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305. On ne doit pas considérer comme étant une cause attributive de juridiction des tribunaux français, la circonstance que l'acte, cause des contestations, aurait été passé en France.-On invoquerait vainement à l'appui de l'opinion contraire la loi 19, SS 1 et 2, au Digeste, de judiciis, qui considérait tout contrat comme attributif de juridiction au juge du lieu où il avait été passé; car une règle contraire avait déjà prévalu sous notre an cienne jurisprudence, où il était de principe que le juge du do micile du defendeur était compétent en principe (V. à cet égard Bacquet, Tr. des droits de justice, ch. 8, no 9, et Boullenois, Tr. des statuts, t. 1, p. 607). — Comme le code civil a dans son art. 1247, reproduit le principe sur lequel était basée la maxime précitée de notre ancien droit, et que l'art. 14 n'y a fait exception que pour deux hypothèses autres celle que qui nous occupe, de même que l'art. 111 n'y a dérogé que pour un troisième cas, également différent du nôtre, il faut considérer comme un principe certain que la passation seule d'un acte entre étrangers en France ne suffit pas pour déterminer la compétence des tribunaux français. -M. Demolombe (no 252) est toutefois d'une opinion contraire; il lui paraît naturel, si l'obligation a été contractée en France, d'assigner l'étranger devant le juge du lieu où l'obligation a été contractée; et à l'appui de son système, il invoque l'art. 420.— Mais, à supposer que l'art. 420 soit applicable aux matières civiles, la seconde disposition de cet article, à laquelle se réfère M. Demolombe, exige le concours des deux circonstances de promesse faite et demarchandise livrée dans le même lieu pour autoriser le demandeur à assigner son adversaire devant le tribunal du lieu où cette promesse a été faite (V. Compét. comm.).—Or, notre hypothèse ne prévoit pas ce cas, qui ne saurait faire difficulté, mais celui seulement d'une promesse faite en France.-M. Legal, p. 302 et suiv., enseigne aussi que le seul fait que l'engagement entre étrangers a été contracté en France suffit pour rendre nos tribunaux compétents à leur égard.—Et, à l'appui de son système, il cite plusieurs arrêts de la cour de cassation, en date des

(1) (Lonchay C. Chalier.) - LA cour;

Attendu que les appelants

et l'intimé sont étrangers; que Chalier père et encore moins le fils n'ont acquis ni domicile ni résidence en France; - Attendu que ces étrangers contestent en France, par suite de conventions qu'ils ont faites en pays étrangers, et demandent l'exécution d'une décision d'un tribunal étranger; Attendu que la jurisprudence consacrée par plusieurs décisions et arrêts de la cour de cassation refuse toute action à des étrangers devant les tribunaux français; que les tribunaux doivent se reconnaitre sans caractère et sans mission légale pour prononcer sur des intérêts qu'ils n'ont pas le devoir de régler; qu'ils n'ont pas plus d'autorité pour ordonner l'exécution des jugements rendus par les tribunaux étrangers; Attendu que le tribunal de commerce de Charleville était incompétent pour connaitre des questions que lui soumettaient les parties, vu leur qualité d'étrangers, et encore moins pour ordonner l'exécution des jugements, ce qui, dans tous les cas, excéderait ses pouvoirs; les jugements dont est appel doivent être considérés comme nuls et non avenus; - Emendant; déclare les jugements dont est appel incompétemment rendus, nuls et de nul effet. Du 6 juin 1823.-C. de Metz.

(2) (Denis C. Lévy.): LA COUR; Attendu qu'il est constant qu'avant le jugement définitif l'objet en litige, la chose sur laquelle il s'agissait de statuer, le demandeur originaire, le défendeur en garantie (l'appelant) n'etaient plus sous la domination française et avaient passé (le territoire comme les personnes) sous la puissance du roi de Prusse, d'apres le traité du 50 mai 1814, il n'est pas possible de penser que le tribunal put alors retenir la connaissance et y prononcer; - Attendu qu'on ne peut invoquer les dispositions du code de procédure, relatives à la reconnaissance ou prorogation volontaire de juridiction, sous le prétexte que, postérieurement au traité de Paris du mois de mai, Denis aurait fait acte de reconnaissance volontaire de la compétence ou juridiction, en signifiant un dire dans lequel il annonçait reprendre l'instance et concluait au fond car les lois de procédure, comme les autres, n'obligent que les sujets français et ne peuvent être opposées aux étrangers qui ne sont pas soumis à leur empire; Attendu, au surplus, que l'incompétence du tribunal étant absolue, dès l'instant où la chose et les parties n'étaient plus sous la puissance française, le déclinatoire pouvait être proposé en tout état de cause, même après contestation; - Attendu que le tribunal devait lui-même d'office, lorsque les parties eurent gardé le silence, les renvoyer et leur procès devant leurs juges naturels, d'autant mieux que, sans autorité pour faire exécuter hors de France un jugement rendu sur un objet et entre des parties également soumises à une puissance étrangère, il devenait inutile et frustratoire de vouloir garder la connaissance d'une cause sur laquelle le défaut de pouvoir interdisait au tribunal de

:

4 sept. 1811, 30 nov. 1814, 27 nov. 1822 et 25 janv. 1825, par nous rapportés aux no 310, 320, 324, et qui ne décident pas in terminis la question qu'on examine ici.-Toutefois, la question a élé jugée formellement dans son sens au sujet d'un mandat ou prêt entre étrangers résidant en France qui n'avaient conservé aucun domicile connu dans leur pays, et dans une espèce qui pouvait être jugée sans le secours des lois étrangères (Caen, 5 janv. 1846, aff. Weathley, D. P. 46. 2. 169).

306. Mais il a été décidé, conformément à notre interprétation: 1o que les étrangers, et spécialement les Américains non domiciliés en France, ne sont pas justiciables des tribunaux français pour une action personnelle qui ne résulte pas d'un fait en commerce, et qui tend à l'exécution d'un contrat passé entre eux, en France, dans les formes de leur pays (Rej., 22 janv. 1806, aff. Montflorence, V. no 303);— 2° Que les tribunaux français ne sauraient prononcer sur une contestation entre étrangers n'ayant ni domicile, ni résidence en France, relativement à l'exécution d'une convention faite et d'un jugement rendu à l'étranger (Metz, 6 juin 1823 (1).—Conf. motifs de l'arrêt de la cour de Paris, du 13 mars 1849, aff. Debast, D.P. 49. 2. 211);— 3° Que l'exception d'incompétence tirée par un étranger, de ce qu'il est à tort assigné en France par un étranger, peut être proposée en tout état de cause (Metz, 10 nov. 1818, aff. Denis, V. no 307).

