Page images
PDF
EPUB

traction, c'est-à-dire qu'elle est notifiée au greffe.—La notification peut être faite au greffe du tribunal de commerce où l'adjudicataire a consigné le prix: on prétendrait à tort qu'elle aurait dû, à peine de nullité, être formée au greffe du tribunal civil où la vente a été faite (Poitiers, 9 mai 1848, aff. Gachinard, D. P. 49, 2. 231).

160. Après les trois jours qui ont suivi l'adjudication, le créancier poursuivant ou le saisi doit requérir la désignation d'un juge chargé de procéder à la distribution du prix.

161. Les créanciers opposants sont tenus de produire au greffe leurs titres de créance, dans les trois jours qui suivent la sommation qui leur en est faite par le créancier poursuivant ou par le débiteur saisi (le code dit, par erreur, le tiers saisi); faute de quoi il est procédé à la distribution du prix de la vente sans qu'ils y soient compris (c. com. 213).

168. Cette disposition établit contre les créanciers qui n'ont produit qu'après les trois jours de la sommation, une déchéance dont ils ne peuvent être relevés, alors même que leur production aurait eu lieu avant la clôture de la distribution provisoire faite par le juge-commissaire (Aix, 17 juill. 1828, aff. Fabry, V. n° 252). Toutefois, l'art. 213 n'étant pas conçu en termes aussi prohibitifs que les précédents, MM. Boulay-Paty, t. 1, p. 225, et Dageville, t. 2, p. 103, pensent que, tant que la distribution n'est pas faite, les créanciers peuvent produire et les parties intéressées contredire les titres des opposants.

163. Les formalités à suivre pour la distribution sont, au surplus, celles fixées par le code de procédure pour tous les cas non prévus par la loi commerciale.

164. Lorsque l'armateur n'est point partie dans l'instance en distribution du prix d'un navire, le capitaine n'est pas fondé à l'y appeler en formant contre lui une action en payement du solde d'un reliquat de compte relatif à la gestion du navire et en demandant la jonction des deux instances (Aix, 21 nov. 1833, aff. Blanchenay, V. Journ. de Marseille, 14. 1. 257).

165. Mais la partie qui a intérêt à contester un privilége reconnu par un jugement dans lequel elle n'a pas figuré, peut, durant l'instance en distribution du prix du navire, attaquer ce jugement par une tierce-opposition formée incidemment devant le tribunal appelé à statuer sur la distribution dudit prix (même arrét).

166. La collocation des créanciers et la distribution des deniers sont faites, entre les créanciers privilégiés, dans l'ordre prescrit par l'art. 191 c. com.; et, entre les autres créanciers, au marc le franc de leurs créances. - Tout créancier colloqué l'est tant pour son principal que pour les intérêts et frais (c. com. 214).

167. Le copropriétaire qui n'aurait pas demandé la distraclion de son intérêt, conformément à l'art. 210, et qui aurait fait son opposition dans les trois jours de l'adjudication, devrait prélever sur le produit de la vente, avant tout créancier quelconque, le produit de sa portion d'intérêt et le montant de ses frais d'opposition et d'instance; car cette portion d'intérêt est totalement étrangère à celle qui appartient au saisi, et sur laquelle seule les créanciers de celui-ci ont le droit de se faire payer.— Et, même dans le cas où, faute d'avoir formé son opposition dans les trois jours, ce copropriétaire aurait, aux termes de l'art. 212, perdu son droit de prélèvement, s'il restait des deniers après le payement des créanciers opposants, il aurait sur ces deniers, qui sont la représentation de sa propriété, un droit de préférence sur tous les créanciers opposants retardataires (Valin, sur les art. 11 et 14 du tit. De la saisie; Boulay, t. 1, p. 238; M. Dageville, t. 2, p. 106).

168. Lorsque le prix d'un navire étranger, saisi et vendu en France, est l'objet d'une instance d'ordre et de distribution durant laquelle il est déposé à la caisse des consignations, l'adjudicataire est fondé à réclamer dans la distribution une somme non mentionnée dans le cahier des charges et qu'il a dû payer pour droit d'invalides au consul de la nation de laquelle le navire ressortait, afin d'en obtenir les expéditions nécessaires pour le faire naviguer; et il en est ainsi, bien que sa réclamation n'ait été élevée qu'après la clôture provisoire de l'ordre (Aix, 21 nov. 1833, V. n° 164).

169. Les formalités ci-dessus énoncées doivent également élre observées pour la vente des navires appartenant à un miTOME XVIII.

neur (c. civ. 452; c. pr. 945), à une succession bénéficiaire (c. civ. 805), à un failli (c. com. 492); seulement, dans le premier cas, un avis du conseil de famille doit, suivant M. Pardessus, n° 616, précéder la vente, attendu l'intérêt que peut avoir le mineur à conserver en nature un meuble aussi important que l'est un navire.

170. Dans le cas où l'autorité à qui appartient la police du rivage, aurait ordonné qu'un navire échoué serait vendu sur-lechamp, et sans autres formalités que celles qui s'accommoderaient aux circonstances, il n'appartiendrait point aux tribunaux de connaître de l'acte qui prescrirait une pareille adjudication (L. des 24 août 1790, lit. 2, art. 13, et 16 fruct. an 3); et les droits de l'adjudicataire ne sauraient être contestés, sauf le pourvoi devant le gouvernement pour obtenir recours contre l'administrateur qui aurait abusé de son pouvoir, ou pour être payé du prix d'adjudication versé dans une caisse publique (M. Pardessus, no 605).

[merged small][ocr errors][merged small]

171. Nous parlerons successivement: 1o des droits qui, dans le cas où un navire appartient à plusieurs, compètent à chacun d'eux, ou, en d'autres termes, de la copropriété des navires; 2° De l'action qui peut être formée contre le propriétaire ou l'armateur d'un navire pour raison des actes du capitaine.

172. 1° De la copropriété des navires.

Lorsqu'un navire

est la propriété, non d'une seule mais de plusieurs personnes, on le suppose décomposé en un certain nombre de parties égales (ordinairement vingt-quatre), appelées quirats; et les divers copropriétaires le sont pour un quirat ou pour deux, ou pour trois, etc., suivant l'étendue de la part qu'ils ont dans le bâtiment. On les nomme quirataires ou portionnaires.

