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feste, qu'il doit présenter aux douaniers à son arrivée, et en mer, en cas de visite. C'est à cette pièce, destinée à constater l'état de la cargaison, que doivent se rattacher les acquits des douanes avec lesquels les marchandises ont été expédiées (Dageville, t. 2, p. 184).

417. Il doit aussi être muni d'un congé ou acte portant permission de mettre en mer et de naviguer sous la protection du pavillon de l'État. Le capitaine qui ne pourrait représenter cette pièce, exposerait le navire à la confiscation. Les congés sont délivrés par l'administration des douanes (L. 21 sept. 1793). Ils ne doivent l'être que sur la représentation des actes de propriété, des billets de jauge, des procès-verbaux de visite du navire, des déclarations de chargement et quittances du droit des douanes ou des acquits-à-caution (L. 13 août 1791). Le congé doit contenir le nom du capitaine ou maître, celui du navire, son port et sa charge, le lieu de son départ et celui de sa destination (ord. de 1681, tit. des Congés, art. 3). C'est le capitaine qui est particulièrement chargé de prendre les congés dont il a besoin pour naviguer; si, faute d'avoir rempli cette formalité, il avait occasionné la confiscation du bâtiment, le propriétaire aurait contre lui une action en dommages-intérêts (Boulay-Paty, t. 2, p. 19). -Quel que soit le tonnage du navire, le congé dure un an (L. 3 juill. 1828, art. 5).

Indépendamment du congé ordinafre, il faut, s'il y a armement en course, une commission particulière. Et si un Français veut se rendre en certains lieux où la navigation soit interdite, il lui faut un passe-port extraordinaire.-V. Marine.

Le navire étranger, qui sort d'un port Français pour retourner dans son pays ou dans un autre port, doit prendre un congé nommé passe-port, au droit de 1 franc, et dont la forme est réglée par le décret des 22-27 mai 1792.

-

- Du reste,

pour prévenir toute collusion, par l'un des juges.
il est paraphé sans frais (V. Locré, t. 3, p. 88). Il doit être
sur papier timbré, à peine de 500 fr. d'amende (L. 28 avr. 1816,
art. 72). Il doit être tenu par le capitaine lui-même, quand
même celui-ci aurait un écrivain auprès de lui (Dageville, t. 2,
p. 177). La faculté qu'a le capitaine de tenir d'autres livres
auxiliaires, ne saurait le dispenser de tenir le livre de bord, qui
seul est le registre légal et authentique (même autorité).

422. Le registre contient, ainsi qu'on vient de le dire, les résolutions prises pendant le voyage. - Ce mot résolutions a été substitué au mot délibérations, sur l'observation « que le seul mot délibérations peut faire réclamer le fait et autoriser la chose; or, s'il y a délibérations à la mer, il n'y a plus ni ordre, ni discipline, ni commandement. » - Le registre contient, en outre, la recette et la dépense concernant le navire, le sommaire des événements importants de la navigation, la nécessité où le capitaine peut se trouver de laisser en route des hommes malades ou méritant d'être congédiés, les mesures qu'il a prises contre les coupables de quelques délits, ce qui concerne les déserteurs. Enfin, le capitaine doit y mentionner généralement tout ce qui est relatif au fait de sa charge, tout ce qui peut donner lieu à un compte à rendre à ses commettants, ou à des demandes à former, soit contre eux, soit dans leur intérêt, et tout ce qui peut servir de base aux rapports qu'il est tenu de faire. — Ces mots tout ce qui concerne le fait de sa charge avaient été retranchés du projet, sur le motif que l'article était suffisamment généralisé par ces expressions: tout ce qui peut donner lieu à un compte à rendre, à une demande à former; mais ils ont été rétablis, attendu que « les énonciations ne doivent pas se borner aux chances d'un compte sur finances, mais contenir en général les événements de mer, tels que la rencontre d'un bâtiment, l'ordre par le capitaine de mettre un officier aux fers, etc. »

483. Le registre fait foi de son contenu jusqu'à preuve contraire, quoiqu'il ne soit pas tenu jour par jour, si, du reste, il est régulier (trib. de com. de Marseille, 29 juill. 1825, aff. Nègre).

424. En cas de contravention à l'obligation de tenir un livre de bord, le capitaine est responsable de tous les événements envers les intéressés (c. com. 228).

Lorsqu'il est constant que le capitaine avait un livre-journal, la perte de ce livre dans le naufrage du navire est suffisamment constatée par cela seul qu'il ne se trouve pas au nombre des ob

seuls été sauvés (Rennes, 12 juill. 1816, aff. N... C. N...).

418. Enfin, les capitaines sont encore tenus d'avoir à bord le certificat de santé, délivré par l'administration sanitaire, s'il en existe, et visé par le consul. A défaut d'administration sanitaire, la patente de santé est délivrée par le consul (ord. 29 oct. 1833, art. 49). S'il n'y a pas de consul, le capitaine doit la demander aux autorités du pays et la faire certifier par le consul du premier port où il abordera.-La patente de santé est un bulletin qui fait connaître l'état sanitaire des lieux d'où vient le navire et son propre état au moment du départ. L'absence de cette pièce donnerait lieu à un surcroft de quarantaine.—La patente de santé est exigée de tout navire arrivant d'un port quel-jets désignés dans le rapport prescrit par l'art. 246, comme ayant conque, et quelle que soit sa destination, à l'exception, pour la Méditerranée, des bâtiments des douanes qui ne sortent pas de leur direction, et, dans l'Océan, des bâteaux pêcheurs et des navires qui font le cabotage d'un port français à l'autre. Cette pièce doit être visée avant le départ, s'il a lieu plus de cinq jours après sa délivrance. Elle ne doit être ni raturée ni surchargée. Il est défendu au capitaine de s'en dessaisir avant son arrivée; d'en avoir d'autre que celle prise au départ; d'embarquer aucun passager non muni d'un bulletin de santé, ni aucun marin ou autre individu qui paraîtrait atteint d'une maladie contagieuse. Enfin, il ne doit pas recevoir de hardes sans savoir d'où elles viennent, et si elles n'ont pas servi à l'usage de personnes attaquées de mal contagieux (ord. du 7 août 1822).

