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cette matière; car il est certain que tout compromis est rédigé avec l'intention qu'il sera déposé entre les mains des arbitres, puisqu'il trace les limites de leur mission.

405. La règle qui exige les doubles originaux est applicable, qu'il s'agisse de compromis entre associés, c'est-à-dire en matière d'arbitrage forcé, ou entre individus non associés : il doit y avoir double écrit dans un cas comme dans l'autre, car si l'arbitrage est commandé, le compromis ne l'est pas; c'est aussi l'avis de M. Merson, nos 22 et 26. - Et il a été jugé que le compromis passé entre plusieurs associés en un seul original, dont les arbitres n'ont pas constaté que le dépôt eût été fait entre leurs mains, est nul (Bourges, 23 janv. 1824, aff. Pera, V. ch. 12).

406. Et ce même arrêt exprime dans ses motifs qu'un seul original serait suffisant s'il avait été dressé procès-verbal par les arbitres de la remise qui leur en aurait été faite. C'est aussi, on vient de le voir, l'opinion que professe Toullier, parce qu'il voit là une exécution ou ratification couvrant la nullité du défaut de double original. Mais d'abord pour qu'une telle remise ait l'effet que Toullier lui accorde, il faut qu'elle ait eu lieu du consentement de toutes les parties, et il a été très-bien jugé: 1° que le compromis sous seing privé reçu par l'un des arbitres est valable, quoiqu'il n'ait pas été fait en autant de doubles qu'il y a de parties intéressées, lorsqu'il est resté en la possession des arbitres, du consentement de celles-ci, et qu'il a été déposé avec leur sentence au greffe du tribunal (Grenoble, 16 avril 1842)(1); 2o que l'exécution d'un compromis peut consister dans la remise de cet acte fait double, entre les mains des arbitres, du consen

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(1) (Berthier C. Catel.)— LA COUR; Sur la validité du compromis du 25 juin 1839; Attendu que le délai de trois mois à partir du jugement du tribunal de commerce de Saint-Marcellin, qui avait nommé les arbitres conformément à la convention verbale du 3 fév. 1858, était depuis longtemps expiré sans que les arbitres eussent statué, lorsqu'une prorogation de pouvoir, contenant toutes les énonciations nécessaires à la formation d'un nouveau compromis, fut signée par les parties le 25 jain 1839; Attendu qu'il est constant en fait que ce nouveau compromis a été reçu par l'un des arbitres; que l'acte sous seing privé qui le constate était entre ses mains lorsque Berthier, Gatel et Vincendon y apposèrent leurs signatures; qu'il est resté constamment en la possession des arbitres du consentement de toutes les parties, qu'il a été annexé à leur sentence et déposé avec elle au greffe du tribunal de Grenoble où elle se trouve aujourd'hui ; - Attendu que, si cet acte sous seing privé constate seulement qu'il a été fait double, au lieu d'énoncer qu'il a été dressé en triple original, il ne peut résulter de là aucun moyen de nullité;-Attendu, en effet, que la formalité du double ou triple original n'est exigée par le nouveau droit que pour rendre égale la position de chacune des parties, et empêcher que l'une n'ait entre les mains contre son adversaire un titre dont celui-ci serait privé, et que l'un des contractants ne soit ainsi maître d'annibiler ou d'exécuter à son gré la convention; - Mais attendu que ce danger ne peut exister quand l'acte sous seing privé, prorogeant l'arbitrage, est reçu par l'un des arbitres, mandataire de toutes les parties, et qu'il n'a jamais cessé de rester en la possession des arbitres jusqu'à ce qu'il ait été déposé avec leur sentence au greffe du tribunal; qu'en pareil cas, les chances des parties sont égales, toutes trouvant dans l'annexe du procès-verbal des arbitres une preuve suffisante de l'existence du compromis; que ce mode de procéder est autorisé implicitement par l'art. 1005 c. pr., qui permet de compromettre par procès-verbal devant les arbitres;-Par ces motifs, met l'appellation et ce dont est appel au néant; -Emendant et statuant par jugement nouveau, sans s'arrêter à l'opposition formée à l'ordonnance d'exequatur, déclare valable la sentence arbitrale; ordonne qu'elle sera exécutée.

Du 16 avril 1842.-C. de Grenoble, 1re ch. M. Legagneur, 1er pr. (2) Espèce (Fauvel C. admin. de la marine.) En 1832, il intervint entre les armateurs des ports de Saint-Brieuc, Saint-Malo, Granville et l'administration de la marine, un règlement d'administration publique sur la pêche de la morue. Il y fut stipulé une amende de 3,000 fr. contre tout armateur qui, à l'époque du tirage général des places, n'expédierait point le navire dont l'armement annoncé par lui aurait déferminé à son égard une concession de place, à moins qu'il n'en fût empêché par force majeure. Ce règlement, fait dans l'assemblée générale des armateurs réunis au port de Saint-Servan pour le tirage géneral des places de pêche à la côte de Terre-Neuve, fut consigné officiellement dans le procès-verbal de la séance. Ce même règlement établissait des juges arbitres amiables compositeurs, et à la décision desquels les parties furent Convenues de s'en rapporter en cas de contestation sur le payement de l'amende. Le 10 fév. 1853, M. Fauvel, négociant à Paimpol, déclara, conformément à l'art. 3 de l'ordonnance du 21 nov. 1821, vouloir participer au prochain tirage des places de pêche à occuper sur la côte de l'ile

tement et du fait même de chacune des parties (14 juin 1845, Nancy, 1 ch., Bastien C. Lerch; Bull. jurisp. de la cour de Nancy, no 290).

407. On a vu une exception à la règle qui exige autant d'ori. ginaux d'un compromis qu'il y a d'intérêts distincts : 1o lorsque les parties veulent, en parfaite connaissance de leur droit, que l'acte qu'elles souscrivent soit rédigé en un seul original destiné à rester entre les mains d'un tiers, et, par exemple, lorsque, souscrivant un compromis, elles déclarent qu'il a été fait en simple minute, du consentement des parties, pour rester entre les mains des arbitres en cas pareil, la nullité est couverte, s'il est certain que l'intention des parties a été fidèlement accomplie, et notamment si les arbitres ont déposé au greffe du tribunal ce compromis, en même temps que leur sentence, et si, dès lors, aucune des parties ne l'a eu en sa possesion, et n'a pu en abuser au préjudice des autres (14 juin 1813, Nancy, 1 ch., aff. Bastien C. Lerch; Bull. jurisp. de la cour de Nancy, no 290, 1o); 20 Lorsqu'un compromís entre divers cointéressés, et, par exemple, entre des armateurs pour la pêche de la morue, a été inséré dans un règlement d'administration publique, arrêté contradictoirement avec un agent de l'autorité: en cas semblable, un tel compromis est obligatoire, quoiqu'il n'ait pas été fait en autant d'originaux qu'il y avait de parties intéressées, et de nouveaux coïntéressés sont liés par le compromis, s'ils s'y sont soumis par acte fait double avec l'agent administratif qui y avait présidé (Rennes, 26 nov. 1835) (2).