173. Une telle copropriété ne constitue pas une société de commerce, mais bien une simple communauté d'intérêts (trib. de com. de Marseille, 31 mai 1833, aff. Calvo; 11 mars 1840). Elle ne peut être prouvée par témoins (trib. de com. de Marseille, 22 nov. 1824, aff. Cautelier).

174. Ordinairement les propriétaires d'un navire l'arment eux-mêmes, en composent l'équipage, et, en cet état, l'emploient à leur propre service, ou le louent à un tiers. Mais quelquefois le bâtiment est loué désarmé; et c'est alors le locataire qui en organise l'équipage, et qui a la qualité d'armateur.

175. Lorsqu'un navire appartient à plusieurs copropriétaires, les droits de chacun d'eux doivent être inscrits au dos de l'acte de francisation (décr. 27 vend. an 2, art. 17), sinon le navire serait réputé, dans l'intérêt des tiers, n'appartenir qu'à celui ou à ceux dont les noms seraient enregistrés.

176. L'avis de la majorité des copropriétaires doit être suivi en tout ce qui concerne l'intérêt commun (220), c'est-à-dire l'entreprise et la destination du voyage, le choix du capitaine et de l'équipage, la fixation des gages, la rédaction des instructions, l'affrétement du navire (Delvincourt, 2, 181; Pardessus, no 621)

Ce principe qui, pour diminuer les entraves dont peuvent être entourées les entreprises maritimes, déroge au droit com. mun, suivant lequel un seul des copropriétaires peut s'opposer à toute innovation sur la chose commune (C. civ. 1859), ne doit recevoir d'application qu'autant qu'il n'est point intervenu entre les parties de stipulations particulières relatives au mode de dé libération, et, en général, aux conditions sous lesquelles le na vire a été mis en société; car, autrement, ces stipulations devraient être suivies (Delvincourt, loc. cit.; Dageville, 2. 151; Pardessus, no 620).

177. La majorité dont, à défaut de convention contraire, l'avis fait loi en ce qui concerne l'intérêt commun, se détermine non par le nombre des votants, mais par une portion d'intérêt dans le navire, excédant la moitié de sa valeur (220): Majorem esse partem pro modo debili, non pro numero personarum, placuit (L. 8, D. De pactis). Ainsi, l'avis d'un seul associé dont la portion d'intérêt dans le navire excéderait la moitié, prévaudrait sur l'avis de tous les autres intéressés.

178. La majorité en intérêts a le droit de contraindre la minorité à fournir son contingent pour le radoub, l'armement et 50

la mise hors du bâtiment, et, en cas de refus, d'emprunter à la grosse pour son compte, après s'y être fait autoriser par justice (arg. de l'art. 233 c. comm.). Elle peut, alors même qu'il aurait été convenu entre les coassociés que l'achat et l'armement du navire n'excéderaient pas telle somme, exiger, si cette somme se trouve insuffisante pour compléter l'armement, qu'il soit fourni un supplément de fonds (Consulat de la mer, ch. 48).-Elle peut pareillement prescrire une dépense destinée à réaliser une spéculation manifestement lucrative (id., ch. 50); il ne faut pas, en effet, que des entreprises profitables à tous les associés, soient paralysées par le caprice ou l'esprit de contradiction de la minorité (Valin, sur l'art. 5, tit. des propriét., de l'ord. de 1681; Boulay-Paty, t. 1, p. 340).

179. Mais si la majorité peut décider en principe, en vertu de l'art. 220, que le navire sera réparé, il a été jugé qu'elle n'a pas le droit de fixer arbitrairement la nature et l'importance des réparations à faire, et que la minorité, assignée en payement de la somme que la majorité a jugé nécessaire pour faire radouber le bâtiment, est fondée à requérir que le devis des réparations à effectuer soit dressé par experts, et que ces réparations soient adjugées au rabais (Aix, 23 fév. 1837) (1).

180. La majorité peut-elle faire contribuer la minorité à la cargaison du navire, et, en cas de refus, charger des marchandises en proportion de son intérêt, sans tenir compte du fret à la minorité? La négative est unanimement admise. La majorité ne saurait lier la minorité à des spéculations étrangères au simple emploi du navire. Sans doute son avis fait loi en ce qui concerne l'intérêt commun des propriétaires du navire, comme lorsqu'il s'agit de mettre celui-ci en état de naviguer : Navis enim ad hoc paratur ut naviget (L. 12, § 1, D. De usufr. et quemad.); mais de ce que la minorité peut être forcée de contribuer à l'armement, il ne résulte point qu'elle puisse être également contrainte à contribuer au chargement. La première de ces obligations est la conséquence naturelle de la qualité de copropriétaire du bâtiment, tandis qu'il n'en est pas de même de la seconde, la qualité de copropriétaire d'un navire n'impliquant en aucune manière la nécessité de concourir au chargement. Or si la minorité ne peut être astreinte à fournir son contingent pour la cargaison, elle ne peut pas non plus être privée de sa portion dans le fret dû à raison des marchandises chargées par la majorité; car il est évidemment de toute justice que la minorité, qui est copropriétaire du navire, qui d'ailleurs a contribué aux frais de l'armement, qui enfin a couru les risques de la navigation, prenne part au fret, fruit civil du navire, aussi bien quand ce fret est dû par un chargeur copropriétaire du navire, que quand il est dû par un chargeur étranger. Concluons donc que la décision que prendrait la majorité d'acheter ou expédier un chargement pour le compte commun, ne serait point obligatoire pour la minorité, à moins que l'association n'eût été formée précisément pour cet objet; et que, malgré son refus de contribuer au chargement, la minorité n'aurait pas moins le droit de réclamer sa part dans le fret, que la majorité serait tenue payer, à dire d'experts, à raison du chargement par elle fait. C'est aussi l'opinion de Valin sur l'art. 5, tit. 8, liv. 2 de l'ord.; Delvincourt, t. 2, p. 183; Boulay-Paty, t. 1, p. 342; Pardessus, no 621).

181. L'obligation de faire assurer sa part dans le navire, ne pourrait point être imposée à la minorité (M. Pardessus, loc. cit.), à moins qu'à raison des circonstances et dans le silence des délibérations sur ce point, l'assurance ne doive être regardée comme un acte utile de gestion d'affaires.

