo, qui porte: « Le juge de paix ni aucun magistrat ne pourront demander ni recevoir aucun salaire ni présent, sous prétexte du temps qu'ils auraient employé, ou du travail qu'ils auraient fait pour par venir à concilier les parties, ou lorsqu'ils seront choisis pour leurs arbitres. » Ce qui suppose clairement, comme l'a dit M. Merlin à l'article cité, que les juges peuvent aujourd'hui accepter des arbitrages. On prétend que les fonctions d'arbitres et d'amiables compositeurs sont incompatibles avec celles de juges, attendu que les juges sont établis par la loi et chargés par elle de se conformer dans leurs jugements à ses dispositions. Mais ce devoir ne leur est imposé que pour l'avantage et dans l'intérêt des justiciables, et c'est un principe certain que chacun peut renoncer à ce qui n'est établi qu'en sa faveur. Cuique licet eis quæ pro se introducta sunt renuntiare. D'ailleurs, oublie-t-on qu'en une foule de cas les tribunaux sont investis d'un pouvoir discrétionnaire, et que devant eux les parties peuvent recourir à des expédients?

Le défendeur répondait d'abord que l'appel était recevable, aux termes de l'art. 453 c. pr.; que lorsque l'attribution du dernier ressort ne repose que sur le consentement des parties, les tribunaux avaient le droit de rechercher si ce consentement était valable; que c'est ce qui s'induit même de ces mots de l'art. 639 c. com. : « Toutes les demandes où les parties >> justiciables de ces tribunaux et usant de leurs droits auront déclaré » vouloir étre jugées définitivement et sans appel. » Ce consentement se rait donc sans effet, s'il était donné par celui qui ne serait pas soumis à la juridiction de ces tribunaux ou par une partie qui n'aurait pas le libre exercice de ses droits, par un mineur, par un interdit, ou par une femme en puissance de mari. Le jugement rendu en vertu de ce consentement se rait en vain qualifié en dernier ressort; les juges d'appel n'en auraient pas

public, a dit la cour de cassation, s'opposent à ce que des juges étendent le pouvoir qu'ils tiennent de la loi hors des limites qu'elle leur a fixés, et statuent à la fois comme délégués du prince et mandataires des parties. Les auteurs ont adopté cette décision (MM. Mongalvy, no 125; Vatimesnil, no 165; Bellot, no 116).

M. Merlin, Quest., § 14, art. 8, no 3, se demande si le tribu

noins le pouvoir d'examiner la compétence des premiers juges, et par conéquent la validité de l'assentiment donné par les parties.

Ainsi toute la question est réduite au point de savoir si un tribunal entier, si des juges en corps, siégeant en tribunal de justice réglée, peuvent être valablement investis par les parties du pouvoir de statuer par voie d'arbitrage, de transaction et d'amiable composition. Ici, des lois expresses, la raison humaine, des motifs de décence et d'ordre public s'élèvent de concert contre une attribution aussi monstreuse, qui placerait dans les mêmes mains des pouvoirs incompatibles. Il y a en effet incompatibilité manifeste entre les fonctions d'un juge, d'un magistrat institué par le souverain, et celles d'un amiable compositeur choisi par les parties. Le magistrat, sur le siége, est le ministre du législateur, l'organe de ses volontés; établi par la loi, il ne lui est pas permis de s'écarter des règles qu'elle prescrit. On ne doit jamais trouver dans les jugements qu'il prononce que l'application des préceptes qu'elle a donnés. Ses décisions sont rendues au nom et de l'autorité du souverain; expédiées en forme authentique, elles sont exécutoires dans tout le royaume; la force publique les accompagne et contraint à leur obéir, tant que leur exécution n'est pas arrêtée par des voies légales : et pourquoi? c'est que ce qui est jugé, ordonné par le magistrat, est présumé conforme à la loi, et n'en être qu'une fidèle application; c'est que le magistrat décide au nom du souverain, dont il n'est en cette partie que le délégué. Au contraire, l'arbitre, l'amiable compositeur surtout, n'est en aucune manière l'homme de la loi ni le préposé du souverain. Affranchi des formes judiciaires et des règles du droit positif, il est libre de ne consulter et de ne suivre que ses idées particulières, que les inspirations de sa conscience, qui ne sont le plus souvent que les préventions de son cœur ou les illusions de son esprit; aussi ses décisions n'ont-elles aucune autorité, aucune force coercitive. Simple individu, ne tenant sa mission que des parties qui l'ont choisi, il ne peut commander l'obéissance à ses décisions: son avis n'acquiert le caractère et la force d'un jugement, et l'exécution n'en peut être poursuivie, qu'après qu'il a reçu la sanction du magistrat.