408. D'après ce qui vient d'être dit, on pressent bien que

de Terre-Neuve, devant armer à cet effet le navire l'Aimable-Marie; il s'engageait, à défaut d'expédition de ce navire, à verser dans la caisse des invalides la somme de 3,000 fr. relatés ci-dessus, se soumettant à la décision de trois arbitres nommés par l'acte même du 10 fév. Cet acte fait double fut signé de Fauvel et du commissaire en chef de la marine. - Depuis, Fauvel, accusé d'avoir encouru l'amende, est traduit devant les trois arbitres convenus par le sous-inspecteur de la marine de SaintServan agissant au nom de la caisse des invalides. - comparut et fut condamné par sentence arbitrale du 5 janvier 1835, qui fut revêtue de l'ordonnance d'exécution à laquelle Fauvel déclara former opposition, Ses moyens sont retracés dans l'arrêt suivant, ainsi que la fin de nonrecevoir qu'on lui opposait.

ouverte :

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LA COUR; Sur la fin de non-recevoir, fondée sur ce que Fauvel était soumis à un arbitrage forcé contre lequel la voie de l'opposition n'est pas Considérant que c'est volontairement et librement que, dans le règlement sur la pêche de Terre-Neuve, les armateurs, réunis en assemblée générale, se sont soumis à faire juger, par des arbitres qu'ils ont nommés, les contestations qui pourraient s'élever sur l'amende imposée pour défaut d'expédition de navires aux places désignées par le sort; que cet arbitrage, purement volontaire, n'est devenu obligatoire que par le consentement des armateurs; que conséquemment la sentence arbitrale rendue contre Fauvel, en exécution de ce compromis, qu'il a accepté, n'est point résultée d'un arbitrage forcé; Au fond, et sur le premier moyen de nullité coté par l'appelant centre le compromis: Considérant que le compromis susdit est inséré dans un règlement d'ordre public arrêté contradictoirement avec des agents du gouvernement; qu'ainsi il n'avait pas besoin d'être mentionné fait en autant d'originaux qu'il y avait de parties intéressées; Que, dans sa déclaration de projet d'armement, Fauvel, pour être admis a participer au tirage des places, a donné son adbésion au compromis par acte fait en double original, dont l'un est entre ses mains et dont l'autre a été remis au commissaire en chef de la marine; que par cette adhésion, Fauvel a rendu le compromis commun et synallagmatique entre lui et la généralité des armateurs; que, d'ailleurs, el lors même que ce compromis n'eût pas été réciproquement obligatoire, la nullité qui aurait pu en résulter aurait été couverte par la comparution volontaire de Fauvel devant les arbitres; - Sur le deuxième moyen de nullité du compromis: Considérant, en premier lieu, qu'il est évident que l'amende dont il s'agit n'est point une peine publique dans le sens du code pénal, mais qu'elle est la réparation civile de l'inexécution d'une convention; en deuxième lieu, que, suivant ce qui a été établi ci-dessus, le compromis s'est formé entre les armateurs et Fauvel, et non entre celui-ci et le commissaire de la marine; que ce dernier, qui n'avait pas qualité pour y concourir, n'y a point concouru, et par conséquent n'a point contrevenu à l'art. 1004 c. pr.;-Sur le troisième grief, consistant à dire que le compromis était expiré quand la sentence arbitrale a été rendue :Considérant que le règlement est fait pour cinq ans ; que les arbitres nommés par ce règlement ne sont pas institués pour une moindre durée; qu'il s'ensuit que leurs pouvoirs leur sont conférés pour cinq ans; que, dút-il en être autrement, et le délai dans lequel ils auraient dû juger eût-il été expiré, la nullité opposée eût été couverte par la comparution de Fauvel

M.Toullier professe l'opinion aujourd'hui consacrée par les arrêts, que l'exécution du compromis emporte renonciation aux moyens et exceptions qu'on pourrait opposer contre cet acte; c'est aussi l'avis de MM, Pardessus, Droit com., n° 1390, et Carré, loc. cit. -En effet, la nullité résultant de l'art. 1325 n'est pas absolue; c'est un principe que pose surabondamment l'un des motifs de l'arrêt cité de la cour de Nancy, aff. Bastien, et qui résulte avec évidence de la disposition finale de l'art. 1338 c. civ., portant que l'exécution volontaire d'un acte vicieux en la forme emporte renonciation aux moyens et exceptions qu'on pouvait y opposer; c'est encore la remarque du susdit arrêt de Nancy qui juge, comme l'a exprimé Toullier, que l'exécution d'un compromis peut consister dans la remise de cet acte non fait double entre les mains des arbitres, du consentement bien entendu et du fait même de chacune des parties (Nancy, 14 juin 1845, 1re ch., aff. Bastien C. Lerch). V. Oblig. (preuve littérale).

409. Il a été jugé aussi dans le même sens: 1o que la nullité résultant de ce qu'il n'y a pas autant d'originaux que d'intérêts distincts est couverte par la comparution volontaire des parties devant les arbitres nommés (Req., 12 fév. 1812, aff. Morone, V. no 410; Cass., 15 fév. 1814, aff. Bonzi, V. eod.; Rennes,

devant les arbitres, après l'expiration du délai;-Sur le quatrième moyen, à savoir, qu'il aurait été prononcé sur chose non demandée et qu'il n'y avait pas de demandeur: Considérant que la sentence arbitrale constate que la demande avait pour objet le payement de l'amende stipulée pour le défaut d'expédition du navire l'Aimable-Marie à la place désignée par le sort, et que cette demande a été faite par le sous-inspecteur de la marine à Saint-Servan; - Considérant que ce sous-inspecteur avait qualité pour représenter la caisse des invalidês de la marine, et que celle-ci, aux termes de l'art. 1121 c. civ., réclamait l'amende stipulée à son profit par des tiers et qui lui a été allouée par la sentence; Par ces motifs, - Reçoit dans la forme l'opposition de l'appelant à l'ordonnance d'exécution de la sentence arbitrale rendue contre lui;—Au fond, le déclare sans griefs; Confirme, etc.

Du 26 nov. 1835.-C. de Rennes, 2 ch.-M. Cadien, pr.

(1) Espèce: (Reiffert C. Beckhard et Haymann.) Reiffert passe, sous le code de proc., un compromis avec les sieurs Beckbard et Haymann; l'acte n'est pas fait double, Reiffert en demande la nullité, ainsi que du jugement arbitral rendu en conséquence. Ses adversaires se retranchent dans l'exécution donnée au compromis, et résultant de la comparution et des dires des parties constatés par la sentence arbitrale. Jugement qui maintient le compromis. Appel par Reiffert. 11 dénie les prétendus dires et comparutions; il soutient que des arbitres sans pouvoir, attendu leur nomination irrégulière par un compromis nul, n'ont pas qualité pour constater ces dires et comparutions. - Arrêt.