189. La majorité ne peut point revenir contre une délibération relative au louage du navire, ou à l'entreprise d'une expé

[ocr errors]

(1) Espèce: (Bontoux C. Sicaud.) Les frères Sicaud ont été assignés par Bontoux, propriétaire de plus de la moitié des actions du navire la Bonne-Elisabeth, pour s'entendre condamner, comme porteurs de sept actions, à payer leur part contributoire dans une somme de 7,000 fr., jugée par Bontoux nécessaire pour le radoub du navire commun. - 22 août 1836, jugement du tribunal de commerce qui ordonne, avant faire droit, et conformément aux conclusions des frères Sicaud, qu'un devis des réparations à faire au navire sera dressé par experts, et qu'ensuite il sera procédé à l'adjudication au rabais de ces réparations.— Appel. - Arrêt.

LA COUR;-Attendu que, si, aux termes de l'art. 220 c. com., l'avis de la majorité des propriétaires d'un navire doit être suivi en tout ce qui cor

dition déterminée. La minorité aurait le droit de la contraindre à l'exécution de la délibération (Conf. MM. Pardessus et Dageville, loc. cit.), à moins de survenance d'événements graves. Mais celleci devrait se soumettre à la nouvelle délibération qui ordonnerait un second appel de fonds, à raison de l'insuffisance de ceux votés en premier lieu.

183. Pour contraindre ceux des intéressés qui s'y refuseraient, à contribuer aux dépenses délibérées, la majorité pourrait se faire autoriser à emprunter à la grosse le contingent des refusants, avec affectation de leur part dans la propriété du navire (arg. tiré de l'art. 233).

184. Si la majorité était d'avis du désarmement du navire et de la discontinuation de ses voyages, la minorité pourrait-elle se faire autoriser par justice à faire naviguer le navire? Émérigon soutient l'affirmative sur le fondement que c'est supprimer l'usage du navire que de le laisser inutile dans le port, et qu'on ne saurait accorder à la majorité un droit évidemment contraire au but essentiel de la société. Mais cette solution est, avec raison, rejetée par Valin, t. 2, p. 549. La question de savoir si l'on fera, ou non, naviguer le bâtiment est manifestement de celles qui concernent l'intérêt commun, et sur lesquelles, dès lors, l'avis de la majorité doit être suivi. Décider autrement, ce serait, contrairement à l'art. 220, soumettre la majorité à la minorité (V. en ce sens Boulay-Paty, t. 1, p. 345, et M. Dageville, t. 2, p. 154). Mais, en cas de partage égal d'avis, dont l'un tendrait à désarmer le navire, et l'autre à le faire naviguer, ce dernier devrait prévaloir (mêmes autorités).

185. Lorsque, par une convention intervenue verbalement entre les deux principaux quirataires, formant la majorité, il a été reconnu que l'un d'eux n'est devenu copropriétaire du bâtiment qu'à la condition d'en être l'armateur, cette convention est obligatoire pour l'autre quirataire principal ainsi que pour les copropriétaires composant la minorité. — En conséquence, celui des contractants qui, conformément à cette convention, dirige l'armement, ne peut être dépossédé de cette direction, à la demande de son cocontractant, sans des motifs de reproches graves, alors surtout qu'il est créancier de l'armement à raison des avances par lui faites. En un tel cas, le copropriétaire-capitaine ne peut, notamment, exiger du copropriétaire-armateur l'autorisation d'affréter le navire, quand celui-ci établit qu'il est luimême occupé de chercher un affrétement favorable aux intérêts de tous les quirataires. Les co-propriétaires formant la minorité sont, du reste, non recevables à intervenir dans l'instance engagée à ce sujet entre les deux quirataires principaux (trìb. de com. de Marseille, 15 janv. 1844).

186. La résolution prise par la majorité d'opérer la vente volontaire du navire est-elle obligatoire pour la minorité? Non; une telle vente n'est point un de ces actes d'administration que l'art. 220 autorise la majorité à opérer dans l'intérêt commun des copropriétaires; elle tend à faire cesser cette copropriété, et par suite l'intérêt commun qui en résulte; elle ne saurait être valable pour ceux des intéressés qui y refusent leur adhésion. Dès qu'il s'agit de transmettre la propriété du bâtiment par vente ou par échange, à telle personne et moyennant tel prix, l'unanimité est requise; quand elle ne peut être obtenue, il faut, s'il y échet, recourir à la licitation qui, comme on le verra tout à l'heure, n'est point subordonnée au consentement unanime des copropriétaires, mais peut être ordonnée, aux termes de l'art. 220 c. com., à la demande d'un partie d'entre eux formant la moitié de l'intérêt total dans le bâtiment (Boulay-Paty, t. 1, p. 348; M. Pardessus, no 623).

187. La vente volontaire faite par quelques-uns seulement cerne leur intérêt commun, on ne saurait étendre cette disposition jusquà accorder à la majorité le droit de fixer arbitrairement et la nature des réparations à faire au navire, et la quotité des dépenses qu'elles né essiteront; Que, dans l'espèce, le sieur Bontou n'a ni présenté ni offert aux intimés un devis des réparations à faire au navire la Bonne-Élisabeth, lequel devis aurait pu être débattu par toutes les parties, ainsi qu'elles en avaient le droit; — Qu'en ces circonstances, c'est avec raison que les premiers juges ont ordonné les formalités portées par le jugement dont est appel, et qui tendent à faire fixer d'une manière incontestable soit la nature, soit le montant des réparations dont il s'agit ; — Par ces motifs, démet de l'appel, etc.