419. Il va de soi que l'exécution littérale des obligations prescrites par l'art. 226 c. com., ne dispenserait pas le capitaine de remplir celles que peuvent, en outre, lui imposer les lois spéciales sur les douanes et sur la police de la navigation. Ces lois sont obligatoires même pour les capitaines étrangers (c. civ. 3). 420. Le capitaine tient un registre (appelé livre ou journal de bord) coté et paraphé par l'un des juges du tribunal de commerce, ou par le maire ou son adjoint, dans les lieux où il n'y a pas de tribunal de commerce. Ce registre (principalement destiné à faire connaître la conduite du capitaine et à mettre les armateurs à même d'apprécier s'il a bien et fidèlement rempli ses devoirs) contient les résolutions prises pendant le voyage, la recette et la dépense concernant le navire, et généralement tout ce qui concerne les faits de sa charge, et tout ce qui peut donner lieu à un compte à rendre, à une demande à former (c. com. 224; Conf. ord. 1681, tit. du Cap., art. 10).

421. Ce registre, on le voit, n'est plus coté et paraphé, comme sous l'ord., par l'un des principaux intéressés, mais bien,

425. 10° Dépêches.· Les capitaines doivent se charger de toutes les dépêches qui leur sont confiées par l'administration des postes. Ils sont tenus de la prévenir au moins quinze jours à l'avance de leur départ, soit pour les colonies, soit pour l'étranger (lettre min. 12 juill. 1816). Ils ne peuvent partir sans être munis d'un certificat du directeur des postes constatant la remise des dépêches, la quantité des lettres et paquets, ou la déclaration qu'il n'y a rien à leur remettre (arrêté 19 germ. an 8, art. 6). — Tout capitaine partant d'un port étranger est tenu de recevoir les dépêches adressées par les consuls aux ministres et administrations publiques. Et tout capitaine se rendant dans un port étranger est également obligé de recevoir les dépêches adressées aux ambassadeurs et consuls dans les pays où ce port est situé. - V. l'ord. 29 oct. 1833, art. 53.-V. Consul. SECT. 4.

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Droits et devoirs du capitaine pendant le voyage 426. Ces devoirs se rapportent soit à l'intérêt des propriétaires du navire et des chargeurs, soit à l'intérêt des hommes de l'équipage et des passagers, soit à la police de la navigation.

427.1° Devoirs imposés au capitaine dans l'intérêt particulier des armateurs et des chargeurs. · En général, le capitaine peut et doit faire tout ce qui est utile pour le salut du navire et de la cargaison, et pour le succès de l'expédition; et il est garant envers qui de droit de ses fautes même légères. Ses devoirs consistent principalement à partir à l'époque fixée, et à suivre la route convenue; à se trouver en personne à bord à l'entrée et à la sortie des ports; à pourvoir, s'il y a lieu, à la réparation du navire; - à s'abstenir d'emprunter, sans nécessité, sur corps ou facultés; à adresser à qui de droit, avant de partir d'un port étranger pour revenir en France, un état de son chargement; —

à s'abstenir de vendre le navire sans un pouvoir, hors le cas d'innavigabilité; à achever le voyage pour lequel il s'est enengagé; — à s'abstenir, s'il navigue à profit commun sur le chargement, de faire aucun commerce particulier; à ne point abandonner le navire, pour quelque danger que ce soit sans l'avis des principaux de l'équipage; à faire connaître, en cas de relâche forcée dans un port français, les causes de cet accident; - à dresser un rapport en cas de naufrage et à veiller au sauvetage des débris du navire et du chargement; - enfin, à pourvoir, suivant les circonstances, aux intérêts des armateurs et des chargeurs dans les cas d'arrêt de prince, de survenance de guerre et autres fortunes de mer.

428. 2° Obligation de partir à l'époque fixée et de suivre la route convenue.-Le capitaine serait en faute si, sans excuse légitime, il différait de partir à l'époque fixée par ses instructions ou obligations, ou s'il partait à cette époque par un temps évidemment mauvais, quand même, dans ce dernier cas, le départ aurait été conseillé par les principaux de l'équipage (c. com. 228, 230, 295. V. M. Pardessus, no 632).

429. Il serait pareillement en faute, s'il se permettait de relâcher, sans nécessité, dans un port autre que ceux où le connaissement lui accorde la faculté de toucher. Mais il n'est point responsable d'un sinistre arrivé pendant une relâche qui est suffisamment justifiée par la nécessité où il s'est trouvé de compléter ses vivres, et qui d'ailleurs n'a point été la cause occasionnelle du sinistre (Rennes, 12 juill. 1816, aff. N... C. N...).

430. Le capitaine engagerait sa responsabilité, s'il s'arrêtait en route sans autre motif que celui de faire augmenter la capacité de son navire; et les chargeurs qui, instruits du long séjour du bâtiment dans un port de relâche, n'ont point élevé de protestations, ne cessent pas pour cela de pouvoir actionner le capitaine en dommages-intérêts, à raison de retard dans l'arrivée, si d'ailleurs ils ont ignoré la cause qui occasionnait la prolongation du séjour dans le port de relâche (Aix, 29 août 1828, aff. Picciotto, V. Journ. de Marseille, 11. 1. 241).

431. Enfin, le capitaine serait également passible de dommages-intérêts si, étant convenu qu'il serait soumis à un subrécargue pour la direction du voyage, il contrevenait à cette convention et occasionnait par là la rupture du voyage (Rej., 4 juin 1834, aff. Viard, V. no 317).

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432. Mais on ne peut voir qu'un acte de bonne administration, et non une faute, dans le fait du capitaine qui, apprenant en route la survenance d'une guerre et la présence de corsaires ennemis sur les mers qu'il doit traverser, effectue une relâche pour éviter d'être pris (trib. de com. de Marseille, 29 août 1827). 433.3° Obligation de se trouver à bord à l'entrée et à la sortie des ports. Le capitaine est tenu d'être en personne dans son navire, à l'entrée et à la sortie des ports, havres ou rivières (c. comm. 227; conf. ord. 1681, tit: du Capit. art. 13), ces passages étant les plus difficiles. Cette injonction faite aux capitaines a été insérée dans la loi sur la demande de la cour de Rouen: «Un capitaine, à son retour, étant, disait-elle, dans le voisinage de son domicile, se fait descendre en mer, pour y arriver plus promptement, et laisse la conduite du navire à son second qui, manquant quelquefois des connaissances requises, se trouve maîtrisé par les événements. Beaucoup d'accidents, même des naufrages, sont résultés de cette imprudence des capitaines: il est essentiel de les prévenir, en obligeant les capitaines de remplir entièrement leurs devoirs. »Du reste, ce n'est pas seulement à l'entrée, mais aussi à la sortie des ports, havres ou rivières, que les capitaines sont tenus d'être en personne sur leurs bâtiments. Ils doivent encore y être quand il s'agit de les mener en rade, de leur donner un bon mouillage et de les mettre en sûreté (arg. de l'ord. de 1669, tit. 3, art. 5 et 10, et tit. 7, art. 11). Ils sont aussi obligés, dans certains cas, de prendre des pilotes lamaneurs.-V. infrà, no 508.

