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quoique très-riche. On dit qu'il se ménage des ressources pour des revers possibles (1).

Il existe à Florence un établissement unique en Italie le Cabinet littéraire de M. VIEUSSEUX. On y lit tous les journaux, quelle que soit leur couleur, les livres nouveaux, les recueils scientifiques et littéraires, et les brochures. Cet avantage, inappréciable au-delà des Alpes, suffirait pour mériter à Florence le nom d'oasis de l'Italie (2). Le directeur de ce cabinet l'est en même tems de l'Anthologie, le meilleur recueil littéraire de l'Italie, et le plus indépendant. L'enseignement mutuel se répand et se multiplie dans les campagnes; mais il en est autrement de la statistique ce mot est un épouvantail pour le gouvernement. Une société statistique s'était formée, un journal se publiait; mais le journal et la société ont été frappés d'anathème. Le grand-duché est donc réduit sous ce rapport à son journal agraire, rédigé, il est vrai, par d'habiles agronomes et très-propre à répandre les saines doctrines d'agriculture dans les campagnes. Une caisse d'épargne a été fondée à Florence pour les classes peu aisées; elle a trouvé le Grand-Duc bien disposé en sa faveur.

La Toscane est le point de l'Italie où il y a le moins de résistance. Le peuple a des mœurs douces. Il est timide, étranger aux passions fortes, et se contente de son lot. Nous parlons de la majorité. Il existe bien une minorité éclairée, intelligente, qui voudrait plus; mais jusqu'à présent elle s'est bornée à des vœux. Nous croyons bien à son patriotisme, mais peu à son énergie. Dans un moment donné, les Toscans pourraient bien ne pas coopérer active

(1) Il est juste de dire qu'il fait cependant des dépenses assez considé– rables pour l'assainissement des Marennes.

(2) L'établissement de M. VIEUSSEUX, toléré par le gouvernement, est loin d'être encouragé par les Florentins. La parcimonie est, chez eux, plus forte que le besoin de lire. Une classe cultivée et peu nombreuse, et les étrangers, le soutiennent seuls et en jouissent.

ment au grand œuvre de la régénération italienne; mais ils ne l'entraveraient pas et en recevraient les bienfaits avec reconnaissance. Leur rôle est passif, comme il l'a presque toujours été ; mais il n'est pas rétrograde.

Les Lucquois, leurs voisins, forment une population de 140,000 habitans, sous un petit prince absolu de la branche des Bourbons d'Espagne, qui a sa cour, ses grands officiers, ses chambellans. Le peuple ne nous semble pas avoir une physionomie à lui, sinon qu'il est industrieux jusqu'à l'intrigue, dévot et rusé. A cela près, on peut lui appliquer ce que nous avons dit de ses voisins.

Ch. DIDIER.

(La suite au Cahier prochain.)

II. ANALYSES D'OUVRAGES.

SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES.

Histoire naturelLE DES POISSONS, par MM. le Baron CUVIER, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, etc., et VALENCIENNES, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle (1).

TROISIÈME ARTICLE.

(Voyez Rev. Enc., t. XLIV, p. 53, et t. XLV, p. 274.)

Nos deux précédens articles ont été consacrés à l'histoire de l'ichtyologie et à l'anatomie des poissons: deux bases sur lesquelles repose, ou, plus exactement, sur lesquelles M. Cuvier fait enfin reposer l'histoire naturelle, proprement dite, de ces animaux.

Les mots histoire naturelle sont une de ces dénominations vagues dont le sens varie à chaque époque de la science. En tout genre, l'effet des grands progrès n'est pas moins de changer la signification des mots que la face des choses. Pour Linnæus, l'histoire naturelle d'un être n'était guère que l'indication d'une ou de deux qualités caractéristiques de cet être. Pour Buffon, c'était, à peu près indifféremment, tout ce qui se rapportait à cet être. C'est, pour M. Cuvier, la détermination de toutes les qualités d'un être, et l'exposition graduée de ces qualités, selon l'ordre subordonné de leur importance.

(1) Paris, 1879-1830; Levrault et Cie, 15 à 20 vol. in 8o, ou 8 à 10 vol in.-4°. Le prix de chaque livraison d'un vol. in-8°, avec un cahier de planches, est de 13 fr. 50 c.; la livraison d'un demi-volume in-4o, 18 fr. Le sixième vol. est en vente.

