Page images
PDF
EPUB

Du reste, il excelle à peindre le monde. Il reste si peu d'hommes de bonne compagnie, que ce talent sera apprécié, sans doute, par un bien petit nombre de lecteurs. J'avoue naïvement que beaucoup de traits, probablement fort spirituels, ont été perdus pour moi. J'ai vu plus d'un portrait peint avec une grande délicatesse, avec une exquise finesse de détails, et je n'ai pas su écrire au-dessous le nom de l'original d'autres seront plus heureux et goûteront ce plaisir de malice dont mon ignorance me prive.

Souvent, ce ne sont point des individus que l'auteur sʼattache à reproduire, mais des types de classes; et alors, il est intelligible pour tous. Nous citerons surtout M. de la Môle, le janséniste Pirard, le grand-vicaire Frilair, le petit Tambeau, et M. de Rénal.

En résumé, le Rouge et le Noir est un livre d'aristocratie dont le succès sera plus brillant que général et durable. C'est une peinture gracieuse, et quelquefois profonde, de la société, telle que l'avaient faite les jésuites et les émigrés de la Restauration. Elle a le malheur d'arriver après l'orage populaire qui a renversé tout cela, et par conséquent d'être déjà un peu vieille.

Un seul coin du tableau promet de rester encore longtems vivant et jeune; c'est ce persifflage admirable de sel et d'esprit, quoique un peu trop répété, dont l'auteur a déchiré l'aristocratie d'argent, la seule puissance politique qui soit sortie brillante et victorieuse des décombres des barricades.

A. P.

BEAUX-ARTS.

DESCRIPTION DE MÉDAILLES ANTIQUES, GRECQUES et ROMAINES, avec leur degré de rareté et leur estimation, ouvrage servant de catalogue à une suite de plus de vingt mille empreintes en soufre, prises sur les pièces originales, par T. E. MIONNET, chevalier de la légion d'honneur, membre de l'Académie des inscriptions, conservateur-adjoint du Cabinet de médailles, etc. SUPPLÉMENT, tome V (1).

Ce cinquième volume contient les médailles de la Bithynie, de la Mysie et de la Troade, dont M. Mionnet donne la description en continuant son système méthodique, et relevant, dans sa marche, les erreurs échappées aux auteurs qui l'ont précédé. Les progrès continuels de la numismatique ont tellement avancé cette science, qu'il y a des ouvrages que l'on ne peut plus maintenant ni consulter, ni citer, et dont le titre seul est devenu une réprobation. Il existe pourtant, dans ces vieux ouvrages, des médailles dont l'indication ne se trouve pas ailleurs, et dont M. Mionnet se trouve obligé de consigner l'existence; il leur donne, pour ainsi dire, en les citant, droit de bourgeoisie, car il ne les admet qu'après un examen scrupuleux. Il a soin aussi d'indiquer celles qu'il regarde comme

(1) Paris, 1830; l'auteur, à la Bibliothèque du roi, et Debure, rue Serpente, no 7. In-8° de 592 pag., avec des pl. gravées; prix, 24 fr. Nous avons annoncé le quatrième volume de cet important ouvrage (Voy. Rev. Enc., t. xLv, janvier 1830, p. 188).

suspectes, et dont il ne donne la description que parce qu'elles sont citées dans des auteurs estimés. Toute la numismatique se trouve refondue dans l'ouvrage de M. Mionnet on y trouve, à la place que leur assigne sa méthode, les médailles disséminées dans plus de trente ouvrages, et elles concourent, dans sa description, à former une encyclopédie qui peut à elle seule remplacer toutes les descriptions de médailles publiées jusqu'à ce jour. Lorsque les médailles qu'il cite ne sont pas au Cabinet du roi, il dési– gne toujours les collections auxquelles elles appartien

nent.

Parmi les attributions nouvelles et les rectifications importantes que présente ce volume, nous remarquerons celle de la ville de Bérytis, dans la Troade, dont M. DE Saint-Sauveur, consul de France aux Dardanelles, a rapporté trois médailles inédites. Ces médailles présentent la tête d'Ulysse, et au revers, sur l'une, une massue sur l'autre, trois croissans.

[ocr errors]

Cette découverte a donné lieu de restituer à Bérytis de la Troade la médaille que jusqu'alors on avait placée à Béry tus de Phoenicie, d'autant qu'elle a pour légende les lettres BIPY, et que les médailles de la Phœnicie portent le

mot BHPYTION.

La différence d'orthographe avait déjà été observée par M. Mionnet, et nous avons encore une preuve de l'importance qu'il y a de constater le lieu où se trouvent les médailles, pour désigner leur véritable patrie.

