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volontaire d'un canot a la mer, opéré dans la crainte qu'il ne fût jeté sur le couronnement et ne compromit la sûreté du navire en engageant le gouvernail, constitue une avarie grosse; et cela, encore bien qu'il soit établi que les chaînes qui le retenaient au navire étaient en état de vétusté (Rouen, 15 mars 1842) (1).

1087. Dommages occasionnés par le jet aux marchandises restées dans le navire. Cette disposition, conforme à la loi 4, §2, D. de lege Rhodid, et à l'art. 6 du titre des avaries de l'ordon. de 1681, ne comprend, on le voit, que les dommages occasionnés aux marchandises, et non ceux éprouvés par le navire. La raison en est, suivant Locré, que le propriétaire du bâtiment est réputé payé par le fret des avaries que l'événement

dérant, porte ce jugement, qu'il faut reconnaître pour avaries communes, suivant le vœu de la loi et les auteurs, toute perte, tout dommage, tout préjudice éprouvés par le fait et la volonté de l'homme pour en éviter de plus grands;- Qu'en appliquant ce principe aux faits et préjudices éprouvés par le navire l'Hersteller, le soir du 16 déc. 1823, on voit, par les consulats, ou soit par des déclarations faites, soit à Elseneur, soit à Copenhague, soit à Toulon, lesquelles sont les seuls actes auxquels on puisse ajouter confiance, que c'est volontairement et pour éviter de plus grands malheurs qu'on coupa le câble, ainsi que les cordages de la civadière, ce qui fit perdre encore le bâton de foc et le minois, et ce qui constitue bien le caractère de l'avarie commune ; Que l'avarie ne pourrait être considérée comme particulière dans l'espèce, que si le câble avait été rompu, ainsi que les cordages de la civadière, par un événement de mer indépendant et sans participation de la volonté de l'homme; Qu'on ne peut pas dire ici que l'abordage du brick suédois a rompu le câble et les cordages; mais qu'il a été seulement l'occasion ou la cause qu'on a été forcé de les couper pour éviter le malheur plus considérable du choc des deux navires;- Que le jugement rendu, le 13 fév., à Elseneur, établit d'une manière bien formelle qu'il n'y a eu, dans le fait, ni négligence de la part du capitaine suédois, ni conduite blamable de la part du capitaine Duiff; que ce fut parce que le fait avait été indépendant des deux capitaines et de leurs équipages que le jugement condamna le capitaine suédois à supporter seulement la moitié du dommage; - Que l'art. 407 c. com. n'est point applicable à l'espèce: qu'il régit, dans les diverses hypothèses qu'il se propose, le dommage résultant immédiatement du fait d'abordage de deux navires, tandis qu'il s'agit ici du dommage fait par la volonté de l'homme pour éviter l'abordage, et en vue de prévenir les dommages plus considérables qui auraient été l'effet du choc d'un navire arrivant sur un autre;

>> Considérant, à l'égard de l'échouement du navire, que s'il fallait le considérer, abstraction faite des antécédents, il serait avarie particulière, puisqu'il n'a pas été immédiatement volontaire; mais qu'on ne peut le séparer des circonstances par lesquelles il a eu lieu; - Que la raison indique et qu'il est établi par les auteurs (M. Pardessus, Droit com., t. 2, p. 170, et M. Boulay-Paty, Droit marit., t. 4, p. 455), que l'échouement est avarie commune, lorsqu'il est la suite de l'effet d'un sacrifice pour le salut commun; que, dans l'espèce, l'échouement a été la suite et l'effet de la perte de l'ancre, du câble, des cordages de la civadiere et autres objets qui avaient été sacrifiés, le jour d'auparavant, pour le salut commun, et que le capitaine avait en vue de remplacer lorsqu'il se rendit à terre; que cet échouement a été encore la suite et l'effet de l'absence du capitaine sans lequel le navire n'aurait pu s'éloigner de la côte, lors même qu'il aurait eu tous ses agrès;-Considérant, d'ailleurs, par analogie tirée de l'art. 268 c. com., que la charge de la descente à terre du capitaine d'un navire doit être considérée comme une avarie comJune, lorsque cette descente a lieu pour le service commun du navire et de la cargaison; que ce principe est reconnu par les deux auteurs cités, et aux mêmes volumes, p. 172 et 450;-Que, dans l'espèce, c'était pour le salut commun que le capitaine Duiff était descendu à terre, le 16 déc. 1823; qu'il y était allé pour remplacer les objets qui avaient été sacrifiés pour le salut commun et pour se faire adjuger par la justice, contre le capitaine suédois, à peine de se rendre non recevable la réparation de ce préjudice; ce qui tenait encore à l'intérêt commun; que, dès lors, l'échouement, qui était la suite et l'effet de cette descente à terre, doit être nécessairement, une charge commune;

» Qu'à l'égard des loyers et nourriture de l'équipage, quoiqu'il s'agisse ici d'un affrétement au voyage, et que le quatrième paragraphe de l'art. 403 c. com. déclare avaries particulières la nourriture et le loyer, pendant les eparations, quand le navire est affrété au voyage, on ne peut, dans espèce, appliqué cette disposition; que la dernière disposition de cet rticle en indique le sens ; qu'en déclarant, en général, avaries particuheres les dépenses faites et les dommages soufferts pour le navire seul ou pour la marchaudise seulement, li vit virtuellement que la nourriture et le loyer de l'équipage, pendant la réparation du navire. ne sont avaries particulières que lorsque le dommage qu'on répare est lui-même avarie particulière; qué l'effet ne peut pas être de differente nature que la cause qui le produit; que les dépenses nécessités par l'avarie commune sont aussi nécessairement avarie commune »- - Appel. —Arrêt.