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De cette différence entre les devoirs d'un magistrat et les attributions d'un arbitre, il suit évidemment qu'un juge sur son siége, et moins encore un tribunal, ne peut être choisi pour arbitre et amiable compositeur. Comment admettre en effet que le ministre de la loi soit libre d'en enfreindre les commandements? Comment admettre qu'un tribunal établi par elle, au lieu de rendre la justice aux parties d'après les règles du droit, puisse ne faire entre elles qu'une sorte de forfait, une transaction arbitraire? Comment croire, enfin, qu'il puisse faire servir le pouvoir dont la loi l'a revêtu à l'exécution d'une décision qu'elle réprouve? On De peut offrir décemment à des juges, pris individuellement, les fonctions d'arbitres et d'amiables compositeurs, sans manquer au respect qu'on doit à leur caractère; c'est leur proposer de renoncer à leur plus belle prérogative, qui consiste à rendre la justice au nom du souverain, et suivant les lois qu'il a promulgées; c'est leur proposer de déroger à leur titre d'autorité constituée, de descendre de la hauteur de leurs fonctions pour se rabaisser à des fonctions domestiques et privées, pour porter une décision qui n'aurait aucune force par soi-même, et qui, pour être exécutée, aurait besoin de la sanction d'un autre magistrat.

Aussi un grand nombre de lois anciennes avaient-elles interdit aux juges les fonctions d'arbitres. La loi 9, ff., De recept. qui arbit,, défend positivement au juge d'une affaire portée à son tribunal d'y statuer comme arbitre: Si quis judex sit, arbitrium recipere ejus rei, de quâ judex est, sive se compromitti jubere, prohibetur lege Julia.— Quand on pourrait soutenir qu'aujourd'hui des juges, pris individuellement, peuvent être choisis pour arbitres, du moins ces pouvoirs d'arbitres ne pourraient pas être donnés à des juges en corps, à un tribunal sur son siége; aussi, par l'art. 17 des lettres patentes du 13 déc. 1728, il avait été défendu aux officiers d'Artois d'accepter et de juger les arbitrages en corps (Rép., § 1). Ces principes, dictés par la raison et consacrés par des lois si positives, ne permettaient donc ni aux parties d'attribuer au tribunal de commerce les fonctions d'arbitres et d'amiables compositeurs, ni au tribunal de les accepter; et, comme l'a remarqué la cour de Paris, la décision qu'il a portée est un acte irrégulier qui n'offre ni les caractères d'une décision arbitrale ni ceux d'un jugement. Ce n'est pas une décision arbitrale, puisque cette décision est intitulée jugement, qu'elle a été prononcée sur le siége, en pleine audience, au nom du tribunal, et qu'elle a été rendue exécutoire par ce même tribunal au nom du souverain. Ce n'est pas un jugement proprement dit, puisque cette décision a été rendue par forme transactionnelle et amiable composition, et qu'en s'exprimant ainsi, les juges ont reconnu que les principes et les règles du droit n'avaient pas servi de fondement à leurs décisions.

nal de commerce eût été également incapable dans le cas où la simple qualité d'arbitre lui aurait été donnée sans l'adjonction de celle d'amiable compositeur? - « Oui, sans doute, dit-il, et par une raison sans réplique: c'est qu'alors il y aurait également eu dans les mêmes personnes, non-seulement cumul de la qualité permanente de juge et de la qualité passagère d'arbitre, mais encore exercice actuel et simultané des fonctions attachées à cha

On oppose les jugements d'expédient; mais on oublie que là ce sont les parties qui font elles-mêmes leur loi; les tribunaux n'interviennent en quelque sorte que pour donner acte de leur transaction. On oppose encore les décrets relatifs à Parme, à Gênes, etc.-Eh bien! soit. Qu'un magistrat puisse être pris individuellement pour arbitre hors de son tribunal, comme ami, comme homme privé dans une affaire dont il n'est pas saisi comme juge, cela peut se concevoir, cela peut être permis. Mais de là à notre espèce, la distance est immense. Enfin on ajoute qu'il est permis de renoncer à une prescription, et que rien n'empêche de renoncer à ce que des juges prononcent sur un différend. C'est une méprise; il n'y a nulle parité dans la comparaison; le motif d'ordre public la fait disparaître. Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.).

