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TABLEAU

PAR PROVINCES, DE LA POPULATION DE L'EMPIRE CHINOIS
ET DES TERRES EN CULTURE

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4. Les noms de ces dix-huit provinces écrits ici en anglais pour demeurer fidèles à l'original se traduisent ainsi en français :

Pe-tchi-li, Chan-toung, Chan-si, Ho-nan, Kiang-sou, Ngan-hoei, Kiang-si, Fokhien, Tché-kiang, Houpé, Hou-nân, Chen-si, Kan-sou, Sse-tchouen, Kouangtoung, Kouang-si, Yun-nan, Kouei-tcheou. Dans ce nombre de 367,632,907 individus n'est pas compris la population de la Tartarie et des colonies chinoises. Le marquis d'Hervey Saint-Denis, dans une brochure intitulée la Chine devant l'Europe, ne porte la population de 18 provinces qu'à 360,279,897 habitants, et dit qu'avec les colonies et la Tartarie elle arrive à 400,000,000.

On lit dans le Morning-Chronicle:

« Le dernier recensement de la Chine donne pour ce pays une population de 414,686,944 habitants, 14 millions et demi de plus que le chiffre indiqué par le docteur Dietroci. En 1757, c'est-à-dire il y a cent ans, la population de la Chine était de 190,348,328 habitants, en 1790, 277,548,431, en 1812, 361,693,179, en 1841, 414,457,311.» (La Presse, 24 juin 1860.)

Observation. Il y a évidemment ici une erreur quelconque de chiffres, car avec une population de 414,457,311 habitants, la Chine a dû en 19 ans augmenter de plus de 229,683 individus.

5. Il est à présumer que cette province n'est composée que de grands et riches

Une seule observation démontrera que même déjà les Chinois ont le sentiment de leur force. A la suite d'un combat entre les Chinois et les Anglais, et où l'avantage était resté à ces derniers, avantage qui toutefois n'avait pas été obtenu sans qu'il en coûtât la vie à quelques-uns d'entre eux, un Chinois répondit à l'un des Anglais qui se flattaient d'avoir obtenu la victoire : « Si vous ne comprenez pas, dit le Chinois, que c'est nous qui sommes victorieux, vous ne comprenez rien à la guerre. La raison cependant en est bien simple, ajouta-t-il, c'est qu'en Chine il croît des Chinois pour remplacer ceux qui sont morts, mais il n'y croît point d'Anglais. » Cette réponse n'est pas moins judicieuse que celle que fit, dans le sens opposé, un empereur turc à un courtisan, qui le félicitait sur une victoire qu'il venait de remporter, mais où un grand nombre des siens avait trouvé la mort, et qui répondit : « Encore une victoire comme celle-ci, et je n'aurai plus d'armée. »

Il est donc incontestable qu'il y a péril pour l'Eu

rope :

1o Dans le panslavisme, soit tzarien, soit fédératif, car, quoique momentanément abattu, le panslavisme n'en demeure pas moins toujours actif et remuant et toujours menaçant pour l'Occident, comme nous allons avoir l'occasion de le prouver.

domaines; car comment, étant une des plus grandes de l'empire, et proportionnellement la moins peuplée, expliquer autrement qu'elle ait pu donner naissance à ce proverbe en usage chez les Chinois, qui disent, en parlant d'un prodigue : « Il dépense autant que si son père était receveur de l'empereur dans la province de Yun-nán ? »

2o Par la prospérité toujours croissante et par le développement incessant de la population des ÉtatsUnis1.

3o Enfin, par cette masse imposante de la population de l'empire chinois, qui, comme nous l'avons dit, ne s'élève pas à moins de 367 millions et même à 400 millions, en y joignant les colonies; nous sommes convaincu qu'en allant attaquer les Chinois chez eux, nous leur enseignons à prendre, à un moment donné, le chemin de l'Europe.

Il est certain que pour beaucoup de personnes, ainsi que l'a dit Boufflers dans des termes trop désobligeants pour les répéter ici, il n'y a pas d'évidence. Ces dangers sont cependant tellement apparents qu'ils devraient frapper les yeux les moins clairvoyants.