Du 23 fév. 1837.-C. d'Aix, ch. cor.-MM. d'Arlatan-Lauris, pr.

des copropriétaires serait nulle à l'égard des autres, encore bien que les vendeurs, après avoir arrêté la forme et les conditions de la vente, y auraient fait procéder par la voie des enchères, et alors même d'ailleurs qu'ils formeraient ensemble la moitié de l'intérêt total dans le navire: ils prétendraient à tort qu'une vente faite dans ces conditions a le caractère et doit avoir les effets d'une licitation. Pour qu'il y ait réellement licitation dans le sens de l'art. 220, il faut que la justice, à la demande de la moitié au moins des intéressés, ait préalablement reconnu qu'il y avait lieu à cette licitation, et en ait réglé le mode. La vente aux enchères, opérée sans avoir été d'abord soumise à la justice et réglée par elle, n'est qu'une vente volontaire qui, pour avoir effet à l'égard de tous les copropriétaires, doit avoir été précédée ou être suivie de leur adhésion unanime (mêmes autorités). 188. Si le navire, vendu en totalité par quelques-uns seulement des copropriétaires, avait été acquis par un tiers de bonne foi, celui-ci serait-il fondé, après que le navire aurait fait un voyage sous son nom, à ses risques, et sans opposition, à prétendre qu'en vertu de l'art. 193 c. com., il en a acquis la propriété, même à l'égard des autres propriétaires qui sont restés etrangers à la vente?- Pour l'affirmative, on a dit : « Dans le droit civil, l'acquéreur de bonne foi qui achète un immeuble à non domino, prescrit contre le véritable propriétaire par le même laps de temps et les mêmes moyens qui servent à prescrire contre les hypothèques. De même, il paraît convenable de décider que l'acheteur de bonne foi d'un navire prescrirait contre le véritable propriétaire, lorsqu'il l'aurait possédé pendant le temps et avec les circonstances qui purgent les droits des créanciers sur les navires » (M. Pardessus, no 618). Mais cette doctrine n'est pas fondée. On ne saurait créer ainsi des prescriptions par simple analogie. Si le propriétaire dont l'immeuble a été vendu à non domino est soumis aux mêmes prescriptions que le créancier ayant hypothèque sur cet immeuble, c'est parce qu'il y a à cet égard des dispositions textuelles et semblables pour tous les deux (c. civ. 2180, 2262, 2265). Mais l'art. 193 c. com., qui veut que le privilége des créanciers du vendeur d'un navire soit perdu par un voyage fait au nom de l'acheteur, n'a été déclaré par aucune loi applicable au droit du propriétaire dont le navire a été aliéné par le fait d'un tiers.- En vain objecterait-on que, d'après l'art. 210 c. com., les demandes en distraction de propriété d'un navire doivent être formées avant l'adjudication, à peine d'être converties en oppositions sur le prix de vente. Cette disposition, applicable au cas où il s'agit d'un navire saisi et vendu judiciairement, est entierement étrangère au cas où il est question d'un navire vendu volontairement à non domino. Dans cette dernière hypothèse, la seule prescription opposable au véritable proprié- | taire est celle de trente ans (Boulay-Paty, t. 1, p. 351; M. Dageville, t. 2, p. 157).

189. Lorsque le propriétaire d'un navire a vendu une portion de sa propriété, en se réservant toutefois le titre d'armateur, peut-il, par les actes qu'il fait en cette qualité, engager personnellement et indéfiniment l'acheteur? Celui-ci peut-il être assigué directement par les tiers à raison des faits du vendeur-armateur, comme, par exemple, pour les indemnités auquelles peut donner lieu l'inexécution d'une convention d'affrétement? N'est-il pas non recevable à prétendre que l'action en garantie dont il est passible ne saurait excéder l'intérêt qu'il a dans le navire, et qu'il lui est loisible de se libérer par l'abandon de cet intérêt ? — L'affirmative est enseignée par Boulay-Paty, t. 1, p. 355. Suivant cet auteur, le vendeur et l'acheteur étant copropriétaires du navire, ayant formé une société pour sa navigation, sont personnellement et solidairement tenus des engagements pris par rapport à ce navire. La disposition de l'art. 216 qui permet aux propriétaires de s'affranchir des faits et engagements du capitaine par l'abandon du navire et du fret, est une exception au droit commun, non susceptible, à ce titre, de recevoir une interprétation extensive, et dont, par conséquent, il n'y a pas lieu de faire l'application au cas où il s'agit de la responsabilité des faits et engagements de l'un des coproprietaires. Il n'est pas exact de considérer, dans le cas qui nous occupe, l'acheteur d'une portion de la propriété du navire comme n'étant qu'un associé commanditaire; car l'existence d'une société en commandite ne se présume pas; elle ne résulte pas non plus de ce que la gestion a été confiée ex

clusivement à l'un des associés; elle ne peut s'induire, quand la volonté de l'établir n'est pas formellement exprimée dans le contrat passé entre les parties, que d'une clause de cet acte portant que tel associé ne sera tenu des engagements sociaux que jusqu'à concurrence des fonds qu'il a versés ou dû verser dans la société ; or, point de clause semblable dans le cas en question. Le titre d'armateur réservé au vendeur n'atténue en rien les obligations de l'acheteur. Le vendeur resté armateur est un associé qui a reçu le pouvoir général d'administrer; et, comme la solidarité a lieu de plein droit dans les sociétés commerciales, les engagements par lui pris obligent solidairement son coassocié. Cette doctrine est plus conforme aux principes du droit commun qu'aux règles particulières au droit maritime. En matière de commerce maritime, le principe que le législateur a voulu faire prédominer c'est que nul ne soit exposé à perdre, par le fait d'autrui, au delà de ce qu'il a voulu mettre en risque ( arg. de l'art. 216). Méconnaître cette règle, ce serait entraver le développement des sociétés nautiques, et contrarier par là l'esprit de la loi qui a voulu, au contraire, les favoriser.-Le caractère des sociétés ayant pour objet l'exploitation d'un navire doit être principalement apprécié d'après l'intention vraisemblable des parties. Or, lorsqu'il y a, d'un côté, un associé gérant, de l'autre un associé étranger à la gestion du navire, n'est-il pas naturel de penser que celui-ci n'a pas entendu assumer sur sa tête une responsabilité plus lourde que celle qui pèse sur les associés commanditaires ou sur les membres d'une société anonyme? Enfin, il résulte de la disposition finale ajoutée à l'art. 216 par la loi du 14 juin 1841, que le capitaine qui est en même temps copropriétaire du bâtiment, n'est responsable des engagements par lui contractés à raison du navire, que dans la proportion de son intérêt; d'où il faut conclure, à fortiori, que le copropriétaire non capitaine, qui n'a personnellement contracté aucun engagement, ne peut être obligé au delà de sa part. Nous pensons donc, et c'est aussi l'opinion de M. Dageville, t. 2, p. 132, que l'associé à la propriété d'un navire n'est responsable des faits et engagements du copropriétaire-armateur que jusqu'à concurrence de sa mise de fonds, et que même il peut se libérer par l'abandon de sa part dans le navire et le fret.