LA COUB - Attendu que, si l'on examine le mérite du compromis et du jugement arbitral, on acquiert, d'un côté, la conviction que le compromis, fait par un acte sous seing privé, était vicié de nullité pour n'avoir pas été fait double, suivant le vœu de l'art. 1325 c. civ.; et, d'un autre côté, que dès lors que ledit acte de compromis était nul, l'huissier Mathieu n'avait pas été légalement investi du litre de juge-arbitre; qu'ainsi l'énonciation qui se trouve dans l'acte par lui rédigé, que les parties avaient comparu et pris leurs conclusions devant lui, ne les lie aucunement, puisqu'il n'avait point acquis à leur égard de caractère public; que l'on ne peut donc en faire résulter aucune fin de non-recevoir contre l'intimé Reiffert, etc.; Met l'appellation au néant; émendant, etc.

Du 15 nov. 1811. C. de Trèves.

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(2) 1 Espèce: (Antoine Morone C. son frère.)-Le 25 août 1809, Antoine et Jean-Baptiste Morone, frères, passèrent un compromis sur certaines questions qui les divisaient. Ce compromis, fait par acte sous scing privé, en un seul original, autorisait les arbitres à juger comme amiables compositeurs, en suivant toutefois les délais et les formes établis pour les tribunaux, aux termes de l'art. 1009 c. pr. Les parties se présentèrent devant les arbitres, et leur remirent les pièces qui servaient de base à leurs prétentions respectives. Le 4 nov. 1809, les arbitres ayant été en discord, nommèrent un tiers arbitre, suivant le pouvoir qui leur en avait été donné. Le 13 décembre suivant, le tiers arbitre vida le partage, et, le 19 du même mois, le jugement arbitral fut revêtu de l'ordonnance d'exequatur. - Opposition par Antoine qui demanda la nullité de la sentence. Le 14 juillet 1810, jugement du tribunal d'Acqui, qui le déboute de son opposition.

Appel par Antoine; il soutenait que les premiers juges auraient dû prononcer la nullité du jugement arbitral, puisque les arbitres n'avaient pas suivi les formes de la procédure, ainsi que cela leur était prescrit par le compromis et par l'art. 1009 c. pr., et que d'ailleurs le tiers arbitre avait rendu sa décision après le délai de trois mois accordé aux arbitres.

A ses deux moyens, il en ajoutait un troisième, fondé sur ce que le

26 nov. 1835, aff. Fauvel, V, no 407); -2° Qu'elle est couverte par les dires et comparutions des parties, constatés tant par le jugement arbitral que par les aveux positifs des parties (Turin, 12 mess. an 13, aff, Barberis, V. no 403). Ni la comparution, ni même la mention dans le jugement ne suffisent, à nos yeux, pour créer un titre probant d'exécution à l'encontre des parties; il faut leur signature ou celle d'un fondé de pouvoir spécial; autre ment la garantie manquerait, et il serait aisé de préparer, de consommer une spoliation au préjudice d'un particulier, qui, sans le savoir, pourrait se trouver engagé dans un arbitrage et lié par de prétendus dires qu'il n'aurait point faits. Aussi est-ce avco plus de raison qu'il a été décidé que la nullité résultant de ce qu'un compromis n'a pas été fait double n'est pas couverte par les dires et comparutions des parties devant les arbitres, alors. que ces dires et comparutions ne sont attestés que par ces arbitres ainsi irrégulièrement nommés (Trèves, 15 nov. 1811) (1). 410. Enfin il a été jugé que, lorsqu'un compromis n'a pas été fait double, l'exécution de cet acte ne couvre pas seulement le vice résultant du défaut de mention du nombre des originaux, mais encore celui qui résulte de ce qu'en réalité le compromis n'a pas été fait double (Req,, 12 fév. 1812; Cass., 15 fév, 1814) (2),

compromis, quoique fait par acte sous seing privé, n'avait pas été fait double. Il disait qu'à la vérité, il avait exécuté le compromis, en comparaissant devant les arbitres; que l'exécution couvrait bien la nullité résultante du défaut de mention des originaux (c. civ. 1328), mais non celle résultante de ce que le contrat n'avait pas été fait double.

Jean-Baptiste Morone répondait que, si l'art. 1009 c. pr. prescrit aux arbitres de suivre les délais et les formes établis pour les tribunaux, il n'entend pas néanmoins que la procédure soit commencée par un exploit d'ajournement, une constitution d'avoué et une signification de défenses; que les formes et les délais qu'il prescrit doivent sans doute être observés, lorsqu'il s'agit d'une instruction par écrit, d'une enquête ou de toute autre procédure semblable; mais qu'il est fort inutile de donner un exploit d'ajournement à celui qui se présente volontairement, et de constituer des avoués dans une affaire qui peut être jugée sans leur ministère; que, dans tous les cas, les parties ayant comparu volontairement devant les arbitres, et leur ayant elles-mêmes communiqué leurs pièces et leurs moyens de défense, avaient par cela même renoncé à toute formalité. Que, si le compromis ne fut pas fait double, la nullité résultante de cette omission fut couverte par l'exécution du contrat; que cela résulte de l'esprit dans lequel l'art. 1325 c. civ. a été rédigé, et de la lettre même de l'art. 1338.

Le 15 fév. 1811, arrêt de la cour de Gènes, 2 chambre, qui rejetto les moyens de nullité et ordonne l'exécution du jugement arbitral, par les motifs que voici : « Considérant que l'article du compromis, où il est dit que les arbitres suivraient les délais et les formes prescrits pour les tribunaux ordinaires, doit être entendu pour le cas qu'il y aurait lieu à une procédure, ou à une instruction par écrit, ou à la formation d'une enquête, ou autres semblables; il ne peut être interprété en ce sens que l'une des parties doit commencer par un exploit d'ajournement, une constitution d'avoué, et que l'autre doit constituer un avoué, et faire signifier ses défenses dans les délais fixés par le code judiciaire; que cette intelligence résulte de ce que les parties compromettantes ont commencé dans le compromis par s'engager de présenter elles-mêmes leurs moyens, notes et comptes respectifs, et par autoriser les arbitres à les examiner, et à rendre le jugement arbitral, même comme amiables compositeurs ; el d'ailleurs, elle résulte encore de ce qu'il est invraisemblable que les par ties aient voulu s'engager aux frais indispensables à l'observance de telles formalités; que, d'ailleurs, puisque le compromis qui doit désigner l'objet du litige tient lieu d'ajournement, et les parties en effet ont comparu par-devant les arbitres, et ont présenté elles-mêmes leurs moyens et pièces respectifs; par là, quand même l'on pourrait dire qu'elles se soien→ engagées dans le compromís à suivre les formes des ajournements, il faut drait convenir qu'elles y ont ensuite renoncé;

