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lorsque la question de reconstituer la Pologne fut agitée au parlement de Francfort, il a été décidé que le duché de Posen ne pouvait être restitué par l'Allemagne parce que des Allemands y étaient établis.

Lorsqu'à la même époque il a été question de reconstituer l'Italie, il a été décidé que l'Allemagne ne pouvait lui restituer ni le Tyrol italien, ni l'Istrie, ni la Vénétie, parce qu'il faut des ports à l'Allemagne. Voyez un peu les bonnes raisons :

La rive gauche de Rhin doit appartenir à l'Allemagne parce qu'on y parle allemand; mais lorsqu'on y parlait le gaulois, l'Allemagne en a-t-elle tenu compte? Nenni.

Le duché de Posen ne peut être restitué à la Pologne parce que des Allemands y sont établis; mais des Polonais, qui forment le fond de la population de ce pays, en tient-on compte? Pas davantage.

Le Tyrol, l'Istrie et la Vénitie ne peuvent être restitués à l'Italie, parce qu'il faut des ports à l'Allemagne; mais des frontières naturelles de l'Italie, de la langue et de la nationalité italiennes, en tient-on compte? Attendez-moi sous l'orme. L'Allemagne ne tient compte de quelque chose que lorsqu'il s'agit de prendre et de garder1.

Il y a un droit spécial pour l'Allemagne, qui est. lettre morte pour les autres nations.

A entendre les Allemands, on croirait bien que

4. On peut voir à ce sujet dans les notes M, N, le diplôme d'Alexandre le Grand, que Cyprien Robert suppose que les Slaves ont dû fabriquer pour repousser à une autre époque les prétentions envahissantes des Allemands.

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nous les avons dépouillés de l'Alsace et de la Lorraine, comme si, en rentrant en possession de ces pays, nous n'étions pas simplement rentrés en possession de notre bien. Que nous parlez-vous de choses aussi anciennes ? nous diront probablement les Allemands: on ne parle pas de vieilleries comme cela. Sans doute, répondrons-nous; ce sont peutêtre des vieilleries, mais les droits que vous prétendez avoir à opposer à ces vieilleries ne remontent ni en deçà ni au delà du jour où vous prétendez que nous avons perdu les nôtres ; il n'y a pas entre l'un et l'autre l'espace de vingt-quatre heures; d'ailleurs, faudrait-il s'arrêter au droit nouveau, qu'il ne serait pas plus contestable que l'ancien. Ainsi donc, ce que nous possédons nous appartient bien, et l'Allemagne n'a rien à y voir.

Nous sommes entré dans ces détails plutôt pour répondre aux Allemands que pour démontrer et prouver la légitimité de nos droits qui éclatent au grand jour, et nous sommes bien persuadé que l'Allemagne ne dédaignerait pas d'en avoir sur le reste de la rive gauche du Rhin qui reposassent sur une semblable origine. Les Danois disent avec raison: Il fait bon avoir d'anciens droits. Or, les nôtres remontent au temps des Celtes et des Gaulois, qui se baignaient déjà depuis des siècles dans le Rhin quand ce fleuve n'avait pas encore vu la nuance d'un Allemand. Est-t-il nécessaire d'en dire davantage ?

Afin d'éviter toute récrimination vis-à-vis de ce qui

précède, nous déclarons protester contre toute pensée qui pourrait nous être imputée de vouloir provoquer une guerre contre l'Allemagne à propos de la rive gauche du Rhin. Le gouvernement a, d'ailleurs, répondu dernièrement, d'une manière assez nette, assez claire, assez précise, aux appréhensions de l'Allemagne, pour que tout ce qu'on pourrait dire en opposition à ce sujet pût être considéré comme nul et non avenu; nous savons trop aussi dans quels maux une semblable guerre pourrait entraîner notre pays, dans ce moment surtout, pour ne pas l'engager à s'y jeter de propos délibéré. Nous avions à parler des populations gallolatines et gauloises en général; et nous ne pouvions, ne devions ni ne voulions passer les Gallo-Rhénans sous silence.

Notre but, en publiant cet écrit, a été d'infuser chez les Gallo-Romains et Gaulois libres la pensée de s'unir par un lien fédératif puissant, afin de nous mettre en mesure de faire tête et contre-poids au panslavisme, aux États-Unis et à la Chine, qui menacent de nous déborder si nous n'y prenons garde. L'Allemagne, qui veille à son salut, ne trouvera pas mauvais, nous l'espérons, que nous songions à veiller au nôtre; nos sympathies n'en sont pas moins acquises pour cela aux populations gauloises et gallo-romaines que des conventions ou traités lient à d'autres États; mais l'avenir seul nous paraît devoir décider de leur sort futur, et l'avenir est dans le sein de Dieu; il ne nous appartient pas d'en préjuger.

La Confédération que nous proposons pourrait donc se composer des peuples suivants :

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Peuples que des traités lient à d'autres races, et qui pour cette raison devront rester en dehors de la confédération, à moins de conventions nouvelles qui leur rendent leur liberté :

Gallo-Rhénans ou Gallo-Germains,

(peuple mixte) environ...... 7,500,000

Vénitiens et Tyroliens, environ...

Gréco-Latins, environ 2 à 3 millions,

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3,000,000

2,500,000

millions, terme moyen. ..... 11,000,000

Suisses français, 6 à 700,000, soit

650,000

24,650,000

On peut aujourd'hui, à cause de leur mélange avec les Germains, considérer les Gallo-Rhénans comme un peuple mixte: aussi est-ce pour cette raison que nous leur donnons le nom de Gallo-Germains.

Ce qui porte le chiffre des populations gallo-romaines et gauloises en Europe a environ 140 millions.

Nous avons dit nos craintes au sujet du panslavisme, sur lequel il est inutile de revenir présentement. Le panslavisme n'est, du reste, en quelque sorte, qu'une répétition, sous une autre forme, du plan de domination européenne connu sous le nom de Testament de Pierre le Grand.

Nous allons essayer d'esquisser le deuxième danger dont nous croyons l'Europe menacée; danger qui, comme nous l'avons dit, lui viendra du côté des États-Unis.

Voici ce que dit M. Édouard Laboulaye1 de cette puissance :

« La révolution française est à coup sûr, dit-il, le spectacle le plus surprenant que le monde ait vu depuis la réforme. Envisagé avec terreur par les uns, comme le commencement de la décadence; avec admiration par les autres, comme l'aurore d'un âge nouveau, ce grand mouvement dure encore et frappe l'Europe d'inquiétude et d'étonnement; mais

1. Histoire politique des États-Unis depuis les premiers essais de colonisation jusqu'à l'adoption de la constitution fédérale de 1620-1789, par Édouard Laboulaye, tome I, pages 4, 5, 6.

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