190. Ainsi qu'on l'a déjà dit, la licitation du navire ne peut être accordée que sur la demande des propriétaires, formant ensemble la moitié de l'intérêt total dans le navire, s'il n'y a, par écrit, convention contraire (220). C'est là une exception au droit commun, suivant lequel nemo invitus in communione manere cogitur. Le législateur a voulu favoriser la formation et le maintien des associations maritimes, en ne permettant pas que chaque associé pût demander capricieusement et intempestivement la licitation des navires qui constituent le fonds de ces associations. Le projet portait : La licitation du navire est de droit sil y a égalité de voix. On a opposé à ce système que << dans le droit commun, la licitation peut être provoquée par un seul des copropriétaires; que cependant ici elle pourrait, par le fait, ne dépendre que du vœu de la majorité: par exemple, lorsqu'il y a une première délibération sur la question de savoir si le navire partira, et que l'affirmative est décidée, comme la délibération lie chaque copropriétaire, il en résulte que la majorité a paralysé implicitement dans chacun d'eux la faculté de faire liciter. »Il a été répondu que, « suivant les dispositions de l'ordonnance, la licitation n'était admise que dans le seul cas où les avis se trouvaient également partagés sur l'entreprise de quelque voyage; de sorte que le projet, bien loin de restreindre les cas où la licitation pourra avoir lieu, propose de les étendre, puisque, d'abord, la disposition de la première partie de l'article étant générale et sans restriction, y est applicable, et que la dernière partie du même article n'exige pas même la majorité, mais seulement partage égal des voix, pour que la licitation soit de droit. Il est toujours bien entendu que l'égalité, comme la majorité des voix, ne se compte pas par le nombre des votants, mais par la quotité de l'intérêt dans le navire. »

191. D'après les termes de l'art. 220, la licitation ne peut, sauf conventions contraires, être accordée que sur la demande des propriétaires formant ensemble la moitié de l'intérêt total dans le navire. La plupart des auteurs, interprétant à la lettre cette disposition, estiment que la licitation ne saurait être ordon

née sur la demande même de la majorité. On peut penser en effet que la loi n'a entendu autoriser une partie des intéressés à vendre le navire commun, contrairement à l'avis des autres, que lorsque l'égalité dans les opinions contraires paralyse toutes les opérations, et non lorsqu'il existe une majorité habile à faire la loi à la minorité. En principe, la majorité ne fait la loi à la minorité que lorsqu'il s'agit de régler l'usage du navire, de fixer le voyage auquel il doit être employé. Il ne lui appartient pas de contraindre aucun des copropriétaires à aliéner sa part de la chose indivise. Il y a nécessité de faire fléchir cette règle dans le cas d'un partage égal d'opinions quæ mutuo concursu sese impediunt; mais, hors ce cas, il n'y a pas lieu à la licitation forcée (Valio, sur l'art. 6 du tit. des propriét.; Boulay-Paty, t. 1, p. 362; M. Dageville, t. 2, p. 159).

--

-

[ocr errors]

192. Dans le cas d'une société dont le fonds se composerait de plusieurs navires, la licitation de ces navires ne pourrait, de même, être accordée que sur la demande des propriétaires, for. mant ensemble la moitié de l'intérêt total dans les navires. La raison en est que chaque navire forme un objet à part dans lequel chacun des associés a une portion indivise; de sorte que, (1) Espèce: - (Lemée C. Roquefeuille.) - Dès 1782, la dame Roquefeuille avait un intérêt dans les navires la Diane, le Petit-Aimé et l'Argus, appartenant à Lemée. - En 1789, la Diane périt, et, d'un avis commun, fut remplacé par le Zéphir. En 1790, le Petit-Aimé fut reconnu innavigable et démoli à la connaissance de Boismenu, mandataire de la dame Roquefeuille. En 1791, Lemée fit construire un nouveau navire qu'il nomma le Petit-Aimé, et dans la construction duquel les débris de l'ancien entrèrent pour une valeur de 1,200 fr. En l'an 9, l'Argus détérioré fut vendu pour être détruit. Le Zéphir avait aussi dépéri. Invitée à contribuer aux frais de radoub, la dame Roquefeuille ne répondit point. En l'an 11, Lemée, sans avoir fait constater l'innavigabilité de ce navire, le fit démolir, et en construisit un autre du même nom, dans la confection duquel les débris de l'ancien entrèrent pour une valeur de 8,000 fr. Après avoir séjourné longtemps dans le port, le Petit-Aimé et le Zéphir effectuèrent, en 1816 et 1817, des voyages avantageux. La dame Roquefeuille réclama une part des bénéfices comme ayant conservé un intérêt primitif dans les nouveaux navires le Petit-Aimé et le Zéphir, construits des débris des anciens.-10 juin 1823, sentence arbitrale qui accueille en partie sa demande. Appel. Arrêt. LA COUR; Considérant, à l'égard du navire le Petit-Aimé, reconstruit en 1791, qu'il est appris au procès que M. de Boismenu, mandataire des sieurs Roquefeuille, n'ignorait pas, dès 1790, l'innavigabilité et la démolition du vieux navire de ce nom, auquel son commettant était intéressé d'un quarante-huitième; qu'il connut également la construction d'un nouveau Petit-Aimé, dont le compte fut arrêté le 16 août 1791, le même jour que le sieur de Boismenu audit nom signait le compte que lui présentait M. Lemée, armateur, du produit des deux autres navires sociaux l'Argus et le Zephir, pour la campagne de l'année précédente; que, néanmoins, ce mandataire ne signa pas le compte de construction du nouveau Petit-Aimé, et que, bien au contraire, quatre jours après, suivant sa lettre du 20 août 1791, il retirait des mains de l'armateur le solde entier des fonds que celui-ci pouvait avoir au sieur Roquefeuille, du produit des campagnes de 1790 et années précédentes; que s'il avait été dans l'intention commune de continuer la société sur le nouveau navire, M. Lemée, armateur, n'eût pas manqué de retenir sur la somme de 999 liv., qu'il soldait au mandataire du sieur Roquefeuille, celle de 943 liv. dont il l'avait débité dès le 16 août même mois, pour son contingent à la reconstruction du Petit-Aimé, d'autant que cet armateur n'avait encore rien payé du produit des campagnes de 1788 à 1790 inclusivement, sans doute pour se couvrir des frais d'achat du Zéphir, en remplacement de la Diane, navire social perdu en 1789; qu'enfin, il a été reconnu devant les arbitres, suivant que l'atteste le jugement dont est appel, que le sieur de Boismenu reçut sans réclamation les comptes du Zéphir et de l'Argus, pour la campagne de 1791, et qu'il résulte de tous ces faits reconnus ou constatés au procès, qu'il y a eu, de la part du sieur Roquefeuille, représenté par le sieur de Boismenu, son mandataire, refus de continuer, sur le nouveau Petit-Aimé, l'intérêt d'un quarantehuitième qu'il avait sur l'ancien ; Considérant que si, par sa lettre du 23 vent. an 10, dûment enregistrée, le sieur Lemée a demandé des fonds à la dame veuve Roquefeuille pour le réarmement du Petit-Aimé, ce n'a été que dans la fausse idée qu'elle avait un intérêt sur ce navire aussi bien que sur l'Argus et le Zéphir: erreur bien présumable après plusieurs Bonées de guerre qui avaient interrompu les opérations maritimes de l'armateur et ses relations commerciales, et qu'il n'eût pas commise s'il avait joint à cette lettre le compte général depuis la dernière répartition, qu'il annonçait devoir remettre après le départ du navire; que, de plus, la dame veuve Roquefeuille n'ayant pas répondu à cet appel de fonds, qui ne lui était fait que par erreur, il n'a pu en résulter pour elle sur le PetitAimé un droit ou intérêt, que son mari avait refusé d'y prendre dans l'o