434. En cas de contravention à l'obligation prescrite par l'art. 227, ainsi qu'à celles imposées par les trois articles précédents et concernant la tenue d'un registre en règle, la visite du navire avant le chargement, les pièces qui doivent se trouver à bord, le capitaine est responsable de tous les événements envers les intéressés au navire et au chargement (c. comm. 228). On a conclu de cette disposition que toute contravention à l'une des

obligations prescrites par les art. 224, 225, 226 et 227, rend,

de plano, le capitaine responsable de tous les accidents, sans qu'il puisse s'excuser sur la force majeure, et même sans qu'il soit recevable à prouver que les dommages éprouvés auraient également été subis, alors même qu'il se serait conformé à la loi (Boulay-Paty, t. 2, p. 27; Dageville, t. 2, p. 190). Mais il est, ce nous semble, des circonstances dans lesquelles l'équité devrait faire fléchir la rigueur de cette règle.

435. 4° Obligation de pourvoir à la conservation du navire. -C'est un devoir rigoureux pour le capitaine de veiller à la conservation du bâtiment qui lui a été confié. Aussi a-t-il été justement décidé qu'il engage sa responsabilité, lorsqu'au lieu de faire faire au navire les réparations devenues nécessaires en cours de voyage, il se borne à employer des moyens palliatifs insuffisants (trib. de comm. de Marseille, 2 juin 1824).

436. Si, pendant le cours du voyage, il y a nécessité de radoub, ou d'achats de victuailles, le capitaine, après l'avoir constaté par un procès-verbal signé des principaux de l'équipage, peut, en se faisant autoriser en France par le tribunal de commerce, ou, à défaut, par le juge de paix; chez l'étranger par le consul français, ou, à défaut, par le magistrat des lieux, emprunter sur les corps et quille du vaisseau, mettre en gage ou vendre des marchandises jusqu'à concurrence de la somme que les besoins constatés xigent (c. com. 254. Conf. Consulat de la mer, ch. 104, 105 et 236; jugement d'Oléron, art. 1 et 22; ord. de Wisby, art. 13, 33, 45, 68 et 69; ord. de la Hanse teutonique, art. 60; Guidon de la mer, ch. 5, art. 35, et ch. 18, art. 4; Assurance d'Anvers, art. 19; ord. de 1681, tit. du Cap. art. 19).

437. Les pouvoirs accordés au capitaine par l'art. 234 sont subordonnés à la condition que les propriétaires ne puissent, à raison de l'éloignement, être consultés; c'est ce qui résulte de ces mots : Pendant le cours du voyage. Si les propriétaires se trouvaient sur les lieux où le capitaine relâche, il faudrait rentrer dans les termes de l'art. 252 (Locré, t. 5, p. 112).

438. Pour légitimer l'exercice des droits qu'elle concède au capitaine, la loi, outre la formalité d'un procès-verbal signé des principaux de l'équipage, exige une autorisation du juge. Cette dernière disposition n'existait pas dans l'ordonnance de 1681; elle a été ajoutée sur la demande du tribunal de commerce de Caen: «Il n'existe, a-t-il dit, que trop de capitaines qui, sur le moindre prétexte, relâchent dans un port, y font de grandes dépenses qui sont ruineuses pour les armateurs : certainement les tribunaux de commerce n'autoriseront pas les dépenses qui ne leur paraîtraient pas urgentes et nécessaires pour la continuation du voyage. »

439. On voit d'après cela que le capitaine doit user avec prudence du droit qu'il a d'emprunter à la grosse ou de vendre des marchandises pour faire réparer le bâtiment. Il serait passible de dommages-intérêts s'il exerçait ce droit sans discernement, et, par exemple, s'il faisait faire, en cours de voyage, des réparations dont la dépense excéderait ou égalerait presque la valeur du bâtiment même réparé (Aix, 27 avr. 1850, aff. Tolluire).

440. Lorsqu'il résulte d'une première expertise que le montant des réparations sera considérable eu égard à la valeur du navire, le capitaine doit provoquer une expertise nouvelle pour savoir si, d'après cela, il ne serait pas plus convenable de faire déclarer innavigable et de vendre le navire que de le réparer. Lors donc que, sans observer ces précautions, il a emprunté à la grosse et fait procéder aux réparations, il est passible de dommages-intérêts envers l'armateur, bien que l'emprunt ait été autorisé par le juge, si l'armateur s'est vu obligé, à l'arrivée, d'abandonner le navire et le fret, parce que la valeur en était absorbée et au delà par le montant de l'emprunt (trib. de com. de Marseille, 16 oct. 1829, aff. Tolluire).

441. Le capitaine ne doit recourir au juge de paix, pour obtenir l'autorisation d'emprunter ou de vendre des marchandises, que dans les cantons où il n'y a ni tribunal de commerce, ni tribunal ordinaire en remplissant les fonctions (Boulay-Paty, t. 2, p. 65; Dageville, t. 2, p. 214).

En pays étranger, les vice-consuls français ont qualité pour autoriser les emprunts à la grosse contractés dans les circonstances prévues par l'art. 234. On a contesté cette solution en se fondant sur l'art. 2 de l'ord. du 26 oct. 1833. portant que les

agents consulaires et vice-consuls n'ont point de chanceliers ni de juridiction: mais l'autorisation dont il s'agit n'a pas le caractère d'un jugement, d'un acte de juridiction; elle n'est exigée que comme mesure de protection et de contrôle dans l'intérêt des tiers absents (Cass., 24 août 1847, aff. Thompson, D. P. 47.1.277). 442. Les formalités prescrites par l'art. 234 ne regardent que le capitaine respectivement aux propriétaires; elles n'ont d'autre objet que de mettre le capitaine à portée de justifier de la nécessité de l'emprunt, et d'éviter tout recours de la part du pro

ture;

