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L'église paroissiale de St-Jacques à Liége offrait naguère un monceau de débris d'où apparaissaient quelques vitraux flamboyants. Elle n'avait de valeur que pour les amateurs peu nombreux de la ville, et pour ceux que le hasard y introduisait.

Un architecte a publié, vers 1827, un recueil des principaux monuments du royaume des Pays-Bas. On y voyait entre autres, des maisons de plaisance de la Hollande, la porte Guillaume à Bruxelles, qui n'est plus. Pas une ligne sur l'église de St-Jacques à Liége.

Un touriste étranger prétendait, qu'elle présentait l'art dans sa décadence; que tout y était façon, bouffissure; que son seul mérite consistait dans le fastueux; qu'elle était tellement chargée

d'ornements, que les formes gothiques en paraissaient tout-à-fait écrasées. Il rendait cependant hommage à la beauté des vitraux peints du choeur 1.

M. De Caumont se bornait à dire que cette église n'avait d'ancien que sa façade; que les voûtes ornées de pendentifs ont été peintes en bleu et que, sur ce fond, se détachent des arabesques dorés d'un grand effet 2.

M. le vicomte Hugo, pair de France, de qui, selon M. Didron 3, descendent en droite ligne tous les jeunes archéologues de ce temps-ci, s'arrête à Liége. Il visite la cathédrale St-Paul, les églises de St-Jean, de St-Denis, de Ste-Croix, le palais des anciens princes. L'église de St-Jacques lui échappe 4.

Mais la fabrique fit relever une partie du flanc septentrional de l'édifice, avec son ornementation primitive et complète. Ce premier travail a dessillé tous les yeux; les journaux se sont rendus les organes des amateurs 5, et la première

1 LOEBEL, professeur à l'université de Bonn; Lettres sur la Belgique 1835. Traduction et impression de Bruxelles, 1857, p. 13.

2 Rapport fait en décembre 1836 au conseil de la Société Française pour la conservation des monuments. Bulletin monumental. T. 3, p. 254.

3 Annales archéologiques, t. I. p. 195.

4 Le Rhin, septième lettre.

5 Le Journal de Liége et de la province, no 276, des 18 et 19 novembre 1837, exprime son opinion en ces termes :

« L'église de St-Jacques présente en ce moment un véritable phénomène archi»tectural. Après huit siècles d'existence, elle renaît de ses ruines, aussi parée, >> aussi élégante qu'au premier jour de son apparition 1.

» La façade à droite est à peu près restaurée, les arceaux des fenêtres, autrefois >> couverts de poussière et mutilés par les ravages du temps, paraissaient d'autant >> plus sombres et plus massifs, qu'ils étaient plus chargés d'ornements; aujourd'hui >> ils ont ressaisi leur gracieuse légèreté, la lumière se projette avec abondance

1 Le journaliste a commis plusieurs erreurs. La tour occidentale seule date du XI° siècle. La majeure partie de l'église est des XV et XVI siècles. Il n'y a pas de corniches aux piliers. L'église n'a et ne pouvait avoir de coupoles. On a probablement donné ce nom aux compartiments peints de la voûte formant des espèces de caissons.

chose que les étrangers visitent à Liége, actuellement, c'est l'église de St-Jacques.

L'église Notre-Dame de Huy s'est trouvée jusqu'à présent dans une position pire, mais nous croyons pouvoir lui prédire le même sort qu'à sa voisine. Pour contribuer à ce résultat,

» dans l'intérieur du temple et fait ressortir la pittoresque bizarrerie des enlu>> minures qui décorent les coupoles.

» M. l'avocat Jenicot 1 qui, dans ce travail patient de restauration, déploie un » zèle aussi infatigable que plein d'intelligence et de désintéressement, et à qui >> la ville est particulièrement redevable de ce monument, a étudié avec une >> conscience d'artiste l'agencement des peintures qui ornaient les parois >> intermédiaires entre la voûte et les corniches des piliers, qu'un blanchi» ment réitéré a fait entièrement disparaître. Cette partie de l'église recouvrera >> bientôt sa teinte primitive et formera avec les coupoles, un ensemble de >> couleurs parfaitement en barmonie.

>> A la suite des recherches faites dans les combles de l'église, M. Jenicot a » retrouvé le modèle, d'après lequel les minarets avaient été exécutés. Cette » découverte est d'autant plus précieuse, que la dentelure de ceux qui existent >> encore, était complètement usée par le temps, et n'offrait qu'une trace » fort équivoque de leur première origine; il y a certitude maintenant que >> la forme svelte, élancée, leur sera restituée sans aucune altération de >> caractère.

>> M. Jenicot ne hasarde rien; si les vestiges sont tellement informes qu'il >> ne peut y reconnaître le type original, il en réfère aux personnes connues >> par leur science archéologique. Aussi cette manière de procéder lui a mérité >> les éloges des membres de la commission royale des monuments, la récon>> naissance et l'admiration des hommes de l'art et des étrangers, qui, depuis >> quelque temps, viennent en grand nombre visiter cette intéressante résurrec» tion de l'architecture gothique.