lui cause. Cependant, ajoute le même auteur, cela n'est vrai que lorsque le dommage n'est qu'accessoire. Dans l'hypothèse contraire, il y a avarie commune. Mais nous ne pensons pas qu'il y ait lieu de s'arrêter à cette distinction. Qu'il soit, ou non, accessoire, le dommage causé au navire par le jet nous paraît une avarie grosse, dès que le jet a eu lieu volontairement dans l'intérêt commun. Si le paragraphe qui nous occupe ne mentionne pas expressément le dommage dont il s'agit, il est suffisament suppléé à son silence sur ce point, soit par la disposition générale qui termine l'art. 400, soit par les art. 422 et 426, qui réputent avarie commune le dommage occasionné au navire par le jet ou par l'extraction des marchandises.

LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges, confirme, etc. Du 31 déc. 1824.-C. d'Aix. (1) Espèce: (Bilard C. Forster.) - Le trois-mâts l'Alexandre, parti de New-York avec un chargement pour le Havre, fut obligé de relâcher la Rochelle par suite de la tempête. C'est dans cette dernière ville que les avaries furent réparées et réglées. La sentence arbitrale fut frappée d'appel sur trois chefs. Les motifs de l'arrêt expliquent suffisamment ies deux premiers; quant au troisième, les arbitres, se fondant sur l'usage habituellement suivi sur la place du Havre, avaient déduit un tiers, s'élevant à 5,599 fr. 82 c., sur le montant des sommes portées en avaries grosses, pour différence du neuf au vieux. - Sans cette déduction, soutenaient les réclamateurs de la cargaison de l'Alexandre, les avaries survenues à un navire seraient, pour l'armateur, l'occasion d'un bénéfice, puisque le propriétaire du navire aurait alors des objets neufs au lieu d'objets ayant déjà servi. Ils produisaient un parère de la chambre du commerce du Havre, portant que sur cette place la déduction du tiers pour l'usé est un forfait applicable dans tous les cas, sans égard aux réclamations contraires des parties. On a répondu que la déduction proposée serait inapplicable dans l'espèce, puisque l'Alexandre, qui datait de moins de deux ans, était presque neuf, et qu'en fait un armement éprouvé par un ou deux voyages avait plus de valeur qu'un armement entièrement neuf, dont la qualité était encore inconnue. — D'ailleurs, la déduction du tiers fûtelle d'usage au Havre, ne serait pas pour cela applicable dans la cause. Le trois-mâts l'Alexandre est du port de la Rochelle; c'est là que demeurent les propriétaires de ce navire. Or, dans cette place, on ne fait aucune déduction pour différence du neuf au vieux dans les règlements d'avaries, et, si cette déduction est appliquée en matière d'assurances, c'est uniquement à raison de la stipulation particulière insérée aujourd'hui dans toutes les polices. A Nantes, à Bordeaux, il ne se fait pas de forfait comme au Havre; mais on recherche, d'après ce qui peut rester des objets avariés, quel était l'état de ces objets au moment du sinistre, et, selon le résultat de ces investigations, on déduit un quart, un cinquième, etc. Que résulte-t-il de là? Qu'il n'y a pas en réalité d'usage. - Arrêt.

LA COUR;- En ce qui touche le canot : - Attendu que l'art. 400 c. com. considère comme avaries communes les choses jetées à la mer pour le bien et le salut commun du navire et des marchandises; Attendu qu'il résulte du rapport fait par le capitaine Bilard au président du tribunal de commerce de la Rochelle, le 27 mars 1841, que le 9 février précédent, ce capitaine et son équipage, craignant que le canot ne fût jeté sur le couronnement et ne compromit la sûreté du navire en engageant le gouvernail, se décidèrent à couper les palans du canot pour le laisser emporter par la mer; qu'il résulte de ces faits que le rejet du canot à la mer a été le résultat d'une mesure prise dans l'intérêt commun; que ce rejet à la mer constitue donc une avarie grosse; que, par suite, la sentence arbitrale aurait dû admettre la somme de 618 fr. 70 c., montant de l'évaluation dudit canot;

En ce qui touche la somme payée aux hommes employés à dégréer et regréer le navire; - Attendu que s'il ne peut être rien dû pour les hommes de l'équipage, qui, en toute occurrence, doivent leurs services au navire, il en est autrement, quant aux hommes employés en dehors de l'équipage; que ceux-ci avaient droit à un salaire; que leurs services ayant été utilisés dans l'intérêt commun, la somme payée doit être considérée comme avaries grosses; que, d'après les documents du procès, cette somme doit être fixée à 688 fr. 25 c.;

En ce qui touche la déduction du tiers, opérée par les arbitres, pour la différence du neuf à l'usé: - Attendu qu'il n'existe, à cet égard, aucune convention; que si, selon l'art. 1135 c. civ., les conventions obligent nonseulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'usage donne à l'obligation d'après sa nature, et si l'art. 1160 dispose, en outre, que l'on doit suppléer dans un contrat les clauses qui sont d'usage, les intimés devraient du moins prouver, pour pouvoir réclamer le bénéfice de ces textes, non un usage local, mais un usage général; que loin qu'il soit prouvé que l'usage général autorise la déduction du tiers pour la différence du neuf à l'usé, il est démontré, au contraire, qu'un tel usage n'existe pas; qu'ainsi la somme de 5,599 fr. 82 c. déduite par les arbitres doit être admise; - Réforme.

