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ont consacré tout le deuxième livre de ce code au commerce maritime, les y ont presque généralement reproduites. Toutefois, ils ont apporté à quelques-unes d'entr'elles des modifications dont la raison ou l'expérience attestaient l'utilité. Ils en ont en

partie du délaissement, s'il n'y a clause contraire dans la police d'assurances, sans préjudice toutefois des loyers de matelots et des contrats à grosse aventure, à l'égard desquels les dispositions de l'ordonnance du mois d'août 1681 seront exécutées suivant leur forme et teneur.

7. Lorsque le navire aura été condamné comme étant hors d'état de continuer sa navigation, les assurés sur les marchandises seront tenus de le faire incessamment signifier aux assureurs, lesquels, ainsi que les assurés, feront leurs diligences pour trouver un autre navire sur lequel lesdites marchandises seront chargées, à l'effet de les transporter à leur destination.

8. Dans le cas où il ne serait pas trouvé de navire pour charger lesdites marchandises et les conduire au lieu de leur destination, dans les délais portés par les art. 49 et 50 du titre des assurances de l'ordonnance du mois d'août 1681, les assurés pourront en faire le délaissement, en se conformant aux dispositions de ladite ordonnance sur les délaissements.

9. Dans le cas où lesdites marchandises auraient été chargées sur un nouveau navire, les assureurs courront les risques sur lesdites marchandises jusqu'à leur débarquement dans le lieu de leur destination, et seront en outre tenus de supporter, à la décharge des assurés, les avaries des marchandises, les frais de sauvetage, déchargement, magasinage et rembarquement, ensemble les droits qui pourraient avoir été payés, et le surcroft de fret, s'il y en a.

10. Dans le cas où le navire et son chargement seront assurés par la même police d'assurance, et pour une seule somme, ladite somme assurée sera répartie entre le navire et son chargement, par proportion aux évaluations de l'un et de l'autre, si elles ont été portées dans la police d'assurance; sinon la valeur du navire sera fixée par experts, d'après lesdits procès-verbaux de visite du navire, et le compte de mise hors de l'armateur et la valeur des marchandises suivant les dispositions de l'ordonnance de 1681, concernant l'évaluation du chargement.

11. Tout effet dont le prix sera porté dans la police d'assurance en monnaie étrangère, ou autres que celles qui ont cours dans l'intérieur de notre royaume, et dont la valeur numéraire est fixée par nos édits, sera évalué au prix que la monnaie stipulée pourra valoir en livres tournois. Faisons très-expresses inhibitions et défenses de faire aucune stipulation à ce contraire, à peine de nullité.

12. Seront, au surplus, nos ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes, arrêts et règlements exécutés en tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions de la présente déclaration. Si donnons en mandement, etc.

(1) Exposé des motifs. Des tit. 1 à 8, inclusivement du liv. 2 c. com., présentés au corps législatif, par M. Bégouen, conseiller d'État. - (Séance du 8 sept. 1807).

1. Messieurs,-Sa majesté l'empereur et roi a ordonné que le deuxième livre du code de commerce vous soit présenté.-Ce livre comprend toutes les transactions maritimes; et il remplace, sous ce rapport, l'ordonnance de 1681. Vous annoncer, Messieurs, que nous avons détaché de cette belle ordonnance tout ce qui appartient à l'administration, à la police, au droit public, et qui n'a pas été jugé devoir faire partie du code de commerce maritime; que nous avons, du reste, conservé tous les principes qu'elle a consacrés, en quelque sorte, en ce qui touche les contrats maritimes; que nous ne nous sommes permis qu'un petit nombre de changements, qui nous paraissent justifiés par ceux mêmes qu'ont éprouvés le commerce et la navigation dans le laps d'un siècle, ou par la justice la plus évidente; c'est vous dire, ce nous semble, que l'amour de l'ordre, le respect dû à la sagesse de nos ancêtres, et une juste circonspection ont dirigé nos travaux; et que si c'est avec confiance que nous venons soumettre ce projet de loi à votre examen, cette confiance nous est inspirée par notre admiration même pour l'ordonnance sur laquelle nous nous appuyons. Héritiers, si nous pouvons nous exprimer ainsi, d'un tel dépôt de lumières et de connaissances, nous avons cru qu'en distribuer les dispositions avec méthode dans un plan facile et suivi; les dégager de toute espèce d'incertitude et de nuage; les mettre encore plus, S'il est possible, à la portée de tout homme de bonne foi et d'un sens droit; c'était rendre un service signalé à la navigation et au commerce; donner à la législation qui en régit les intérêts, une nouvelle garantie par sa simplicite même, et remplir les vues aussi étendues que profondes de l'Empereur.

2. Combien de siècles se sont écoulés avant d'avoir amassé d'aussi riches matériaux, avant d'être parvenus à de si heureux résultats! et quel imposant spectacle offre la marche progressive de la législation maritime! Le courage, le besoin, la pauvreté et même l'amour du pillage ont enfanté la navigation chez les anciens; mais cette source est épurée : des communications utiles et un commerce régulier, fondé sur la foi réciproque, ont succédé au brigandage. Les Phéniciens paraissent des premiers sur cette grande scène, se distinguent entre toutes les nations

outre retranché plusieurs autres comme étant étrangères au droit commercial proprement dit. Les motifs des huit premiers titres du deuxième livre du code de commerce ont été exposés au corps législatif par M. Bégouen, à la séance du 8 sept. 1807 (1); ceux

par la hardiesse de leurs courses sur mer, par l'étendue de leurs entreprises, par la grandeur et la puissance des colonies qu'ils ont fondées.Les vaisseaux de Tyr ont couvert la Méditerranée dans les temps où l'Océan n'existait pas encore pour le commerce; ses lois maritimes ont passé à Rhodes, à Carthage. Sous le nom de lois Rhodiennes, elles furent adoptées par les Romains, qui en admirèrent la sagesse. Elles régirent, à cette époque, le monde commerçant; mais la destruction de l'empire Romain, par l'invasion des Barbares, les fit, pour ainsi dire, disparaître; elles tombèrent dans le plus profond oubli.

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3. Ce n'est que vers le douzième siècle qu'a reparu en Europe l'aurore d'une législation maritime.-C'est alors qu'a paru le Consulat de la mer, que les nations commerçantes s'empresserent d'adopter. A une époque plus rapprochée, Wisbuy, Bruxelles, Lubeck, Amsterdam, Anvers, se glorifient de leurs règlements maritimes. La Guyenne revendique les Jugements de l'Oléron; et Rouen, cette industrieuse capitale de la fertile Neustrie, cite avec orgueil le Guidon de la mer. C'est à ces sources riches et fécondes, que les rédacteurs de l'ord. de 1681 ont puisé les principes d'équité et de sagesse qui caractérisent leurs ouvrages; et c'est sans doute un grand malheur que les procès-verbaux de cette belle loi n'aient point été conservés, nous y aurions puisé des renseignements lumineux. Ils auraient ajouté aux secours que nous avons trouvés, et dans les observations des habiles juriconsultes qui ont commenté l'ordonnance, et dans le travail précieux des premiers commissaires chargés par le gouvernement, il y a peu d'années, de préparer le code de commerce, qui s'en sont si dignement acquittés.

