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LITTÉRATURE.

DICTIONNAIRE GREC-FRANÇAIS, composé sur un nouveau plan; par L. ALEXANDRE, proviseur du Collége royal de Bourhon (1).

Depuis Homère jusqu'à Théodore Gaza, depuis le poète épique voisin de la guerre de Troie, jusqu'au grammairien contemporain de la prise de Constantinople, dans un espace de vingt-quatre siècles, la littérature grecque n'a cessé de s'enrichir d'ouvrages nouveaux, dans tous les genres sur lesquels l'esprit humain peut s'exercer. Durant ce vaste espace de tems, le génie du peuple grec, quelquefois assoupi, jamais éteint, a subi de périodiques changemens, à peu près tous les deux ou trois siècles; et, en se modifiant, a modifié chaque fois la langue qui servait d'expression à ses pensées. Qu'on imagine approximativement ce que les auteurs de la Grèce ancienne et de la Grèce du moyen-âge, à mesure que les idées se sont étendues, agrandies, ennoblies, ou rapetissées, dégradées, alambiquées, faussées, ont introduit de mots nouveaux dans leur idiôme, soit par la composition, soit par le néologisme. Qu'on suppose la quantité de sens différens qu'ils ont attachés tour-à-tour à la même expression; et l'on commencera à se faire une idée de l'immense difficulté attachée à la composition du lexique d'une pareille langue. Dix ou douze générations de savans suffiraient à peine dresser la liste de tant de mots, pour fixer les acceppour

(1) Paris, 1830; L. Hachette, rue Pierre Sarrasin, no 12; prix, 15 fr., relié en parchemin.

tions différentes dans lesquelles chaque mot a été pris, pour mettre enfin de l'ordre dans cette nomenclature.

M. ALEXANDRE a trouvé les matériaux non-seulement préparés, mais déjà mis en œuvre par des hommes d'un immense savoir, tels que les H. Étienne, les Schneider, les Passow, les Riemer, les Hederich. De plus, M. Alexandre s'est aidé et a dû s'aider, dans une tâche presque au-dessus des forces d'un seul homme, des recherches préparatoires de divers collaborateurs, parmi lesquels il cite lui-même avec éloge notre excellent helléniste LONGUEVILLE. Malgré ces secours de différentes natures, le mérite de son ouvrage n'en demeure pas moins fort grand, et nous ne doutons pas que le public ne lui rende une pleine et prompte justice. Nous donnerons d'abord une idée générale du livre : nous entrerons ensuite dans des explications propres à en faire connaître les détails: nous terminerons par des observations sur divers points où des modifications nous semblent nécessaires à introduire.

M. Alexandre a mis son Dictionnaire au niveau de la science; il a profité des travaux entrepris sur la lexicographie par les érudits de France, d'Allemagne et d'Angleterre. Il a ajouté aux recherches de ses devanciers par ses lectures et ses observations particulières. Il a disposé avec sagesse l'ensemble de tant de parties différentes, et introduit dans son travail une précision et une clarté remarquables. Tel est le caractère général de la nouvelle publication.

En examinant les détails, on trouve des innovations et des perfectionnemens notables. L'auteur a suivi partout avec une fidélité scrupuleuse l'ordre alphabétique; plusieurs ouvrages du même genre manquent de ce mérite, et par cela même, sont d'une fatigante difficulté à consulter. M. Alexandre a augmenté de quinze mille mots la nomenclature de tous les dictionnaires publiés en France avant le sien. Cependant il n'a pas la prétention d'être absolument complet et quelquefois il n'a pas voulu l'être; dans un ou

vrage destiné surtout à la jeunesse, il eût été dangereux d'admettre et d'expliquer tous les termes qu'on rencontre dans Aristophanes, Athénée et plusieurs autres écrivains dont la morale était moins sévère que la nôtre, ou au moins toute différente de la nôtre. M. Alexandre s'est souvenu du précepte de Boileau : « Le lecteur français veut être respecté. Il a le premier distingué de la langue usuelle ce qui s'en écarte: 1o les formes ou les mots, soit dialectiques, soit poétiques, tels que παίδεσσι pour παίσι ; αὐτοκραης pour αὐτοκραης; 2° les mots d'un usage rare ou peu élégant; 3o les mots entachés de néologisme, ou de bonne heure tombés en désuétude; 4° ceux qui n'ont pas d'autorité suffisante, ou dont l'existence est douteuse; 5° enfin, les termes insolites, tout-à-fait barbares, ou d'origine étrangère. Cette classification n'avait été que très-faiblement ébauchée dans les lexiques, soit anciens, soit modernes. Sans elle, cependant, on ne peut avoir de la langue grecque qu'une connaissance confuse et vague, on ne peut établir ses différens âges, et se former une idée juste de son génie et de ses variations. La partie de ce travail la plus délicate et la plus pénible était la fixation toute nouvelle de la langue poétique, et l'on peut voir dans la préface de M. Alexandre toutes les précautions qu'il a prises pour tracer d'une manière juste la délimitation entre le langage de la poésie et celui de la prose.