[ocr errors]

par rapport à chaque navire, c'est comme si la société étalt uniquement composée de lui seul (mêmes autorités).

[ocr errors]

Celui qui, propriétaire d'une portion du bâtiment moindre que la moitié, veut sortir d'indivision, ne peut le faire qu'en vendant sa part, soit à ses copropriétaires, soit à des tiers. 193. Toutes les fois qu'il y a lieu à licitation, chaque copropriétaire peut demander que les étrangers soient admis à enchérir. 194. Lorsqu'un navire appartenant à une société a été re connu innavigable par tous les associés, et démoli, à leur connaissance, par l'un d'entre eux, qui a fait construire un nouveau bâtiment, la circonstance que les débris de l'ancien navire ont été employés dans la construction du nouveau ne suffit pas pour conférer aux copropriétaires du premier un droit de copropriété sur le second, s'il résulte des circonstances du fait qu'ils n'avaient pas eu l'intention, après la destruction de l'ancien navire, de continuer la société sur le second, et si les débris de celui-là ne sont entrés dans la construction de celui-ci que pour une trèsfaible part (Rennes, 27 janv. 1826) (1). – Mais l'associé qui, après avoir adressé à ses coassociés une demande de fonds nécessaires pour radouber le navire social, s'est avisé, ne recerigine; - Considérant qu'il est, à la vérité, constant au procès que les débris du vieux Petit-Aimé ont été employés dans la construction du nouveau, jusqu'à concurrence d'une valeur de 1,200 liv.; mais que du fait de cet emploi n'a pu naftre, au profit de la dame Roquefeuille, aucun droit de copropriété au navire neuf, pas même dans la proportion de son quarante-huitième aux débris du vieux navire; qu'en effet, lors même qu'on pût appliquer ici les principes du droit civil en matière d'accession de choses mobilières par confusion ou spécification, toujours est-il qu'outre la main-d'œuvre, le sieur Lemée fournissait à la construction da nouveau Petit-Aimé une matière incomparablement supérieure pour la quantité et pour le prix; qu'ainsi, d'après les art. 571 et 574 c. civ., la propriété entière du navire construit appartient à cet armateur, en remboursant à la dame veuve Roquefeuille la somme de 25 fr., pour son quarante-huitième aux débris du vieux navire: d'où il faut conclure qu'il y a eu violation des articles précités et fausse application de l'art. 572 c. civ., au chef du jugement dont est appel, qui adjuge à l'intimée un intérêt quelconque dans le nouveau Petit-Aimé;

Considérant, à l'égard du Zéphir, reconstruit en l'an 11, qu'à cette époque la dame veuve Roquefeuille ne fut point avertie de l'innavigabilité ni de la démolition de ce navire, dont elle avait un quarante-huitième; que, bien au contraire, par sadite lettre du 25 vent. an 10, le sieur Lemée avait annoncé l'intention de radouber le Zéphir, pour l'envoyer prendre des frets dans la Méditerranée; qu'alors cet armateur avait en caisse, outre le prix de l'Argus, qu'il marquait avoir vendu l'année précédente pour 4,000 fr., le produit de la pêche faite par ces deux navires en 1792, ainsi que des frets par eux gagnés en retour; qu'au lieu d'en rendre compte à la dame veuve Roquefeuille, il lui demandait de nouveaux fonds, et que l'année suivante, sans lui en donner avis, ni même en constater la nécessité, il a pris sur lui de démolir l'ancien Zéphir, et d'en fondre la coque et les gréements dans la construction du nouveau, pour une valeur de 8,000 fr.; Considérant qu'il n'a pu dépendre du sieur Lemée, appelant, d'exproprier ainsi l'intimée de son intérêt au vieux Zephir, en démolissant ce navire à son insu, et sans avoir fait constater l'innavigabilité, d'autant moins qu'il avait précédemment annoncé un simple radoab, et non pas une reconstruction; d'autant moins encore qu'il était tenu, en sa qualité de géreur, de faire valoir, dans le commerce auquel il avait associé les intéressés, les fonds qu'il pouvait avoir à chacun d'eux, provenant de ce commerce; que ceux qu'il avait à la dame veuve Roquefeuille, joints à son quarante-huitième dans la coque el gréement du vieux navire, couvraient à peu près le quarante-huitième du montant des frais de construction et armement du nouveau; qu'ainsi, der là que l'armateur gardait ces fonds sans même en rendre compte à la dame Roquefeuille, il était obligé de les appliquer à la reconstruction d'un navire du même nom, et destiné au même commerce que l'ancien: obligation qui le rend non recevable à contester l'intérêt d'un quarantehuitième pour lequel l'intimée a été jugée fondée dans le nouveau Zéphır;