4. Quoi qu'il en soit, c'est déjà justifier en grande partie le projet qui vous est présenté, que de dire que nous avons suivi presque toujours l'ord. de 1681.- Les huit premiers titres de ce projet, que nous vous apportons ici, vous fourniront la preuve de cette vérité. - Les articles nouveaux qui règlent les droits, les devoirs des propriétaires des navires, les priviléges des créanciers, les obligations et les fonctions du capitaine, le sort des équipages, sont, à très-peu d'exceptions près, en harmonie avec les anciennes dispositions.-Cependant, quelques additions et même quelques changements nous ont paru nécessaires. Par exemple, nous avons cru qu'il était utile d'établir plus complétement l'ordre des priviléges, et il a été jugé indispensable de prendre des précautions que le législateur de 1681 avait négligées, pour constater l'existence et la légitimité des créances privilégiées; ce qui était d'autant plus essentiel, que ces créances peuvent quelquefois absorber le gage commun des créanciers ordinaires: tel est l'objet des neuf paragraphes de l'art. 4 (195).

5. L'ordonnance avait voulu que les intéressés au navire dont on saisirait une portion au moment où il serait prêt à mettre à la voile, ne pussent le faire naviguer qu'en donnant caution jusqu'à concurrence de l'estimation de la portion saisie. On les autorisait, a la vérité, à faire assurer cette portion, et à emprunter à la grosse pour payer le coût de l'assurance; mais on leur assignait le remboursement de l'emprunt seulement, sur le profit du retour. Il a paru évident que la charge d'une caution, pour la valeur de la portion saisie, imposée aux copropriétaires, était aussi onéreuse que peu juste. Le créancier saisissant ne pouvait réclamer plus de droits que son débiteur: celui-ci ne pouvait avoir avec ses copropriétaires que des comptes à régler; jamais il n'aurait pu leur demander caution de sa portion; jamais il n'aurait pu soustraire, tant que l'association durait, cette portion aux chances de la navigation, que par le moyen d'une assurance qui aurait été entièrement étrangère à ces associés.- Comment donc le créancier qui le remplace pouvait-il être admis à rejeter sur ces copropriétaires, ces mêmes chances sous la simple autorisation de se faire assurer pour leur compte? - Car il est constant que suivant le texte et le sens de l'ordonnance, cette assurance devait se faire pour le compte des copropriétaires, puisqu'ils étaient obligés de donner caution, jusqu'à concurrence de la portion saisie.

6. Il était évident encore que le remboursement du coût d'assurance délégué en faveur des copropriétaires, sur le profit du retour, pouvait être assez souvent illusoire, par la raison qu'il n'est pas rare qu'il n'y ait ni retour ni profit.- La justice paraissait donc demander que les copropriétaires eussent pu faire naviguer le navire dont une portion serait saisie au moment où il serait prêt à faire voile, à la charge de rendre compte de cette même portion au créancier saisissant et de donner caution à cet effet.

7. Mais en traitant ce sujet, nous sommes arrivés à des résultats d'une plus grande importance.-Nous avons dû examiner s'il est dans l'intérêt général de la navigation et de la chose publique, de permettre la saisie d'un navire au moment où il est à faire voile; si l'intérêt d'un seul, de celui qui a négligé jusqu'alors de mettre en avant ses prétentions ou ses droits, peut entraver les spéculations des chargeurs, compromettre leur fortune, frustrer les espérances de ses copropriétaires, faire manquer peut être l'entreprise la mieux calculée; et nous sommes parvenus à une solution négative: nous avons cru qu'un navire prêt à faire voile ne de

des tit. 9 et 10 du même livre, l'ont été à la même séance, par

vait pas être saisissable: la législation de quelques nations commerçantes venait encore à l'appui de cette opinion et de la disposition établie en conséquence par l'art. 26 (215).-L'activité de la navigation, l'intérêt des tiers, la faveur du commerce nous ont paru justifier le sacrifice temporaire et léger du droit quelquefois équivoque d'un créancier négligent.

Une seule exception a paru juste, et elle est prononcée. Cette exception porte sur les dettes contractées pour le voyage. On peut supposer que, sans ces dettes, le bâtiment n'aurait pas été mis en état de faire voile. Il faut donc les payer. Et dans ce cas même, une caution peut encore, dans la disposition du projet, concilier tous les intérêts.

8. Les devoirs du capitaine et ses fonctions ont dû aussi attirer toute l'attention et la vigilance de la loi : combien ne sont-elles pas importantes ces fonctions, et ces devoirs sacrés ! Le capitaine est le mandataire des propriétaires du navire : il répond, sauf les événements de force majeure, aux chargeurs de leurs marchandises; il répond à l'État de son équipage; en mer, en voyage, il est presque exclusivement chargé de tous ces intérêts ses fonctions s'ennoblissent sous tous ces rapports, et sa responsabilité n'en est que plus grande. C'est à ce titre, messieurs, qu'il a été reconnu qu'il devait répondre des fautes, même légères, dans l'exercice de ses fonctions. Et telle est, en effet, la disposition de l'art. 32 (221), qui rentre d'ailleurs, même avec quelque modification favorable, dans la théorie générale qui règle les obligations de tout mandataire salarié.

9. En arrivant aux matelots, vous remarquerez sûrement, messieurs, avec intérêt, que, par l'art. 63 (252), leur sort est amélioré dans le cas où étant loués au mois, pour un voyage déterminé, le voyage déjà commencé est rompu par le fait des propriétaires ou du capitaine.-L'art. 3 du titre de l'engagement de l'ordonnance, contenait à cet égard des dispositions discordantes, et telles, que le matelot loué au mois pouvait se trouver exposé à recevoir de moindres loyers, si la rupture arrivait après le voyage commencé, que dans le cas où elle aurait eu lieu avant le voyage. -Le quatrième paragraphe de l'art. 63 du projet, fait disparaître cette contradiction, et redresse le tort qui était fait aux matelots; il leur est alloué la moitié de leurs gages pour le reste de la durée présumée du voyage, et des moyens de retour chez eux. Cette disposition paraît concilier ce que prescrivent en leur faveur l'humanité et la justice, avec les justes ménagements dus aux intérêts des propriétaires de navires, qui ne peuvent en pareils cas se séparer de l'intérêt même de la navigation.

