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il faut apprécier positivement l'esprit, le but, les œuvres et l'influence, sans s'arrêter aux vagues préventions que leur nom inspire quelquefois:

Les sulpiciens leur esprit est connu; c'est la modestie, la sagesse, la modération même. Leur science. est grande. Ils élèvent et dirigent, depuis le concordat de 1802, la moitié du clergé de France, soit par euxmêmes dans vingt-cinq diocèses environ, soit par leurs élèves dans la plupart des autres diocèses. Leur influence, quoique paisible et retirée, est immense : ils sont à Paris les maîtres de la partie la plus distinguée de la jeunesse cléricale des provinces: presque tous les évêques ont été formés par eux.

Les lazaristes: ils dirigent les séminaires de dix ou douze diocèses; ils sont les supérieurs et les directeurs de cinq mille sœurs de charité, entre les mains desquelles se trouvent l'éducation d'une multitude de jeunes filles pauvres, le soin de nombreux hôpitaux, la distribution d'innombrables secours. Les lazaristes sont aussi chargés des missions du Levant, dont l'importance est avouée.

Les prêtres des Missions étrangères : corps vénérable, dont le zèle, les suffrages, l'influence même, au dedans et au dehors de la France, ne peuvent être oubliés ; ils ont cent vingt missionnaires français dans les Indes, la Chine et le Tong-King.

Les frères des Écoles chrétiennes, devenus depuis quelques années si populaires en France : ils ne peuvent suffire au vœu des populations: cent trente villes les demandent en ce moment sans pouvoir les obtenir. Ces vénérables et précieux instituteurs de l'enfance sont aujourd'hui au nombre de deux mille cent trente-six,

comptent en France près de quatre cents établissements, et près de deux cent mille enfants reçoivent d'eux l'instruction gratuite.

Enfin, je ne dois pas oublier les picpuciens, les maristes et les jésuites, qui, ne pouvant pas toujours travailler librement en France, ont peut-être cinq ou six cents sujets français dans les missions étrangères.

Voilà le clergé en France. J'ai dit, Monsieur le Duc, que chez lui les lumières n'étaient pas inférieures aux vertus : cela est incontestable pour l'élite du clergé et pour les congrégations religieuses je le crois également vrai pour tous dans les proportions convenables. Je n'ai point parlé jusqu'ici des écoles où se forme le clergé de France, où se préparent ses écrivains, ses prédicateurs, ses théologiens, ses moralistes; où se trouve enfin par lui le dépôt des lettres humaines, et cette science sacerdotale, la seule, après tout, dont il soit juste de lui demander un compte sévère 1.

Il n'y a pas un diocèse en France qui n'ait son petit séminaire, où le cours des études classiques ne soit complétement organisé; où le goût sérieux, le goût antique, le bon sens, le respect, la gravité, l'application constante, ne président à l'enseignement; où l'histoire ne soit étudiée avec soin et avec zèle; où les sciences physiques et mathématiques n'aient la part raisonnable qui leur appartient.

Les cours des petits séminaires sont de huit années au moins, suivis et dirigés avec une régularité invio

Il y aurait injustice à nous demander d'être des hommes universts où sont, même dans la magistrature et l'administration, les hommes universels? La France en compte peu.

lable, avec un sérieux de travail dans les élèves, avec un sérieux de dévoûment dans les maîtres, qu'on chercherait vainement ailleurs ceci est considérable, Monsieur le Duc.

Un des hauts dignitaires de l'Université, dans un ouvrage récent, a eru pouvoir imprimer, sous les apparences d'une responsabilité étrangère, que les professeurs des petits séminaires ne seraient pas capables de concourir avec les élèves de seconde des collèges universitaires. Certes l'affirmation est étrange.

De mon côté, j'offrirais volontiers, si monseigneur l'archevêque de Paris le permettait, de faire concourir les élèves de son petit séminaire avec les élèves du plus renommé collége royal de Paris, classe contre classe. Je ne mettrais que deux conditions, c'est que tous les élèves du collège universitaire prendraient part à la lutte et concourraient Tous dans toutes les facultés.

A ces conditions, je crois fermement que, sur les trente élèves qui composent à peu près chacune de nos classes, vingt seraient honorablement placés dans les quarante premiers, et je ne renoncerais pas à l'espoir que parmi eux plusieurs disputeraient les premiers rangs.