Du 15 mars 1842 -C. de Rouen, 1" ch.-M. Renard, pr.

Il a été jugé en ce seus que les dommages qui sont la suite immédiate, directe et inévitable de l'avarie commune, doivent être accessoirement réputés avarie commune; qu'ainsi lorsqu'un mât et des vergues coupés pour le salut commun sont tombés dans la mer, et, avant qu'on pût s'en dégager, ont occasionné ane vole d'eau par les secousses données au navire, la voie d'eau et les dommages qu'elle a produits sur les marchandises sont avaries communes (trib. de com. de Marseille, 11 mai 1828, aff. Dick).

1088. Pansement et nourriture des matelots blessés en défendant le navire.—La cour de Douai a dit sur cette disposition: « L'intérêt des propriétaires de navire et des propriétaires des marchandises semblerait exiger que cette disposition, relative aux matelots blessés, fut appliquée à tous les hommes de l'équipage, et même aux passagers qui défendraient le navire. » Ce vœu se trouve rempli, comme le dit Locré, relativement aux hommes de l'équipage; le seul rapprochement de la disposition ci-dessus avec les art. 262, 263, 272, suffit pour démontrer que, sous le nom de matelots, il faut comprendre ici les officiers, les capitaines, et tous les gens de l'équipage. - A l'égard des passagers, Locré les excepte de la disposition qui nous accupe, sous le prétexte que, lorsqu'ils défendent le navire, ils se défendent eux-mêmes, ce qui suffit pour les animer. Cette décision rigoureuse ne nous semble pas fondée, car le motif sur lequel elle repose s'applique également aux gens de l'équipage, et n'a point empêché cependant le législateur de considérer leur pansement et nourriture comme avarie commune. Delvincourt, t. 2, p. 258, étend la disposition dont il s'agit aux passagers qui auraient pris les armes sur la réquisition du capitaine; mais nous ne croyons pas qu'on doive exiger cette condition de la réquisition du capitaine. Boulay-Paty, t. 4, p. 449, et M. Pardessus, n° 739, considèrent, sans distinction, comme avarie commune, les frais de traitement d'un passager blessé en défendant le navire. -Il n'importe au reste, pour l'application de la présente disposition, que la personne blessée pendant le combat, l'ait été soit en combattant, soit en faisant la manœuvre (Delvincourt et Pardessus, loc. cit.).

1089. Mais lorsqu'un homme de mer tombe malade naturellement, ou est blessé en faisant le service ordinaire, les frais de pansement et de nourriture ainsi que ses loyers sont avarie simple, à la charge de l'armateur (c. com. 262).

1090. Lorsqu'un homme de mer, envoyé hors du navire, sur barque ou chaloupe, ou mis à terre, a éprouvé, sans sa faute, de mauvais traitements, ou s'il a été fait esclave, les frais de sa maladie ou de sa rançon sont avarie simple ou commune, suivant qu'il aura été envoyé en mer ou à terre pour le service du navire seul, ou du chargement seul, ou pour le service commun du navire et du chargement (c. com. 268). Cependant M. Pardessus décide (n° 739) que lorsque le capitaine fait échelle, si le matelot qu'il a envoyé à terre pour s'assurer si telle marchandise se vend bien dans tel lieu, est blessé ou pris, le traitement ou la rançon de ce matelot n'est pas exclusivement dû par les chargeurs dans l'intérêt desquels il a été envoyé à terre. Mais cette opinion, motivée sur ce que la mission confiée au matelot est une suite des obligations du capitaine, dont ses commettants sont responsables, nous paraft susceptible de controverse. Dans tous les cas, aucune portion de l'avarie dont il s'agit, ne devrait, ce semble, être supportée par ceux des chargeurs que n'intéressaient en aucune manière les renseignements que le matelot était chargé de se procurer. V. suprà, no 735 et suiv. 1091. Quant aux loyers dus, conformément aux art. 265 et 267, soit aux gens de mer pris hors du navire d'où ils étaient sortis pour le service commun du navire et du chargement, soit aux héritiers de ceux tués en défendant le navire, ils sont avarie commune, du moins pour la partie de ces loyers échue depuis la mort ou la captivité, et pourvu, suivant M. Pardessus (no 739), que l'armateur ait loué une personne pour remplacer le matelot tué ou pris, car, hors ce cas, le payement des loyers dont il s'agit n'induit l'armateur dans aucune dépense extraordinaire.