» Considérant que, par l'art. 1325 c. civ., 1a alinéa, il a été pourvu à l'intérêt des parties contractantes par acte sous seing privé dans les con ventions bilatérales, afin que chacune des parties fournie d'un original de l'acte puisse contraindre l'autre partie à exécuter l'obligation de sa part, sans qu'aucun des contractants, dépourvu de l'original de l'acte, soit au risque d'être dupe de l'autre partie, qui, l'ayant en son pouvoir, pourrait impunément l'anéantir; qu'en effet, puisqu'il n'y a rien à craindre parmi ceux qui ont le même intérêt dans l'acte, ledit article, deuxième alinéa, a déclaré qu'il suffit d'un seul original entre eux; Que le troisième alinéa du même article, par la mention qu'il ordonne des originaux faits, a pourvu à la preuve du nombre des originaux nécessaire; preuve qui, d'ailleurs, aurait été très-difficile, soit parce que, s'agissant d'actes sous seing privé qui se passent confidentiellement entre les parties, l'autre d'icelles pourrait aisément nier en tenir un original auprès d'elle, soit en

- Ce n'est pas ici le lieu de rechercher si la fin de non-recevoir de la disposition finale de l'art. 1325 n'est pas contraire à l'essence même de l'acte synallagmatique, puisqu'il en résulte que la partie qui a exécuté un acte se trouve irrévocablement liée,❘ vue de ce qui est prescrit par l'art. 1341 dudit code sur la preuve testimoniale; qu'ainsi, le dernier alinéa dudit article, en déclarant que le défaut de mention des originaux nécessaires ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l'acte, déclare en substance que celui qui a exécuté de sa part la convention ne peut opposer le défaut de preuve du nombre des originaux, prescrit par le premier alinéa ci-dessus; que si le défaut de mention, qui vaut le défaut de preuve, ne peut être opposé par celui qui a exécuté l'acte, il est bon de dire que la preuve est présumée par l'exécution et vis-à-vis de celui qui a exécuté; que cette présomption, dans l'espèce, n'est pas détruite par une preuve contraire; que, d'ailleurs, elle empêche d'attaquer l'acte exécuté, soit pour défaut de mention, soit pour défaut des originaux doubles, triples, etc.; car si celui qui a exécuté l'acte pouvait se taire sur le défaut de mention et opposer le défaut du double original, il parviendrait, par un changement de mots, au même but, d'attaquer l'acte par lui exécuté, et de rétracter l'exécution qu'il en a faite. En outre, puisque, d'après l'art. 1338, l'exécution de l'acte emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre l'acte même, on ne peut restreindre l'effet de l'exécution de l'acte au défaut de la mention qui ne se trouve dans l'acte ;

» Que, pour restreindre la renonciation portée par l'exécution de l'acte au défaut de mention des originaux doubles, il faudrait supposer que la mention des originaux fût prescrite sous peine de nullité, et que le défaut de mention pût entraîner la nullité de l'acte, quoique fait au nombre des originaux prescrits par l'article; car ce serait en vain que, par l'exécution, on couvrirait le défaut de mention, si ce défaut ne pouvait entraîner la nullité de l'acte; que, par l'art. 1325, la mention des originaux n'est pas prescrite sous peine de nullité, l'article ne le dit pas; et on trouve, d'ailleurs, que le législateur, lorsqu'il a voulu prescrire une forme sous peine de nullité, s'en est ouvertement expliqué, comme dans les art. 1001, 2185, dernier alinéa, et plusieurs autres du même code; et dans le code de procédure, art. 1030, il a établi en règle que les actes dont, en ce dernier code, ne pourront être déclarés nuls, si la nullité n'est pas formellement prononcée par la loi; qu'ainsi l'acte fait au nombre des originaux prescrits par ledit art. 1325, premier alinéa, serait valable, quoiqu'il manquât de la mention ordonnée par le troisième alinéa du même article; et par là on ferait inutilement cesser, par le dernier alinéa de l'article, l'exception du défaut de mention; —Que si l'art. 1325, premier alinéa, dit que les actes sous seings privés bilatéraux ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits, etc., il ne dit pas qu'on ne pourra renoncer par l'exécution volontaire à l'exception de nullité, conformément à l'art. 1338, et par-là ces articles sont aisément rapprochables entre eux; - Qu'en disant, le dernier alinéa dudit art. 1325 « que celui qui a exécuté l'acte de sa part ne peut opposer le défaut de mention des originaux faits doubles, il ne dit pas qu'il pourra opposer le défaut de ces originaux, et ne pourrait cela y entendre que par argument à contrario sensu; Que cet argument à contrario sensu cesse d'avoir sa force : 1° lorsqu'en l'admettant la disposition deviendrait presque inutile; 2. lorsqu'il y a une autre disposition qui, dans sa généralité, embrasse le cas dont le législateur n'a pas parlé, et qu'il n'y a pas de raison pour exclure l'influence d'une disposition sur l'autre;

-

» Qu'en supposant refusée par le dernier alinéa de l'art. 1325, l'exception du défaut de mention, et conservée l'exception du défaut des originaux non faits doubles, la disposition demeure presque inutile, parce que, si tous les originaux nécessaires existent, ils sont valables sans la mention, et par là c'est inutile, dans ce cas, de faire couvrir par l'exécution le défaut de mention: et si le nombre des originaux est manquant, l'acte est annulé faute des originaux nécessaires, et il est inutile alors de faire cesser l'exception du défaut de mention; - Qu'il n'y a pas de raison pour refuser au dernier alinéa de l'art. 1338 toute influence sur le premier alinéa de l'art. 1325; car si l'exécution volontaire, d'après l'article 1338, porte, en général, renonciation aux moyens et exceptions qu'on pouvait opposer contre l'acte, quel qu'en soit le vice, pourquoi ne porterait-elle renonciation à l'exception de nullité que l'on pouvait opposer contre l'acte à cause d'en avoir été fait un seul original?

