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milices des autres provinces liégeoises sur l'autre; Jean de Horn avait auprès de lui Everard et Robert de la Mark et les principaux nobles du pays; on commença activement les travaux de siége et l'on détourna le Jard. Vers le milieu du mois, il arriva à l'évêque un renfort de troupes gueldroises; mais les assiégés en reçurent un plus considérable, ce qui les mit à même de repousser toutes les attaques qu'on tentait contre eux; alors l'évêque convoqua dans son camp tous les possesseurs de fiefs du pays de Liége et les députa vers l'empereur Maximilien, arrivé en Belgique pour assister l'archiduc; l'évêque pria l'empereur d'ordonner à la garnison de Tongres d'évacuer cette ville qu'elle prétendait tenir au nom de l'empereur. Maximilien répondit qu'effectivement la garnison de Tongres faisait partie de son armée et qu'il ne souffrirait pas qu'elle fût attaquée. Les Liégeois indignés de la duplicité de l'empereur qui, au milieu de la paix, venait leur ravir une de leurs villes, résolurent unanimement de s'emparer de vive force de Tongres et de ne faire aucun quartier aux soldats de l'empereur. Maximilien, informé de cette résolution, envoya le comte de Berg au camp pour obtenir qu'on levât le siége; sur le refus de l'évêque, il chargea la duchesse douairière de Bourgogne, veuve de Charles-le-Téméraire, de traiter avec Jean de Horn; les bons offices de cette princesse obtinrent pour la garnison une trève jusqu'à la fin du mois de janvier : ensuite on reprit des négociations, par suite desquelles le capitaine Wadry et ses troupes évacuèrent le 29 janvier la ville de Tongres, où l'évêque fit son entrée deux jours après. Ce siége est le dernier épisode de l'histoire de Tongres qui signala la période du moyen âge.

MONUMENTS ET INSTITUTIONS.

1. Église Collégiale de Notre-Dame.

Le plus beau monument élevé à Tongres, pendant la période du moyen âge, est la grande église dédiée à Notre-Dame 1. L'origine de ce beau temple fut des plus humbles une modeste chapelle, bâtie par St-Materne et dédiée par ce saint évêque à la mère du Sauveur, fut l'embryon qui, à force de transformations successives, devint l'imposante cathédrale que nous admirons. Cette chapelle fut construite sur les ruines d'une partie du Castellum. Dès l'épiscopat de St-Servais, on sentit la nécessité de construire un temple plus vaste et plus solide; les documents historiques, ni même la tradition, ne fournissent aucune donnée sur cette reconstruction; un manuscrit, conservé à la fabrique de l'église, mentionne seulement que, lors de la dernière édification de la cathédrale en 1240, on trouva à la profondeur de vingt-deux pieds, les fondements de l'église bâtie par St-Servais. Cette église fut presqu'entièrement détruite lors de la prise de Tongres, par les hordes germaines en 385; la misère des habitants qui échappèrent à ce désastre, empêcha la restauration du temple de la Vierge; et le clergé, qui n'avait point suivi les évêques à Maestricht, célébra longtemps les offices au milieu des ruines.

1 J'ai déjà publié dans le Bulletin et Annales de l'Académie d'Archéologie de Belgique, tome II, page 359 et suivantes, une notice historique sur cette église; mais mes recherches postérieures, dans les archives communales, m'ayant fait découvrir de nouveaux documents relatifs à ce beau monument, j'ai pu compléter mon travail en comblant quelques lacunes qui s'y trouvaient.

Cette désolation dura jusqu'à la fin du VIIIe siècle; à cette époque, une vision d'Ogier, comte de Looz et de Hasbanie, et les exhortations de Walcand, évêque de Liége, inspirèrent à Ogier le dessein de relever de ses ruines le temple qui, en-deça des Alpes, avait été dédié le premier à la Vierge, et dans lequel le siége de tant d'évêques avait été placé. Le comte de Looz fit commencer les travaux, et après leur achèvement, il engagea le pape Léon III, venu en Belgique pour consacrer la cathédrale d'Aix-la-Chapelle, à venir aussi consacrer le temple qu'il venait de faire bâtir; le pape se rendit à ses voeux, vint avec l'empereur Charlemagne à Tongres, et consacra la grande église le 9 mai 804. Le comte de Looz dota généreusement cette église et y attacha un chapitre de vingt chanoines.

La cathédrale de Tongres n'eut que peu à souffrir des invasions des Normands, elle n'y perdit que ses ornements; mais le bâtiment resta intact. L'incendie de 1178 et les assauts qu'y livrèrent les Brabançons en 1212, lui furent plus funestes, les détériorations étaient telles, qu'on dut renoncer à l'espoir de pouvoir réparer l'église; il fallut donc se résigner à la reconstruire; le cloître, dont on admire encore les élégants portiques, fut seul conservé, tout le reste fut démoli.