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(1) 1re Espèce : — (Rateau C. Paul.) - LA COUR; Considérant que le capitaine de tout bâtiment de mer étant le préposé des propriétaires, les actes qu'il passe pour faits de sa gestion les oblige, à l'égard des tiers avec lesquels il a traité, si ce n'est dans le cas de collusion frauduleuse; que hors le lieu de la demeure des armateurs, il n'a pas même besoin d'un pouvoir spécial pour traiter, mais qu'il est investi légalement du pouvoir de les représenter; Que ces principes, conformes aux lois rbodiennes, aux lois romaines et à l'ordonnance de 1681, ont été dans tous les temps appliqués plus spécialement aux contrats à la grosse avenQue les anciens législateurs n'avaient pas ignoré les inconvénients qui pouvaient résulter de la latitude de pouvoir donnée quelquefois à un mandataire infidèle; mais que l'intérêt du commerce exigeant que les prêts à la grosse aventure fussent encouragés, et que pour la sûreté, la facilité et promptitude des négociations, on inspirât de la confiance aux prêteurs, ils avaient cru devoir sacrifier au bien public quelques considérations particulières; Que, néanmoins, ils avaient pourvu, autant que possible, à l'intérêt des armateurs, en rendant le capitaine responsable des emprunts qu'il aurait faits sans nécessité au nom de l'armement; qu'à la vérité cette mesure pouvait devenir quelquefois illusoire par l'insolvabilité du capitaine, mais que c'était alors aux armateurs à s'imputer d'avoir choisi pour préposé un homme immoral, talem virum elegisse; que, pour obvier aux fraudes dont les armateurs auraient pu être victimes, l'ordonnance de 1681 avait établi, relativement au contrat à la grosse aventure, des formalités sages et conservatrices de leurs droits; mais qu'en même temps, craignant de mettre des entraves aux opérations maritimes, elle n'avait fait peser l'inobservation de ces formalités que sur le capitaine, et jamais sur les prêteurs; Que les formes salutaires prescrites au capitaine pour la sûreté de l'armateur étant insensiblement tombées en désuétude, les rédacteurs du nouveau code de commerce, pénétrés du même esprit que les anciens législateurs, et sans déroger au principe que l'armateur est généralement responsable des faits du capitaine, ont fait revivre ces anciennes formes abolies, et y ont ajouté l'obligation pour le préposé d'une autorisation de la justice, pour les emprunts faits à la grosse; mais qu'à l'égard des prêteurs on a laissé subsister toute la liberté dont ils avaient toujours joui, en vertu des lois précédentes; Considérant que nulle part le nouveau code de commerce n'a prononcé contre le prêteur la nullité d'un contrat de grosse, faute au capitaine d'avoir fait constater le besoin d'emprunter; que le tribunal de Quimper, en le décidant de la sorte, s'est mépris sur le vrai sens de la loi, en portant qu'elle comprenait dans sa généralité et le capitaine et le prêteur, ce qui est formellement contraire à la lettre et à l'esprit du texte; Que l'art. 234, qui a servi de base au jugement appelé, établit: 1° le pouvoir du capitaine pour emprunter, et, par conséquent, la faculté du préteur de s'adresser à lui seul comme représentant l'armateur partout où il n'est pas; 2° les formalités auxquelles est astreint le capitaine pour constater la nécessité de l'emprunt; Que l'art. 236 rend le capitaine responsable envers l'armateur des emprunts qu'il aurait faits; mais que, dans aucun des articles, qui d'ailleurs se trouvent dans un titre concernant les droits et devoirs respectifs de l'armateur et du préposé, il n'est fait aucune mention du prêteur à la grosse; Que si, comme l'ont décidé les juges de commerce de Quimper, le contrat à la grosse devait être annulé à l'égard du prêteur, par cela seul que les formalités prescrites par l'art. 254 n'auraient pas été observées, c'eût été un grand contre-sens dans la loi d'avoir contraint, par l'art. 256, le capitaine à rembourser à l'armement des sommes qu'il n'aurait pas déboursées, et à l'indemniser des pertes qu'il n'aurait pas souffertes; - Considérant que le code commercial, bien loin d'annuler le contrat, à l'égard des donneurs à la grosse, en cas d'inexécution des formalités prescrites par l'art. 234, n'a pas même exigé d'eux toutes ces formalités pour la simple conservation de leur privilége; Qu'en effet il s'est borné, dans l'art. 192, à leur imposer l'obligation de constater la nécessité des emprunts par des procès-verbaux signés par le capitaine et les principaux de l'équipage;

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Considérant qu'à la vérité le nouveau code de commerce a imposé aux prêteurs quelques nouvelles obligations, par exemple celle dont il vient d'etre fait mention (art. 192); celle de l'enregistrement au tribunal de commerce, lorsque le contrat est passé en France; celle d'observer d'autres formalités, lorsqu'il est passé à l'étranger (art. 312); mais que toutes ces formali1és ne doivent être observées que dans l'intérêt des tiers, lorsqu'il s'ouvre un oràre entre plusieurs créanciers; Que leur inexécution entraîne seulement, à l'égard de ces tiers, la déchéance du privilége, mais jamais la nullité du contrat qui subsiste dans toute sa force entre le prê

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priétaire; mais elles ne concernent pas fe prêteur qui a contracté de bonne foi avec le capitaine pendant le cours du voyage. Ainsi l'emprunt à la grosse, par exemple, fait par le capitaine, sans l'observation de ces formalités, donne action au prêteur de bonne foi (surtout s'il est étranger), contre le propriétaire du navire, en remboursement du prêt, nonobstant le mauvais emploi que le capitaine peut en avoir fait (Rennes, 16 déc. 1811; Cass., 28 nov. 1821; 5 janv. 1841) (1). A plus forte raison l'emprunt à la grosse, ainsi contracté par le capitaine, sans les formalités énon

teur, le capitaine et l'armement; Que de ces diverses observations il résulte que le tribunal de Quimper a fait une fausse application de l'art. 254 c. com.; Considérant que les deux contrats à la grosse produits au procès sont dans la forme voulue par l'art. 511, pour les contrats passés en France; que celui du 15 déc. 1810 a été enregistré le 17 du même mois; que celui du 26 décembre de la même année a été enregistré le 5 janv. 1811; et que, par conséquent, le vœu de l'art. 312, portant que l'enregistrement se fera dans les dix jours, a été rempli; — Qu'il est vrai qu'il a été soutenu, de la part de l'intimé, que la date du second acte de grosse était surchargée, et que, dans le principe, elle remontajt à une époque antérieure;- Mais considérant que cette différence de date si elle était constatée, ne pourrait faire prononcer (art. 312) contre le prêteur à la grosse que la déchéance de son privilége, dans le cas où il se trouverait en concurrence avec d'autres créanciers, sans que la substance du contrat en fût aucunement altérée; - Que la cour n'a point à s'occuper de cet objet, dans une instance où aucun tiers intéressé ne figure et où il ne s'agit que de décider quels sont, en vertu du contrat, les droits du donneur à la grosse contre l'armateur; Considérant qu'aux fins de l'art. 313, les deux contrats à la grosse dont est cas ont pu être négociés à Rateau par la voie de l'endossement; Considérant que le fret entier de la goëlette l'Aimable-Fanny était hypothéqué aux prêteurs par l'acte de grosse, et par suite à Rateau, subrogé à leurs droits; Que le capitaine Poirier, en lui donnant, à défaut d'argent, les connaissements pour le payer des valeurs dues par l'armement dont il était le mandataire, a fait un payement régulier et valable; - Que la distraction du tiers prétendu franc, demandé par Paul, n'était pas fondée, puisque ce tiers était affecté, comme les deux autres tiers, à l'acquittement des deux contrats à la grosse; Faisant dans l'appel relevé par Rateau du jugement rendu par le tribunal de commerce de Quimper, le 15 mars 1811, dit qu'il a été mal jugé; - Déclare validés et exécutoires, contre Paul, armateur, les deux contrats à la grosse transportés à Rateau par la voie de l'endossement.

