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pouvaient avoir des notions assez exactes et assez étendues sur la question en elle-même, il conviendra, avant tout, d'examiner les avantages et les inconvéniens de ce qui existait, et de décider, en dernière conclusion, si les résultats étaient plus ou moins onéreux aux contribuables que l'organisation financière introduite parmi nous par la force des événemens.

« Arrivés ainsi à ce régime, nous en développerons toutes les branches; nous ferons connaître leur rapport et les produits qui les alimentent; et comme ces produits auront déjà été indiqués dans les livres précédens, notre travail donnera des aperçus précieux sur l'équité des répartitions, sur les difficultés des perceptions, sur la possibilité de remédier à ce qu'il peut y avoir de défectueux. Ainsi, le gouvernement pourra être éclairé, et le contribuable juger d'avance les réclamations qui sont de nature à être accueillies. Ces conséquences ne sont pas moins dans l'in-térêt du département que dans celui des communes; car il est de toute justice de fournir à ceux qui contribuent aux charges départementales et communales les documens. propres à justifier de l'emploi des sommes destinées à ces deux branches de l'administration. >>

L'auteur annonce l'histoire des opérations du cadastre parcellaire dans les cantons et les communes du département des Bouches-du-Rhône. « Il nous appartient, dit-il, de reproduire les observations qui ont été proposées dans l'intérêt de l'agriculture et de l'assiette de la matière imposable; et comme la levée des plans a entraîné aussi un grand nombre d'opérations trigonométriques, nous y puiserons plusieurs faits utiles à la connaissance de notre territoire, sous des rapports topographiques, agricoles et industriels. »

Après cette analyse préparatoire des diverses matières qui doivent entrer dans une statistique départementale, il restait à s'occuper des moyens d'exécuter ce grand travail. M. de Villeneuve expose d'abord quelques idées sur les obligations qu'une telle entreprise impose à l'adminis

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trateur qui l'a formée. Scrupuleuse exactitude dans la description des faits; prudente réserve dans la déduction des. conséquences, surtout lorsqu'elles tendent à préparer des améliorations et les font espérer; repousser les systèmes et leurs séductions; ne croire qu'à l'expérience: tels sont les principes de la législation qui doit régir les auteurs de statistique. Cette législation sera fixée et complète, « lors— qu'un recueil avoué, officiel, offrira à toutes les époques de notre existence nationale les bases de l'administration la plus convenable aux intérêts de tous. Serait-i! même si difficile de mettre ces précieux documens en harmonie constante avec la marche du tems, au moyen des observations auxquelles on se livrerait sans interruption, et qu'on rédigerait à certaines époques déterminées? » Comme ces observations assidues, faites dans toutes les divisions territoriales de la France, seraient d'autant plus profitables qu'elles arriveraient plus promptement à la connaissance de tous, la presse périodique les réclame; elles lui appartiennent de droit. De leur circulation générale et rapide dépendent les avantages que procure une connaissance plus exacte des sources de la prospérité publique. Dès qu'une statistique a découvert quelques matériaux qui lui manquaient, ou quelque changement notable dans quelque partie de l'édifice déjà construit, pourquoi différer d'en avertir les administrés, les voisins, toute la France? Ces annonces fréquemment réitérées stimuleront les observateurs; tout sera surveillé avec soin, non par l'esprit de critique et d'opposition, mais par l'amour du vrai et du bon, par le sentiment des devoirs de chaque citoyen envers la commune patrie. Nous ne craignons point de le dire; si la presse périodique est chargée de transmettre par la voie la plus prompte, et sur tout le territoire, la connaissance des faits de quelque importance pour l'administration, lest libertés publiques, l'observation des lois, les arts, l'industrie, le commerce, etc., bientôt on fera moins de fautes, quelques abus disparaîtront, quelques améliorations se feront sentir, la société sera sur la voie du perfectionnement,

Il est à désirer que tous les préfets aient autant de droits qu'en eut M. de Villeneuve à s'exprimer de la manière suivante : ་་ Indépendamment des talens indispensables pour conduire à bien une telle entreprise, à qui peut-il être donné de réunir tout ce qu'il faut pour en assurer le succès? La réponse est,simple: c'est à l'administrateur local à faire ses efforts pour s'élever à la hauteur des circonstances où il se trouve placé : cette tâche, toute pénible qu'elle puisse être, le sera bien moins par l'attrait et par P'utilité d'un travail qui doit être dans ses goûts, par cela seul qu'il rentre dans ses devoirs. Investi de la confiance du gouvernement, habitué à faire exécuter ses ordres, connaissant ses intentions et les principes par lesquels elles se manifestent, lui seul est placé convenablement pour obtenir les documens qu'il importe avant tout de réunir; et lorsqu'il a inspiré quelque confiance aux administrés, aucun d'eux ne lui refusant l'assistance qu'il aurait à réclamer, toutes les voies lui seront ouvertes pour arriver à la connaissance de la vérité... On ne contestera pas les moyens immenses que lui donnent, non-seulement sa correspondance et ses relations habituelles avec les fonctionnaires appelés à le seconder dans les attributions de l'autorité, mais encore l'habitude de discuter et de défendre les intérêts confiés à ses soins. Une session de conseil général bien remplie offrirait presque un cours de statistique, et la suite descomptes administratifs qui doivent être présentés annuellement offrirait une source intarissable de bons renseignemens et d'irrécusables traditions. »