Considérant, quant aux intérêts réclamés par la dame veuve Roquefeuille, aux fins de l'appel qu'elle a relevé incidemment devant la cour, qu'ils n'ont pu courir antérieurement à la demande légalement formée, que pour les sommes que l'armateur aurait employées à son usage personnel; qu'à ce titre, il ne peut devoir d'intérêts de ce qu'il a touché en 1793 du produit de l'Argus et du Zéphir, pour la campagne de 1792, puisque ces fonds s'imputent nécessairement au quarante-huitième de la dame veuve Roquefeuille dans la reconstruction du nouveau Zephir; que, quant aux comptes ultérieurs que le sieur Lemée a été condamné à rendre de ces navires, il n'y a pas d'élément légal pour faire courir antérieurement à la demande l'intérêt de leurs reliquats respectifs, ni couséquemment pour réformer le jugement dont est appel, au chef qui n'adjuge cet intérêt qu'à partir du jour de la demande; mais que relativement à

vant pas de réponse, de le faire démolir à leur insu, et sans en avoir fait constater Pinnavigabilité, n'est pas fondé à se prétendre seul propriétaire du bâtiment nouveau dans la construction duquel sont entrés, pour une part considérable, les débris de l'ancien (même arrêt).

195. Celui qui, n'ayant aucun droit de propriété sur le navire ou la cargaison, est seulement créancier du fret et des frais d'armemen!, ne peut, à raison du privilége que sa créance lui

la part de la dame de Roquefeuille dans les débris du vieux Petit-Aimé, étant jugé qu'elle n'est pas intéressée à la reconstruction de ce navire, il en résulte que l'armateur n'a pu employer ces débris dans la construction du navire neuf, sans appliquer à son usage personnel la somme pour laquelle le sieur Roquefeuille y était fondé : somme dont il doit conséquemment l'intérêt du jour de l'emploi qu'il en a fait, aux termes des art. 1846 et 1996 c. civ., puisqu'il en était comptable en qualité d'associé, avec mandat de gérer l'affaire commune; Par ces motifs, dit qu'il a été mal jugé par les arbitres, etc.

Du 27 janv. 1826.-C. de Rennes, 2o ch.-M. Aubrée de Kernaour, pr. (1) Espèce (Mallet C. Laveyssière.) En 1792, le navire français le Malabar fut confisqué par les Espagnols. En 1814, le gouvernement français retint à l'Espagne une indemnité en rentes pour les divers navires capturés. Martin de la Cavalle, armateur du Malabar, et créancier tant du fret que des frais d'armement en guerre, poursuivit sur l'indemnité espagnole la liquidation de la part afférente à ce navire. En 1818 et 1819, il céda ses droits à Gondable et Tassin de Massilly, qui les transportèrent à Mallet frères. Une ordonnance du 7 août 1822 ordonna la liquidation de l'indemnité en inscriptions de rentes avec anatocisme au profit des créanciers, à dater du 22 mars précédent. En 1830, un des chargeurs du Malabar requit une distribution, par contribution, de la part d'indemnité attribuée à ce navire. Devant le juge-commissaire, Mallet frères soutinrent que comme représentant l'armateur, on devait non-seulement les colloquer pour le fret, les frais d'armement en guerre et les intérêts, à dater du 22 mars 1822, mais encore leur attribuer l'intégralité des sommes qui n'auraient pas été réclamées ou justifiées par les assureurs, les chargeurs et autres ayants droit à l'indemnité. Abeille, aux droits du sieur Hugues, et Guignard, prétendirent qu'ils avaient été associés en participation, avec Martin de la Cavalle, dans l'armement du Malabar, le premier pour un quart, le second pour un sixième, et qu'ils avaient droit, dans ces proportions, sur les collocations attribuées aux frères Mallet, comme représentant l'armateur. — Le juge-commissaire rejeta les prétentions des sieurs Abeille et Guignard, et colloqua les frères Mallet pour le montant du fret, les frais d'armement et les intérêts, à dater du 22 mars 1822, et écarta leur demande, quant aux sommes non réclamées. Devant le tribunal, Abeille et Guignard reproduisirent leurs prétentions. Divers ayants droit contestèrent aussi la collocation des frères Mallet, en ce qu'elle leur accordait les intérêts à partir de 1822, tandis qu'ils n'auraient dû être alloués que du jour de la demande en justice.

9 août 1834, jugement qui maintient le procès-verbal de collocation; il se fonde, quant aux prétentions des sieurs Abeille et Guignard, sur le motif, en droit, que le gérant d'une société en participation est, à l'égard des tiers, seul propriétaire des objets de la participation; qu'il a le droit d'en disposer, sans que celui qui a acheté de bonne foi puisse être, de la part des participants, l'objet d'aucun recours; en fait, que le sieur Martin de la Cavalle était gérant de la participation, et que les frères Mallet ont acquis de bonne foi. - Quant aux sommes non réclamées ou justifiées, que les frères Mallet prétendent se faire attribuer, comme représentant l'armateur, mandataire légal des ayants droit qui n'auraient point réclamé, le tribunal décide que, dans l'espèce, chaque partie a un droit distinct et séparé, qui ne permet pas qu'avant trente ans, à partir de 1814, époque à laquelle l'indemnité a été accordée, c'est-à-dire avant la prescription de l'action en indemnité, la part de ceux qui ne réclament pas puisse accroître aux réclamants.

· Appel. - 25 juillet 1835, arrêt de la cour de Paris qui décide : qu'aux termes des conventions diplomatiques et des ordonnances, et notamment de celle du 7 août 1822, l'indemnité n'a été accordée que pour des créances provenant des confiscations de propriétés françaises; Qu'il suit de là que les propriétaires du navire et de la cargaison ont seuls droit à la rente et aux intérêts; Que le fret ne constitue pas un droit de copropriété dans le navire ou dans les marchandises; Qu'il n'est qu'une créance privilégiée sur le chargement; - Que c'est à ce titre qu'il est affranchi de la réduction proportionnelle dont les propriétaires du navire et des marchandises sont passibles à raison de l'insuffisance de l'indemnité;-Qu'aucune loi ne fait courir, de plein droit, les intérêts au profit de cette créance; Qu'ils ne peuvent donc être alloués que du jour de la demande faite en justice, conformément au droit commun; En ce qui touche les frais d'armement en guerre...:-Ordonne qu'ils seront colloqués... avec intérêts du jour de la demande en justice; En ce qui touche Hugues et Guignard, participants: - Que, par l'effet de la confiscation, la société a été dissoute et l'opération terminée, sauf le recouvrement des assurances;

[ocr errors]

-

confère sur le navire et le chargement, être réputé copropr.étaire de ces objets. Par suite, les sommes à lui dues ne portent intérêt qu'à compter de la demande, encore bien qu'après la confiscation du navire et du chargement, elles doivent être payées avec une indemnité accordée aux propriétaires de l'un et de l'autre, et que cette indemnité produise elle-même des intérêts à partir d'une époque antérieure (Rej., 17 avr. 1838) (1).