10. L'addition portée à l'art. 109 (298) du projet est susceptible de quelque examen. Cet article suppose que le capitaine ait été obligé de vendre des marchandises pour subvenir aux besoins pressants du navire, et prescrit que, « si le navire se perd, le capitaine tiendra compte de ces marchandises sur le pied qu'il les aura vendues, en retenant le fret porté aux connaissements.»- L'ordonnance n'avait rien statué, à cet égard, dans le cas de la perte du navire. Les commentateurs professaient une doctrine contradictoire; les uns considéraient les marchandises vendues avant la perte et pour subvenir aux besoins du navire, comme le sujet forcé d'un contrat à la grosse, et en refusaient le payement; les autres accordaient ce payement, en les regardant comme sauvées, puisqu'on en avait disposé avant que le navire eût éprouvé aucun événement sinistre. Il a fallu se fixer sur ce point.

Il a paru équitable de penser que les marchandises vendues pour subvepir aux besoins du navire, constituaient un titre de créance en faveur de leur propriétaire; que, dès lors, elles avaient cessé d'être en risque; que le capitaine et les propriétaires du navire, qui étaient chargés de pourvoir à ses besoins, avaient contracté une dette individuelle en appliquant ces marchandises à l'accomplissement de leur devoir personnel; qu'en pareille circonstance, un contrat à la grosse ne saurait, par sa spécialité, être présumé ni supposé; qu'il serait étrange de vouloir considérer comme perdues les marchandises vendues avant la perte du navire, tandis qu'elles auraient pu être sauvées dans la circonstance même du naufrage; qu'enfin, le propriétaire de ces marchandises vendues, si elles ne lui étaient pas payées par le capitaine, se trouverait dépouillé sans pouvoir exercer aucun recours contre ses assureurs, qui ne seraient pas tenus au remboursement, puisqu'il n'y aurait pas eu d'objet de risques à bord lors du naufrage. Ces réflexions ont conduit à la disposition exprimée au second paragraphe de l'art. 109 (298).

11. En substituant dans les art. 117, 118 et 119 (306, 307 et 308), un dépôt en mains tierces, et le privilége du capitaine pour son fret sur les marchandises déposées, à la faculté d'arrêter et de saisir ces mêmes marchandises, que lui donnait l'ordonnance, nous avons adopté une mesure qui paraît mieux assortie aux formes conciliatrices du commerce. Cette mesure conserve les intérêts du capitaine qui a le droit d'être payé de son fret, avant de livrer irrévocablement son gage; en même temps qu'elle pourvoit aussi à la sûreté du consignataire qui, avant de payer le fret, a le droit, à son tour, de reconnaître l'état des marchandises qui doivent lui être délivrées.

12. Tels sont, messieurs, les principaux changements faits à l'ordonnance de 1681, dans les huit premiers titres de la loi que nous vous présentons. Des modifications plus légères, des transpositions, des différences de simple rédaction se justifient par elles-mêmes, et leur uti

M. Corvetto (1); et ceux des tit. 11, 12, 13 et 14, qui terminent

lité, quoique tout à fait secondaire, n'échappera pas à votre sagesse. En adoptant ce projet, vous seconderez, messieurs, les vues paternelles et les intentions bienfaisantes du héros qui se plaît à entrelacer à l'olivier de la paix les lauriers qu'il a cueillis, qui ne régénère toute la législation commerciale et ne veut la liberté des mers que pour la prospérité de ses peuples et pour celle du commerce.

(1) Exposé des motifs des titres 9 et 10 du livre 2 c. com., présentée au corps législatif, par M. Corvetto, conseiller d'État (séance du mardi 8 sept. 1807).

13. Messieurs, les contrats à la grosse aventure et les assurances forment le sujet des titres 9 et 10 du livre qui vous est présenté. Ces contrats se ressemblent sous bien des rapports.« Dans l'un, dit un écrivain éclairé, le donneur est chargé des risques maritimes, et dans l'autre, c'est l'assureur. Dans l'un, le change nautique est le prix du péril, et dans l'autre, la prime est le prix des risques maritimes. Le taux de cette charge ou de cette prime est plus ou moins haut, suivant la durée et la nature des risques. » Cette analogie influe sur leur essence. Ils sont régis dans leurs effets par les mêmes principes: ils ne sauraient être ni l'un ni l'autre des moyens d'acquérir: ils ont pour base un risque réel : ils n'ont pour but que de relever le preneur de la restitution de la somme empruntée, et d'indemniser l'assuré d'une perte intrinsèque et réelle, en cas d'accident malheureux : ils contribuent par là, quoique dans une proportion bien différente, à la prospérité du commerce maritime. C'est en suivant ces principes que vous apprécierez, messieurs, le projet qui concerne ces contrats. Ici encore, P'ordonnance de 1681 a éclairé nos travaux, et nous nous bornerons à vous indiquer avec soin les cas, extrêmement rares, dans lesquels il nous a paru nécessaire d'en suppléer ou d'en changer les dispositions.

Je vais parcourir rapidement une matière dont tant d'habiles juriscon sultes, tant de commerçants instruits ont développé les principes; heureux, si en tâchant d'être court, je ne deviens pas obscur!

14. L'art. 123 (312) règle les formalités auxquelles les contrats à la grosse doivent être assujettis tant en France qu'à l'étranger: il était important de suppléer ici l'ordonnance.-Un contrat à la grosse emportant privilége, l'existence et l'époque de ce contrat doivent être constatées d'une manière à ne pas exposer les créanciers ordinaires à devenir les victimes d'une supposition collusoire; l'enregistrement au greffe du tribunal de commerce, en France, et l'intervention du magistrat, à l'étranger, nous ont paru remplir un objet si juste et si salutaire.

15. C'est encore un supplément à l'ordonnance, que l'art. 124 (313), qui rend tout acte de prêt à la grosse nécessaire pour la vogue de l'enregistrement. L'usage avait prévenu la disposition de la loi; l'intérêt du commerce demandait que cet usage fût adopté; c'était le vœu des écrivains les plus éclairés. Mais il faut, à cet effet, que le billet à la grosse soit à ordre, sans cela, l'acquéreur ne serait qu'un simple cessionnaire; il serait passible de toutes les exceptions que l'on pourrait opposer à son

cédant.

16. Ici une question assez importante s'est élevée. L'endossement produit une action en garantie. L'endosseur, qui cautionne le billet à la grosse, répondra-t-il du profit maritime? Son obligation est indéfinie : le profit maritime ne forme que l'accessoire de la somme prêtée; la garantie doit porter sur l'une et sur l'autre.-Nous n'avons point partagé cet avis. - Ce n'est pas que l'on puisse contester que l'endossement constitue un cautionnement, et qu'il donne lieu à une action en garantie; mais il s'agit de voir jusqu'à quel point cette garantie doit s'étendre; elle doit avoir pour limite la somme que l'on reçoit. Le prêteur à la grosse a endossé son billet; c'est-à-dire, il en a fait le transport pour une somme égale à celle qu'il a donnée lui-même, et qui se trouve exprimée par le texte du billet. Il est juste, il est dans l'ordre et dans la nature des choses qu'il cautionne jusqu'à cette somme; mais pourquoi cautionnerait-il pour une somme plus forte? Quel dédommagement recevrait-il pour cette nouvelle garantie? Garant pour la somme qu'il reçoit, il le serait encore, sans motif, de 25 ou 50 pour 100 de profit maritime, qu'il ne reçoit pas et l'équité et la justice semblent repousser cette idée. Mais tout en adoptant cette opinion, nous avons pensé qu'il était convenable de laisser aux parties la liberté d'une convention contraire; car il est bien à croire que l'endosseur, en courant un risque plus étendu, ne manquerait pas de stipuler en sa faveur une indemnité proportionnée à l'extension conventionnelle de sa garantie.