» Qu'il y a, au contraire, une raison plus forte pour admettre la renonciation à l'exception du défaut des originaux doubles, parce qu'après l'exécution, il est indifférent que les originaux de l'acte exécuté aient été ou n'aient pas été faits doubles, il n'y a plus rien à craindre là-dessus, et les droits des parties au fond ne sont point lésés;- Qu'en l'espèce de compromis sous signature privée dont il s'agit, un original doit être communiqué aux arbitres, afin qu'ils puissent reconnaître les pouvoirs à eux conférés et s'y conformer, et par là une au moins des parties compromettantes doit nécessairement demeurer dépourvue de son original; pourtant la loi ne l'en empêche point, et elle ne dit point qu'on fasse un original de plus pour les arbitres; Qu'ainsi, après que le compromis sous signature privée est passé és mains des arbitres, les varties, ou au moins une d'icelles,

tandis que la partie adverse ne l'est point, et avait peut être l'intention de ne point se lier et de proposer la nullité, dans le cas où la sentence aurait été rendue contre elle : c'est dans le traité des Obligations que ce point sera apprécié. A l'égard de la distinc

-

est dépourvue de l'original, soit qu'il ait été fait double, soit qu'il ait été fait simple; et, puisque alors les parties sont dans le même état et au même niveau, soit dans un cas comme dans l'autre, il n'y a plus de raison, après cette époque, d'annuler le jugement arbitral faute d'avoir été fait le compromis en double orignal; — Qu'enfin, d'après les deux art. 1525 et 1338 c. civ., dont le premier a pourvu à la sûreté des contractants par acte sous seing privé, ordonnant que l'on fasse autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct, et le second, pour épargner au possible les frais et litiges aux parties, a établi en règle que l'exécution volontaire emporte renonciation aux moyens et exceptions qu'on pouvait opposer contre l'acte exécuté; l'interprétation qui admet l'influence de l'article second sur le premier porte au but envisagé par le législateur, savoir, de conserver les actes d'exécution volontaire faits par les parties, de trancher les litiges, et d'empêcher, en l'espèce de compromis, que l'un des compromettants, après avoir fait toutes les démarches par-devant les arbitres, ne se réserve, avec abus et mauvaise foi, d'attaquer, faute de double original du compromis, le jugement arbitral, si et en cas qu'il ne soit pas conforme à ses désirs.»Pourvoi d'Antoine Morone. Arrêt.

LA COUR;

Attendu que l'arrêt altaqué n'a fait qu'une juste application de l'art. 1325 c. civ., en décidant que la comparution du demandeur devant les arbitres, sans aucune réclamation de sa part, équivalait à une exécution du compromis qui le rendait non recevable à en demander la nullité; - Rejette, etc.

Du 12 (et non du 13) fév. 1812.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pâPajon, rap.-Sirey, av.

2o Espèce :-(Antoine Bonzi C. son frère.)- Le 30 juillet 1806, compromis sous seing privé entre Louis et Antoine Bonzi frères. Il n'est pas mentionné dans l'acte qu'il en ait été fait deux originaux; il a méme été convenu que les parties n'en avaient fait qu'un seul. — Le 26 nov., Louis Bonzi présente le compromis aux arbitres, tant en son nom qu'au nom de son frère, et proroge même le délai qui leur avait été accordé pour rendre leur jugement. — Les arbitres acceptent le mandat qui leur est confié de juger en dernier ressort et sans observer les formes judiciaires; lo sieur Capelloti, notaire, que les parties avaient pris pour greffier, reçoit l'acte d'acceptation et de prorogation du délai. — Le 26 janv. 1807, jugement arbitral. Louis Bonzi forme opposition à l'ordonnance d'exécu tion, et demande la nullité du jugement, attendu que le compromis n'a pas été fait double.— Antoine répond qu'un acte ne doit être fait double que dans le cas où les parties ont un intérêt distinct et séparé, et qu'un compromis n'attribuant par lui-même aucun droit proprement dit à une partie sur l'autre, l'art. 1325 n'est pas applicable; que, d'ailleurs, en supposant que l'inexécution des règles prescrites par cet article rende une convention nulle, la nullité ne pourrait être opposée que par celui des contractants qui n'aurait pas reçu un double de la convention, et qu'enfin Louis n'était pas fondé à se plaindre, puisqu'il avait lui-même exécuté ou fait exécuter le compromis. Le 26 fév. 1808, jugement qui déboute Louis de son opposition.

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Appel par Louis Bonzi. —Il faut distinguer dans l'art. 1325, dit-il, deux dispositions: 1° tout acte synallagmatique doit être fait en autant d'originaux qu'il y a d'intérêts distincts; 2o chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux. Enfin, l'article ajoute que le défaut de mention que les originaux ont été faits doubles, triples, etc., ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention. Or, que résulte-t-il de là? que c'est le défaut de mention seul qui est couvert par l'exécution, inclusio unius est exclusio alterius. En effet, comme la mention du nombre des originaux n'est exigée que pour prouver que chacun des contractants a retiré le sien, et que cette preuve peut être acquise par d'autres moyens, le législateur n'a pas voulu que celle des parties qui aurait exécuté la convention, et qui, par là, aurait témoigné en avoir un double, pût se plaindre de ce que la mention du nombre d'originaux nécessaire n'aurait pas été faite, et c'est pour ce cas qu'il a dit que le dé faut de mention ne peut être opposé par celui qui a exécuté; mais quand il est constant que le nombre d'originaux n'a pas été fait, toute présomption cesse, l'acte est nul, puisque l'une des parties reste sans moyen de contraindre l'autre, et la nullité ne peut être couverte par le consentement des parties. Cela résulte de ce qu'une convention qui n'oblige pas les deux contractants n'est obligatoire pour aucun d'eux; ce principe, qui est professé par Pothier, des Oblig., part. 1, ch. 1, art. 7, et que consacrent les art. 1101, 1102, 1108 c. civ, ne reçoit qu'un petit nombre d'exceptions. On oppose l'art. 1338; mais, 1o il ne s'applique pas au cas du défaut de doubles, triples, etc.; c'est l'art. 1325 lui-même qui a prévu ce cas; 2o l'art. 1338 ne s'applique qu'au cas où l'éxécution détruit le vice qui opère la nullité de l'acte. C'est ainsi que l'exécution que donne un incapable à l'obligation qu'il a contractée ne la rend pas valable, parce qu'elle laisse subsister le vice originaire: il en est de même de l'obligation nulle pour défaut de lien.

tion qu'on a essayé d'établir entre le cas où, dans la réalité, il n'a pas existé autant d'originaux que de parties ayant un intérêt distinct, et celui où, ces originaux existant, ils sont privés de la men