Aristote seul, dans l'antiquité, vit l'histoire naturelle avec génie; et, si ce grand homme eût conçu le vaste dessein de la monographie d'une classe entière d'animaux, on peut croire qu'il l'eût exécuté de son tems, à peu près comme M. Cuvier l'a exécuté du nôtre; à cette différence près pourtant, que, pour un pareil dessein, son siècle. n'eût pas fourni à Aristote tous ces précédens immenses que la science doit à M. Cuvier : les Leçons d'anatomie comparée, le Règne animal, les Recherches sur les ossemens fossiles, et l'Anatomie des mollusques.

Nous avons vu qu'Aristote avait déjà reconnu que les vrais caractères des poissons consistent dans les branchies et dans les nageoires. Les animaux vertébrés, à branchies et à nageoires, forment donc la classe des poissons.

Des vertèbres, ou, plus exactement, un squelette intérieur, car les vertèbres ne composent pas à elles seules ce squelette, des branchies et des nageoires; voilà les traits communs. Les traits différentiels sont : un squelette osseux ou cartilagineux; des branchies libres ou fixes; des na.geoires molles ou épineuses; des nageoires ventrales, tourà-tour placées en avant, derrière, ou sous les pectorales; des dents, tour-à-tour placées à l'intermaxillaire, aux maxillaires, au vomer, aux palatins, à la langue, aux arceaux des branchies, etc.; la forme de ces dents, en plaque, en velours, en pointes, etc.; des opercules ou couvercles des branchies, lisses, écailleux, dentelés, ou aigus et armés d'épines, ou obtus et sans armures, etc., etc.; et c'est sur la combinaison variée de ces traits différentiels, ou caractères, que portent toutes ces méthodes diverses qu'on a successivement imaginées pour le classement des poissons.

On conçoit que qui n'emploîrait qu'un ou deux de ces caractères n'aurait qu'une méthode artificielle, c'està-dire, incomplète, comme Linnæus; que qui les emploîrait tous indistinctement n'aurait qu'une méthode confuse, comme tant d'ichtyologistes; et que la méthode

naturelle, c'est-à-dire, exacte et complète, consiste à les employer tous, et à n'employer chacun d'eux, comme je viens de le dire d'après M. Cuvier, que selon l'ordre relatif de son importance.

Deux points dominent toute idée de méthode naturelle: l'un, de n'employer que des caractères vrais ; l'autre, de n'accorder à chacun de ces caractères que le degré précis de son importance.

Mais, pour n'employer que des caractères vrais, c'està-dire, pour ne pas attribuer à telle ou telle espèce, tel ou tel caractère qui lui manque; et, réciproquement, pour ne pas la supposer dépourvue de tel ou tel autre qu'elle possède, on sent qu'il faut connaître toutes les espèces. D'un autre côté, pour n'attribuer à chaque caractère le degré de son importance, on sent que cette connaissance complète des espèces, déjà si vaste et si difficile par elle-même, ne suffirait pourtant pas, et qu'il faut encore avoir comparé ces caractères sous tous leurs rapports, qu'il faut avoir varié, multiplié, épuisé toutes leurs combinaisons.

que

Or, sur ces deux points, qui, au fond, sont toute . l'ichtyologie, c'est-à-dire, et pour la détermination des espèces, et pour l'évaluation des caractères d'après lesquels on rapproche ou distribue ces espèces, tout, jusqu'à M. Cuvier, était presque également à faire.

On ne connaissait pas les espèces des poissons; les preuves en sont dans toutes les pages du livre que j'analyse. On ne se faisait aucune idée juste des caractères qui décident de leur rapprochement ou distribution; la preuve en est dans ces transpositions perpétuelles que l'on voit subir aux mêmes espèces dans les différens cadres des auteurs.

Tout n'est pas également important dans une méthode. Il importe peu sans doute que, dans une distribution ichtyologique, les poissons cartilagineux précèdent ou suivent les poissons osseux; que les poissons à nageoires épineuses viennent avant ou après les poissons à nageoires molles, etc. Ce qui importe, c'est que, dans une famille, dans un genre

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