307. De même, lorsque, par l'événement d'un traité de paix, l'objet en litige et les parties sont passés, par suite de réunion de territoire, sous une domination étrangère, les tribunaux français ne peuvent plus continuer à connaître d'une contestation portée devant eux (Metz, 10 nov. 1818) (2). .

308. Pareillement, il a été jugé : 1° que le juge français n'est pas compétent pour connaître des obligations qui ont pour cause une tutelle ouverte en pays étranger, alors que le mineur, le tuteur et le subrogé tuteur sont étrangers (Douai, 12 juill. 1844) (3); 2° Que les tribunaux français sont incompétents pour connaftre des obligations purement civiles contractées entre

prononcer; Par ces motifs, sur l'appel du jugement du 24 juill. 1817; Dit qu'il a été mal, nullement et incompétemment procédé et jugé par le tribunal de Thionville, à dater du jour où l'appelant a notifié et réclamé son renvoi et celui de la cause devant les juges de la puissance desquels la chose contestée et les parties se trouvent; Déclare de nul effet et valeur le jugement du 30 août suivant, de même que tous actes de procédure postérieurs à ladite réclamation;-Renvoie l'appelant des condamnations contre lui prononcées par ledit jugement; Délaisse la cause et les parties aux juges qui doivent en connaître, d'après et sur les errements antérieurs au déclinatoire proposé par l'appelant, etc.

Du 10 nov. 1818.-C. de Metz, ch. civ.-M. Voysin de Gartempe, 1er pr.

(3) (André C. André.) - LA COUR; Attendu que la demande formée par l'intimé contre l'appelant tend à le faire condamner au payement de la somme de 3,000 fr., constituant, suivant son titre, la solde d'un compte de tutelle; - Attendu que cette tutelle s'est ouverte en pays étranger; que les tuteur et subrogé-luteur ont été nommés en pays étranger; que les deux parties sont Belges; qu'aucune d'elles n'a obtenu l'autorisation d'établir son domicile en France; que l'acte qui aurait fixé ce solde de compte de tutelle réclamé a été passé en pays étranger; que la validité et le règlement de ce compte ne peuvent être appréciés que d'après les lois étrangères, et devant la juridiction étrangère; Attendu qu'une résidence plus ou moins prolongée en France ne peut constituer un domicile légal, puisque, aux termes de l'art. 13 c. civ., un étranger ne peut acquérir un tel domicile en France qu'en vertu d'une ordonnance du roi;

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Qu'ainsi le tribunal civil de Valenciennes était incompétent pour connaitre de la demande formée par un étranger résidant à Valenciennes contre un autre étranger; · Attendu que la saisie-arrêt pratiquée par l'intimé ne peut avoir pour conséquence de conférer au tribunal de Valenciennes une compétence qui n'existe pas pour la demande principale, parce que la saisie-arrêt n'est qu'une voie d'exécution anticipée qui ne peut devenir la matière d'une instance séparée et distincte; Attendu que la demande en validité d'une saisie-arrêt étant connexe à la demande principale, il s'ensuit que le tribunal, compétent pour procéder sur cette dernière demande, l'est également pour procéder sur la saisie-arrêt ; Que, par conséquent, le tribunal de Valenciennes n'étant pas compétent pour prononcer sur la demande principale, ne peut pas l'être pour statuer sur la demande en validité de la saisie-arrêt;- Met le jugement dont est appel au néant; dit que le tribunal de Valenciennes était incompétent pour statuer sur la demande formée par l'intimé; donne mainlevée de la saisie-arrêt; annule pour incompétence l'ordonnance qui l'a autorisée, etc. Du 12 juill. 1844.-C. de Douai.-M. Petit, pr.

tion des tribunaux de France (Amiens, 24 janv. 1849, aff. Christophe, D. P. 49. 2. 71).

310. Au surplus, ce que nous venons de dire ne fait pas ob

TIT. 2, CHAP. 2, SECT. 1, ART. 4, § 1. étrangers, alors même que le défendeur, qui d'ailleurs décline leur juridiction, serait banni à perpétuité de son pays pour cause politique (Bourges, 8 déc. 1843) (1). On a opposé en vain, dans cette espèce, que le défendeur était mal fondé à se préva-stacle à ce que les étrangers saisissent valablement la juridiction loir de la loi de son pays, où il savait bien qu'il n'avait plus de domicile; qu'autrement, l'étranger qui plaide contre lui serait mis dans l'impossibilité absolue d'obtenir justice.

On a répondu, avec succès, qu'aucune loi française ne disposait que les étrangers pourraient se faire juger en France par les tribunaux français; que le code civil ne règle que les droits des étrangers contre des Français et ceux des Français contre des étrangers, et qu'il est muet sur les droits des étrangers entre eux et sur la manière de les faire valoir; que l'art. 3, en rendant obligatoire pour tous ceux qui habitent le royaume, qu'ils soient étrangers ou non, les lois de police et de sûreté, a entendu implicitement exclure les lois civiles de cette obligation générale et d'ordre public, et ne les imposer qu'aux régnicoles; que les lois attributives de juridiction sont arbitraires comme les lois de procédure et ne sauraient être suppléées sans nécessité, nécessité qui ne peut jamais avoir lieu entre étrangers; que la jurisprudence, depuis les parlements jusqu'à nos jours, a constamment décidé la question dans le sens de l'incompétence et a érigé cette doctrine en principe de droit public; qu'il a été décidé que cette exception, toute relative, que pouvait couvrir la volonté du défendeur, devenait absolue par la volonté du juge, qui pouvait se déclarer incompétent sans encourir le reproche de déni de justice qu'en vain on prétend que le défendeur n'a point de domicile, et qu'il y a nécessité de l'assigner devant les tribunaux de sa résidence; qu'en fait il a son domicile dans son pays, puisque nul n'a de domicile que son domicile d'origine ou celui qu'il s'est choisi volontairement; et que, loin d'avoir quitté son pays sans espoir de retour, il a fait tous ses efforts pour y rentrer; que n'eût-il point de domicile, mais seulement une résidence, la question se réduirait à celle de savoir si l'administration de la justice est de droit des gens, et que, pour résoudre affirmativement cette question, il faudrait supposer un code de lois uniforme pour tous les peuples, ce qui n'est pas, à peine d'exposer les juges à commettre des erreurs nombreuses en appliquant des lois qu'ils ne connaissent pas, ou de porter une grave atteinte à la liberté et aux droits des étrangers en les soumettant à des lois sous l'empire desquelles ils n'ont ni voulu ni pu vouloir contracter.