Parmi les médailles de Nicée de Bithynie, il y en a une fort remarquable que Vaillant n'avait pas décrite avec exactitude, et que M. Mionnet rétablit ainsi : « M. ANT. TOPAIANOC AYT. Tête de Gordieu pieux; revers InПON BPOTOHODA NIKAIEON: héros à cheval, la tête couverte du bonnet phrygien et tenant de la main droite une couronne; le cheval, dont les pieds de devant sont humains, tient dans le droit, levé, un bâton ou sceptre, autour duquel est un serpent, et sa queue repliée se termine par une tête

de serpent. Une petite Victoire vole au-devant du héros pour le couronner. »

J'ajouterai à la rectification de M. Mionnet, que le cheval n'a point les deux pieds de devant humains, mais à gauche une jambe et un pied humain, et à droite, le coude, le bras et la main de forme humaine : c'est de cette main qu'il tient le bâton entouré d'un serpent. Tous deux ont décrit le cheval comme tenant de son pied droit le bâton qu'il tient véritablement d'une main, tandis que sa jambe gauche est humaine. Le mot, BPOтопоAА, composé de Bρotos homo mortalis, et Iloda, pied, indique naturellement le cheval à pied humain ; aussi, Vaillant traduit-il la légende par les mots le cheval à pied humain des Nicéens, sousentendu la ville honore le cheval, etc.

Rasche, dans son Lexique, traduit ces mots par equum hominum perniciem, ce qui ne rend point le mot Boотожоdα qui certainement s'applique au cheval ainsi représenté avec un pied humain. Il y avait sans doute à Nicée une tradition religieuse relative à ce cheval merveilleux, qui a été perdue comme tant d'autres.

Il me paraît intéressant de rapprocher de cette médaille celle de Sinope, que M. Mionnet a décrite dans le 4o volume de son Supplément (pag. 583, no 176) et qui appartient à M. Rolin, à Guise. J'ai conservé un dessin de cette médaille qui porte, au revers d'Alexandre Sévère, une jambe humaine nue, dont la cuisse vêtue est surmontée d'une tête de bœuf; devant est un autel ou un vase d'où sort une plante et qui est entouré d'un serpent. M. Mionnet ne fait point mention de ce serpent que nous trouvons reproduit sur l'autre médaille avec l'association d'une jambe humaine à une partie supérieure d'animal.

Il serait trop long d'entrer ici dans le détail des superstitions de la ville de Sinope; il nous suffit de rapprocher cette médaille de celle d'une contrée voisine, et d'une époque presque contemporaine, et d'ouvrir le champ aux obser

vateurs.

En puisant dans les cabinets particuliers, M. Mionnet complète des séries géographiques qui sont du plus grand intérêt pour la science; car les cabinets les plus riches sont loin de tout posséder, et sur ce point on ne saurait trop engager les possesseurs de médailles à faire graver et à publier ce que beaucoup d'entre eux enfouissent sans profit pour qui que ce soit, même pour la curiosité. C'est ainsi que M. Mionnet donne d'après Sestini une médaille du Musée Hedervar, de la ville d'Amaxitus de la Troade, et qu'il l'accompagne d'une autre qui se trouve dans le cabinet de M. Palin, envoyé de Suède à Constantinople. La ville d'Amaxitus est désignée dans Xénophon, Thucydide, Pline et Étienne de Byzance, et on aurait pu la confondre avec Amaxia de Cilicie, si on ne lisait dans ce dernier géographe, Amaxitus Troadis oppidum, ad Alexandrorum territorium pertinens, quod Agamemnon

construxit.

M. Mionnet rend aussi à la ville de Larisse, de la Troade, une médaille précédemment publiée comme étant de Larisse de Thessalie. La tête d'Homère est plus convenablement placée dans cette contrée homérique.

La Troade s'est beaucoup enrichie des médailles de la collection de feu M. ALLIER DE HAUTE-ROCHE. Nous citerons parmi les pièces les plus intéressantes celle d'Arisba, de Gentinos, d'Ophrynium, de Teria, qui étaient encore inédites, ou du moins qui n'avaient été publiées que dans la description de cette collection que j'ai donnée en 1829. (1 vol. in-4°, avec fig. chez Debure.)

Ces médailles ont été acquises pour le Cabinet du roi, avec cent quatre-vingt-deux autres de la même collection, et ont également trouvé leur place dans le Supplément de M. Mionnet.

Les médailles attribuées jadis à Pythopolis de la Bithynie sont maintenant rendues à Pylos de la Messénie.

Une médaille, classée jusqu'à présent parmi les incertaines, a pris sa place dans la Mysie, par l'attribution de

« PreviousContinue »