faire porter sur l'un plutôt que sur l'autre de ces objets les loyer et nourriture des matelots pendant la détention.-Toutefois, deux conditions sont nécessaires pour que ces loyer et nourriture con. stituent une avarie commune: 1° que le navire ait été arrêté durant le voyage; 2o qu'il ait été affrété au mois. — On se rend aisément compte de la première condition : « Avant le voyage, dit très-bien Locré, il peut bien y avoir interdiction de commerce, mais non pas arrêt de la part d'une puissance étrangère. Or s'il y a interdiction de commerce, par quelque puissance qu'elle soit prononcée, ou arrêt de la part du gouvernement français, la charte-partie est rompue (art. 276), et les matelots ne reçoivent ni nourriture ni loyer (art. 253). Ce n'était donc que sur le cas de l'arrêt pendant le voyage que la loi devait prononcer. »>-Quant à la seconde condition, elle est plus sujette à contestation. Déjà, sous l'ordonnance, les loyer et nourriture de l'équipage, pendant la détention, n'étaient avaries communes que lorsque le navire était affrété au mois, et non lorsque l'affrétement était au voyage. Cette distinction avait été critiquée par Valin (sur l'art. 7, tit 7, liv. 3 de l'ord.), et elle fut supprimée par la commission, qui déclara indéfiniment avaries communes la nourriture et le loyer des matelots durant l'arrêt. Mais le tribunal de commerce du Havre réclama contre cette suppression. « Quoi qu'en dise Valin, il nous semble, a-t-il dit, que l'article de l'ordonnance était plus conforme aux vrais principes en fait d'avarie, qui sont que tous les cas fortuits (et l'arrêt de prince en est un) ne donnent ouverture qu'à des avaries simples, et que chacun doit supporter le dommage qu'il en éprouve. Le navire, la solde et la nourriture de l'équipage, qui sont à sa charge particulière; les affréteurs, le retard et le dépérissement de leurs marchandises. Le principe de distinction entre le navire frété au mois et celui frété au voyage, est que, dans ce dernier cas, le capitaine ou propriétaire du navire a pris à forfait, vis-à-vis des affréteurs, la longueur ou la brièveté du voyage, à sa perte ou à son bénéfice, et qu'il n'en est pas de même lorsqu'il l'a loué au mois. Au reste, nous ne disconvenons pas qu'il y a des motifs de considération en faveur du capitaine dans le cas de détention par ordre de puissance; et ce sont sans doute ces motifs particuliers qui peuvent avoir induit les rédacteurs à dévier de la rigueur des principes. Ces motifs de considération peuvent être de quelque poids pour un navire qui, partant en pleine paix, se trouve frappé d'un arrêt de puissance auquel rien ne le préparait, et dont il n'a reçu aucune indemnité, n'ayant stipulé qu'un fret ordinaire en temps de paix. Mais ils perdent beaucoup de leur importance quand la même disposition doit s'appliquer à des neutres qui, naviguant en temps de guerre, et calculant très-habilement et à leur grand avantage toutes les chances de retard par arrêt de prince et autres événements qu'ils peuvent subir, ont stipulé, à la charge des marchandises, un fret trois à quatre fois plus fort qu'en temps de paix. Certes, ils sont bien payés des retards qui peuvent résulter de la détention. Et à l'égard de ces navires neutres, la disposition de cet article n'est pas simple justice, mais une véritable faveur aux dépens des propriétaires de la marchandise. » Malgré ces observations, la commission persista dans son avis. Mais le conseil d'État rétablit le texte de l'ordonnance (V. aussi Pothier, des Chartes-parties, no 85; MM. Pardessus, no 740, et Dageville, t. 4, p. 29).

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1093. Loyer et nourriture des matetots pendant les réparations des dommages volontairement soufferts pour le salut commun, si le navire est affrété au mois. — Si, au lieu d'avoir été soufferts volontairement et pour le salut commun, les dommages avaient été fortuits, les frais de séjour pendant le radoub seraient avarie simple (L. 6, ff. de Leg. Rhod.-Conf. Aix, 31 déc. 1824, aff. Duiff, v. no 1086).

1094. Il suit de ces expressions restrictives: Si le navire est affrété au mois, que si l'affrétement est au voyage, les loyers et la nourriture de l'équipage pendant les réparations, sont ava ries particulières (trib. de com. de Marseille, 2 août 1823, ass. Okke), attendu, comme on la déjà dit, que quand l'affrétement est au voyage, l'armateur prend à forfait la longueur ou la briè veté du voyage, ce qui n'a pas lieu quand le navire est affrété au

1092. Loyer et nourriture des matelots pendant la détention, quand le navire est arrêté en vogage par ordre d'une puis-mois.

sance. L'arrêt par ordre d'une puissance frappant également 1095. Toutefois, il a été jugé que la nourriture et le loyer sur le navire et sur le chargement, il n'y avait pas de motif pour de l'équipage, durant la réparation du bâtiment, sont avaries

communes, quand le dommage que l'on répare est lui-même une avarie de cette nature, alors même que le navire a été affrété au voyage (Aix, 31 déc. 1824, aff. Duiff, V. no 1086); — Et que, de même, lorsque le capitaine d'un navire se détermine, après délibération de l'équipage, et sur la nouvelle qu'il a reçue en mer de la survenance d'une guerre entre la France et une autre puissance maritime, à relâcher dans un port neutre, dans la crainte d'être capturé par l'ennemi, et lorsque le séjour dans ce port a été ensuite nécessité par le danger devenu imminent de tomber entre les mains des pirates, les frais de nourriture et les loyers de l'équipage pendant la relâche doivent être considérés, non comme étant de simples frais de navigation, mais comme ayant le caractère d'avaries communes, alors même que le navire a été affrété au voyage, et non au mois (Aix, 15 fév. 1828) (1).