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commun.

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(1) 1" Espèce: (De Luzuriaga C. Don Carlos.) — Le prince Don Carlos, résidant à Bourges, était assigné devant le tribunal civil de cette ville, par Don José Ruiz de Luzuriaga, pour avoir payement de 17,222 fr. lui restant dus par ce prince, sur une somme de 43,722 fr. qu'il avait avancée dans son intérêt. Don Carlos ne dénia pas cette dette, mais se borna à décliner la juridiction des tribunaux français, se fondant sur la qualité d'étranger qui appartenait au demandeur ainsi qu'à lui-même : il conclut à ce que la cause fût renvoyée devant les tribunaux de leur pays - Le 22 déc. 1842, jugement par lequel le tribunal se déclare incompétent: — « Considérant qu'aux termes de l'art. 14 c. civ., les tribunaux français n'ont pas juridiction nécessaire relativement aux contestations qui peuvent surgir entre étrangers; que cette exception déclinatoire est d'ailleurs formellement opposée dans la cause an sieur Luzuriaga par le prince Charles de Bourbon d'Espagne. » — Appel. - Arrêt. LA COUR; La cause présente à juger si le tribunal de première instance était compétent; Considérant que, dans la cause soumise aux premiers juges, il s'agissait de l'exécution d'une obligation ordinaire purement civile, consentie par un étranger au profit d'un autre étranger; Que les lois françaises ne donnent aux tribunaux français aucun droit de juridiction dans de telles circonstances; Qu'à la vérité, la jurisprudence a admis qu'ils ont la faculté de juger ou de ne pas juger les contestations qui s'élèvent entre étrangers, lorsque ceux-ci consentent à leur soumettre leurs différends; mais que, lorsqu'un déclinatoire est proposé, c'est pour les tribunaux un devoir de se déclarer incompétents; que, dans l'espèce, un déclinatoire ayant été proposé en première instance par le défendeur, c'est avec juste raison qu'il a été admis par les premiers juges; Par ces motifs, confirme.

Du 8 déc. 1843.-C. de Bourges, ch. cerrect.-MM. Dubois, pr.

française de leurs contestations en matière personnelle et à ce que les tribunaux français sollicités à régler leurs différends, puissent, s'ils le jugent convenable, statuer très-valablement; car il ne s'agit ici que d'une incompétence ratione personæ, à raison de laquelle les tribunaux ne sont pas tenus de se dessaisir d'office. Si on doutait de l'exactitude de notre proposition, il suffirait de se reporter à la discussion qui s'éleva sur l'art. 14 c. civ., dans le sein du conseil d'État, entre MM. Defermou, Réal, Tronchet et le consul Cambacérès. — Après la lecture de l'art. 8 du projet, devenu l'art. 14 du code, le consul Cambacérès dit qu'il est néqui ayant un procès entre eux, consentent à plaider devant un cessaire d'ajouter à cet article une disposition pour les étrangers

tribunal français.

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M. Defermon rappelle l'exception proposée par le consul Cambacérès, pour les étrangers qui, ayant procès l'un contre l'autre, consentent à plaider devant un tribunal français il considère ce consentement comme établissant un arbitrage qui doit avoir son effet. Il demande si un étranger peut traduire devant un tribunal français un autre étranger qui a contracté envers lui une dette payable en France. M. Tronchet répond que le principe général est que le demandeur doit porter son action devant le juge du défendeur; que, cependant, dans l'hypothèse proposée, le tribunal aurait le droit de juger, si la juridiction n'était pas déclinée. L'article fut adopté tel qu'il était dans le projet, mais il fut bien entendu que le principe proclamé par M. Tronchet serait maintenu.-V. à cet égard Fenet, Travaux prépar. du code civil, t. 7, p. 12, 13 et 14. MM. Merlin et Portalis, loc. cit. sont de notre avis sur ce point, ainsi que MM. Coin-Delisle, art. 14 et 15, no 21, Valette, loc. cit., Gaschon, p. 125, Demolombe, n° 126-4°, et Goujet et Merger, v° Étranger, no 64.

C'est dans ce sens qu'il a été jugé : 1o que l'incompétence des tribunaux français n'est qu'une exception à laquelle l'étranger assigné devant l'un d'eux peut renoncer et qu'une telle exception peut se couvrir par le silence des parties (Req., 4 sept. 1811) (2); 2. Que les tribunaux français sont compétents pour connaitre des contestations élevées en France entre Américains pour faits de commerce, nonobstant le traité du 14 oct. 1788 qui attribue la connaissance de ces différends aux consuls et vice-consuls américains, alors que les parties adverses ont nommé des arbitres pour les juger et désigné les tribunaux français pour tous recours nécessaires (Req., 7 mess. an 7) (3).

311. Pareillement, il a été jugé que cette exception doit être proposée avant toute défense au fond (Douai, 7 mai 1828, aff.

(2) (Salis Haldeinstein C. N...)-LA COUR;-Attendu, sur le premier moyen, que les tribunaux français ne peuvent être incompétents, ratione materia, pour statuer sur une action relative à l'état d'un enfant, même entre étrangers, puisque cette action n'est pas réelle; que seulement ils étaient incompétents ratione persona, toutes les parties étant étrangères; mais que le demandeur n'ayant proposé cette incompétence ni devant le tribunal de première instance, ni devant la cour d'appel, et ayant, au contraire, saisi lui-même les tribunaux français, il n'est plus recevable, après l'arrêt définitif, à opposer l'incompétence; Rejette. Du 4 sept. 1811.-C. C., sect. req.-MM. Lasaudade, pr.-Chabot, rap.Merlin, proc. gén., c. conf.-Gerardin, av.

(3) Espèce:-(Barney C. Fenwick.) - Dans l'espèce, les sieurs Barney et Fenwick étaient Américains; le compte des opérations faites en France par eux avait été porté devant arbitres français avec recours devant les tribunaux français.-Les arbitres ayant terminé leurs opérations par un compromis, de sieur Fenwick en a demandé l'exécution au président du tribunal civil de Bordeaux. C'est contre l'ordonnance d'exequatur que se pourvoit le sieur Barney pour excès de pouvoir et violation de l'art. 12 du traité du 14 nov. 1788, qui attribue aux consuls américains la connaissance des différends élevés en France entre américains.— Jugement.

