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MÉMOIRE

Sur le Transvasement des Abeilles.

Par M. LOMBARD (1).

TRANSVASER les abeilles, c'est les faire passer d'une ruche pleine dans une ruche vide, afin de renouveler les ruches et d'augmenter la récolte de la cire et du miel.

Faire cette opération sans nuire aux abeilles, étoit une chose qui jusqu'ici n'avoit point été pratiquée en grand, j'en ai saisi le moyen; je vais faire connoître combien les procédés en sont faciles et les résultats profitables.

La Société ayant reconnu que ce qui s'opposoit à la conservation et à la multiplication des abeilles, étoit, d'une part, la défectuosité de la ruche d'une seule pièce, la plus universellement en usage, et de l'autre, la malheureuse habitude où l'on est, presque

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(1) Lu à la Séance publique de la Société le 35 Brumaire an XIV.

généralement, d'étouffer les abeilles pour avoir leur dépouille, habitude qui s'est aggravée parmi beaucoup de propriétaires, qui, non contens d'étouffer les abeilles des ruches les plus pesantes, pour en avoir la cire et le miel, étouffent aussi les abeilles des ruches les plus foibles, pour n'être pas obligés de les nourrir pendant la mauvaise saison; la Société, dis-je, a désiré y remédier.

Elle a vu d'abord dans la ruche en deux parties, que j'ai mise sous ses yeux, le moyen simple d'enlever aux abeilles le superflu, et en même temps la plus belle partie de leurs provisions, sans en détruire une seule ; beaucoup de propriétaires adoptent cette ruche, c'est un premier point de conservation que Société voit avec plaisir : elle désire avoir la satisfaction de décerner une récompense honorable au villageois qui l'adoptera en grand.

la

Le second point de conservation auquel la Société mettoit sa sollicitude, c'étoit de trouver le moyen de se procurer la dépouille des ruches pleines de cire et de miel, non seulement sans en détruire les abeilles, mais aussi sans leur nuire; je l'ai saisi ce moyen. Il est d'autant plus sûr, qu'il est pris dans l'activité, dans l'industrie, dans l'instinct des abeilles ; ce

sont elles qui abandonnent, pour ainsi dire, d'elles-mêmes, ce que tant d'avides propriétaires leur arrachent avec violence, ou en les étouffant.

Pour avoir la dépouille des ruches, on emploie généralement deux procédés. Le premier comme je l'ai dit, c'est d'en étouffer les abeilles ; le second, c'est de renverser une ruche pleine, d'en aboucher une vide dessus, et avec des baguettes de frapper sur la ruche pleine, pour faire monter les abeilles dans la ruche vide; c'est ce que les propriétaires appellent chasser., Il résulte de ce procédé plusieurs inconvéniens; le premier, c'est qu'il y a des abeilles qui, malgré les coups que l'on donne sur la vieille ruche, ne veulent pas l'abandonner; le second, c'est que lorsqu'elles la quittent, le propriétaire perd le nombreux couvain qui est dans la vieille ruche; un troisième, c'est que la reine-abeille qui pond continuellement, se trouvant subitement dans une ruche sans édifices, la parcourt dans tous les sens, pour chercher un lieu où elle puisse déposer son fardeau; n'en trouvant point, elle communique son agitation aux abeilles ouvrières, et souvent elles abandonnent toutes la ruche nouvelle, en s'éloignant de leur avide

propriétaire, ou si elles ne s'éloignent pas, elles mettent le désordre dans le rucher, en se jetant dans des ruches voisines; j'ai vu les abeilles de six ruches, maltraitées ainsi réunir en une seule. Un dernier inconvénient

se

enfin, c'est que si le reste de la belle saison est sec, ces abeilles, n'ayant pu amasser des provisions, périssent par la faim. Il y a y a trois ans, j'ai vu un propriétaire qui avoit chassé les abeilles de quarante ruches, en perdre trenteneuf, et ne conserver la quarantième qu'en la nourrissant jusqu'au retour de la belle saison.

Pour éviter ces inconvéniens, j'ai essayé de mettre les abeilles en état de passer insensiblement et d'elles-mêmes, d'une ruche pleine dans une ruche vide; voici quel en a été le procédé.

J'ai mis tout simplement deux ruches l'une sur l'autre, c'est-à-dire une ruche complètement pleine, sur une ruche vide. J'ai mis la ruche vide sous la ruche pleine, parce que les abeilles ne travaillent point en remontant, dans un grand espace, mais toujours en descendant; j'ai pensé que la ruche du haut étant pleine, les abeilles seroient portées par leur instinct à construire des édifices dans la ruche inférieure ; j'ai luté les deux ruches l'une sur l'autre, de manière que les abeilles n'ayant

plus d'issue que par la ruche neuve, ont dû s'y accoutumer à l'instant, sentir et voir le vide qu'elles avoient à remplir.

J'ai placé ces ruches ainsi : savoir, quatre en Juin 1804, quatre en Avril 1805, et trois en Juin aussi 1805; en tout onze.

Les quatre ruches placées en Juin 1804, l'ayant été trop tard, et les abeilles n'ayant construit que peu d'édifices, pendant le reste de la belle saison de cette année, je les ai laissées ainsi.

Deux jours après avoir placé les trois ruches en Juin 1805, une d'elles a donné un essaim; j'ai retiré aussitôt la ruche vide mise sous la vieille; j'ai pensé que cette dernière s'étant dépeuplée, il ne falloit pas lui laisser un aussi grand vide qu'une ruche neuve, parce que cela pouvoit donner au papillon de la fausse teigne, la faculté de s'introduire dans cette ruche; dès-lors je n'ai plus opéré que sur dix ruches.

Au commencement du mois de Juillet suivant, sur les dix ruches neuves, neuf se sont trouvées pleines, la dixième ne l'étoit qu'aux deux tiers ; je les ai laissées ainsi jusqu'au mois de Septembre, afin de donner au couvain des vieilles ruches, le temps de prendre son essor.

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