1096. Frais de déchargement pour alléger le navire et entrer dans un havre ou dans une rivière, quand le navire est contraint de le faire par tempête ou par la poursuite de l'ennemi. - La restriction qui termine cette disposition a été ajoutée à la demande du tribunal de commerce de Paimpol : « Afin, a-t-il dit, de ne pas confondre l'allégement ordinaire, et qui doit être au compte du navire lorsqu'il n'a lieu que pour procurer l'entrée ou la sortie d'un port ou d'une rivière qui ne fournit pas l'eau nécessaire pour flotter le vaisseau avec sa charge entière, avec l'al

(1) Espèce :-(Vasseur C. Zizinia.)-Le 30 sept. 1827, le sieur Vasseur, commandant le brick français la Julie, déclara, dans un rapport fait au greffe du tribunal de commerce de Marseille, « qu'il était parti d'Alexandrie le 19 juin, avec un chargement de coton destiné pour Marseille, à la consignation des frères Zizinia; que le 27 juin il avait été pillé par un corsaire grec; que le 5 août, à une lieue au nord de l'île de Zimbre, il avait appris par un brick génois que la France était en guerre avec le dey d'Alger et qu'il y avait sept corsaires dans ces parages; que, conseil tenu avec l'équipage, il avait été décidé, pour le bien et le salut communs, de relâcher à Tunis, port le plus voisin, pour y prendre langue ; qu'arrivé à Tunis, il avait remis son rapport au consul de France; que cet agent lui avait confirmé ce qu'il avait appris du brick génois, que des corsaires infestaient les côtes et les mers voisines; qu'il avait même trouvé dans le port de Tunis un corsaire algérien qui retenait une prise française; que le consul lui ayant fait espérer une escorte très-prochaine, il s'était décidé à l'attendre; qu'enfin il était reparti de Tunis le 5 sept., et était arrrivé heureusement à Marseille. »

Le 22 nov., Vasseur assigna les sieurs Zizinia en répartition des avaries communes survenues à l'occasion de la relâche faite à Tunis, et soutint qu'on devait considérer comme avaries communes les frais de nourriture et les salaires de l'équipage pendant la relâche. Les sieurs Zizinia répondirent que les avaries communes sont en général les dépenses faites pour le salut commun du navire et des marchandises; que, dans l'espèce, le navire n'a été contraint de relâcher à Tunis ni par la tempête ni par la poursuite de l'ennemi; que la relâche ayant été déterminée, non par un péril actuel, mais par la prévision d'un danger incertain, ne saurait être considérée comme un sacrifice fait au salut commun; et qu'alors même qu'elle aurait eu lieu pour le bien et le salut communs, les loyers et la nourriture des matelots pendant le séjour ne seraient encore que des avaries particulières, puisque le navire était affrété au voyage. - Le 28 nov. 1828, jugement qui rejette la demande de Vasseur, attendu que la loi détermine, dans les art. 400 et 403 c. com., les cas dans lesquels les loyers et la nourriture des matelots doivent entrer soit en avarie grosse, soit en avarie particulière; que les motifs qui ont déterminé la relâche du brick la Julie dans le port de Tunis, ne plaçant les loyers et la nourriture des matelots de ce navire pendant cette relâche, dans aucune des hypothèses prévues par ces articles, la conduite du capitaine Vasseur, dans la circonstance, ne peut être considérée que comme un acte de prudence de sa part, dont les résultats rentrent dans les frais ordinaires de la navigation, el restent en conséquence à la charge de l'armement. Appel.

Arrêt.

LA COUR;

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Attendu que les frais de navigation sont clairement désignés par l'art. 406 c. com., et qu'ils ne comprennent que des dépenses ordinaires, prévues ou faciles à prévoir dans tout armement maritime; Attendu que le capitaine Vasseur ignorait, à son départ d'Alexandrie, Juerre survenue avec Alger; que la nouvelle qu'il en reçut en mer dut le endre d'autant plus circonspect qu'il venait d'être pillé par des pirates grecs; Attendu que si, en entrant à Tunis, le capitaine a pu ne faire qu'un acte louable de prudence, son séjour dans le port est devenu forcé, lorsqu'il a su du consul français que la guerre était déclarée entre Alger et la France, que des corsaires infestaient les côtes et les mers voisines, qu'aucun navire ne naviguait sans escorte, et surtout que, dans le port même, un corsaire algérien, ayant déjà capturé un navire français, pouvait s'emparer de tout autre qui sortirait sans protection; - Allendu que

légement à la suite d'échouement par accident, il conviendrait de terminer le dernier paragraphe par ces mots : Mais seulement dans les cas de naufrage, d'échouement, ou à la suite de tous autres événements de mer ou de guerre. Si cette addition n'avait pas lieu, on verrait des capitaines de navires trop profonds pour monter à Rouen, par exemple, entrer au Havre pour y verser une forte partie de leurs chargements sur des alléges dont ils prétendraient les frais au compte des chargeurs, qui deviendraint effectivement condamnés à les supporter, si l'article reste tel qu'il est offert. » C'est sur ces observations qu'a été ajoutée la disposition finale du paragraphe ci-dessus. Il est donc évident que lorsque l'allégement est nécessaire pour entrer dans le port de la destination, il n'est qu'avarie simple, à la charge de l'armateur ou des chargeurs, suivant les conventions et l'usage des lieux (Pardessus, no 740).