17. L'art. 3 de l'ordonnance défendait de prendre deniers à la grosse sur le corps et quille du navire, ou sur les marchandises de son chargement au delà de leur valeur, à peine d'être contraint, en cas de fraude, au montant des sommes entières, nonobstant la perte ou prise du vaisseau. La rédaction de cet article paraissait incomplète, parce qu'il n'y avait pas de raison pour que l'on n'appliquât pas la disposition relative à la perte ou prise du vaisseau au cas de la perte ou prise des marchandises. Elle paraissait équivoque, parce qu'on ne savait, que d'après l'opinion des commentateurs, si les sommes entières comprenaient ou ne comprenaient pas les profits maritimes. Elle n'était pas assez dans les intérêts du

le code des transactions maritimes, et qui traitent des avaries, du

prêteur, parce que, en cas de fraude, on aurait pu penser qu'elle prononçait toujours la nullité du contrat.—Ces considérations nous ont amenés à une rédaction que nous avons crue plus exacte. L'art. 127 (316) du projet porte la nullité du contrat, quel que soit l'objet sur lequel le prêt est affecté; mais cette nullité ne doit être déclarée que sur la demande du prêteur.

L'expression générique des objets sur lesquels le prêt est affecté comprend, suivant la différence des cas, la totalité ou la partie du navire ou des marchandises. Le contrat étant déclaré nul n'a pu produire aucun effet, ni par conséquent aucun profit maritime. L'option accordée au prêteur n'est qu'une suite naturelle des principes que l'on doit appliquer à cette espèce, et une nouvelle garantie de ses véritables intérêts. En effet, il s'agit de fraude. Ce n'est pas celui-là même qui est en fraude qui pourrait l'alléguer; ce serait le prêteur, à la charge de la prouver. Et si le prêteur préfère de ne point intenter celle action, dont l'instruction pourrait être difficile et le résultat incertain, comment lui en contester la faculté? ce serait, dans la supposition contraire, le condamner, sans exception, aux chances d'un procès qui pourrait tourner à son préjudice; il se trouverait quelquefois compromis ou ruiné par la faveur apparente de la loi.

Il est bien vrai que le prêteur ne réclamant pas la nullité d'un contrat fait en fraude, pourrait, dans le cas de l'arrivée du navire ou des marchandises, exiger la somme prêtée et le profit maritime, quoiqu'il n'eût point couru un risque proportionné; mais cette faveur lui est due d'un côté, d'après ce que nous venons de dire; et cette punition est due, de l'autre, à l'emprunteur qui est en fraude. Celui-ci gagne même à cette espèce de transaction: il rachète, par ce payement, la honte d'un procès, et le risque d'une condamnation criminelle.

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18. Le développement que je viens de donner à l'art. 127 m'impose le devoir de justifier les dispositions de l'art. 129 (318), qui rétablit la peine de nullité, sans aucun égard à la demande du prêteur, toutes les fois que le prêt est affecté sur quelqu'un des objets prohibés par la loi. La différence des deux cas est sensible: l'emprunteur est le seul coupable dans les cas de l'art. 127. Ici le prêteur est son complice; car ils connaissaient l'un et l'autre la disposition prohibitive de la loi. - Le prêteur, à la vérité, est le seul puni dans ce cas; car il ne reçoit aucun intérêt de la somme prêtée; et l'emprunteur en a joui, en attendant: mais aussi le plus sûr moyen de prévenir les prêts prohibés, est précisément de punir les prêteurs. On ne trouvera point à emprunter toutes les fois qu'il n'y aura qu'à perdre en prêtant.

19. L'art. 130 (319) généralise la défense que l'ordonnance avait rendue partielle, de prêter à la grosse sur les loyers des gens de mer.-Qu'il me soit permis d'entrer ici dans quelques détails. << On conçoit, disaient les commentateurs de l'ordonnance, de quelle dangereuse influence il serait de permettre aux matelots d'emprunter sur leurs loyers, puisque le gain de leur loyer les attache autant que la crainte de la mort à la conservation du navire? Et d'abord, n'y aurait-il pas peut-être de l'inconséquence à affaiblir ce motif, en diminuant presque de la moitié, comme le permettait l'ordonnance, l'intérêt du matelot à la conservation du navire? Mais il faut consulter l'expérience; il faut remonter à des principes. -Les contrats à la grosse sont sans doute nécessaires; mais, en général, ils sont onéreux. Le profit maritime que l'on y stipule est au-dessus, non-seulement de tout intérêt ordinaire, mais de toute prime d'assurance; et quoique cet intérêt puisse être juste, il n'en écrase pas moins le preneur, toutes les fois que celui-ci n'a pas en vue une spéculation assez lucrative et assez grande pour lui faire espérer un bénéfice extraordinaire. Or, il faut avouer qu'un simple matelot ne se trouve guère dans ce cas: et quand même ce cas se présenterait en effet, quelle somme le matelot pourrait-il tirer d'un emprunt à la grosse, qui n'aurait pour base que quelque chose de moins que la moitié de ses minces loyers? Il essuierait tous les inconvénients d'un prêt onéreux, sans pouvoir jamais espérer d'en atteindre les avantages.

Mais il y a plus l'art. 4 de l'ordonnance défend les emprunts à la grosse, sur le fret à faire; et en consultant l'esprit général de ce bel ouvrage, nous voyons que ses rédacteurs ont exigé partout un risque réellement existant pour base d'un contrat à la grosse ou d'une assurance. De là, la réduction des contrats, ou même leur annulation en cas de fraude, toutes les fois que le risque est évalué au-dessus de sa réalité. De là, la défense de prêter sur des profits espérés. De là, l'obligation imposée à l'emprunteur et à l'assuré de prouver l'existence d'un risque proportionné à l'emprunt ou à l'assurance. Il s'ensuit que tout prêt ou toute assurance qui n'auraient point pour objet un risque véritable, ne seraient dans le fond qu'une gageure. L'assureur et le prêteur parieraient que le bâtiment arriverait à bon port: l'assuré et le preneur parieraient le contraire. Par ce système, tout se trouverait renversé. Au lieu d'intéresser tout le monde à la navigation heureuse d'un navire, on établirait des intérêts contradic toires. L'assuré aurait tout à gagner à la perte du navire en payant une faible prime, il exigerait le montant de l'assurance: le preneur à la grosse n'aurait, en cas de perte, pas même de prime à payer. Il est facile de scutir les inconvénients d'un pareil système; et si l'on citait en sa la

:

jet, de la contribution, des fins de non-recevoir et des prescriptions,

veur quelques exemples, nous n'hésiterions pas à répondre que ce ne sera certainement pas en France, et dans une matière de tant d'importance, que la législation naturalisera la fureur du jeu et l'immoralité des paris.