LE TRIBUNAL; Considérant qu'en supposant que le traité du 14 nov, 1788 eût été applicable, soit à raison de la matière, soit à raison des personnes, les parties y avaient expressément dérogé par la nomination d'arbitres de leur part et désignation des tribunaux français pour les recours qui seraient nécessaires. Rejette.

Du 7 mees. an -C. C., sect. req.-MM. Chasle, pr.-Coutrey, rap.

Williams Robert, V. n° 315; Cass., 29 mai 1833, aff. Obrié, V. n° 314-3°; Douai, 3 avr. 1845, aff. Deboey, D. P. 45. 4. 251); et que, quoique proposée dans l'acte d'appel, elle est couverte si l'avocat assisté de l'avoué a plaidé le fond, sans invoquer l'incompétence (Cass., 5 août 1817, aff. Cavagnari, V. Exception).

312. Au reste, il a été décidé que cette exception d'incompétence entre étrangers est personnelle aux parties et ne peut, par exemple, être proposée par les créanciers ou les héritiers du défendeur (Bordeaux, 18 déc. 1846, aff. Durand, D. P. 47. 2. 43). Mais c'est là une erreur, car les créanciers, pourvu qu'ils exercent à temps l'action du débiteur, peuvent, ainsi que ses héritiers, se prévaloir de tous les moyens que celui-ci aurait pu proposer, et il faudrait, pour les exclure, un texte qui n'existe point. Dans quel cas les créanciers sont-ils admis à prendre le fait et cause de leur débiteur? - V. vis Obligat. et Tierce opposition.

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313. Le consentement des étrangers à se faire juger en France n'est point obligatoire pour nos tribunaux, qui peuvent refuser d'office de statuer sur leur différend; car ils ne doivent la justice qu'aux nationaux. - M. Legat, p. 305, est encore sur ce point d'une opinion contraire. « Malgré l'autorité des arrêts ci-dessus mentionnés, il faut persister, dit-il, à soutenir, dans tous les cas, la compétence des tribunaux français, puisque la loi ne s'y oppose pas. L'administration de la justice est du droit des gens la refuser à des étrangers, c'est rappeler en quelque sorte les temps de barbarie. Il est du devoir d'un gouvernement bien organisé de ne point permettre que justice ne soit point rendue à quiconque se trouve, même momentanément, placé sous son autorité; et nos lois, qui protégent les étrangers contre les Français, sont-elles donc insuffisantes pour protéger les étrangers les uns à l'égard des autres?—Nous ne le croyons pas; et lors que des étrangers en appellent à la sagesse et à l'impartialité de nos magistrats, c'est un hommage qu'ils rendent à la justice française, et que l'on ne peut point rejeter. C'est aux barreaux de France qu'il appartient de persévérer dans cette doctrine et de la défendre. Un temps prochain viendra, nous l'espérons, où❘ elle sera généralement admise la civilisation et les relations fréquentes des peuples entre eux en font une nécessité. » — Tout en partageant l'espoir de M. Legat, de voir la justice distribuée dans les divers États de l'Europe sans distinction de nationalité, nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer que son opinion n'est fondée sur aucun texte exprès de loi; que ce n'est qu'au profit des Français que la règle actor sequitur forum rei a été modifiée; qu'en dehors des traités, les étrangers ne peuvent invoquer en France que les droits civils qui résultent en leur faveur de quelques textes ou des conséquences qui en découlent virtuellement; qu'ainsi, l'incapacité de l'étranger est la règle et la capacité l'exception; qu'il n'est pas exact de dire que l'adminis

(1) Espèce :-(Comte de Bloome C. de Bagration.)—Le 2 juill. 1828, contrat de mariage entre le comte de Bloome et la demoiselle de Bagration, fille de la princesse de ce nom. Il fut stipulé au contrat que, pour tenir lieu à la future épouse des intérêts de la somme de 800,000 fr., à elle constituée en dot, la princesse de Bagration, sa mère, payerait, au comte de Bloome, une somme de 20,000 fr. par an, laquelle serait portée à 40,000 fr. lorsque, par succession ou donation, la fortune de la princesse se serait accrue de plus de 20,000 fr. de rente. La mère de la princesse de Bagration, aïeule de la comtesse de Bloome, décède en 1829. Le comte de Bloom perd lui-même son épouse peu de temps après. Un fils était né de leur mariage. - En cet état, le comte de Bloome, au nom et comme tuteur naturel et légal de son fils mineur, fait commandement à la princesse de Bagration de lui payer les intérêts de la dot de sa défunte épouse sur le pied de 40,000 fr., prétendant que, par le décès de la mère de la princesse, fa condition du contrat de mariage se trouvait réalisée. La princesse de Bragation répond à ce commandement par des offres réelles de ra somme de 10,000 fr., pour six mois d'intérêts échus, à la charge, par le comte de Bloome, de faire le placement de cette somme au nom du mineur, avec constitution d'hypothèque valable en France. - Refus des offres. La princesse de Bagration les dépose. Le 2 nov. 1830, le comte de Bloome assigne, devant le tribunal de la Seine, la princesse de Bagration, pour voir déclarer les offres insuffisantes, et voir dire, en outre, que tous les biens immeubles que la princesse de Bagration possédait en France, seraient affectés et hypothéqués à la sûreté du capital de 800,000 fr., par elle constitué en dot. - La cause s'engagea d'abord sur le fond, car la princesse de Bragation conclut à la validit de ses offres et