1097. Frais faits pour remettre à flot le navire échoué dans l'intention d'éviter la perte totale ou la prise. Il est évident qu'il faut considérer comme avaries grosses, non-seulement ces frais, mais encore ceux faits pour réparer le dommage causé au navire par cet échouement. - Aussi est-il de jurisprudence constante que l'échouement volontaire d'un navire pour le salut commun est une avarie grosse (Poitiers, 2 therm. an 10 Rouen, 3 avril 1841 (2); Aix, 31 déc. 1824, aff. Duiff, V. no 1086; Bastia, 18 juin 1844, aff. Puccinelli, V. n° 1106).

la dépense faite pendant ce séjour, nécessitée par besoin d'attendre une escorte, a été extraordinaire, comme le cas qui l'a produite; que, dès lors, elle est avarie, aux termes de l'art. 397 c. com. ; - Attendu qu'il résulte de la déclaration du capitaine et de l'équipage, dans le rapport affirmé et non contesté, que c'est le bien et le salut communs du navire et de la cargaison qui ont déterminé la relâche et le séjour à Tunis, et que cette détermination n'a eu lieu qu'après la délibération motivée de l'équipage, conformément au § 8 de l'art. 400 c. com.;-Attendu que, dès lors, on ne doit pas considérer comme avarie particulière la nourriture et les loyers de l'équipage, pendant le séjour; mais que cette dépense constitue, au contraire, une avarie commune ; Attendu que le § 4 de l'art. 403 c. com., qui déclare avarie particulière la nourriture et le loyer, pendant les réparations, quand le navire est affrété au voyage, ne saurait être applicable dans la cause, bien qu'il s'agisse d'un affrélement au voyage; - Qu'en effet, la loi ne prend en considération ce mode d'affrétement, pour déclarer l'avarie particulière, que dans le cas où la relâche et les frais qui en sont la suite ont pour unique objet le bien du navire ou celui de la cargaison, ainsi que le détermine la disposition précise de l'art. 403 c. com., en disant qu'en général sont avaries particulières les dépenses faites et les dommages soufferts par le navire seul ou par la marchandise seule; - Attendu que l'avarie étant commune, elle doit être suportée par le navire et la cargaison, d'après l'art. 401 du même code; Emendant, ordonne qu'il sera procédé au règlement et à la répartition des avaries communes souffertes à l'occasion de la relâche du navire à Tunis, et ce conformément aux états qui seront fournis et débattus, etc.

Du 15 fév. 1828.-C. d'Aix, ch. corr.-M. d'Arlatan-Lauris, pr,

(2) Ire Espèce:- (N... C. N...). Le chasse-marée le Saint-Louis, parti de Bordeaux, chargé de vins, fit rencontre d'un bâtiment anglais. Pour éviter d'être pris par l'ennemi, le capitaine fit échouer son bâtiment, dans l'espoir de sauver la cargaison. Le navire fut en effet brisé par le choc; mais le chargement fut sauvé. Le propriétaire du navire a intenté contre les chargeurs une action en contribution aux avaries. Le 4 pluv. an 10, jugement qui le démet de sa demande par les motifs que l'échouement était l'effet d'une force majeure, et que l'art. 6, tit. 7, ord. 1681, ne considérait les dommages causés par les tempêtes, prises, naufrages, que comme avaries simples qui demeurent à la charge du propriétaire de la chose qui a éprouvé le dommage. Appel. - Jugement. LE TRIBUNAL; Se fondant sur ce que l'art. 2, tit. 7, liv. 3, ord. 1681, décide que les dépenses extraordinaires faites et le dommage souffert pour le bien et le salut commun, sont avaries grosses et communes lorsque le fait de l'homme a concouru avec le cas fortuit, sur ce que l'art. 3 du même titre décide que les grosses avaries doivent être supportées par le navire et son chargement; enfin, sur ce que l'art. 5 précité n'est applicable qu'aux dommages causés indépendamment du fait de l'homme et nullement à ceux qui ont eu lieu pour le salut commun; Du 2 therm. an 10.-Trib. d'appel de Poitiers.

. Infirme.

2o Espèce: (Gourlaounen C. Charpentier.) — LA COUR ; —Considérant que l'échouement constitue une avarie grosse et commune lorsqu'il est l'effet d'un sacrifice volontaire pour le salut commun; qu'il faut que le capitaine ait agi dans le but d'éviter un péril imminent, que sa volonté ait été forcée, qu'il ait été obligé de choisir entre deux dangers, et qu'il se sont trouvé dans la nécessité de prendre un parti extrême pour conserver quel

1098. Il en est ainsi encore bien que, par les accidents déjà éprouvés, la perte du navire ait été imminente au moment où

ques chances de sauver le navire et le chargement; que pour reconnaître si, dans l'espèce de la cause, 'échouement a été volontaire et doit donner lieu à une contribution, on ne peut en apprécier les circonstances et le caractère que d'après les résolutions que le capitaine a prises, d'accord avec son équipage, le procès-verbal qu'il a consigné sur son livre de bord et le rapport qu'il a fait à son arrivée, conformément aux art. 224 et 242 c. com.;

