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pour donner une idée de la manière dont, avec des travaux peu dispendieux, on peut garantir les terres et les prés des ravages des eaux, je choisis, pour exemple, une prairie située le plus défavorablement possible sur les bords d'une rivière navigable.

Soit donc une rivière navigable A, qui, lorsqu'elle vient à déborder, prend un cours rapide dans la noue B, faisant partie d'une prairie qu'on veut améliorer.

Pour y parvenir, il faut, 1o. empêcher les eaux hautes de la rivière d'établir leur cours dans la prairie; 2o. créer les moyens de pouvoir, pendant l'hiver, y introduire ses eaux troubles et de les y faire pénétrer sans vitesse, afin qu'elles y déposent le limon dont elles sont alors chargées; 3°. garantir la prairie des inondations de l'été.

Pour remplir ces différentes conditions, je construis d'abord, à la naissance de la prairie, une digue C, C, de dimensions assez fortes pour résister au choc et à la pression des eaux supérieures. Pour augmenter sa force de résistance, je trace cette digue dans une direction oblique avec celle du courant, en laissant toutefois à la navigation le chemin de hallage qui lui est nécessaire.

surpasser

L'effet de cette première digue, dont la hauteur, ainsi que celle des autres digues dont il sera question ci-après, doit de cinquante centimètres le niveau connu des plus grandes eaux de la rivière, sera de détourner la direction du courant de ces eaux, et, suivant les lois du mouvement des fluides, de le réfléchir sur le bord opposé de la rivière sous un angle égal à celui d'incidence. En second lieu, pour éviter que, par quelque circonstance locale, les eaux de l'inondation ne se trouvent dans le cas de s'ouvrir un nouveau cours dans la prairie B, au-dessous de la digue, et en même temps pour en former la clôture, j'établis parallèlement aux berges de la rivière, et dans les limites fixées pour le chemin de hallage, une digue latérale D, D, faisant suite à celle C, C, et fermant toute espèce d'entrée aux eaux descendantes de l'inondation.

Par la disposition de ces deux digues, on voit que l'inondation ne peut plus pénétrer dans la prairie que par sa partie inférieure, et en couvrir la surface qu'en remontant son cours naturel, et conséquemment sans vitesse. 3o. Enfin, je garantis cette prairie des inondations d'été, en élevant dans sa partie infé

rieure une troisième digue E, E, qui en ter minera la clôture.

Cette dernière digue est garnie d'une ou de deux vannes F avec empellement. Pendant l'hiver, on tiendra levées les pelles de ces vannes, afin de laisser entrer les eaux des inondations de cette saison dans l'intérieur de la prairie, et d'en faciliter l'écoulement après chaque inondation d'hiver.

Mais aussitôt que la végétation des herbes aura commencé, on les baissera et on les mastiquera, afin de garantir la prairie des inondations d'été ; et, pour procurer aux eaux pluviales de cette saison, qui s'accumuleroient dans l'intérieur de la prairie, un écoulement nécessaire, on pratiquera sous la digue E, à côté de la vanne F, des passes G, G, garnies de portes à clapets, comme dans les digues latérales au lit des rivières (1).

Les digues que je conseille ici pour l'amé lioration des prairies situées sur les bords des rivières navigables, sont, aux dimensions près, absolument semblables à celles de la planche III, et leur construction exige la même solidité et les mêmes précautions.

(1) Voyez page 126 et suiv.

SECTION V.

Amélioration des Prairies de la quatrième classe. (Prairies marécageuses, marais.)

L'amélioration des prairies marécageuses et des marais dépend particulièrement, ainsi que je l'ai dit, de leur desséchement.

Une humidité toujours surabondante, et qu'on ne peut souvent leur ôter qu'à trèsgrands frais, empêche les plantes les plus salutaires de végéter sur leur sol, et il ne présente que des plantes aquatiques dont le pâturage n'est jamais favorable, et est souvent nuisible à la bonne constitution des bestiaux que l'on nourrit habituellement dans ces prairies.

D'ailleurs leur voisinage est funeste à la santé des hommes, et l'humanité réclame avec instance leur desséchement.

Les travaux de M. Dourches, et mieux encore ceux de feu Cretté de Palluel, sur les prairies marécageuses, et ceux de M. Chassiron sur le desséchement des marais, contiennent tous les détails que les propriétaires peuvent désirer sur l'amélioration de ces prairies je les renvoie donc, pour cet objet, aux ouvrages imprimés sur cette matière par

ces auteurs estimables. Je me borne ici à la discussion de l'espèce d'irrigation dont ces prairies sont susceptibles.

J'ai indiqué, dans la section précédente, que les marais et les prairies marécageuses ne devoient point être arrosés par inondation, et je persiste dans cette opinion.

En effet, par la nullité de la pente de ces prairies, des irrigations par inondation leur rendroient cette surabondance d'humidité que le desséchement leur avoit fait perdre; cette humidité favoriseroit de nouveau la végétation des plantes marécageuses, et nuiroit au développement des plantes meilleures qu'on vouloit leur faire produire enfin, de fréquentes irrigations par inondation sur des marais nouvellement desséchés, seroient capables de détruire tout l'effet de leur desséchement.

D'ailleurs le sol neuf et singulièrement fertile de ces marais. desséchés n'a pas besoin d'engrais d'irrigation, et ce n'est que lorsqu'après un grand nombre d'années ils seront devenus prairies de la troisième classe, qu'on devra leur procurer cette fertilisation.

Jusque-là il ne leur faut, ainsi que je l'ai dit et par la raison que j'en ai donnée, que

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