Ce concours, que j'offrirais volontiers au nom du

Je me sers à dessein de ce mot, à qui l'on semble avoir ôté toute sa dignité dans la langue universitaire, en ne le laissant plus qu'aux maîtres d'étude, c'est-à-dire en le reléguant au degré le plus humble de la hiérarchie. Et quel avantage ne me donnerais-je pas si, pour répondre au membre du Conseil royal qui oppose les professeurs des collèges à ceux des petits séminaires, j'opposais au personnel des maîtres d'étude des colléges, şi tristement privés de considération et d'influence morale, le personnel ecclésiastique qui exerce les mêmes fonctions avec une autorité si salutaire et si respectée !

petit séminaire de Paris, je l'offrirais également, si j'avais autorité pour cela, au nom des petits séminaires de province, aux colléges de l'Université dans les provinces, et je ne doute pas que partout les résultats ne fussent semblables.

Je n'aime point à récriminer: mais enfin l'Université ne peut oublier que, sur la totalité des élèves qu'elle instruit, et présente chaque année au baccalauréat, la MOITIÉ n'est pas même admise à subir les épreuves orales, mais est rejetée pour n'avoir pas su faire convenablement une version de troisième; c'est ce que constatent les statistiques officielles de l'Université.

Sur la totalité des élèves que les petits séminaires ont présentés cette année afin d'obtenir le diplôme spécial de bachelier, plus des deux tiers ont été reçus.

Et c'est là cette jeunesse que l'on frappe en masse d'incapacité et d'ignorance: après les élèves, on attaque les professeurs; et ici, Monsieur le Duc, j'ai la douleur d'entendre votre voix se joindre à celle de l'honorable membre du Conseil royal auquel je viens de répondre : C'est, dites-vous, un professorat mobile et gratuit.

Mobile: permettez que, sans manquer au respect que je veux garder, je vous dénonce ici à vous-même un fait matériellement erroné: la position que vous faites à nos professeurs est aujourd'hui d'une inexactitude étrange; c'est un anachronisme. A une époque de trouble où nous avions été renversés comme la société tout entière, comme elle, nous avons eu nos embarras : mais, comme elle aussi, nous nous sommes relevés, fortifiés et régularisés.

Après avoir réduit le clergé à peu près au néant, la Révolution, il y a quarante années, le vit à regret sortir

des ruines où elle croyait l'avoir enseveli; mais elle se consolait au moins par l'état obscur, pauvre, discrédité dans lequel il apparut alors. Nous dûmes rebâtir le temple d'une main et le défendre de l'autre : on prit en pitié nos efforts, et la fierté philosophique, pour abattre un rival naissant, proclama hautement notre ignorance. Les embarras de notre première reconstitution servirent d'abord ces vœux; on insulta à l'industrie de nos études, à la pauvreté de nos ressources; l'Église, qui avait besoin d'ouvriers, était réduite pour un moment à négliger les docteurs, et c'est sur cette crise que s'est établi le préjugé de notre ignorance. Vieux préjugé aujourd'hui ! car il date de quarante ans; et, depuis lors, la crise s'est résolue à notre honneur. Si l'Église compte maintenant de nombreux ouvriers, elle compte aussi des docteurs; elle a un enseignement et des écoles à elle; elle trouve ses ressources dans ses services et dans la charité de ses enfants; elle apprend, sait et enseigne ce qui s'enseigne, se sait, s'apprend partout; et elle sait, de plus, ce qu'ignorent ailleurs même les plus habiles et les plus savants.

Il est aujourd'hui très-peu de petits séminaires dans le royaume, s'il en est, où le professorat soit, comme vous le dites, un passage; aucun, je l'affirme, où il soit un pis-aller. Au contraire, partout nos professeurs sont des hommes de zèle, de dévoûment, de savoir même, qui aiment le ministère de l'enseignement et y consacrent leur vie, tant qu'il plaît à leur évêque de leur confier la jeunesse cléricale. J'affirme la vérité de toutes ces assertions.

Notre professorat est gratuit? Qu'est-ce à dire? Est-ce que le dévoûment désintéressé serait par hasard un

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