Il n'y a qu'à faire l'application de ces principes à l'objet qui nous occupe. Le loyer du matelot dépend de l'arrivée du navire, de la durée du service: il n'est par conséquent qu'espéré; il n'existe pas, il n'a pas existé, il ne constitue pas un véritable risque au moment du contrat; il est même impossible de prévoir jusqu'à quel point il existera dans la suite. Nulle différence dans ce cas entre le fret à faire par le navire, et le loyer à gagner par le matelot, et si l'ordonnance prescrivait elle-même que le fret à faire ne pourrait fournir le sujet d'un emprunt à la grosse, comment se refuser à la déduction exacte d'un principe reconnu, quand il s'agit de l'appliquer, à bien plus forte raison, aux loyers des gens, dont l'intérêt ne saurait être trop lié à la conservation du navire?

20. Une observation importante se présente encore sur l'art. 142 (331) du projet, et le dernier du titre qui concerne les contrats à la grosse; S'il y a contrat à la grosse et assurance sur le même navire ou sur le même chargement, l'art. 142 établit une concurrence entre le donneur à la grosse et l'assureur sur le produit des effets sauvés du naufrage : il accorde même quelque avantage à ce dernier; pendant que l'ordonnance accordait au contraire un privilége au donneur à la grosse. Il est à observer que le contrat à la grosse était, à l'époque de l'ordonnance, bien plus répandu et plus utile qu'il ne l'est de nos jours. Le système des assurances s'étant amélioré depuis cette époque, les rapports ont entièrement changé. Il serait actuellement impossible qu'un grand commerce subsistât sans assurances, et il serait impossible qu'il subsiståt longtemps avec les contrats à la grosse. La raison de la préférence accordée à cette dernière espèce de contrat a donc cessé, et il a fallu rentrer, par une route presque opposée, dans ce même système d'équité que l'ordonnance avait établi sous des rapports différents.

21. Nous arrivons, Messieurs, au contrat d'assurance, et je touche presque à la fin des observations que je devais vous soumettre. Il est agréable de reposer un instant l'attention fatiguée sur ce beau contrat, noble produit du génie, et premier garant du commerce maritime. Les chances de la navigation entravaient ce commerce. Le système des assurances a paru; il a consulté les saisons; il a porté ses regards sur la mer; il a interrogé ce terrible élément; il en a jugé l'inconstance; il en a pressenti les orages; il a épié la politique; il a reconnu les ports et les côtes des deux mondes; il a tout soumis à des calculs savants, à des théories approximatives; et il a dit au commerçant habile, au navigateur intrépide: certes, il y a des désastres sur lesquels l'humanité ne peut que gémir; mais quant à votre fortune, allez, franchissez les mers, déployez votre activité et votre industrie: je me charge de vos risques. Alors, Messieurs, s'il est permis de le dire, les quatre parties du monde se sont rapprochées. Tel est le contrat d'assurance. En traçant les dispositions qui le concernent, avec combien de plaisir nous nous sommes renfermés dans le beau système de l'ordonnance! E forme presque, sous ce rapport, le droit commun des nations. Peu de modifications nous ont paru nécessaires; je n'en indiquerai que les plus importantes.

22. Nous avons exigé, dans l'art. 143 (332), l'indication du jour où le contrat d'assurance est souscrit : nous avons même voulu qu'il y fût énoncé si la souscription a lieu avant ou après midi : ces dispositions sont nouvelles, elles n'en sont pas moins nécessaires. Il est généralement senti combien il est utile de dater le contrat. Les assurances qui, en couvrant tout le risque, se trouvent antérieures à d'autres, qu'on aurait faites sur le même risque dans la suite, annulent ces dernières. L'époque du contrat, le point fixe, l'heure même de cette époque seraient d'ailleurs nécessaires à établir pour régler les cas où il pourrait y avoir présomption de la nouvelle de l'arrivée ou de la perte du navire au temps de l'assurance; et, en général, pour régler les droits de tous les créanciers qui pourraient avoir intérêt dans le bâtiment ou dans l'objet assuré. —'I faut convenir que ce raisonnement nous conduisait à imposer le devoir de l'indication de l'heure précise où le contrat serait souscrit. - Mais ici, la stricte sévérité des principes a dû s'accommoder aux formes larges et faciles du commerce. On ne saurait, dans la pratique, exiger, sans beaucoup d'inconvénient, une précision plus grande que celle que nous avons demandée.

23. Nous avons dit, à l'art. 145 (334), que toutes les valeurs estimables à prix d'argent el sujettes aux risques de la navigation, peuvent former un sujet d'assurance. Cette rédaction nous a paru répondre avec une plus grande exactitude à l'esprit des art. 9 et 10 de l'ordonnance, qui permettent d'assurer la liberté des hommes, et qui défendent de faire des assurances sur leur vie. La liberté est estimable à prix d'argent; la vie de l'homme ne l'est pas. Cependant il y a une exception à oe second principe; la vie des esclaves de la Guinée est estimable à prix d'argent, quoique ce soient des hommes; car, l'application qu'on leur a faite de la jurisprudence romaine n'est pas allée jusqu'à leur refuser cette qualité. L'ordonnance, en défendant en général l'assurance sur la vie des hom"es, paraissait ou supposer que les negres ne l'étaient pas, ou prescrire

l'ont été aussi le même jour par M. Maret (1). Enfin, le 15 sept. sui

l'assurance sur leur vie. La rédaction du projet écarte toute équivoque. 24. L'art. 159 (348) peut encore, messieurs, fixer votre attention : « Toute réticence, y est-il dit, toute fausse déclaration de la part de l'assuré, toute différence entre le contrat d'assurance et le connaissement, qui diminueraient l'opinion du risque ou en changeraient le sujet, annule l'assurance.-L'assurance est nulle même dans le cas où la réticence, la fausse déclaration ou la différence n'aurait pas influé sur le dommage ou la perte de l'objet assuré. » — Quoique cet article soit nouveau, il est moins une addition à l'ordonnance qu'un sommaire des principes qu'elle avait consacrés. L'expérience prouvé, cependant, que cet article, par la disposition surtout de son second paragraphe, pouvait prévenir des discussions spécieuses, qui ont quelquefois retenti dans les tribunaux de commerce. L'assureur a le droit de connaître toute l'étendue du risque, dont on lui propose de se charger lui dissimuler quelque circonstance qui pourrait changer le sujet de ce risque ou en diminuer l'opinion, ce serait lui faire supporter des chances dont il ne voulait peut-être pas se charger ou dont il ne se chargerait qu'à des conditions différentes : ce serait, en un mot, le tromper. Dès lors le consentement réciproque, qui seul peut animer un contrat, viendrait à manquer. Le consentement de l'assuré se porterait sur un objet, et celui de l'assureur sur un autre; les deux volontés, marchant dans un sens divergent, ne se rencontreraient pas: et il n'y a cependant que la réunion de ces volontés qui puisse constituer le contrat. La seconde partie de la disposition découle nécessairement de ces principes. Le contrat n'ayant pas existé, aucune conséquence, aucun effet n'en ont pu résulter. Dès lors il est indifférent, à l'égard de l'assureur, que le navire périsse ou ne périsse pas, ou qu'il périsse par une chance sur laquelle la réticence ou la fausse déclaration n'auraient pas influé: l'assureur serait toujours autorisé à répondre qu'il a assuré un tel risque, et que ce risque n'a pas existé.