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Du 16 déc. 1811.-C. de Rennes. 2o Espèce : (Torladès C. Leveux, etc.) Leveux, propriétaire du navire les Deux-Amis, en avaient confié le commandement au capitaine Levillain, pour un voyage en Portugal. Il avait remis au capitaine une lettre de crédit, dans laquelle il invitait la maison Torlades à procurer au capitaine tous les moyens et facilités pour l'expédition de son navire. Le 18 oct. 1817, le capitaine tira, au profit de la maison Torladès, uno lettre de change de 2,854 fr., valeur pour besoin de son navire. - Le même jour, il souscrivit, au profit de la même maison, un contrat à la grosse de la même somme, avec une prime de 15 p. 100 pour les risques de mer, cette somme payable trois jours après son arrivée à Dieppe, et seulement dans le cas où la lettre de change ne serait pas acquittée; bien entendu que si elle l'était, le contrat demeurerait sans exécution. - La lettre de change fut protestée à son échéance. Le 19 juin 1818, Torladès fit sommation au capitaine de lui payer le capital du contrat de prél avec la prime, et, quelques jours après, il l'assigna en condamnation devant le tribunal de commerce de Dieppe. Leveux, appelé en garantie par son capitaine, soutint que le contrat de prêt à la grosse ne pouvait être obligatoire pour lui, parce qu'il n'avait pas été précédé des formalités prescrites par l'art. 234 c. com., pour constater la nécessité de l'emprunt; qu'en effet il n'y avait eu ni procès-verbal signé par les principaux de l'équipage, ni autorisation du consul français ou du magistrat du lieu dans lequel l'emprunt avait été fait.

Jugement en ces termes : « Considérant que les formalités prescrites par l'art. 234 c. com. et exigées par l'art. 312 du même code, en sa deuxième disposition, sont des obligations imposées au capitaine, et que l'inexécution de la loi de la part dudit capitaine ne saurait être imputés au prêteur de bonne foi, puisque les emprunts sont dans les attributions du capitaine comme mandataire du propriétaire, et qu'il est de principe que le mandant est tenu des faits du mandataire, à raison de l'exécutio du mandat (art. 1998 c. civ.); - Considérant, d'ailleurs, qu'aux termes de l'art. 216 c. com. tout propriétaire de navire est civilement responsable des faits du capitaine pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition; - Considérant que, dans l'espèce, il n'est allégué aucun moyen résultant de dol ou de frande contre le prêteur, seul cas où le propriétaire pourrait prétendre l'annulation du contrat à son égard; - Considérant que le capitaine n'ayant souscrit le contrat de grosse qu'en nom qualifié, n'a agi en cela que comme mandataire du propriétaire, et que, dès lors que son mandant est dans la cause, lui seul est tenu de l'exécution dudit contra

cées dans l'art. 234, est-il obligatoire pour l'armateur, quand il a

envers le prêteur, sauf néanmoins le recours dudit mandant contre le capitaine, son mandataire, à raison de l'inexécution de la loi; - Le tribunal, sans avoir égard à l'exception proposée par Leveux, le condamne au payement, envers Torladès et comp., de la somme de 3,292 fr. 72 c., montant en principal et prime du contrat de grosse dont il s'agit, avec dépens, et en privilége sur le navire les Deux-Amis, agrès et apparaux d'icelui, sauf le cas prévu par l'art. 317 c. com., et les droits des tiers; renvoie Levillain déchargé de l'action principale contre lui dirigée par Torlades et comp., sauf le recours de Leveux contre ledit Levillain, pour raison de l'inexécution des dispositions de l'art. 234 c. com., s'il avise que bien

soit. »

Appel par Leveux; arrêt infirmatif de la cour de Rouen, du 28 nov. 1818 « Considérant qu'il faut distinguer entre les formalités requises par l'art. 234 c. com. et celles exigées par l'art. 312 du même code; que celles fixées par l'art. 234 ont pour but la validité du contrat à la grosse, tandis que celles portées en l'art. 312 sont relatives au privilige accordé au contrat; qu'il n'est point représenté de procès-verbal dressé par le capitaine avec les principaux de l'équipage, lequel aurait attesté la nécessité d'un radoub ou de victuailles pour le bâtiment; qu'il n'est point surtout justifié que le consul français ait autorisé l'emprunt fait par le capitaine Levillain, autorisation dont la maison Torlades devait absolument s'assurer pour la validité du contrat à la grosse qu'elle faisait avec le capitaine Levillain; que cette maison ne doit donc imputer qu'à sa négligence, qu'à son imprévoyance l'invalidité du titre en vertu duquel elle a actionné Leveux; Considérant, d'une autre part, que le capitaine Levillain était porteur d'une lettre de crédit de Leveux pour la maison Torlades et comp.; que, par cette lettre de crédit, Leveux invitait cette maison à procurer à son capitaine tous les moyens et facilités pour l'expédition de son navire; mais que, par cette lettre de crédit, elle n'était pas invitée à fournir de l'argent à la grosse, moyen très-onéreux pour celui qui est contraint d'y avoir recours; que, dans cet état de choses, la maison Torladès ayant confiance dans Leveux, devait se contenter de l'aviser des avances qu'elle avait faites, et s'occuper des moyens de recouvrement desdites avances, suivant les usages du commerce en pareil cas; Considérant, enfin, que le contrat à la grosse étant invalide à l'égard de Leveux, il l'est également en ce qui concerne Levillain; d'autant plus qu'il est constant que, dans la somme énoncée en ce contrat, il y en avait une portion qui était représentative de la valeur de marchandises fournies pour le compte particulier dudit Levillain. >>