Si les conseils généraux des départemens étaient suivant l'esprit de cette institution, ils mériteraient sans doute l'éloge que notre auteur en fait; mais on sait trop bien que ces conseils, composés comme ils l'ont été jusqu'à présent, s'occupent pour la plupart de tout autre chose que des intérêts de la majorité des administrés; ne comptons point sur ce moyen de perfectionner la statistique, si ce n'est lorsque nous aurons obtenu l'organisation départementale, attendue depuis si long-tems. L'organisation communale

n'est pas moins désirée que celle des départemens; elle contribuerait aussi à procurer d'excellentes données sur l'état des communes, et par conséquent à perfectionner la statistique.

M. de Villeneuve, fort du sentiment de son impartialité, et jugeant les fonctionnaires d'après lui-même, manifeste la crainte que de simples particuliers n'aient pas assez d'indépendance pour se charger de la responsabilité qu'entraîneraient certaines notices statistiques où la vérité froisserait des intérêts privés. Il est vrai qu'un administra→ teur ne doit point supposer à ses administrés plus de vertus qu'ils ne peuvent en avoir: mais celle dont il parle est-elle donc si rare ? Les révélations les plus dangereuses sont celles des abus que le pouvoir exploite à son profit; les fonctionnaires se chargeront-ils de les signaler? Il semble, au contraire, qu'une statistique ne sera jamais complète, si quelques simples administrés bien instruits (et il y en a beaucoup dans tous les départemens) n'apportent leur contingent d'informations, et ne trouvent le moyen d'y faire entrer des faits dont aucun fonctionnaire n'eût parlé. Si les vérités, repoussées quelquefois par l'autorité publique, ne trouvaient asile nulle part, toute amélioration deviendrait impossible, si ce n'est dans l'intérieur des familles, à huis-clos, en secret; il est des tems où la prudence interdit de paraître heureux. A ces époques de ténèbres, une statistique ne serait faite que pour les fonctionnaires publics; la nation qui n'y aurait aucune part utile ne les rechercherait point, et pourrait se dispenser de les lire. Ce qui a paru jusqu'à présent de la Statistique du département des Bouches-du-Rhône ne sera point compris dans cette réprobation; celle-ci a satisfait à toutes les conditions d'un bon ouvrage de ce genre, chacun s'est empressé d'y fournir des matériaux, et l'autorité, secondée avec zèle, a fait, parmi ces documens, un choix généralement approuvé. Nous adopterons donc cet ouvrage commne typë d'une statistique bien faite.

FEORY.

SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.

ESSAI SUR LES FINANCES, sur l'économie de CENT MILLions au moins, à faire aux divers budgets des dépenses; sur les changemens à introduire dans la division et la répartition des différentes branches de nos impôts directs ou indirects; par M. DUCHESNE, avocat à Grenoble (1).

Au moment où une nouvelle coalition européenne contre l'existence politique de la France et les principes de sa grande révolution, de nouveau consacrés par la victoire populaire de juillet, s'ourdit dans l'ombre et nécessite de notre part d'immenses préparatifs de résistance, il semble que c'est mal prendre son tems pour réclamer une diminution dans le budget, et que le livre de M. Duchesne devrait par conséquent être renvoyé à l'époque où, délivrés de toutes craintes, nous pourrions entrer enfin dans la carrière des améliorations et des économies; mais ce ne serait là qu'une considération superficielle; un ordre sévère dans les dépenses est toujours à propos, et plus encore, s'il est possible, quand l'État se trouve placé dans des circonstances où des ressources extraordinaires lui deviennent indispensables; car c'est un moyen de les préparer. Si, par exemple, adoptant le système de M. Duchesne, M. le ministre des finances pouvait, sans grever les contribuables, offrir à son collègue de la guerre les CENT MILLIONS dont l'auteur de l'Essai sur les finances propose le

(1) Paris, 1831; Delaunay, au Palais-Royal. In-8°; prix, 6 fr.

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