Les travaux furent commencés dans les premiers jours du mois de juin 1240 1. Le nom de l'architecte de ce beau monument est inconnu; mais tout porte à croire qu'on en doit la construction à une de ces corporations de francs-maçons, qui couvrirent l'Europe de tant de somptueux monuments. Malgré l'activité imprimée aux travaux, ce ne fut que la veille de la Toussaint de l'année 1286 que le grand autel fut consacré 2.

Au commencement du quatorzième siècle, un incendie dévora la tour de la cathédrale. En 1314, le chapitre fit un arrangement avec la régence pour sa reconstruction. Je pense que c'est en

1 Manuscrit déposé à la fabrique de la cathédrale de Tongres.

2 Note aux archives de l'hospice de Tongres.

vertu de cet arrangement que la ville obtint la propriété exclusive de la tour. Cette nouvelle tour n'exista pas longtemps, car elle dut être reconstruite en 1440; une inscription placée sur la tour, porte que les travaux furent commencés le 9 mai de

cette année.

Cette dernière tour menaçait déjà ruine en 1480: on voit dans les archives de la ville, que le 5 mars de cette année, la régence demanda à l'évêque de Liége remise d'une somme que la ville de Tongres lui devait, afin de pouvoir employer les fonds disponibles à la réparation de la tour. En 1500 la régence décida de faire démolir la tour et de la reconstruire avec le produit de l'accise; les événements politiques et le mauvais état de finances de la ville ne permirent aux magistrats de Tongres que quelques travaux préparatoires et vinrent entraver leurs intentions. En 1514, on se décida à continuer les travaux dès que les moyens le permettraient; l'année suivante, on décréta la reprise des travaux, et la régence fit établir des troncs dans la ville pour recevoir les offrandes destinées à l'achèvement de la tour.

En 1516 on établit une loterie dont les produits devaient être consacrés au même but. Malgré tous ces essais et la bonne volonté de la régence, les calamités de toute espèce qui accablèrent la ville de Tongres, viurent continuellement s'opposer à l'accomplissement des travaux; le 4 février 1541, la régence put de nouveau songer à la tour, elle ordonna la reprise des travaux et décida de placer sur la tour une lanterne ou coupole qui devait être achevée avant la rénovation magistrale de cette année; mais les préparatifs de défense que la ville dut faire et une maladie contagieuse qui vint y sévir, empêchèrent encore une fois la reprise des travaux, et pendant plus de vingt années, la pénurie des finances y mit obstacle. En 1566, la régence espérant voir commencer des jours plus prospères pour la ville, décida de faire commencer immédiatement à travailler aux réparations de la tour, et fit ajouter au serment que les bourgmestres devaient prêter

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IV

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lors de leur élection, une disposition qui les forcerait d'achever une construction que tant de disgrâces avaient entravée. Les troubles de la réforme qui éclatèrent cette année, vinrent paralyser de nouveau les intentions de la régence, qui se vit forcée en 1567 et 1568, de remettre la reprise des travaux à des temps plus heureux. Ce ne fut qu'en 1583, que cette tour qui avait donné tant de tribulations aux magistrats tongrois, fût achevée; au moins nous voyons dans les archives, que cette année la lanterne de la tour fut garnie de plomb ensuite la régence s'occupa de fournir la tour de cloches, d'une horloge et d'un carillon.

Par résolution du 1 septembre 1587, la régence prit à son service Philippe Innocet, de Lille, en qualité de carillonneur: il devait jouer le carillon pendant une heure, tous les dimanches, les jeudis et les autres jours indiqués par les bourgmestres; il recevait un gage annuel de 50 florins, douze mesures de seigle et deux paires de souliers. Le 24 septembre 1588, la régence songea à l'entretien de l'horloge et admit à son service un horloger, qui recevait pour gage annuel 40 florins, deux muids de seigle, une paire de souliers, une paire de gants et une chandelle de cire à la Chandeleur. En 1494, la ville fit refondre les cloches et dépensa à cet effet une somme de fl. 2,070.

La tour de la cathédrale dont la construction avait duré si longtemps et dont on venait de réparer la toiture, manqua d'être détruite entièrement en 1598; le 6 mai, à minuit, la foudre tomba sur la toiture de la tour, un peu au-dessous de la pomme qui supportait la lanterne et l'embrasa entièrement le feu gagna ensuite le toit de l'église et la charpente de la tour; les efforts des bourgeois réussirent à concentrer et à éteindre cet incendie, qui menaçait l'existence de toute la ville, puisque les étincelles et les morceaux de bois enflammés, volaient jusqu'au-delà du Jard; heureusement une pluie très-forte avait humecté les toits en chaume qui, à cette époque, couvraient toutes les maisons. L'incendie fit fondre les cloches et détruisit le carillon et l'horloge

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