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25. C'est ici, messieurs, que finissent les changements ou les innovations importantes que nous avons apportées à l'ordonnance. Au reste, elle justifie assez notre projet partout où il se trouve d'accord avec elle. Ainsi les dispositions successives du projet ne pourraient présenter que le sujet d'une discussion stérile et inutilement prolongée. Nous espérons, messieurs, que vous jugerez digne de vos suffrages cette importante partie du code maritime.

(1) Exposé des motifs des tit. 11, 12, 13 et 14 du liv. 2 c. com., présentés au corps législatif par M. Maret, conseiller d'Etat (séance du mardi 8 sept. 1807).

26. Messieurs, nous présentons à votre sanction les derniers titres du iv. 2 c. com., des Transactions maritimes. Ces titres traitent des avaries, du jet et de la contribution, des prescriptions, des fins de non-recevoir. Vous y reconnaîtrez l'esprit, et le plus souvent les termes de l'ordonnance de 1681. Elle est devenue la législation maritime de l'Europe; elle n'a dù éprouver, dans la loi que nous vous présentons, que de légers changements et quelques additions réclamés par l'expérience. C'est donc en quelque sorte plutôt une nouvelle rédaction de l'ordonnance de 1681 qu'une loi nouvelle.

Nous commençons par définir l'avarie en général; nous distinguons ensuite et nous classons les diverses sortes d'avaries; nous appliquons à chaque espèce la disposition qui lui est propre; nous posons enfin les exceptions et nous établissons les fins de non-recevoir. - Cet ordre, indiqué par l'analyse des idées, nous a paru devoir remplacer avec avantage celui de l'ordonnance où les art. 1 et 2 sont des définitions, où l'art. 5 dispose, où les art. 4, 5 et 6 contiennent des définitions, ce qui rend l'ordre du tit. 7 pénible et embarrassant.

Ainsi que nous vous l'avons déjà dit, quelques changements et quelques additions nous ont paru devoir être faits à l'ordonnance.

27. Cette disposition de l'art. 6: « Les frais de la décharge pour entrer dans un havre ou dans une rivière, sous avaries grosses ou communes,» nous a paru nécessiter une addition. Nous avons examiné s'il y avait avarie grosse ou commune dans tous les cas, et dans celui de la crainte d'un naufrage ou de prise, et dans celui où le navire, arrivé dans la rade du port de sa destination, ne peut entrer dans un havre, dans un port, dans une rivière, sans décharger, suivant l'usage, des marchandises dans des alléges. Nous sommes aussi convaincus que l'ordonnance laissait une incertitude qu'il fallait faire disparaître; et la loi dit que ces frais sont avaries communes, seulement quand le navire est contraint à entrer par tempête ou par la poursuite de l'ennemi. La raison en est que, dans ce cas, il s'agit du salut commun du navire et des marchandises qu'il porte; tandis que, dans l'autre, les frais ne regardent que ceux auxquels appartiennent les marchandises chargées dans les alléges.

28. L'art. 8 de l'ordonnance porte : les lamanages, touages, pilotages, pour entrer dans les havres ou rivières, ou pour en sortir, sont menues avaries. La loi a dû dire: les lamanages, touages et pilotages, etc., ne sont point avaries, mais ils sont de simples frais à la charge du navire (art. 217; 406 du code).-Les motifs sont qu'il est évident, par la nature des choses, qu'il ne s'agit que des frais de navigation qu'on a pu prévoir et calculer à l'avance, el qui, par conséquent, ne sont point des avaries; TOME XVIII.

vant, l'adoption de ces divers titres a été successivement proposée,

que s'il est question de frais extraordinaires, ils sont prévus au no 7 de l'art. 211 (400); que s'il s'agit de dépenses ordinaires, il est plus simple de les faire entrer dans le montant du fret; car c'est là qu'est leur place: au surplus, en disposant ainsi, la loi ne fait que confirmer ce qui s'est établi par l'usage; et en effet, jamais on ne dresse des comptes d'avaries pour de pareils articles; mais par le connaissement, on convient d'une somme fixe avec le capitaine.

29. Nous passons à l'art. 218 (407) de la loi, qui indique par qui le dommage est payé en cas d'abordage. L'ordonnance avait statué sur deux cas (art. 10 et 11): l'un, quand l'abordage a été fait par la faute de l'un des capitaines; l'autre, quand il y a doute sur les causes de l'abordage. Il en est un troisième, quand l'abordage est un effet du hasard qu'on ne peut imputer ni à l'intention, ni à la maladresse, ni à la négligence de personne, alors c'est un événement dont quelqu'un peut souffrir, mais dont nul ne doit répondre. La lot ajoute en conséquence aux dispositions de l'ordonnance en cas d'abordage de navires, si l'événement a été purement fortuit, le dommage est supporté, sans répétition, par celui des navires qui l'a éprouvé.

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30. Après avoir défini l'avarie en général, après avoir classé les diffé rentes sortes d'avaries, après avoir appliqué à chaque espèce la disposition qui lui est propre, après avoir posé les exceptions, nous sommes arrivés à cette question: une demande pour avarie sera-t-elle toujours recevable? Nous avons considéré que la demande ne devait point être admise, quand, pour jouir de son effet, il faudrait dépenser en frais autant ou plus que le dommage qu'on obtiendrait, parce qu'alors il n'y avait d'intérêt pour personne, soit à demander, soit à défendre. Cependant nous n'établissons ce principe que dans le cas où le silence des parties n'aurait pas fait connaître leurs volontés.

31. Tels sont les motifs qui ont déterminé quelques changements et additions au titre des avaries de l'ordonnance. La loi n'en présente aucun d'essentiel au titre du jet et de la contribution, et à celui des fins de nonrecevoir. A l'égard de celui des prescriptions, nous y avons distingué l'action en délaissement de celle dérivant d'un contrat à la grosse ou d'une police d'assurance. L'action en délaissement est prescrite dans le terme de six mois, à partir du jour de la réception de la nouvelle de la perte, suivant l'art. 184(373), dont l'un des orateurs qui nous a précédé à cette tribune vous a fait connaître les motifs.-En ce qui concerne l'action dérivant d'un contrat à la grosse et d'une police d'assurance, elle est prescrite après cinq ans, à compter de la date du contrat. Le commerce réclamait ce changement de l'art. 48 de l'ordonnance, dont l'exécution a été accompagnée d'un grand nombre de procès, parce qu'il établissait une grande diversité de prescriptions. Mais si des prescriptions doivent être établies contre les négociants qui négligent d'user de leurs droits, il était aussi de la justice de dire qu'elles ne pourront avoir lieu quand il y aura eu cédule, obligation, arrêté de compte ou interpellation judiciaire, et c'est ce que veut l'art. 245 (434) de la loi.