Considérant qu'il résulte de ces actes que, le 22 déc. 1839, à huit heures, vers la baie de Quiberon, le vent étant très-violent et la mer trèsgrosse, il fut obligé de démailler ses bonnettes; qu'à onze heures et demie il aperçut des brisants et vira de bord aussitôt pour venir chercher le Port-Louis, la mer étant horriblement grosse; que vers deux heures le croc d'amure du taille-vent cassa; que peu de temps après la misaine fut enfoncée par les coups de mer; que le navire ne pouvant plus prêter côté et ne pouvant doubler la pointe de Gavre, il se décida, d'après l'avis de l'équipage, à laisser arriver sur le petit foc pour faire côte avant la basse mer pour le salut commun; ce qui eut lieu à quatre heures sur la falaise, et que le gouvernail ne fut démonté qu'au talonnement du navire en arrivant à la côte; qu'il suit de ces détails que le capitaine se trouvait dans un danger évident; que les désordres survenus à son navire étaient à la vérité l'effet de la fortune de mer, mais qu'il pouvait encore manœuvrer et a effectivement manœuvré pendant envireu deux heures après délibération, afin de gagner la côte dans un but de salut commun; qu'il suffit que le fait de l'homme ait concouru avec le cas fortuit pour que l'échouement doive être considéré comme volontaire; que les premiers juges, tout en attribuant entièrement l'événement dont il s'agit à la force majeure, n'ont pu s'empêcher eux-mêmes de reconnaître que le capitaine avait fait usage de sa volonté et qu'il lui restait encore une faculté d'option, puisqu'ils ont déclaré qu'il avait pu choisir un point de la côte plutôt qu'un autre pour y aborder;

Considérant que l'art. 400 c. com. définit les avaries grosses et communes; que l'énumération qu'il contient n'est pas limitative, comme le prouve le paragraphe final, qui comprend dans cette espèce d'avaries, par une disposition générale, tous les dommages soufferts volontairement, et les dépenses faites d'après délibérations motivées pour le bien et le salut communs du navire et des marchandises; que la loi ne distingue point, et que dès lors les dommages partiels résultant d'un sacrifice volontaire dans l'intérêt de tous, donnant lieu à contribution, il doit en être de même à plus forte raison, dans le cas de perte du navire, lorsqu'il a été sacrifié pour sauver le chargement; que les dispositions relatives au jet ne sont point applicables à la cause; qu'elles sont placées dans un titre séparé et statuant sur un cas spécial et distinct; que, d'ailleurs, l'art. 425 n'est relatif qu'au cas où le navire a péri par force majeure, puisque sans cela il serait en contradiction manifeste avec l'art. 400 du même code, et qu'une pareille supposition ne peut être admise; qu'au surplus, il a été consacré avec raison par la jurisprudence qu'il n'existe aucune analogie entre le jet fait dans l'intérêt du navire, et qui n'a pas produit son effet, et l'échouement volontaire qui a opéré la salvation du chargement; que, dans ce dernier cas, l'équité exige que les marchandises sauvées par le fait du capitaine contribuent à la réparation des dommages que le navire a éprouvés ; Par ces motifs, déclare que l'échouement volontaire du navire l'Anonyme constitue une avarie grosse qui sera réglée comme telle. Du 3 avr. 1841.-C. de Rouen, 2 ch.-MM. Leminihy, cons. pr.-Foucher, av. gén., c. conf.-Le Poitevin et Grivart ainé, av.

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(1) Espèce:(Balguerie C. Fallander.)-Le navire la Sophia-Maria, capitaine Fallander, ayant chargé à Cronstadt une partie de saumons de cuivre, à la consignation de MM. Balguerie junior et compagnie, de Bordeaux, se trouvait, au commencement de septembre, en vue de Cordouan.

Le rapport de mer constate qu'à cette époque, vu la violence des vents, le capitaine bissa un pavillon de signal pour avoir un pilote. A son défaut, il fut résolu, pour assurer le salut commun, qu'il fallait, quoique sans pilote, tenter d'entrer en rivière. Les manœuvres sont exécutées à cet effet, mais la mer étant très basse, le navire toucha sur les brisants de Cordouan, y perdit son gouvernail et y resta échoué. Les mâtures furent coupées d'un avis commun; puis, poussé par les vents et les courants, le navire entra en rivière. Quatre chaloupes de pilotes le remorquèrent alors, jusqu'à une distance d'à peu près cinq lieues des brisants de Cordouan. Là, le navire échoué, par ordre du pilote et pour le salut commun, on procéda au déchargement. Le 5 janvier, le capitaine assigne les divers consignataires, pour voir dire qu'il serait procédé par des experts à la visite du navire, à la constatation des avaries et à la fixation des dépenses nécessaires, tant pour réparer que pour renflouer le bâtiment. Opposition à la nomination d'experts, de la part de Balguerie junior et fils, consignataires de la plus grande partie du chargement. 11 janv. 1828, jugement qui ordonne l'expertise. La réparation du navire fut jugée possible par les experts, qui évaluèrent les opérations néeessaires pour le remettre à flot.

Sur la demande en règlement d'avaries, adressée par le capitaine Fallander aux sieurs Balguerie, des arbitres sont choisis, par compromis

l'échouement a été résolu (Bordeaux, 23 fév. 1829 ) (1). — De même, l'échouement ne cesse pas de devoir être réputé volon

passé entre les parties. Ceux-ci reconnaissent que le talonnement du navire, sur les brisants de Cordouan, constitue une avarie particulière; que l'échouement, opéré postérieurement constitue une avarie grosse; puis, opérant sur ces bases, ils dressent un règlement d'avaries, d'après lequel ils condamnent, par jugement du 30 oct. 1828, MM. Balguerie au paye ment de 24,758 fr. 19 c., en faveur du capitaine Fallander.