» La Chambre des représentants, le gouvernement, l'administration commu»nale ont pris cet édifice sous leur patronage; les subsides qu'ils ont accordés » ont déjà permis de faire beaucoup; ils seront néanmoins insuffisants pour » compléter un travail commencé avec tant de succès; l'esprit de conservation, >> l'ardeur toute passionnée, et disons-le, le culte qu'on professe pour les >> monuments et les souvenirs du moyen âge, deviennent la garantie que cette » œuvre, qui, sous plus d'un rapport, peut être considérée comme une œuvre » de civilisation, ne restera pas inachevée. »>

4 L'auteur a cru devoir cesser au commencement de 1844, de donner ses soins aux réparations qu'il dirigeait depuis 1834.

essayons de décrire ce joli monument et disons ce qui nous paraît nécessaire pour lui restituer sa figure originelle.

Chapitre 1". Monographie.

O moment solennel! Ce peuple prosterné,

Ce temple dont la mousse a couvert les portiques,

Ses vieux murs, son jour sombre et ses vitraux gothiques,
Cette lampe d'airain qui dans l'obscurité,

Symbole du soleil et de l'éternité,

Luit devant le Très-Ilaut, nuit et jour suspendue;

La majesté d'un Dieu parmi nous descendue;

Cet orgue qui se tait, ce silence pieux,

Tout s'enflamme, agrandit, émeut l'homme sensible:

Il croit avoir franchi ce monde inaccessible,

Où sur des harpes d'or, immortel séraphin,

Au pied du Jéhovah chante l'hymne sans fin.

Anonyme 1.

Extérieur de l'église.

L'église est bâtie en pierres d'un rocher voisin, excepté les murs intérieurs des bas-côtés et les voûtes, qui sont en tuf. Elle a la forme d'une croix latine et regarde l'orient par son chevet. L'abside forme un hemicycle percé de cinq fenêtres lancéolées. Les transepts ou croisillons tournent vers le nord et le sud.

A l'occident, s'élève au centre de l'édifice, un clocher tétragone, couronné par une galerie à trilobes avec quatre clochetons angulaires, d'où sort une flêche en pierre à claire voie. La hauteur de cet ensemble est de 103 mètres ou 350 pieds. Deux mesquins porches latéraux rococo n'enlaidissent pas peu cette partie de l'extérieur.

Des contreforts adhérens contrebutent l'église. Ceux qui prennent leur racine dans le sol semblent, au premier coup-d'œil, inventés uniquement pour parer le premier étage. Ils se rétrécissent par des retraites différentes. Le faîte de chaque contrefort

L'auteur ne sait où il a puisé ces douze vers.

se compose de frontons avec pyramides dont les arètes sont découpées à crochets. Ces obélisques ou minarets s'engagent dans une galerie de quatre feuilles encadrées, qui forme le couronnement du premier comble.

Les têtes des contreforts de la grande nef, également découpées à crochets, dépassent les chenaux comme pour rompre la monotonie de la couverture.

Des couvre-joints couronnent la crête du toit supérieur.

Des arcades ou panneaux à trilobes sont inscrits dans les tympans des bras de la croix.

Au-dessus du chœur s'élève celui des deux clochers qui a survécu aux ravages des éléments et des révolutions politiques. Il est percé de trois étages de baies jumelles ogivales. Le dernier rang est muni d'abat-sons. Le clocher est privé de sa flèche. Une espèce de cour longe le flanc droit de l'église. Un portail décore l'entrée orientale de cette enceinte.

« Ce portail, dit M. Gorissen 1, si riche de fini et de détail, si >> souvent admiré et si souvent dessiné par les étrangers, appartient » évidemment à cet âge où le gothique fut si justement appelé » fleuri. I représente la naissance du Sauveur. Ce morceau » d'art, l'un des plus remarquables que nous ayons dans le pays, » a traversé toute la tempête révolutionnaire sans accident, pour >> venir échanger sa poussière séculaire contre l'impie badigeon du >> dernier doyen. »

M. Gorissen raconte comment on a heureusement écarté la main du vandale, qui allait détruire cette vénérable antiquité. L'ordre était donné . . . . La hache était levée .... La Providence envoie sur les lieux un modeste artiste de mérite. 2 Il intervient pour que

1 Page 492 de l'ouvrage cité ci-dessus.

2 Piette (Nicolas-Guillaume-Joseph), né à Huy le 23 mai 1787 de Jean-François Piette et d'Anne-Marie Warzée, professeur de mathématiques, peintre, professeur de dessin au collège royal de Liége, décédé le 12 octobre 1827. Des portraits à Liége et à Huy attestent son talent comme peintre.

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