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tration de la justice soit du droit des gens, car le soin avec leque elle est réglementée, notamment par les art. 14, 111, 1247 c. civ., 420 c. pr., annoncent assez que c'est là une matière de pur dr civil, et que de cela que la juridiction des tribunaux français peu être réclamée soit par l'étranger plaidant contre un Français, soit par le Français plaidant contre l'étranger, on ne saurait induire que la même faculté soit accordée aux étrangers dans les litiges qu'ils peuvent avoir entre eux; que c'est la conclusion opposée qui, par argument à contrario, doit être tirée de ce texte, que ces derniers ne peuvent donc contraindre les tribunaux français à statuer sur leurs différends, et que c'est sans fondement qu'on avance que nulle loi ne s'y oppose; que l'assimilation qui est faite par M. Legat entre eux et des arbitres retourne contre son système, car la mission de ceux-ci n'est jamais forcée; que l'hommage honorable rendu au caractère des juges français ne doit pas être entendu en ce sens qu'ils soient tenus de statuer sur tous les débats qu'il plaît aux étrangers de leur soumettre, quelque surchargés qu'ils soient et bien qu'ils dussent négliger les intérêts des nationaux ; qu'il ne serait pas juste surtout qu'ils y fussent astreints sous peine de déni de justice, et pris à partie par ceux-là même, chose bizarre, que le gouvernement français peut à son gré expulser de son territoire, conséquence nécessaire de la doctrine de M. Legat, dès l'instant qu'il transforme en devoir absolu pour le juge ce qui est et ne doit être que facultatif de sa part; qu'en effet, le devoir des tribunaux n'existe qu'à l'égard de ceux qu'ils ont la mission impérative de juger; et lorsqu'il s'agit d'étrangers plaidant entre eux, qu'à l'égard des procès qu'il croit équitable de juger, dans le meilleur intérêt de ces étrangers qui, d'un commun accord, viennent leur en déférer la connaissance. Ainsi se réfute, suivant nous, l'opinion de M. Legat, et le droit facultatif que nous défendons trouve un appui dans la doctrine de la plupart des auteurs, notamment, de MM. Merlin, Rép., vo Étranger, § 2; Carré, Compétence, édit. Foucher, t. 3, n° 200; Pailliet, n° 43; Valette sur Proudhon, t. 1, p. 160, note a, Coin-Delisle, nos 18,21 et suiv.; Demolombe, no 261-4°, et Portalis, Revue de la législat., t. 16, p. 144 et suiv.-Cette opinion a reçu aussi la sanction de la jurisprudence.

314. Il a été décidé, en effet: 1° que la juridiction française n'est que facultative à l'égard des étrangers (Paris, 23 juin 1836, aff. Salisch, V. n° 318. - Conf: Bastia, 11 avril 1843, aff. Palmieri, no 304);-2° Que les tribunaux français, sauf les cas particuliers où ils sont juges nécessaires, peuvent s'abstenir de la connaissance des contestations qui s'élèvent entre des étrangers, alors même que ceux-ci, par leur consentement formel se soumettraient à leur juridiction (Cass., 14 avril 1818, aff. Vanherke, V. no 319), et à plus forte raison lorsque l'une des parties s'y refuse, même après avoir conclu au fond (Req., 2 avril 1833) (1);... et qu'il en doit être ainsi même dans l'hypothèse où, par suite de la déclaration d'incompétence, les

à ce que le comte de Bloome fût déclaré non recevable sur l'autre chef de sa demande. Mais, ensuite, elle opposa un déclinatoire tiré de la qualité d'étrangers appartenant aux deux parties; et demanda que le tribunal, à raison de son incompétence, renvoyât la cause devant les juges qui en devaient connaître.

14 déc. 1831, jugement du tribunal de la Seine, qui retient la cause; « Attendu qu'il s'agit d'offres réelles, faites en France, pour le payement d'une somme payable en France, en vertu d'un contrat de mariage passé en France; Attendu que la princesse de Bagration réside en France depuis grand nombre d'années; Et attendu, d'ailleurs, qu'avant de proposer son exception d'incompétence, elle avait conclu au fond. » Sur l'appel, arrêt infirmatif de la cour de Paris, du 14 juill. 1832; -«Considérant que le comte de Bloome est étranger, et qu'il agit tanen son nom personnel que comme tuteur de son fils mineur; que la princesse de Bagration, défenderesse, également étrangère, refuse de se soumettre à la juridiction française; Considérant qu'il s'agirait, au fond, des droits d'un tuteur et d'un mineur, tous deux étrangers, lesquels droits ne peuvent être régis par les lois françaises. >>

Pourvoi du comte de Bloome. Violation: 1° de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 et de l'art. 141 c. pr.; 2o Des art. 168 et 169 c. pr.; en ce que la cour a accueilli un déclinatoire, quoiqu'il eût été couvert par des défenses au fond, attendu que l'incompétence opposée n'était pas à raison de la matière, mais seulement à raison de la personne, puisque les tribunaux français ne sont point incompétents, d'une manière absolue, pour prononcer entre étrangers; -3° De l'art. 3, § 2 c. civ., et des art. 815 et 547 c. pr.; en ce que, d'une part, la demande était personnelle et

Juges français devraient, après que les parties auront oblenu jugement à l'étranger et lorsqu'elles voudront le faire exécuter en France, se trouver dans la nécessité d'examiner et de réviser ce qu'ils refusent de juger actuellement (même arrêt);-3° Que même la compétence des tribunaux français, à l'égard des contestations entre étrangers, hors les cas où la loi leur en attribue po

mobilière; qu'il fallait donc, de toute nécessité, suivre devant le tribunal de la Seine, l'instance en validité des offres réelles que la princesse de Bagration avait faites elle-même et déposées à la caisse des consignations, à Paris; et que, d'autre part, le comte de Bloome demandait, en vertu de contrats passés en France, une somme qui lui était due et une hypothèque sur les biens de sa débitrice, situés en France. L'art. 547 c. pr. prescrit que les actes passés en France seront exécutoires dans tout le royaume sans visa ni pareatis, et l'art. 3, § 2 c. civ. veut que les immeubles situés en France et possédés par des étrangers soient régis par la loi française ;-4° Violation de l'art. 59 c. pr.; et de l'art. 13 c. civ.; en ce que la princesse de Bagration, ayant propriété et domicile à Paris depuis grand nombre d'années, ainsi que l'a reconnu le jugement de première instance, non contredit par l'arrêt sur ce point, elle avait pu être valablement assignée à Paris ;-5° Excès de pouvoir et déni de justice; en ce que la cour, au lieu d'examiner les lois du Holstein, que la princesse de Bagration prétendait applicables à la cause, s'est dessaisie en déclarant, non pas que la question ne pouvait être débattue par les tribunaux français, mais qu'elle ne pouvait être régie par les lois françaises, tandis qu'il s'agissait seulement de déclarer la compétence. Et qu'on envisage la conséquence de la décision de la cour: si son arrêt s'exécute il faudra plaider dans le Holstein, et, la condamnation une fois obtenue contre la princesse de Bagration, on viendra réclamer en France l'exécution d'une decision rendue par un tribunal étranger. Alors, selon l'art. 546 c. pr., l'exécution ne pourra être ordonnée qu'après l'examen du droit, c'est-à-dire qu'après la discussion sur des lois étrangères que la cour n'a point voulu examiner.