196. Une association en participation pour l'armement d'un

[ocr errors]

Qu'il ne s'agissait plus que d'une liquidation administrative à suivre, d'une indemnité à partager entre tous les coïntéressés;-Que les cessions faites par Martin de la Cavalle n'ont donc aucun caractère commercial; Qu'on ne pouvait, par conséquent, invoquer les principes qui régissent les sociétés commerciales, pour soutenir qu'il a pu vendre valablement la part de ses coïntéressés ;-Qu'au surplus, d'après les actes et les faits de la cause, les sieurs Gondable et Tassin de Massilly, cessionnaires originaires, n'étaient pas de bonne foi; qu'ils savaient qu'il y avait des coïntéressés; Qu'ils ne seraient pas recevables à opposer leurs transports aux sieurs Hugues et Guignard; - Que les frères Mallet, leurs arrière-cessionnaires, ne peuvent avoir plus de droits qu'ils n'en avaient eux-mêmes; Que, d'ailleurs, ils ont acheté à la charge expresse de défendre, leurs périls et risques, aux actions alors existantes; Qu'ainsi ils connaissaient le danger de leur position;-En ce qui touche les prétentions des frères Mallet et consorts, sur les sommes non réclamées et sur les réclamations non justifiées:- La cour maintient la décision des premiers juges. >> Pourvoi des sieurs Mallet: -1° Fausse application de l'art. 1153 et violation de l'art. 546 c. civ., ainsi que des art. 5 et 6 de l'ordonnance du 7 août 1822; En ce que la cour royale a refusé d'accorder les intérêts de plein droit, à compter du 22 mars 1822, pour l'indemnité représentative du fret, sous prétexte que l'indemnité du fret n'aurait été qu'une créance privilégiée dont les intérêts ne pouvaient être dus qu'à compter du jour de la demande en justice. Il est deux vérités élémentaires sur lesquelles il importe de se fixer d'abord : 1° le fret est une partie intégrante du chargement et périt avec le chargement lui-même, tellement qu'il cesse, en ce cas, de pouvoir être réclamé par l'armateur (art. 18, tit. 5, liv. 3, de l'ordonn. de 1681; art. 302 c. com.; arg. de l'art. 304 c. com.). 2o la conséquence de ce principe, c'est que l'armateur est dans l'impossibilité légale d'intenter aucune action personnelle contre les chargeurs pour faire courir les intérêts du fret qui a cessé d'être dû; - Aussi les art. 5 et 6 de l'ordonnance du 7 août 1822 ne font-ils aucune distinction entre les créanciers, soit à raison du fret, soit à raison du chargement. -2° Fausse application du même art. 1153 c. civ., violation de l'ordonnance du 7 août 1822, de l'art. 2001 c. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810; -En ce que la cour royale n'a accordé les intérêts pour l'indemnité de l'armement en guerre qu'à compter du jour de la demande en justice; et en ce qu'elle n'a donné aucun motif pour refuser d'accorder les intérêts à partir du 22 mars 1822. -3° Violation des principes sur les associations commerciales et spécialement des art. 1873 c. civ. et 48 c. com. ; - En ce que la cour royale a décidé que les transports consentis par les cessionnaires du sieur Martin de la Cavalle à MM. Mallet n'avaient pu leur transmettre la portion revenant aux sieurs Abeille et Guignard associés en participation du sieur Cavalle, et cela, quoique Martin de la Cavalle eût été seul gérant de cette association en participation, et que MM. Mallet frères fussent sous cessionnaires de bonne foi de la totalité; -4° Violation des art. 216 et 222 c. com.;- En ce que l'arrêt attaqué a décidé que les représentants de l'armateur Martin de la Cavalle, qui était lui-même mandataire légal des chargeurs pour le recouvrement de l'indemnité, ne pouvaient pourtant être colloqués pour des sommes dues à ces chargeurs et assureurs qui ne se présentaient pas; Et, tout au moins, violation des art. 378 et 382 du même code; En ce que la cour royale a décidé que les cessionnaires de Martin de la Cavalle ne devaient pas même être colloqués pour les sommes non réclamées par eux, des assureurs du navire, du fret ou du chargement particulier appartenant à l'armateur. Arrêt. LA COUR; Sur le premier et le deuxième moyen: - Attendu que l'arrêt attaqué prouve que les intérêts de la créance des demandeurs, résultant du fret et de l'armement du navire, ne se trouvaient réglés ni par aucune convention spéciale, ni par aucune disposition exceptionnelle de la loi; Qu'ainsi, c'est avec juste raison qu'il a décidé que ces intérêts n'avaient pu courir que du jour de la demande; - Attendu, au surplus, que les motifs de l'arrêt relatifs aux intérêts s'appliquaient aux intérêts de l'armement comme à ceux du fret, sur tous lesquels intérêts les premiers juges avaient eux-mêmes statué par une seule disposition; Sur le troisième moyen: Attendu que du fait de la confiscation et de la vente du navire par le gouvernement espagnol résulte la conséquence que Martin de la Cavalle n'avait plus la capacité de disposer de l'indemnité sans le concours et au préjudice de ses associés en participation ; — Sur le quatrième moyen: - Attendu que c'est par une appréciation de fait qui lui appartenait, que la cour royale a déclaré que Martin de la Cavalle n'avait pu ni voulu transmettre à ses cocessionnaires le pouvoir de réclamer les parts de l'indemnité afférentes aux parties intéressées, qui ne

[ocr errors]

« PreviousContinue »