Antoine Bonzi répond que l'argument à contrario, inclusio unius est exclusio alterius, est la plus trompeuse de toutes les manières de raisonner; que l'art. 1338 est général; qu'on ne peut admettre qu'il y ait exception pour le cas dont il s'agit; qu'il n'est pas vrai qu'une convention soit nulle parce que l'autre partie pourrait en détruire l'effet à son gré, et que l'art. 1125 donne un démenti à cette assertion trop générale. Mais ici, dit-il, les parties ne sont pas dans une pareille position. Il est faux d'avouer que l'existence d'un seul original, lorsqu'il est constant qu'il n'en a pas été fait plusieurs, donne à la seule personne détentrice de l'original unique le droit d'en forcer l'exécution. Dans cette espèce, au contraire, ce droit ne lui appartient pas : car la partie qui n'a pas reçu d'original peut toujours se soustraire à l'exécution de la convention, en excipant de la nullité résultant de ce défaut d'originaux; tandis que, si elle ne veut pas opposer cette nullité, la représentation de l'original, qui est faite par son adversaire, lui donne le droit de se prévaloir de la convention et d'en exiger l'observation entière. Ce n'est plus alors de l'acte écrit que les parties tirent les moyens réciproques de se contraindre à l'exécution de leurs conventions : c'est de l'aveu respectifqu'elles font que ces conventions existent. Prétendre que cet aveu mutuel ne doit pas l'emporter sur l'irrégularité de l'acte écrit, ce serait soutenir que l'écriture est de l'essence des conventions, ce qui est formellement contredit par la doctrine, et même par l'art. 1108 c. civ., qui n'exige que quatre conditions essentielles pour la validité des conventions, parmi lesquelles n'est pas la rédaction d'un acte écrit. L'écriture n'est qu'un mode de constater la convention; elle n'en constitue pas l'essence. - Enfin, il n'est pas non plus de l'essence des contrats synallagmatiques d'être faits en plusieurs originaux, quoique sous seing privé; car le code nous fournit un exemple d'actes qui ne peuvent être réputés qu'actes privés, et qui cependant ne sont qu'en un seul original ce sont ceux qui, rédigés par des officiers publics, sont nuls comme authentiques, par défaut de forme ou par l'incompétence de l'officier qui les a reçus, et qui sont déclarés par la loi valoir comme écriture privée.

Le 12 déc. 1810, arrêt de la cour de Gênes, 1re ch., qui déclare nul le compromis, ainsi que le jugement arbitral, par les motifs suivants : «Attendu, en droit, que, d'après la disposition littérale de l'art. 1325 c. civ., les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques (tels qu'un acte de compromis, qui, dans ses rapports entre les parties, contient une véritable convention bilatérale) ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct, et qu'ils contiennent la mention du nombre des originaux qui en ont été faits;-Qu'ainsi, d'après le texte de la loi, si clair et précis, il n'y a pas de doute que l'acte de compromis passé entre les deux frères Bonzi est nul, faute d'avoir été rédigé en deux originaux, et de contenir la mention d'avoir été fait double; — Attendu que défaut seul de mention du nombre des originaux ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l'acte, comme il résulte de la disposition ponctuelle du § 4 dudit art. 1325, et qu'ainsi l'exécution postérieure prêtée par l'une des parties à l'acte de compromis, qui n'a pas été passé par double original, ne pourrait le convalider sans étendre la disposition de la loi, et sans ajouter à sa lettre, la seule que l'on doit consulter, lorsqu'elle présente un sens clair et absolu; - Que de la rubrique du paragraphe dans lequel l'art. 1325 est classé, et des dispositions contenues en ce même article, il est aisé de s'apercevoir que le législateur s'est occupé des actes sous seing privé, des formes particulières nécessaires pour la validité des conventions synallagmatiques faites sous seing privé, et qu'il a spécialement prévu le cas où le défaut d'une de ces formes aurait pu se couvrir par l'exécution volontaire; - Que ce serait blesser les règles les plus saines d'interprétation, ce serait vouloir être plus sage que la loi même, que de prétendre trouver une identité de raison dans les motifs qui ont déterminé le législateur à porter une exception à la règle générale par lui posée, et à conserver le silence dans les autres cas, et prétendre de puiser dans cette prétendue identité de raison un motif pour étendre la disposition de la loi d'un cas à l'autre, d'un cas qu'il a spécifiquement désigné à un autre; que les paroles desquelles il s'est servi nous apprennent suffisamment qu'il n'a pas voulu le comprendre, ni tant moins se rapporter à cet égard aux règles générales des conventions; Qu'au surplus, si l'on veut se pénétrer de l'esprit de la loi, il n'est pas difficile de se persuader que la sanction des dispositions de l'article précité dérive de la nature même des conventions synallagmatiques; savoir, que toutes les parties doivent demeurer respectivement liées dès l'instant de la convention, et que la seule possibilité que l'une ou l'autre des mêmes parlies puisse, par suite, s'en départir, ou être privée du droit de faire valoir leurs engagements, a motivé la nullité d'une telle convention, laquelle est censée n'avoir jamais existé, par cela seul que, dès son origine, l'acte de convention n'était pas obligatoire à l'égard de toutes les parties; Qu'en vue des principes ci-dessus posés, il est sensible que, comme dans l'espèce, un seul original a été fait du compromis, et que ce compromis ainsi passé dès le jour 30 juill. 1806 n'a été retenu dans un dépôt public

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tion du fait double ou triple, cette distinction, qu'on a voulu accréditer afin de restreindre la fin de non-recevoir de l'art. 1325 au dernier cas, c'est-à-dire à celui où on a simplement omis la men

qu'au jour de son dépôt au greffe du tribunal civil de Plaisance, fait le 29 janv. 1807; qu'ainsi, jusqu'à cette époque, il est demeuré en pleine faculté de la partie à laquelle il fut confié de le présenter ou non aux arbitres, de poursuivre ou non son exécution, de le supprimer; que celle-ci, en un mot, en était maîtresse absolue dès l'origine de sa passation; il est sensible, disons-nous, que si, du moment de sa passation, l'acte n'était pas obligatoire pour toutes les deux parties, s'il n'était pas en leur pouvoir commun de le faire exécuter, un tel acte, comme nul dans son commencement, puisse dépendre de la volonté de l'une des parties seulement à le rendre valable ou non par la suite, d'en consentir l'exécution ou de s'y refuser;-Que ces motifs, qui reçoivent leur pleine application au cas où un acte synallagmatique fait sous seing privé n'a pas été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct, cessent à l'égard de l'acte authentique, lequel nul, comme tel, peut, lorsqu'il est revêtu de la signature des parties, valoir, dans certains cas, comme écriture privée, quoique contenant une convention synallagmatique, et quoique non fait double, triple; - Car, dès le moment de sa stipulation, il a été confié à un officier public; il a été, dès son origine, remis à un dépositaire public duquel les parties pouvaient, à leur gré, en obtenir copie; et, au surplus, au moment de sa passation, les parties avaient l'intention de s'engager par le moyen d'un acte authentique, elles ne pouvaient prévoir qu'il pût être nul comme tel, qu'il devait être, dans ce cas, rédigé par double. D'ailleurs, le législateur a manifesté clairement sa volonté à cet égard, il en a parlé expressément, soit dans la loi du 25 vent. an 11, soit dans l'art 1318 c. civ. ; et en outre, les discussions tenues au conseil d'État, relativement à l'acte authentique, nous en indiquent le motif; savoir que (dit M. Tronchet), lorsqu'un acte est retenu dans un dépô. public, il n'y a plus de raison pour qu'il soit fait double, puisqu'il n'est plus à la disposition d'une seule des parties; - Dans notre espèce, l'acte, dès son origine, a été confié à l'une des parties; il n'a été déposé chez un officier public que longtemps après; il est resté à la disposition d'une seule des parties, puisqu'il était un acte privé fait en un seul original; et ces motifs suffisent, aux yeux de la loi, pour le rendre nul; car, on le répète, dans les conventions synallagmatiques, l'acte qui renferme les engagements des parties doit être obligatoire à l'égard de toutes, dès l'instant de sa passation; et l'exécution donnée par l'une des parties ne le rend valable que dans le cas où chacune d'elles avait, au moment de sa stipulation, la faculté de contraindre l'autre à son exécution, dans le cas, en un mot, spécifié par la loi, et non autrement; — Attendu, d'ailleurs, que les faits d'exécution du compromis, de la part de l'appelant, ne sont que le résultat de l'acte même, puisque les arbitres étaient autorisés à prononcer leur jugement (*): Senza veruna instanza e produzione delle parti, che acconsentono che sin d'ora s'intendano monite alla prolazione del lodo, e che l'affare sia istrutto da questo stesso tenore del compromesso; et puisque la présentation faite par le même appelant aux arbitres, du compromis précité, ne pouvait avoir lieu que de lui-même, qui, le retenant, retenait aussi la faculté de le présenter ou non; et qu'ainsi, la nullité de ce compromis, posée dans son commencement, tous les actes qui s'en sont suivis demeurent infectés du même vice, et ne peuvent le rendre valable; - Attendu, enfin, que posée la nullité du compromis susénoncé, par les motifs que l'on vient de développer, se rend inutile toute discussion sur le mérite des autres nullités objectées au jugement arbitral qui en a été la suite. »Pourvoi d'Antoine Bonzi, pour violation de l'art. 1325. Arrêt.