Une consultation a été délibérée en faveur de l'arrêt attaqué, par MM. Scribe et Dupin jeune; mais la rédaction substantiellement motivée de l'arrêt de rejet qu'on va lire, nous dispense d'en reproduire les moyens.

· Arrêt.

LA COUR; Sur le premier moyen :- Attendu que, loin de présen

ter l'exception tirée de ce que la princesse de Bagration, en concluant au fond, aurait reconnu la juridiction des tribunaux français, soit par fin de non-recevoir, soit même par des conclusions spéciales et expresses, le comte de Bloome, demandeur en cassation, ne l'a présentée qu'implicitement et sur l'appel, où il a subsidiairement conclu à ce qu'il plût à la cour mettre l'appellation au néant, en adoptant les motifs des premiers juges, motifs dont le dernier portait: «Attendu, d'ailleurs, que la princesse de Bagration, avant de proposer son exemption d'incompétence, avait conclu au fond; » — - Attendu que, comme par un ensemble de différents motifs, le jugement de première instance avait établi sa compétence, c'est aussi par un ensemble de différents motifs que l'arrêt attaqué a renvoyé les parties à se pourvoir devant qui de droit; que, parmi ces motifs, on rencontre celui tiré de ce que le comte de Bloome est étranger, et que la princesse de Bagration est également étrangère, qualité qui donnait aux juges français le pouvoir de s'abstenir de la connaissance des contestations nées entre ces deux étrangers, lors même qu'ils auraient consenti à être jugés par eux; — Qu'ainsi, le rejet de l'exception tirée de la prétendue reconnaissance de la juridiction française, de la part de la dame de Bagration, a été virtuellement, mais nécessairement motivé, et, par là, le vœu de la loi rempli;

Sur le deuxième moyen et sur la première partie du troisième et du cinquième moyens;-Attendu, en droit, que les tribunaux français, institués pour rendre justice aux Français, peuvent, sauf les cas particuliers autorisés par la loi, s'abstenir de la connaissance des contestations qui s'élèvent entre des étrangers, et cela, lors même que ceux-ci, par leur consentement formel, se soumettraient à leur juridiction, puisque l'on ne peut, l'on ne doit imposer aux juges français, par la volonté de plaideurs étrangers, une obligation de juger qu'ils ne tiennent point de la loi ; — Et attendu, en fait, que le sieur de Bloome, agissant tant en son nom que comme tuteur de son enfant mineur, est étranger; que la dame de Bagration est également étrangère; que, si la cause s'est d'abord engagée sur le fond entre les avoués, la dame de Bagration a ensuite constamment refusé de se soumettre à la juridiction des tribunaux français; qu'au fond, il s'agissait d'une action personnelle mobilière, intentée par le sieur de Bloome contre la dame de Bagration, en payement d'une somme d'argent, payement qui était en grande partie controversé, tant sous le rapport de sa quotité, que sous le rapport des droits du tuteur demandeur; droits exclusivement régis par des lois étrangères; - Que, dans ces circonstances, en renvoyant les parties à se pourvoir devant qui de droit, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi;

Sur la seconde partie du troisième moyen; Attendu que cette action personnelle mobilière n'est point devenue réelle immobilière de ce que le Comte de Bloome a demandé, par des conclusions additionnelles, qu'il

sitivement la connaissance, est facultative en ce sens qu'encore bien que les étrangers ne puissent plus la décliner lorsqu'ils ont conclu au fond, les tribunaux conservent néanmoins, même après ce temps, la faculté de ne point juger le différend (Req., 29 mai 1833) (1); · - 4° Que, pareillement, les tribunaux belges ne sont pas tenus de juger les contestations entre étrangers re

plût au tribunal dire que tous les biens immeubles que la princesse de Bagration possédait en France seraient affectés et hypothéqués à la sûreté de sa créance; en effet, l'hypothèque n'est que l'accessoire de la créance, et, lorsqu'elle est judiciaire, elle ne peut exister qu'après le jugement qui doit statuer sur cette créance, et qui, dans l'espèce, doit être rendu à l'étranger;-D'où il suit, qu'en ne s'arrêtant pas à ces conclusions additionnelles, l'arrêt attaqué ne s'est mis en contravention avec aucune loi; aussi ce moyen, en cette partie, n'a pas été proposé aux juges de la cause; Sur le quatrième moyen; - Attendu, en droit, que, s'il peut y avoir des cas particuliers où l'étranger peut être justiciable des tribunaux français, lors même que son domicile en France n'a pas été autorisé par le roi, il est certain que sa seule résidence en France ne peut le soumettre à la juridiction française; Et attendu, en fait, qu'il n'a jamais été question au procès, soit d'un domicile légal, soit même d'un domicile de fait, capable de rendre la princesse de Bagration justiciable des tribunaux français, et que seulement le jugement de première instance, rétracté par l'arrêt attaqué, considère que la princesse de Bagration réside en France depuis grand nombre d'années ; -- Qu'ainsi le moyen est tout à la fois non recevable et mal fondé;

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Sur la deuxième partie du cinquième moyen; Attendu, en droit, que ce n'est pas d'après le mode d'exécution du jugement à rendre, mais bien, et seulement, d'après la nature de l'action et d'après la qualité des parties, que l'on doit fixer la compétence et la juridiction des juges; D'où il suit que les juges français ne peuvent être astreints à juger les contestations nées entre étrangers, de ce que le jugement qu'ils obtiendront à l'étranger devra être révisé par les juges français avant qu'il puisse être mis à exécution en France; aussi ce moyen, en cette partie, n'a pas été proposé aux juges de la cause; Rejette, etc. Du 2 avril 1833.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Lasagni, rap. Nicod, av. gen., c. conf.-Crémieux, av.

(1) Espèce (Obrié C. Ritter et cons.) — Obrié, négociant, citoyen des Etats-Unis d'Amérique, assigné, par Ritter et autres citoyens des mêmes États, en reddition de compte, au sujet de droits indument perçus, dont il avait obtenu la restitution des douanes françaises, avait conclu au fond devant le tribunal de commerce de la Seine. Intervint jugement qui ordonna le partage devant arbitres de certaines sommes entre les parties. Obrié interjeta appel de ce jugement, et, pour la première fois, proposa un déclinatoire fondé sur la qualité d'étrangers de toutes les parties en cause; il conclut subsidiairement au fond.