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Pourvoi de Torladès et comp., pour violation des art. 216, 234 el 312 c. com., de la maxime locus regit actum, et de l'art. 1159 c. civ. La disposition de l'art. 234, a-t-on dit pour eux, n'est relative qu'au capitaine vis-à-vis du propriétaire ou armateur du navire; elle n'est point obligatoire pour le prêteur de bonne foi. En effet, par rapport au prêteur, il faut suivre la maxime locus regit actum, consacrée par l'art. 1159 c. civ., qui veut que ce qui est ambigu s'interprète par ce qui est d'usage dans le pays où le contrat est passé, maxime qui trouve aussi son application dans les art. 47 et 999 c. civ. - Si la doctrine de la cour de Rouen était admise, tout commerce maritime étranger deviendrait impossible, puisqu'il faudrait que chaque consignataire connut la législation de tous les pays maritimes avec lesquels il aurait des relations. Arrêt (ap. del. en ch. du cons.). LA COUR; Vu Vu les art. 216, 221, 234, 236 et 512 c. com.; aussi l'art. 1998 c. civ.; Attendu que les formalités portées par l'art. 234 c. com. ne regardent que le capitaine respectivement au propriétaire; que ces formalités n'ont eu d'autre objet que de mettre le capitaine à portée de justifier de la nécessité de l'emprunt et d'éviter tout recours de la part du propriétaire; qu'elles ne concernent pas le prêteur qui a contracté de bonne foi et sans fraude avec le capitaine pendant le cours du voyage; que c'est ainsi qu'avait toujours été exécuté l'art. 19 du lit. du Capitaine de l'ord. de 1681, lequel exigeait aussi des formalités de la part du capitaine qui voulait emprunter à la grosse; que le véritable sens de l'art. 254 résulte également de l'art. 256, qui veut que le capitaine qui aura, sans nécessité, pris de l'argent sur la quille du navire, soit res-, ponsable envers l'armement, et personnellement tenu du remboursement, ce qui prouve que le propriétaire est fondé à recourir sur le capitaine, mais qu'il est obligé de désintéresser le tiers envers lequel il demeure tenu par le fait de son capitaine qui était son mandataire légal; que l'art. 312 contient une nouvelle preuve que les formalités de l'art. 234 ne sont pas obligatoires pour le prêteur vis-à-vis du propriétaire, puisque ce n'est que pour conserver son privilége à l'égard du propriétaire, que le prêteur est obligé de veiller à ce que ces formalités soient remplies par le capitaine;

Attendu, surabondamment, que le propriétaire, en donnant au capitaine une lettre de crédit sur le prêteur, avait aussi donné à celui-ci un mandat particulier qui, au besoin, aurait fortifié celui que le capitaine tenait de la loi; qu'enfin le prêteur, s'il n'était pas remboursé par le propriétaire, devait au moins l'être par le capitaine, contre qui le prêteur avait conclu subsidiairement; que, néanmoins, la cour royale de Rouen a refusé, pour la totalité de la créance, de prononcer une condamnation non-seulement contre le propriétaire, mais même contre le capitaine;

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eu lieu avec l'assistance du subrécargue placé par celui-ci sur le

D'où il résulte que la cour royale a faussement appliqué l'art. 234 c. com.,
et qu'elle a violé l'art. 1998 c. civ.; Par ces motifs, casse.
Du 28 nov. 1821.-C. C., sect. civ.-MM. Gandon, pr. Jaubert, rap.-
Joubert, av. gén., c. conf.-Delagrange et Buchot, av.

3 Espèce: - (Boullenger C. Caillot.) Le capitaine Lenel, commandant le navire l'Eugène, armé par Caillot, de Rouen, se trouvait à Cette lorsqu'il souscrivit aux sieurs Gaffinel frères une lettre à la grosse pour 2,000 fr. qu'il leur emprunta pour l'avitaillement et les besoins do navire. Cel emprunt avait eu lieu sana les formalités prescrites par l'art. 234 c. com. — La lettre de grosse passa, à la suite de divers endossements, entre les mains de Boullenger, qui, l'ayant présentée au capitaine Lenel, dut la faire protester faute de payement. Puis il assigna en remboursement Lenel et Caillot. Jugement du tribunal de Saint-Valery, ainsi conçu: «Attendu, en droit, qu'aux termes de l'art. 254 c. com., si pendant le cours du voyage, il y a nécessité de radoub ou d'achat de victuailles, le capitaine, après l'avoir constaté par un procès-verbal signé des principaux de l'équipage et en se faisant autoriser en France par le tribunal de commerce, peut emprunter sur le corps et quille du vaisseau, mettre en gage ou vendre des marchandises, jusqu'à concurrence de la somme que les besoins constatés exigent ;-Attendu que ces formalités étant prescrites d'une manière absolue, l'on doit en conclure que le prêteur, pour pouvoir préter valablement, et conserver ses droits et actions contre le propriétaire ou l'armateur responsable des faits du capitaine, doit so faire représenter les pièces constatant l'accomplissement de ces formalités; qu'à défaut de ces mêmes formalités, l'on doit considérer l'emprunt fait par le capitaine comme un engagement qui lui est propre et personnel, et dont l'armateur ne peut être responsable;-Attendu, dans le fait, qu'il demeure constant que le prêt de 2,000 fr. fait par les sieurs Gaffinel au capitaine Lenel, avant son départ de Cette, n'a pas été précédé d'un procès-verbal avec l'équipage, constatant la nécessité de faire des dépenses pour le navire l'Eugène, et qu'il n'existe, en outre, aucune autorisation légale de faire ledit emprunt;que, d'un autre côté, il n'est pas justifié que ledit emprunt a tourné au profit du navire; d'où il suit qu'il ne peut obliger l'armateur d'icelui. Le tribunal déclare Boullenger non recevable dans sa demande. » Appel. - Et le 30 août 1836., arrêt de la cour d'Amiens qui, adoptant les motifs des premiers juges, confirme leur sentence.

Pourvoi de Boullenger pour fausse application de l'art. 234, sur la violation des art. 140, 191, § 9; 192, § 7; 216, 311, 312, 315, 315 c. com.; 1584 et 1998 c. civ: On soutient que, du moment où la bonne foi des prêteurs à la grosse n'a pas été déniée, l'armateur ne pouvait être affranchi à leur égard des engagements du capitaine, son mandataire, sous le prétexte de l'inaccomplissement des formalités de l'art. 254. Or puisque Gaffinel frères, prêteurs primitifs, auraient été fondés à exiger leur remboursement de l'armateur Caillot, à plus forte raison doit-on accorder le même recours aux endosseurs et au porteur de l'acte d'emprunt souscrit à ordre et transmissible par la voie de l'endossement, conformément à l'art. 313 c. com. En principe, on ne peut opposer au porteur de bonne foi d'un effet de commerce, qui n'a pas connu les vices de l'effet à lui transmis, les exceptions proposables contre le cédant. Or, ce principe doit s'appliquer aux lettres de grosse qui sont assimilées à des effets de commerce ordinaires par l'art. 313 susmentionné. Done, en supposant que l'inaccomplissement de l'art. 234 fût opposable aux sieurs Gaflinel, il ne pourrait l'être à Boullenger, demandeur en cassation.