LA COUR; Vu le § 1 de l'art. 1325 et le § 3 de l'art. 1338 c. civ. Et attendu qu'aux termes du dernier de ces articles, l'exécution volontaire des conventions emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on aurait pu opposer aux actes qui les contiennent; Que cotto disposition générale est applicable à tous les cas, à moins d'une exception expresse; Qu'il n'en existe point par rapport aux actes privés et synallagmatiques non écrits en autant d'originaux qu'il le faut; - Qu'on ne peut pas même l'induire du silence de l'art. 1325 cité, sur l'effet de l'exécution volontaire de ces actes; Qu'au contraire, le motif de la disposition finale de cet article s'applique tout aussi bien au défaut réel du nombre des originaux prescrits, qu'au défaut de mention de ce nombre ; Qu'il est constaté, par l'arrêt attaqué, qu'il y a eu, de la part du défendeur, exécution volontaire de l'acte de compromis; Qu'ainsi la nullité de cet acte résultante du défaut de doubles originaux était couverte à son égard, et qu'elle n'a pu être prononcée par l'arrêt attaqué que par fausse application de la première partie de l'art. 1325, et par violation expresse de la troisième partie de l'art. 1338 c. civ.; Casse.

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Du 15 fév. 1814.-C. C., sect. civ.-MM. Moure, pr.-Avemann, rap.Mailhe et Leroy, av.

(*) Sans aucune formalité d'instance ni de production de la part des parties, lesquelles ont déclaré que, dès à présent, elles se tenaient pour averties de la prononciation de la sentence arbitrale, voulant que l'affaire fût instruite d'après l seul exposé du compromis.

tion, nous paraît reposer sur une véritable subtilité. Qu'importe | que la nullité résulte de l'une ou de l'autre de ces circonstances, dès que, devant l'exécution, le législateur faisait disparaître la considération qui se tire du défaut de liens réciproques? Qui ne voit d'ailleurs qu'il existe ici une équivoque manifeste, que le législateur n'a dû prévoir en effet que l'absence de mention du nombre des originaux, parce que la partie qui a intérêt à opposer cette nullité ne manquera jamais de retenir ou de supprimer son double; aussi M. Toullier, t. 8, no 333, après avoir parlé des arrêts qu'on recueille ici, ajoute-t-il « Prenons donc pour maxime constante que l'exécution des actes synallagmatiques non faits doubles couvre non-seulement le défaut de mention de leur nombre, mais encore le défaut de les avoir faits doubles. »V. no 415. 411. L'art. 1325 c. civ. est-il applicable à la prorogation du délai de l'arbitrage comme au compromis fui-même, et cette prorogation, lorsqu'elle a lieu par acte sous seing privé, doit-elle être faite en autant d'originaux qu'il y a d'intérêts distincts? L'affirmative paraît certaine, puisque l'expiration du délai met fin au compromis, et que la prorogation est le seul acte qui le désormais les parties et donne une mission aux arbitres. C'est aussi en ce sens que la question a été jugée (Bourges, 14 juill, 1830, aff. Labrousse, V. no 443).

412. Cependant, il a été jugé que, lorsqu'une première prorogation de compromis a été faite en double, et que, sur l'une des copies restée entre les mains des arbitres, est souserite une nouvelle prorogation non faite double, il ne résulte pas de cette absence de double écrit, dans la seconde prorogation, une nullité (Florence, 3 juin 1811) (1). — Mais la rigueur du droit ne nous semble pas admettre cette solution : la signature des parties ne suffit point seule pour la perfection des conventions synallagmatiques; et tel est bien manifestement le caractère de la seconde prorogation qui avait eu lieu dans l'espèce. Est-ce à dire cepen

(1) Espèce :-( Palamidessi C. Lavagna. )- Le 27 avril 1810, compromis sous seing privé entre Palamidessi et Lavagna, qui accorde aux arbitres un mois et demi pour prononcer. Ce délai est successivement prorogé le 10 juin par un acte fait double, et, le 6 août, par une mention faite à la suite de l'une des copies de l'acte du 10 juin qui se trouvait entre les mains des arbitres.-Le 17 août, jugement arbitral favorable à Lavagna.