32. Messieurs, le livre dont nous venons de vous faire connaître les dispositions complète le code du commerce. Comme les ordonnances de Louis XIV qu'il va remplacer, c'est environné des trophées de la victoire qu'il prend sa place parmi les lois, qu'il vient régler les transactions commerciales d'un peuple dont les rapports de tout genre se trouvent élendus par les armes, par les négociations politiques, et plus encore par cette influence qu'un grand homme exerce sur les nations voisines de son empire, surtout quand les unes l'ont voulu pour législateur, quand les autres l'ont proclamé leur protecteur.

Par suite de cette augmentation de rapports commerciaux entre le peuple français et les autres peuples de l'Europe, l'action du code ne sera pas renfermée dans les limites de la France, il peut même devenir une loi commune aux peuples que leur intérêt place dans notre système de fédération et d'alliance. Notre auguste empereur l'avait ainsi prévu, quand il a demandé que les dispositions du code de commerce fussent, le plus possible, en harmonie avec les autres législations commerciales de l'Europe; quand il a demandé qu'on interrogeât tous les intérêts; quand, après avoir confié une première rédaction du code à des hommes habiles, il la fait discuter dans les cours de cassation et d'appel, dans les tribunaux, dans les chambres et dans les conseils de commerce. Nous devons le dire, cette discussion a été honorable pour ceux qui y ont pris part; ils ont été dirigés par le seul sentiment d'améliorer un travail déjà très-recommandable en lui-même.

Les résultats de cette discussion lumineuse formaient une collection immense; recueillie par les ministres de la justice et de l'intérieur, il fallait analyser toutes les observations qu'elle contenait; il fallait les comparer; il fallait profiter de ce faisceau de lumière pour faire à la première rédaction du code tous les changements que réclamaient les besoins du commerce et l'intérêt national. La commission instituée en l'an 9, ayant rempli sa tâche, se regardait comme dissoute; trois des membres de cetle commission, MM. Gorneau, Legras et Vital-Roux, jurisconsultes et négociants éclairés, pleins de zèle, mais surtout forts de leur dévoûment à l'empereur, sollicitent des ministres de sa majesté la permission d'entreprendre, à leurs frais, la révision du code; ces ministres les y autorisent;

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au nom des sections de législation et de l'intérieur du tribunat,

ils font plus, ils les y encouragent. Bientôt, ils se livrent avec ardeur à ce nouveau travail; ils accroissent leurs lumières de celles de MM. Vignont et Boursier, de celles qu'ils trouvent dans les auteurs français, dans la législation des autres peuples de l'Europe; ils s'établissent juges impartiaux d'un ouvrage auquel ils avaient pris tant de part; ils mettent ainsi sa majesté à même d'ordonner, en l'an 11, l'impression du code du commerce revisé, lequel a servi de base aux méditations du ministre de l'intérieur, aux discussions du conseil d'État.

Si le sentiment de la reconnaissance nous a déterminés à vous désigner ceux qui nous ont plus particulièrement aidés à répondre au vœu de sa majesté et du commerce, qu'il nous soit permis d'exprimer le même sentiment à ceux d'entre vous, messieurs, qui ont éclairé de leurs lumières les cours, les tribunaux et la chambre du commerce dont ils sont membres. - C'est cette réunion de lumières qui a produit le code du commerce; il n'est l'ouvrage de personne en particulier: c'est une sorte de monument national élevé par le concours de tous les hommes éclairés de l'empire.

(1) Discours prononcé par M. Perrée, au nom des sections de législation et de l'intérieur, sur les huit premiers titres du liv. 2 c. com (séance du 15 sept. 1807).

55. Messieurs, nous avons l'honneur de présenter au corps législatif le vœu du tribunat sur le second livre du code de commerce. Ce livre forme seul le cadre du code maritime. Vous connaissez, messieurs, tout ce que le monde doit à la navigation; intimement liée au commerce, tous deux auraient fait le bonheur de l'univers, si l'envie n'avait abusé de leurs moyens. Dès le principe de la navigation, il fut nécessaire de mettre un frein à la licence et à la force, dont les mers semblent destinées à être le théâtre. Les plus anciennes lois maritimes sont attribuées aux Rhodiens; elles suffirent sans doute aux navigateurs de la Méditerranée, jusqu'au temps où Rome, dans sa grandeur, combattait les pirates, et où, dans sa caducité, elle confia à la vénération des siècles le code de ses lois elles furent suivies d'une longue nuit de barbarie et d'ignorance; quelques lueurs d'ordre et de civilisation se manifestèrent successivement dans des règlements particuliers à des provinces ou à des villes, que leur position et la nécessité forçaient de s'occuper de la navigation.

34. Le restaurateur des lettres, François Ier, ne négligea pas la législation des mers; il ordonna la révision de l'ordonnance de 1400, notre premier corps de lois maritimes. - Jusqu'alors, toutes ces lois n'avaient statué que sur la police et l'intérêt de la navigation des côtes : l'Océan était resté dans le silence de sa création. Tout à coup l'esprit humain sembla sortir de sa léthargie : trois grandes découvertes, à peu près contemporaines, l'invention de l'imprimerie, de la poudre et de la boussole produisirent la plus mémorable révolution. La Providence aussi fait naître les grands hommes avec les grands événements; sa justice accorda aux rivages de la Méditerranée, berceau de la navigation, le navigateur destiné à découvrir un autre monde: Colomb parut; il donna à l'Espagne un nouvel hémisphère. La découverte de l'Amérique étendit les bornes du monde; le commerce appela son secours tous les genres d'arts et de sciences, pour le succès d'un ordre de navigation qui offrait à la curiosité, à la fortune, à l'ambition, à la gloire, une carrière sans

terme.

-

35. Vers le milieu du seizième siècle, Colbert appela des commerçants instruits dans le commerce maritime, tous les rameaux de cette branche nouvelle furent confiés à des priviléges exclusifs; ils firent les frais de l'expérience: l'envie aussi calomnia leurs sacrifices, pour s'approprier leurs procédés. Un code de lois maritimes fut le complément de l'impulsion donnée par Colbert aux grandes spéculations d'outre-mer. L'ordonnance de 1681 fat l'ouvrage des connaissances pratiques, de la théorie des lois civiles, et de la combinaison des us et coutumes de la mer, dont les peuples navigateurs anciens et modernes avaient donné l'exemple. Cette ordonnance fut regardée comme un chef-d'œuvre : la France la reçut avec reconnaissance, et les nations de l'Europe, en applaudissant à sa sagesse, la citèrent comme le droit public des peuples navigateurs.