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Dans l'intérêt du défendeur, on a répondu l'art. 234 c. com. subordonne formellement la capacité du capitaine pour emprunter à l'autorisation du juge, en disant le capitaine pourra, en se faisant autoriser..., emprunter, etc.-Ainsi, l'autorisation de justice et les autres formaités de l'art. 234 devant précéder l'emprunt, le prêteur peut s'assurer par luimême si l'emprunt est valable. Il n'y a donc rien d'exorbitant à eviger do lui qu'il ne prête qu'en connaissance de cause, sous peine de perdre son recours contre l'armateur. D'ailleurs, il faut toujours revenir aux termes de la loi. Dire que le capitaine pourra, en se faisant autoriser, emprunter, etc., c'est dire qu'il ne le pourra pas sans autorisation. Le mot pourra indique la capacité, et les mots en se faisant autoriser indiquent la formalité substantielle de l'acte. Ils répondent à ceux-ci pourvu qu'il se fasse autoriser, à la charge, à condition d'autorisation. Par conséquent ils déterminent la nullité de l'emprunt, si la condition n'est pas remplie -Le mot autoriser lui même, signifie donner le pouvoir de faire quelque chose, pouvoir qu'on n'aurait pas sans cela. L'autorisation est une augmentation de capacité indispensable, toutes les fois que la loi l'exige, comme pour les luteurs, les femmes, les établissements publics, les communes. Sans doute, le capitaine est le mandataire des armateurs, mais avec certaines restrictions. Par exemple, il ne peut emprunter à la grosse sans un pouvoir spécial des armateurs, lorsqu'il emprunte dans le lieu de leur résidence (art. 252).—Cette disposition prouve que le pouvoir d'emprunter à la grosse excède, en principe, les bornes naturelles du mandat conféré au capitaine d'où il sait que, lorsqu'il exerce ce pouvoir exorbitant et exceptionnel dans un pays lointain, il doit rigoureusement se conformer à la condition légale d'autorisation prescrite par l'art. 234. 55

bâtiment (Aix, 18 déc. 1818) (1). Ces décisions reposent sur deux principaux motifs : d'abord, il est à remarquer que, sous l'ancienne jurisprudence, l'inobservation des formalités imposées au capitaine pour emprunter à la grosse était déjà considérée comme n'étant point opposable au prêteur de bonne foi; or rien n'atteste de la part du législateur moderne l'intention de s'écarter de cette jurisprudence. En second lieu, le véritable sens de l'art. 234 semble fixé par la disposition de l'art. 336, qui, en déclarant, comme on le verra, le capitaine responsable envers l'armement de l'argent par lui emprunté, sans nécessité, sur le corps du navire, démontre que le propriétaire est tenu, sauf son recours contre le capitaine, de désintéresser les tiers envers lesquels celui-ci s'est engagé.

443. Cette doctrine, que nous croyons fondée, et qui est enseignée par Émérigon et Valin, sur l'art. 19 du tit. du cap. de l'ord. de 1681, n'est pas cependant unanimement admise. Elle est combattue par MM. Boulay-Paty (t. 3, p. 24) et Dageville (t. 2, p. 223). Les motifs invoqués par ces auteurs sont que si, en général, les actes faits par le capitaine obligent les propriétaires dont il n'est que le préposé, ce principe reçoit des exceptions; que, par exemple, le capitaine en cours de voyage ne saurait vendre son navire qu'en cas d'innavigabilité légalement constatée (art. 237 c. com.); que, sans cette formalité, la vente est

Peu importe que l'emprunt ait eu lieu dans la forme d'une lettre de grosse ordre et que le titre se trouve entre les mains d'un tiers porteur de bonne foi. L'art. 234 pose une règle générale; on n'y peut faire d'exception. Autrement cet article serait constamment éludé, parce que le prêteur s'effacerait toujours derrière un tiers porteur. Celui-ci n'est qu'un cessionnaire qui n'a pas plus de droits que son cédant et qui n'acquiert la créance que sous les conditions qui y sont inhérentes (Boulay-Paty, t. 3, p. 98; Pardessus, n° 899). Il doit exiger que le titre soit accompagné des pièces justificatives, ou bien refuser l'endossement (Pardessus, n° 910). Arrêt (après délib. en ch. du cons.). LA COUR; - Vu les art. 1998 c. civ. et les art. 216, 234, 236 et 312 c. com.; Attendu que le capitaine représente, pendant le cours du voyage, le propriétaire du navire pour tout ce qui est relatif au navire et à la cargaison;-Qu'en conséquence, les actes faits par le capitaine pour les besoins et les nécessités de la navigation, obligent le propriétaire, conformément aux dispositions de l'art. 1998 c. civ. et de l'art. 216 c. com., sauf, le cas échéant, la faculté d'abandon du navire et du fret, qui lui est accordée par ce dernier article; - Attendu que les formalités prescrites par l'art. 254 c. com., c'est-à-dire la délibération des gens de l'équipage et l'autorisation du juge, ont uniquement pour objet de mettre le capitaine à portée de justifier de la nécessité des emprunts qu'il a souscrits et d'éviter ainsi toute demande récursoire de la part du propriétaire; mais que ces formalités ne concernent pas le prêteur qui a traité de bonne foi avec le capitaine et qui n'est soumis à aucune justification à l'appui de son contrat de grosse; Que c'est ainsi qu'a toujours été entendu et appliqué l'art. 19, titre du capitaine, de l'ordonnance de la marine de 1681, lequel exigeait, comme l'art. 234 c. com., l'observation de formalités par le capitaine qui empruntait à la grosse ; Que, si les rédacteurs du code de commerce eussent voulu que l'absence des formalités énoncées dans l'art. 234 pût être également opposée au prêteur de bonne foi et au capitaine, ils n'auraient pas admis une innovation aussi importante, sans assujettir expressément l'un et l'autre à justifier de l'accomplissement de ces formalités; Que non-seulement l'art. 254 ne contient point à cet égard de disposition formelle, mais encore qu'il ne résulte aucunement des observations et de la discussion qui ont précédé sa dernière rédaction, qu'on ait eu l'intention de déroger à l'art. 19 précité de l'ordonnance de la marine;