LA COUR;

Sur le premier moyen, tiré de la contravention à l'art. 639 c. com., en ce que la cour de Paris aurait reçu l'appel d'un jugement rendu en dernier ressort, du consentement des parties, et statué sur la demande en nullité des actes des 5 et 11 août 1812, qui renfermaient ce consentement; Attendu que, suivant l'art. 453 c. pr., les jugements qualifiés en dernier ressort sont sujets à l'appel, lorsqu'ils ont été rendus par des juges qui ne pouvaient prononcer qu'en première instance; qu'il résulte de cette disposition qu'avant de recevoir ou de déclarer non recevable l'appel du jugement du 14 août 1812, rendu par un tribunal de commerce, dans une affaire dont le capital excédait la valeur de 1,000 fr., la cour de Paris a pu et du préalablement apprécier l'exception sur laquelle on se fondait pour soutenir que l'appel n'était pas recevable, et juger si, comme on le prétendait, le tribunal avait été valablement autorisé par les parties à prononcer autrement qu'en première instance: examen préalable de la compétence du tribunal, qui n'était interdit ni par l'esprit, ni par la lettre de l'art. 639 c. com.;

Sur le second moyen, tiré de la violation de la loi du contrat ;-Attendu que, par les actes des 3 et 11 août 1812, qu'il faut apprécier suivant qu'ils ont été exécutés, les parties ont donné aux juges, et les juges ont en effet accepté le pouvoir de réunir les fonctions de juges à celles d'arbitres et d'amiables compositeurs ; Que cette réunion, à laquelle résistent toutes les convenances, était littéralement prohibée par les lois romaines, par les anciennes ordonnances et par diverses coutumes; Que les lois nouvelles n'ont, à cet égard, aucune disposition expresse, mais que, par cela seul qu'elles n'autorisent pas cette réunion de fonctions aussi essentiellement différentes que celles de juger et celles de faire des transactions, on doit conclure qu'elles Pont interdite aux juges qui, délégués par le souverain pour rendre la justice en son nom, ne peuvent pas dépasser les limites qu'il leur a tracées, et étendre au delà de ces limites les pouvoirs qu'il leur a confiés; - Que, d'ailleurs, les dispositions des codes de procédure et de commerce s'opposent évidemment à ce que cette réunion puisse jamais avoir lieu, notamment à raison de la diférence qu'elles établissent entre les juges et les arbitres, soit dans la forme de leurs jugements, soit dans les pouvoirs dont elles les ont respectivement investis; Dans la forme de leurs jugements, en ce que ceux des tribunaux sont rendus exécutoires par les juges dont ils sont émanés, tandis que les arbitres ne peuvent donner aucune autorité à leurs décisions, qui n'ont véritablement le caractère de jugements et ne sont exécutoires qu'après que le président du tribunal civil, au greffe duquel la minute de la décision arbitrale doit être déposée, l'a revêtue de l'ordonnance d'exequatur; Dans l'étendue des pouvoirs, en ce que l'art. 639 c. com. borne ceux des juges à la faculté de juger définitivement et en dernier ressort, du consentement des parties; tandis que, par l'art. 1019 c. pr., il est permis aux arbitres, lorsqu'ils y sont autorisés par les parties, de s'écarter des règles du droit pour prononcer comme amiables compositeurs;

Qu'il suit de là: 1° que la cour de Paris, bien loin d'être tenue d'ordonner l'exécution des actes des 5 et 11 août 1812, a dû déclarer les conven tions qu'ils renferment nulles, comme illicites et contraires au droit public, auquel il n'est jamais permis aux particuliers de déroger; 2a qu'elle a dů recevoir l'appel du jugement du 14 août, qui, à défaut du consentement valable des parties à être jugées en dernier ressort, n'avait pu être rendu qu'en première instance; 5° enfin, qu'elle a dû, en statuant sur cet appel, annuler ce jugement du 14 août, comme un acte informe, qui, ainsi que le porte l'arrêt dénoncé, n'offre ni les caractères d'une décision arbitrale, ni ceux d'un jugement; Par ces motifs, sans qu'il soit besoin d'obser ver sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'art. 1551 c. civ., que le jugement du 14 août, étant sujet à l'appel, n'avait pas acquis l'autorité de la chose jugée; Rejette, etc.

Du 30 août 1813.-C. C.. sect. civ.-MM. Cochard, pr.-Poriquet, rap.

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