36. Vous savez, messieurs, quelle puissance maritime et commerciale la France avait acquise depuis cette époque jusqu'à nous, malgré la perte de ses possessions au nord de l'Amérique. La compagnie des Indes orientales avait doublé le cap de Bonne-Espérance; Pondichery était sorti des sables du Coromandel; l'Orient, de ses marais; Marseille était l'entrepôt de l'ancien monde; Dupleix allait donner à sa patrie l'empire de l'Indostan, si d'odicuses intrigues n'avaient provoqué son rappel.-Dans le même temps, les Antilles prospérèrent sous le régime prohibitif des lettres patentes de 1717; leurs rapports naturels avec nos possessions du continent de l'Amérique, d'immenses capitaux en cultivateurs et en marchandises, jetés à la culture, multiplient les produits d'une terre vierge; le goût progressif de l'Europe pour ces denrées, nos retours toujours excédant notre consommation, l'activité de la pêche et du cabotage, le succès de la guerre de 1777, la liberté de l'Amérique, tout avait concouru, malgré les fautes des hommes, à porter le commerce et la navigation française au plus haut degré de valeur, de perfection et d'utilité.

par M. Perrée (1), dont le discours porte sur les huit premiers

57. Dès lors on reconnut que le temps et les choses avaient terni quaiques dispositions de l'ordonnance de 1681. D'autres ont été effacées par la révolution. Mais quel monarque aurait ordonné de toucher à ce mo nument, autre que celui qui a rétabli l'ordre social, qui a reculé les bornes de l'empire au delà des conquêtes de Charlemagne, qui a présidé aux discussions qui ont fondu le code de Justinien avec les coutumes modernes, qui a donné au continent une paix établie sur les bases de la générosité, et qui déclare, sur les champs de de bataille, que les colonies et le commerce sont l'objet de ses travaux et de ses dangers?- Cette bienfaisante pensée a produit le code du commerce, dont le corps législatif a déjà approuvé le premier livre. - MM. les orateurs du gouvernement vous ont soumis les motifs du second livre; le texte de l'ordonnance a dû changer, mais son esprit est resté le même : l'ordre des matières est traité et suivi avec plus d'analogie; on y reconnaît, en général, cette clarté qui distingue les ouvrages des jurisconsultes formés par l'étude, et des administrateurs instruits par l'expérience.

38. Vous aurez observé, messieurs, que le premier article déclare meubles les navires et autres bâtiments de mer. Cette disposition absolue anéantit d'anciennes exceptions locales; elle est, sous tous les rapports, favorable au commerce qui aime en tout la précision de l'ordre. Il applaudira aussi au classement des divers priviléges affectés sur ces espèces de meubles, dont la valeur et l'importance ne permettent la transmission qu'avec des formes légales; elles sont toutes aussi fixées pour la saisie et la vente des navires: l'intérêt du commerce, de l'État, des absents, a voulu que le respect pour le droit particulier cédât au bien général; la faculté de donner caution empêche la saisie d'un navire lorsque le capitaine a levé ses expéditions (tit. 1 et 2).

39. Si les propriétaires des navires sont civilement responsables des faits du capitaine, l'effet de la responsabilité cesse par l'abandon du navire et du fret, les propriétaires ont leur recours direct contre leurs capitaines, suivant leurs conventions de copropriété ou de salaires; ces conventions sont réglées par le droit commun, s'il n'y a pas d'écrits contraires (tit. 3). 40. La propriété mérite la sécurité de la loi; elle devait tracer avec plus d'attention encore les devoirs du capitaine (tit. 4). Le salut, la vie de son équipage, des passagers, la fortune de tous les intéressés au navire et à son chargement lui sont confiés; il est le maître absolu de sa conduite sur les mers; le salut de tous dépend de sa vigilance et de sa fermeté; de la confiance qu'il inspire, et de la rapidité de l'obéissance qu'elle commande; mais aussi il répond de ses actions, quelque simples qu'elles soient, s'il est prouvé, par les procès-verbaux qu'il doit déposer à son arrivée, qu'elles ont été des fautes, même légères, préjudiciables à des intérêts privés ou à l'ordre général; partout où le capitaine est en présence des propriétaires, il ne peut rien faire sans leur aveu ; loin d'eux il devient le mandataire commun des propriétaires et des chargeurs; et dans tous les cas, il est obligé de soumettre, à son arrivée, les faits de mer à l'attention des magistrats, et à l'action des lois.

41. Le tit. 5 est un amendement aux dispositions de l'ancienne ordonnance; justice est rendue aux marins, soit que la rupture du voyage, par le fait des propriétaires ou capitaine, arrive avant ou après le voyage commencé. Ce titre est entré dans tous les détails d'une généreuse sollicitude pour cette classe d'hommes qui vivent au milieu des privations et des dangers, dont le courage et la patience, l'audace et la soumission pro voquent l'estime et l'attachement.

42. La loi veille aussi avec la plus scrupuleuse prévoyance sur les intérêts des tiers, les chargeurs ou affréteurs des bâtiments; les conventions entre eux et les propriétaires ou le capitaine, seront toujours écrites et exécutées dans toutes leurs dispositions, hors les cas de force majeure sur lesquels la loi statue pour l'intérêt commun des parties (lit. 6).

43. La loi conserve l'ancienne forme du connaissement; ce contrat, si simple dans ses expressions, comprend des engagements communs et des intérêts opposés, il est la lettre de change des mers, rien ne peut le suppléer, ni lui être substitué (tit. 7).

44. Le fret est le prix convenu pour le transport des marchandisesa un lieu donné, sauf les périls et fortune de la mer; le capitaine et l'affréteur contractent des garanties qui servent de bases aux conditions entre les assurés et les assureurs (tit. 8).-Il était nécessaire d'éclaircir ce que l'ordonnance avait laissé sous le doute. Le fret est acquis pour les marchandises que le capitaine a été contraint de vendre dans ses relâches, pour subvenir aux victuailles, radoub ou autres nécessités pressantes da navire; mais il est obligé de tenir compte de la valeur de ces marchandises, si le navire se perd, sur le prix de leur vente dans la relâche; s'il arrive à sa destination, au cours de pareille qualité de marchandise, le jour de l'arrivée.

45. L'art. 109 (298) a paru susceptible d'éclaircissement; la réflexion démontre que son apparente sévérité n'est qu'un avertissement aux capitaines de redoubler de soins pour mettre leurs navires en état de prendre la mer. Cette disposition littérale ne peut inquiéter la bonne foi ni la bonne condcite; elle n'est qu'un épouvantail utile contre la corruption et l'immoralité. D'ailleurs, si le texte de la loi pouvait faire naître des questions relatives, l'œil éclairé de la jurisprudence saurait distinguer l'innocence

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