Opposition à l'ordonnance de la part de Palamidessi qui a demandé la nullité du jugement, 1° en ce que la seconde prorogation n'avait pas été rédigée double, aux termes de l'art. 1325 c. civ., bien qu'elle renfermåt une convention synallagmatique; 2° qu'elle n'était pas revêtue de la formalité de l'enregistrement lorsque fut rendu le jugement arbitral; 3° qu'elle n'était pas mentionnée dans ce jugement, quoiqu'à l'époque où il intervint, le délai prorogé le 10 juin fût expiré. Le 20 sept. 1810, jugement qui rejette cette demande: « Considérant que l'acte de prorogation du 6 août était connu des arbitres, puisqu'il se trouvait à la suite du premier acte de prorogation du 10 juin énoncé dans leur jugement;-Considérant que la loi du 22 frim. an 7, qui défend aux juges et aux arbitres de prononcer sur des actes non enregistrés, ne prononce pas, en cas de contravention à cette disposition, la nullité des jugements, mais soumet seulement ceux qui les ont rendus au payement du droit des actes non enregistrés;-Considérant que, dans l'espèce, les arbitres ayant fait implicitement usage de la prorogation dont il s'agit, sans la mentionner dans leur jugement, ils ne peuvent être punis plus sévérement que s'ils s'étaient expressément fondés sur cet acte;-Considérant que, même dans la supposition où les arbitres n'auraient pas eu connaissance de la prorogation du 6 août, par cela seul que les parties avaient consenti cette prorogation, c'est comme si elles étaient formellement convenues de se soumettre au jugement qu'ils rendraient après l'expiration du compromis; qu'ainsi, elles seraient non recevables à se plaindre de ce que l'acte portant cette prorogation n'a été ni enregistré, ní énoncé dans le jugement des arbitres;-Considérant que la preuve du consentement des parties à la prorogation résulte, d'ailleurs, de leur présence lors de la prononciation du jugement le 17 août..... sans se plaindre d'aucune nullité ni excès de pouvoirs;-Considérant qu'il s'agit de contestations sur lesquelles, d'après l'esprit du code, on doit prononcer ex æquo et bono; et qu'ainsi, lorsque le consentement respectif des parties est prouvé, on ne peut admettre l'une d'elles à se dégager, par des sublilités, d'une obligation légitime; - Considérant que ce qui vient d'être dit s'applique à l'exception de nullité résultante de ce que l'acte du 6 août n'a pas été fait double; d'autant que cet acte fut déposé entre les mains des arbitres, et qu'on ne peut présumer aucune mauvaise foi ni dans l'une ni dans l'autre des parties. Appel par Palamidessi. — Arrêt.

LA COUR; Quant au prétendu moyen de nullité, résultant de ce que les arbitres n'ont pas énoncé d'une manière expresse, dans leur jugement, la dernière prorogation du 6 août 1810; considérant que cette prorogation se trouvant à la suite de l'acte du 10 juin cité dans le jugement, on ne

dant que, si un arbitrage a été accompli régulièrement, notoire ment par les parties à la suite d'une prorogation incomplète, tout ce qui aura été fait doive être atteint de nullité, par cela qu'aucune preuve écrite ne se trouvera dans les actes ou dans la sentence qui mentionne leur participation constante aux opérations des arbitres? Nullement; la signature pourraît, en cas pareil, former un commencement de preuve par écrit que des présomptions carroboreraient aisément, si l'arbitrage avait eu en effet et la durée et l'espèce de notoriété que doit faire supposer une double prorogation.

413. Il a été jugé aussi qu'en admettant que l'acte de prorogation d'un compromis doive, à peine de nullité, être faft double, cette nullité serait couverte par l'exécution que les parties auraient donnée à cet acte, en comparaissant devant les arbitres après la prorogation, soit pour y proposer leur défense, soit pour entendre la lecture du jugement (Req., 7 fév. 1826, aff. Billout, V. no 315; Toulouse, 6 août 1827, aff. Viguier, rapp. infrà avee Parrêt du 17 nov. 1830).-La comparution, la présentation d'une défense, et même le seul fait de se présenter volontairement pour entendre la lecture d'une sentence, peuvent être considérés comme des fails suffisants d'exécution, susceptibles de couvrir l'absence de double original de la prorogation: c'est ce que nous avons dit plus haut en parlant du compromis non fait double; mais la vérité de ces actes doit être certifiée par la signature des parties ou par celle de leurs mandataires.

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peut douter que les arbitres n'en eussent connaissance, et que leur intention ne fût d'en faire usage; que lorsque les arbitres ont déclaré prononcer en vertu d'un compromis prorogé, et dans les termes de cette prorogation, l'omission d'énoncer l'acie par lequel elle a eu lieu, ne peut fournir un moyen de nullité, ni d'aprés la lettre, ni d'après l'esprit de la loi; adoptant,au surplus les motifs des premiers juges; met l'appellation au néant, Du 3 juin 1811.-C. de Florence, 1re ch.

(2) (Broglia et Porta C. Blandin. ) — La Cour; • Considérant, pour ce qui concerne la nullité de l'acte de compromis du 4 brum. an 15, pour défaut de triple original, que Porta et Broglia, le premier en qualité de débiteur principal, le second comme garant solidaire envers Flandin, n'étaient et ne pouvaient étre, vis-à-vis de celui-ci, considérés que comme une seule personne ayant un même intérêt; que l'ordre et le consentement donné dans le compromis par Broglia, d'hypothéquer spécialement, pour une plus ample sûreté de la créance de Flandin, les deux cassines par lui possédées sur le territoire de Casalborgones, n'aurait pu apporter un changement ni induire une distinction d'intérêt dans l'obligation par lui contractée solidairement avec Porta; qu'en conséquence, le compromis dont il s'agit ayant été fait par double original, il n'est pas douteux qu'il n'ait été redigé au gré de l'art. 1525 du code ci-devant cité; - Consi dérant que la seule nullité du compromis pour vice de forme pouvant entraîner la nullité du jugement arbitral, et dans le compromis dont est cas, les parties ayant renoncé expressément à l'appellation, à la révision et jusqu'au recours en cassation, les vices de forme, pour lesquels les demandeurs voudraient arguer la nullité des écritures du 30 fruct, an 12, en les supposant même justifiés, seraient des objets sur lesquels, tant que le compromis et le jugement arbitral subsistent, la cour ne serait nullement compétente pour statuer;

Considérant, pour ce qui concerne les autres moyens de nullité du jugement arbitral dont il s'agit, mis en avant par les demandeurs, qu'il est très-vrai, en thèse générale, que compromissum ad similitudinem judiciorum redigitur, que standum est sententiæ qualem dixerit arbiter, sive iniqua vel æqua, que l'arbitrage, ensuite d'un compromis portant renonciation à la cassation, est assimilé aux décisions des tribunaux en dernier ressort; que ces principes ne sauraient être infirmés; toutefois qu'il est démontré qu'un véritable compromis a été passé entre les parties, et qu'un jugement arbitral y est ensuite réellement intervenu; que cependant l'usage des compromis et des jugements arbitraux ayant été reconnu et autorisé par les lois, comme un moyen des plus expéditifs et des plus propres pour terminer les différends, il doit entrer dans les attributions des tribunaux de réprimer tous les genres d'abus que la mauvaise foi et la cupidité peuvent chercher d'introduire à ce sujet; que ce serait dénaturer l'usage de ces moyens, et porter atteinte au vœu salutaire de la loi, que d'employer la voie du compromis et de l'arbitrage, lorsqu'il n'y a de question à décider,

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