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Le 15 mars 1831, la cour royale de Paris rejeta le déclinatoire : «Considérant qu'il s'agissait d'une matière purement personnelle; que Obrié résidait en France depuis plusieurs années; qu'il avait défendu au fond; qu'enfin l'action intentée par Ritter et consorts contre Obrié était une dépendance de la demande principale qui était de la compétence exclusive des tribunaux français, et qui avait été jugée au fond par eux (la demande intentée par Obrié contre les douanes); - Sur le foud, l'arrêt adopte les motifs des premiers juges.

Pourvoi, pour excès de pouvoir, et violation du droit de souveraineté et de juridiction, des art. 13, 14 et 15 c. civ. combinés, et 170 c. pr. - On a soutenu que les contestations entre étrangers, non domiciliés en France, pouvaient bien être portées devant les tribunaux français qui les jugeaient compétemment, tant que leur juridiction n'était point déclinée; mais que du moment où les parties proposaient leur déclinatoire, il devait être accueilli même après qu'elles avaient conclu au fond; qu'en effet, l'incompétence n'était pas seulement relative, mais absolue; qu'on pouvait l'opposer en tout état de cause, et que les art. 168 et 169 c. pr. n'étaient point applicables aux étrangers non domiciliés en France. On invoquait en outre un arrêt du 30 juin 1823, civ. rej. (R. A., t. 6, 467; Rec. pér., 23, 1, 338) daté à tort du 3 juin par quelques recueils. Arrêt.

LA COUR; Attendu que les tribunaux français n'ont une compétence positive sur les contestations entre étrangers que dans les cas où la loi leur en attribue la connaissance; que, dans les autres cas, leur compétence n'étant pas réglée par la loi, est facultative, en ce sens que les tribunaux ne sont valablement saisis du différend qu'autant qu'ils consentent à le juger, et que les parties en cause reconnaissent volontairement leur juridiction; que, si elles la déclinent et excipent (comme elles en ont la faculté) de l'incompétence des tribunaux français à leur égard, il est certain, en droit, que cette incompétence, qui n'est établie qu'en faveur des étrangers, n'est pas absolue, mais seulement facultative; et, par conséquent, que, d'après l'art. 169 c. pr., elle doit être proposée avant toute discussion sur le fond; — Attendu qu'il est constant et reconnu, en fait, dans l'espèce, que les parties avaient réciproquement reconnu en première instance la juridiction française; et que, dès lors, l'arrêt attaqué a pu,

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DROIT CIVIL TIT. 2, CHAP. 2, SECT. 1, ART. 4, § 1,

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latives à des obligations contractées en pays étranger (Bruxelles, 18 nov. 1835) (1); — 5° Que les tribunaux belges ne sont pas tenus de juger les contestations civiles entre Anglais relatives à des obligations contractées entre eux en Angleterre, et à l'égard desquelles le défendeur, qui n'a pas son domicile légal en Belgique, décline leur juridiction (Bruxelles, 16 janv. 1839) (2).

315. Toutefois, et suivant un arrêt, l'étranger qui a saisi la juridiction française est censé renoncer au droit de recourir à ses luges naturels, et par suite doit être déclaré non recevable à provoquer l'exercice de la faculté qu'ont les tribunaux de se déclarer incompétents (Douai, 7 mai 1828) (3).

--

316. Doit-on appliquer la théorie qui vient d'être présentée au sujet des actions personnelles, au cas où elles ont pour objet l'état civil et la capacité des parties; et dire, en conséquence que si, d'une part, il est facultatif aux parties de renoncer à l'exception d'incompétence; d'autre part les tribunaux saisis peuvent retenir l'affaire ou se déclarer incompétents à leur gré?· Il a été d'abord jugé : 1o qu'en matière de désaveu, l'incompétence est ratione personæ, et peut en conséquence être couverte par le silence ou le consentement des parties (Req., 4 sept. 1811, aff. Salis, no 310); - 20 Que des étrangers défendeurs sont recevables à opposer la qualité d'étranger de leur partie adverse, demanderesse en réclamation d'État, à l'effet d'obtenir re renvoi devant les juges de leur pays (Rej., 14 mai 1834, Mais fidèle à son système et le aff. Despine, V. no 138). poussant à ses limites extrêmes, M. Legat (loc. cit.) enseigne que, même dans ce cas, c'est pour les juges français un devoir de retenir l'affaire si l'exception d'incompétence n'est pas proposée. Et nous inclinerions assez vers cette doctrine si nous ne nous sentions arrêtés par la disposition de droit public, que les lois

comme il l'a fait, rejeter le déclinatoire proposé en appel par le demandeur
Rejette.
en cassation;

Du 29 mai 1833.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Madier-deMontjau, rap.-Nicod, av. gén., c. conf.-Moreau, av.

(1) (Thelusson C. Moreau.)- LA COUR;- Attendu que si les tribunaux de la Belgique peuvent, en certaines circonstances, connaître des contestations survenues entre étrangers et relatives à des obligations contractées en pays étranger, aucune loi ne leur en impose l'obligation; Attendu qu'en admettant leur compétence, il est encore de leur devoir, pour ne pas priver les citoyens belges d'une partie du temps qu'ils doivent leur consacrer, de n'user de cette faculté qu'avec la plus grande circonspection et alors surtout qu'il n'existe pas d'autre moyen pour l'étranger de parvenir à l'exécution des obligations contractées envers lui;-Attendu dans l'espèce, qu'il est en aveu que l'intimé a poursuivi l'appelant devant le tribunal de la cour du banc du roi à Westminster en Angleterre, et qu'il y a obtenu jugement contre lui pour le montant de la somme auAttendu que jourd'hui réclamée devant les tribunaux de la Belgique; les art 546 c. pr., 2123 et 2128 c. civ. n'ont été modifiés par l'arrêté du 9 sept. 1814 que relativement à la France, qu'ils ont conservé toute leur force quant aux jugements rendus et aux actes passés en d'autres pays; que par conséquent il ne peut y avoir lieu à permettre de nouveau devant les tribunaux de la Belgique l'exercice d'une action déjà précédemment intentée devant le juge du domicile du défendeur, et par suite de laquelle il a été prononcé une condamnation à laquelle il ne manque, pour la faire valoir dans ce pays, que la force exécutoire qui peut lui être donnée en se conformant au prescrit de l'art. 546;-Par ces motifs; - Met à néant le jugement.

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relatives à la capacité des hommes les suivent jusque chez les nations étrangères (c. civ. 3), et qui semblent soustraire ces matières aux stipulations ou compositions de l'intérêt privé.