Supposons un moment que la Chine, se réveillant tout à coup de sa longue léthargie, veuille aussi se faire conquérante et envahissante, qu'elle réussisse à chasser les Anglais de l'Inde et à subjuguer celleci, elle sera par le fait à peu près maîtresse de l'Asie entière, et sa population s'élèvera à près de 700 millions d'individus. C'est presque les deux tiers de la population du globe, qui n'en contient pas plus de 1,100 millions. La Chine, possédant ainsi toute l'Asie et par conséquent aussi les plus riches contrées du globe où tous les métaux précieux se

1. Cooper, dans un de ses romans, le Porte-chaîne ou Ravensnest, dit que l'Europe, qui s'est si souvent mêlée des affaires des ÉtatsUnis, pourra bien voir un jour ceux-ci se mêler des siennes.

donnent rendez-vous, pourra mettre 10 millions d'hommes sous les armes. Quelle puissance au monde pourrait résister à un pareil torrent? et l'Europe, si confiante dans sa force, serait inondée avant de savoir de quel côté se retourner. On nous répondra sans doute que ces populations sont amollies par l'énervant soleil de l'Asie, et que les 170,000 Cipayes de l'Inde n'ont pas résisté devant l'armée anglaise, si inférieure en nombre. Mais nous répondrons à notre tour que, s'il y avait eu unité d'action, si les populations rurales de l'Inde ne s'étaient pas, dans beaucoup de contrées, montrées favorables à l'Angleterre; s'il n'avait pas suffi, comme cela est arrivé dans l'Oude, à deux sergents anglais de porter deux barils de poudre à une porte de ville et d'y mettre le feu pour détruire cette porte, et donner ainsi à l'armée anglaise accès dans la ville 1, les Anglais n'eussent pas aussi facilement triomphé de la révolte, qui couve néanmoins toujours. Il faut d'ailleurs croire que ces Cipayes ne sont ni si lâches ni si poltrons qu'on veut bien le dire, car nous nous souvenons parfaitement d'avoir lu pendant leur insurrection cette phrase arrachée à la plume d'un Anglais « Ces débonnaires Cipayes, ils se battent contre la Compagnie comme ils ne se sont jamais battus pour elle; lorsqu'ils entrent dans nos camps, on ne sait comment s'en débarrasser. »

Si, du côté des populations asiatiques, le danger

4. Combien a-t-il fallu de sergents et de barils de poudre pour entrer dans Sébastopol ?

peut paraître éloigné, sans être moins réel pour cela, il n'en est pas de même vis-à-vis des États-Unis, avec lesquels il faut songerà compter avant trente ans. Quant à la Russie et au panslavisme, le danger est de tous les jours; il est permanent et à nos portes.

Pour l'immense majorité des populations occidentales, la Russie ne dépasse pas en Europe les limites des provinces de l'ancienne Pologne qui lui sont échues en partage lors du démembrement de celleci; mais pour ceux qui ont étudié la question d'Orient, la Russie s'étend partout où il y a des Slaves; et il y en a, dit Cyprien Robert, en Turquie, jusque sous les murs d'Andrinople 1, c'est-à-dire à 45 lieues de Constantinople, au delà de cette formidable barrière, qu'on nomme le Balkan, que l'on compte opposer à la Russie et qu'elle se trouve ainsi avoir franchi, sans qu'on paraisse s'en douter.

La Russie englobera un jour, si on n'y fait attention, les Roumains du Bas-Danube et les Hongrois. C'est pour cela qu'en 1849 elle s'est opposée à l'émancipation de ces derniers.

Elle espérait alors, suivant le plan de Pierre le Grand, rendre l'Autriche favorable à ses desseins sur Constantinople, qu'elle couve de l'œil, faire facilement la conquête de cette capitale, ainsi que de toute la Turquie, puis, à un moment donné, fondre sur la Hongrie et sur le reste de l'Autriche, à laquelle elle réservait le même sort; ce qui eût été

4. Voir La Pologne, par Cyprien Robert, 4 mars 1849.

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