Altendu, d'ailleurs, que le véritable sens de l'art. 234 se manifeste dans l'art. 236 qui dispose que le capitaine qui aura pris, sans nécessité, de l'argent sur le corps, avictuaillement ou équipement du navire, sera responsable envers l'armement personnellement tenu du remboursement, ce qui prouve que le propriétaire doit, sauf son recours contre le capitaine, désintéresser les tiers envers lesquels il se trouve engagé par celuici, qui est son mandataire légal; - Qu'aux termes de l'art. 312, le préteur à la grosse n'est soumis aux formalités de l'art. 234 que pour la conservation de son privilége, d'où il suit nécessairement qu'il conserve ses droits et son titre contre le proprietaire ou armateur du navire; Qu'enfin l'art. 313 assimile à un effet de commerce, négociable par la voie de l'endossement, le contrat de grosse fait à ordre, ce qui repousse l'idée que le porteur, saisi par un endos régulier, puisse être contraint d'ajouter à son titre des pièces justificatives de la délibération des gens de l'équipage et de l'autorisation du juge;

Attendu, en fait, que Boullenger est porteur, par la voie d'un endossement régulier, d'une lettre de grosse de 2,000 fr., souscrite par le capiJaine Lenal, pendant le cours du voyage du navire l'Fugine, pour les

nulle; qu'il doit en être de même relativement au contrat à la grosse; que le code de commerce a imposé aux capitaines des obligations plus strictes que l'ord. de 1681, ainsi que le prouvent les discussions au conseil d'État et le texte des art. 232, 233 et 234; que ces obligations sont une garantie de la bonne conduite du capitaine, dont les propriétaires ne sont pas à portée de surveiller la conduite; que les tiers doivent s'assurer si le capitaine a observé les formalités prescrites par la loi; que s'ils ne le font pas, ils doivent s'imputer leur négligence et en supporter la peine. O Cette opinion a été également émise par deux juge ments du tribunal de commerce de Marseille, des 18 avr. 1828 et 28 août 1829, aff. Sière, et par un arrêt plus récent, duquel il résulte que tout prêteur à la grosse doit connaître la qualité de celui avec lequel il contracte; qu'il doit donc s'imputer les conséquences d'un prêt fait avec un capitaine qui, par cela seul qu'il n'a pas rempli les conditions sans lesquelles la loi lui dénie le pouvoir d'emprunter à la grosse, doit être considéré en réalité comme ayant agi sans mandat ou en debors des limites de son mandat; et qu'en de telles circonstances, le prêt à la grosse ne peut avoir d'effet que contre le capitaine et non contre les propriétaires des objets sur lesquels le prêt a été fait (Rouen, 21 août 1841)(2).-Mais bien que ces raisons ne soient pas dénuées de force, elles ne nous paraissent pas néanmoins de nature à pré

nécessités de ce navire; - Qu'il n'a pas été établi que les sieurs Gaffinel frères, prêteurs du montant de la lettre de grosse, n'aient pas agi de bonne foi;-Que la cour royale d'Amiens a refusé de condamner Caillot, armateur du navire, au remboursement de ladite lettre de grosse, par l'unique motif que Boullenger ne justifiait pas de la nécessité de l'emprunt, par une délibération de l'équipage du navire l'Eugène, et une autorisation de justice, conformément à l'art. 234 c. com.;— Qu'en jugeant ainsi, l'arrêt attaqué a faussement interprété et appliqué cet article, et a violé expressément ses dispositions et celles des art. 1998 c. civ., 216, 236 et 312 c. com.; Par ces motifs, casse.

Du 5 janv. 1841.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-Goudard et Coffinières, av.

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(1) (Bail et Richard C. Martin.) - LA COUR; Attendu que les formalités établies par l'art. 234 c. com., ne le sont pas dans l'intérêt du capitaine et de l'armateur; que cet article ni aucun autre n'attachent à leur omission la peine de nullité du contrat à la grosse ou même de la perte de l'affectation du navire et de son fret, et que la question de savoir si, sans ces formalités, le prêteur à la grosse est ou n'est pas privilégié ne peut s'élever qu'entre les créanciers venant en concours;-Attendu que lors même qu'en thèse générale le capitaine n'obligerait point l'armateur, si en empruntant à la grosse, en cours de voyage, il ne remplissait pas les formalités de l'art. 234, cette exception serait innapplicable à la cause où le capitaine n'a emprunté qu'avec l'assistance et par le canal du subrécargue, et par conséquent avec son intervention et son autorisation; Attendu que l'armateur est censé présent sur le navire quand il a placé un subrecargue; que tout ce qui est fait avec l'intervention de celui-ci. est censé fait en la personne et avec 1 intervention de l'armateur; que dès lors les parties ne sont plus régies par l'art. 234, qui dispose sur des emprunts faits en l'absence et à l'insu de l'armateur, mais par les art. 216, 312, 315 et 321, dont le résultat est qu'il répond sur son navire des emprunts qui y sont affectés quand ils sont faits avec son intervention; Confirme, etc.

Du 18 déc. 1818.-C. d'Aix.-MM. Cresp et Perrin, av.

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(2) Espèce (Delessert C. Meinel et Sanctos.) Des marchandises avaient été chargées sur le navire portugais el Luzitano, capitaine dos Sanctos, à destination pour le Havre, et pour le compte de Meinel, negociant dans cette ville. Parti le 10 oct. 1840, le navire éprouva des avaries qui obligèrent de relâcher à Portsmouth. Le capitaine chercha inutilement le crédit qui lui était nécessaire pour réparer ses avaries -Après diverses tentatives, il s'adressa, suivant les lois portugaises, au vice-consul de sa nation à Portsmouth, afin d'obtenir l'autorisation de faire un emprunt à la grosse. Le vice-consul répondit : « J'ai reçu votre lettre datée de ce jour, et je vois par son contenu qu'il ne vous est pas possible d'obtenir un crédit pour payer les frais faits en ce port, pour avaries survenues pendant votre voyage; en-conséquence, je vous autorise à emprunter à la grosse la somme qui vous est nécessaire pour payer tous les frais faits ici. J'ai l'honneur de vous saluer, signé Van den Berg. Portsmouth, 1 er fév. 4841. » - Delessert, négociant au Havre, prêta au capitaine Sanctos 1,522 liv. sterl. sur les navire, agrès et apparaux, le chargement et le fret, somme qui devait être employée à remettre le navire en état de navigabilité, à débarquer, emmagasiner et recharger la cargaison.

A l'arrivée du navire au Havre, Meinel, réclamateur d'une partie du chargement, fit sommer le capitaine de lui délivrer divers objets à son ordre, et, faute par ce dernier J'avoir-ob'empéré à celle sommation, I as

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