317. Toutefois, l'incolat, que tous les peuples civilisés pratiquent, leur impose certaines précautions dans le double intérêt de leur police intérieure et des individus qu'ils admettent comme résidents parmi eux. Et il faut convenir que lorsque la résidence n'est point passagère et qu'elle a pris, par le cours des années et la formation des relations, tous les caractères extérieurs du domicile véritable, la nation dans le sein de laquelle un phénomène pareil se passe, contracte en quelque sorte envers les individus qui sont ainsi admis à contribuer à une partie des charges de la cité et à profiter de ses bienfaits, le devoir de leur rendre la justice et de les protéger dans leurs relations de famille, non moins que dans les situations où la sécurité de leurs personnes pourrait être compromise. Et remarquons que, dans ce cas, ce n'est pas dans le seul intérêt de ces étrangers que la justice est administrée : c'est aussi dans celui des nations au milieu desquelles le foyer de leur existence s'est développé. Néanmoins, et comme, d'un côté, les situations peuvent ici être mobiles et compliquées d'intérêts divers; comme d'un autre côté, les lois de police et de protection imposent plus que les autres une grande réserve de la part de ceux qui sont chargés d'en requérir ou d'en faire l'application, il nous semble que le droit d'apprécier les cas dans lesquels la dette de justice est pour ainsi dire acquise aux résidants, doit être abandonné à la discrétion des tribunaux. C'est en ce sens aussi que la jurisprudence semble s'être instinctivement prononcée, malgré des résistances qui n'auront un terme que lorsque les conventions internationales permettront aux magistrats de sortir des liens du

duit aucun titre exécutoire en Belgique et que les tribunaux belges sont incompétents pour apprécier le fond de la contestation, il en résulte que la saisie-arrêt ne reposant sur aucune base légale, est inopérante et doit être déclarée nulle;-Par ces motifs, met l'appel principal au néant, et statuant sur l'appel incident, met le jugement dont appel au néant, en ce qu'il n'a pas déclaré nulle la saisie-arrêt, etc.

-

Du 16 janv. 1839.-C. d'appel de Bruxelles, 3 ch. En co (3) (Williams Robert C. Carpenter et Dudon.) — LA COUR; Attendu que l'exception d'incompétence inqui touche la compétence : voquée par l'appelant, est purement personnelle, et que, loin de l'avoir opposée avant toutes autres exceptions et défenses, ainsi que l'exigeait l'art. 169 c. pr. civ., l'appelant a lui-même attrait Williams Carpenter, l'un des intimés, devant les premiers juges, et s'est borné à conclure au fond; Attendu que les tribunaux peuvent sans doute, en tout état de cause, s'abstenir de statuer sur un litige entre deux étrangers, mais que c'est là une faculté dont celui-là même qui les a saisis, n'est point admissible à provoquer l'exercice; que, d'ailleurs, au cas présent, il n'y a lieu d'user de cette faculté, puisque les deux intimés sont justiciables des tribunaux français: Dudon, parce qu'il est Français, et Carpenter parce qu'il a été admis par une ordonnance du roi à établir son domicile en France;

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-1° En ce qui concerne En ce qui touche la contrainte par corps :Carpenter : Attendu que l'ordonnance du toi qui a autorisé cet étranger à établir son domicile en France, ne lui a point conféré la qualité de Francais; que, dès lors, il ne peut jouir du privilége que la loi du 10 sept. 1807 n'a introduit qu'en faveur des Français;

2o En ce qui concerne Dudon :-Attendu qu'en droit, un billet à ordre Que, dès lors, le est une obligation essentiellement transmissible; Du 18 nov. 1835.-C. de Bruxelles, 1 ch.-M. Decuyper, c. conf. Attendu que l'appelant et l'in- souscripteur d'une obligation de cette nature consent nécessairement à de(2) (Depouy C. Cauty.)- LA COUR; venir l'obligé des tiers, quels qu'ils soient, à qui cette obligation sera Qu'en effet, le billet à ordre dont il s'agit, bien que créé time sont Anglais; que l'intimé, défendeur originaire, n'a pas de domicile légal en Belgique ; que la demande en payement formée par l'appelant transmise: par un Anglais, au profit d'un autre Anglais, a été rédigé en langue frana pour cause une obligation purement civile contractée en pays étranger, et que, d'autre part, les condamnations qu'il pourrait obtenir en Angle-çaise, qu'il a été fait en France et à courte échéance; - Que ces circons tances indiquent suffisamment que ce billet était destiné à être négocié à terre sont susceptibles d'être rendues exécutoires en Belgique, en vertu Que dans ces des Français; que conséquemment le souscripteur s'est soumis à avoir des art. 540 c pr. civ., et des art. 2123 et 2128 c. civ.; circonstances, et aucune loi n'imposant aux tribunaux belges l'obligation des Français pour créanciers; - Attendu que Dudon est devenu, par un de juger les différends entre étrangers, c'est avec raison que le premier endossement régulier, propriétaire dudit billet à ordre;- Que rien ne prouve la limitation de cet endossement; que l'appelant, directement oblige juge a admis, sous le rapport du fond de la contestation, l'exception d'inSur l'appel incident: Attendu par-là envers un Français, s'est trouvé soumis à la contrainte par corps, aux compétence proposée par l'intimė; termes de la loi du 10 sept. 1807;-Par ces motifs, faisant droit sur le dé que la saisie-arrêt est tout à la fois une mesure conservatoire et un acte clinatoire proposé par l'appelant, l'a déclaré purement et simplement non T'exécution; - Attendu que l'appréciation de pareils actes posés en Belgique, nême par un étranger envers un étranger, est nécessairement, et recevable;-Et statuantau fond-En ce qui concerne Carpenter, ordonne par la nature même des choses, de la compétence des tribunaux belges; que, relativement aux condamnations principales, le jugement dont est - Qu'il serait exorbitant, en effet, de contraindre l'étranger sur lequel appel sortira effet;—Met au néant la disposition de ce jugement, qui autorise la contrainte par corps au profit dudit Carpenter; - Ordonne qu'en une saisie-arrêt a été pratiquée, de recourir aux tribunaux de son pays, ce qui concerne Dudon, ledit jugement sortira son plein et entier effet, etc. pour arrêter les effets d'un acte d'exécution posé en Belgique, en vertu Du 7 mai 1828.-C. de Douai, 1re et 2 ch. révu. des lois belges; - Attendu que dès lors que le saisissant étranger ne pro

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