Jusqu'à présent, tous les dictionnaires péchaient par un défaut d'ordre radical. Dans les articles consacrés aux mots qui ont été pris, par différens auteurs, dans des acceptions très-différentes, les lexicographes donnaient un premier sens du mot, avec des exemples à l'appui de ce mot; puis, un second sens avec de nouveaux exemples; puis, un troisième, un quatrième, et ainsi de suite, jusqu'à ce que les divers sens fussent épuisés. M. Alexandre avait remarqué que l'œil et l'esprit se fatiguaient également à chercher, dans un article de plusieurs colonnes, le sens dont on avait besoin. Il a suivi une méthode différente, et nous croyons que

cette disposition nouvelle sera généralement approuvée. Il donne ensemble, au commencement de chaque article, toutes les acceptions du mot, séparées par des chiffres qui renvoient aux exemples. Nous chercherons à nous faire comprendre et à établir la différence qui existe entre les anciens lexiques et celui de M. Alexandre, en citant, en regard, un article correspondant, pris dans les uns et dans

l'autre.

Dans le Dictionnaire de
M. PLANCHE.

Dans le Dictionnaire de
M. ALEXANDRE.

Ensia, insius, placer dans, Er-isaus, placer dans, mettre placer dans les intervalles. - Pla-dans, arrêter sur, fixer sur, au cer, poster. propre et au figuré : quelquefois 10 ou dans le sens neutre, arrêter sa penar-sée sur, réfléchir à, rég. ind. as dat.

Evissa, sous-entendu

A diavola, faire attention à ; réter son esprit sur un objet. Επίσαμαι, entreprendre. Evisa- Au moyen mixte. 'Er-ísapar, fas diza, intenter une accusation. 1° se placer dans ou sur, se mettre -Evesanais mongμss, la guerre qui dans, s'engager dans, dat. ou acc.; s'est engagée, la guerre presente. 20 résister à, dat.; 3° être immiDijous inspirou, au commence- nent ou pressant, menacer, presment de l'été. 'Eresas páros, le ser, avec le dat.; 4o se condenser, temps présent. se figer. 10 Erisadas Tóg Tivi, Erisauas, observer de près, être Lex., se tenir dans un lieu. -2o Exíprêt à fondre. - Épier une occa-52172 ia, Diosc., ils s'opposent sion favorable ou un mouvement aux progrès du poison. "His Brégade l'ennemi pour fondre sur lui. Tai is ours, Thuc., si quel'Eriszpas, s'opposer à résister qu'un s'oppose à ce qui se passe. à. 'Erisauai, entrer dans une route, 3. Ensures xírduvos, Lex., dansuivre un chemin. Tive Toger imminent. 'Enisauirou Sipous, Biot ödev ishoras, Plut. quel l'été approchant. Evsnoqueros th 20genre de vie embrasseront-ils ? 'Eri- auto, Plut., pour le serrer de Sapa, ètre instant, être imminent. près dans sa fuite. 'Erigands tóra'Eisauas, se figer, se coaguler.s, la guerre actuelle, celle qu'on Επισάμενον γάλα, lait caillé. a sur les bras.40 Επιςάμενον γάλα, lait caillé.

Au moyen proprement dit. 'E1içauas, engager, commencer, entreprendre, avec l'acc. Tira idor iveToTa, Esch. Soc., quelle route ils prendront. 'Evsasasas xaThyopias natá TVs, Herm., intenter une accusation à quelqu'un. RR. Εν ΐφημι.

M. Alexandre a rangé, autant qu'il l'a pu, les diverses significations dans leur ordre généalogique, depuis le sens primitif ou le plus voisin de la racine, jusqu'au plus éloi

gné. Mais, comme les sens primitifs ne sont pas toujours les plus usités, il a attiré l'attention sur les sens les plus en usage. Il a indiqué, avec plus de fidélité qu'aucun de ses devanciers, les divers régimes de chaque mot, dans chaque sens, et toutes les constructions dont il est susceptible. Il a distingué, avec un pareil soin, les voix dans les verbes, et l'on sentira l'importance de cette partie de son travail, quand on réfléchira que chaque voix est en quelque sorte un verbe à part, lui-même susceptible de plusieurs sens, de plusieurs constructions, de plusieurs régimes; en conséquence, il a fait sur chaque voix le même travail que sur la voix active. Il a donné place dans son Dictionnaire, non-seulement à tous les tems irréguliers, mais aussi à tous ceux dont la formation plus difficile, quoique régulière, n'indique pas, sur-le-champ et à la moindre attention, l'indicatif auquel il faut remonter. Ainsi l'on trouve dans le nouveau lexique : dishɛiv, aoriste 2, infinitif de διαιρέω; διέστηκα, parfait de διίσταμαι, διεσώ ony, aoriste premier, passif de diacálo, etc., etc. D'où il suit que le dictionnaire de M. Alexandre, qui peut être, dans beaucoup de cas, celui des savans, sera, dans tous, celui des commençans : le Paresseux, regretté à si juste titre par les élèves des basses classes, trouve ici sa réimpression, revue, corrigée et considérablement augmentée. Enfin, pour terminer la longue liste des heureuses innovations dues à M. Alexandre, nous ajouterons qu'on distingue chez lui les verbes grecs mixtes, appelés déponens en latin; que, dans les verbes composés, il a marqué fidèlement la place de l'augment et toutes les racines quand il y en a plusieurs; qu'il a inscrit en lettres capitales tous les mots racines; qu'il a donné aux étymologies une attention toute particulière ; qu'il a partout rectifié l'accent d'après la quantité.

En terminant sa préface, il appelle les observations bienveillantes d'une critique amie, pour les faire tourner au profit de son ouvrage et de la science. Nous répondrons à

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