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Appel des sieurs Balguerie. En droit, ils soutiennent qu'il faut, pour constituer une avarie commune, quatre conditions essentielles, dont le concours simultané est indispensable: 1° dommage souffert volontairement; 2o dommage souffert dans l'intérêt commun; 3° délibération préalable; 4° que le sacrifice volontaire ait produit le salut espéré, car il résulte des art. 423 et 425 c. com. que le sacrifice, quoique fait volontairement dans l'intérêt de tous, après délibération, n'a pas le caractère d'avarie commune, s'il n'y a pas eu salvation. Or, en fait, l'échouement sur les vases n'a pas été volontaire; la Sophia-Maria, brisée sur les récifs de Cordouan, devait infailliblement couler bas; on ne peut pas dire qu'il y ait sacrifice quand il y avait perte certaine; il n'y a pas eu non plus délibération antérieure au sacrifice; ce sacrifice n'a pas même amené le salut espéré, puisque le navire, désormais innavigable, est perdu pour tous. — Arrêt. LA COUR; Attendu que si les dommages doivent, pour être rangés dans la classe des avaries communes, avoir été soufferts volontairement, le péril que courait le navire n'ôte pas au sacrifice qu'on a fait le caractère que lui a donné le concours de la volonté; qu'il y aurait faute, s'il n'y a, dans le fait qui détermine le dommage, péril imminent; avarie particu lière, si on abandonne à la fois le navire et le chargement aux chances des événements; et avarie commune, si la volonté de l'homme, choisissant entre deux dangers, préfère celui qui peut sauver le navire aux dépens d'une partie du chargement, ou le chargement aux dépens du navire;-Attendu que la délibération motivée dont parle l'art. 400 c. com. n'est pas une condition de l'avarie commune; qu'ainsi que le reconnaît la saine majorité des auteurs, cette mesure est ordonnée pour établir la nécessité du sacrifice fait pour le salut commun;

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Attendu que, dans l'espèce, il est établi, par le rapport du capitaine, qu'après avoir perdu son gouvernail sur les roches de Cordouan et avoir, de l'avis de l'équipage, coupé ses mâts et filé par bout la chaîne de son ancre, il fut poussé en rivière par les courants et par les vents; que quatre chaloupes de pilotes le remorquèrent sur les vases de Talais; - Que le procès-verbal, dressé par l'un de ces pilotes, qui vint le premier à son secours, atteste que ce ne fut qu'après des observations réitérées de la part de ses confrères que le capitaine se décida à laisser aller sa mâture en dérive, et qu'ils l'échouèrent ensuite sur les vases de Talais; - Que ces procès-verbaux attestent suffisamment que cette mesure a été prise dans le but du salut commun, et qu'au surplus, une fois pourvu de pilotes et entré en rivière, le capitaine n'avait aucun droit de s'opposer à une mesure que, sous leur responsabilité, les pilotes jugèrent propre à sauver le navire et le chargement; Attendu que les experts, nommés par le tribunal de commerce, ont apprécié à la somme de 28,000 fr. les répations nécessaires pour remettre la Sophia-Maria en état de reprendre la mer, et à 10,000 fr. les frais qu'il en coûterait pour le renflouer et le conduire dans le port de Bordeaux; Qu'il existe deux sortes d'innavigabilité: la première absolue, lorsqu'il est impossible, à quelque prix que ce soit, de réparer le navire; la seconde relative, lorsque, soit p l'état dans lequel se trouve le navire, soit par la cherté ou l'éloignem des matériaux, la réparation s'élèverait à une somme hors de proportion avec la valeur du navire; Que le rapport des experts, en date da 31 janv. 1828, établit évidemment qu'il ne peut, dans l'espèce, être question de la première sorte d'innavigabilité; Que les sieurs Balguerie junior et fils n'ont pris aucune mesure pour établir l'innavigabilité de la seconde espèce, n'ayant ni fait prononcer la condamnation du navire, ni demandé que les experts s'expliquassent sur la valeur qu'aurait le navire, une fois renfloué et réparé; · Qu'il devient, dès lors, impossible d'adopter, comme base certaine de la décision du litige, la prétendue innavigabilité du bâtiment, cette innavigabilité n'étant rien moins que constante; Que vainement les appelants font-ils observer que, depuis l'événement, le navire est échoué sur les vases de Talais, pour en tirer la conséquence que le capitaine Fallander a lui-même reconnu l'impossibilité de le réparer;-Qu'il faut remarquer que l'échouement a eu lieu en rivière, à quelques lieues de Bordeaux, port de la destination ; que les consignataires des marchandises ont reçu leur chargement, qui n'a plus été, depuis ce moment, à la disposition du capitaine; que, privé dès lon de la faculté, soit d'emprunter à la grosse, soit de faire vendre, avec autorisation de justice, une partie du chargement pour faire face aux réparations du bâtiment, il a été dans l'impossibilité de se procurer la somme de 38,000 fr., jugée nécessaire pour relever et réparer le bâtiment; de sorte que l'état actuel du navire ne doit entrer pour rien dans l'appréciation des droits des parties, droits qui se sont ouverts au moment de l'évé vement; Qu'il devient, dès lors, inutile de rechercher si les art. 423 et 423 c. com. ne sont applicables que dans le cas du jet, ou s'ils règlent

taire, bien que, au moment où il a été délibéré et où l'on a manœuvré pour l'opérer, les circonstances parussent le rendre inévitable, si d'ailleurs ces circonstances, toutes graves qu'elles fussent, ont laissé au capitaine la faculté de choisir un point de la côte plutôt qu'un autre pour aborder il suffit que le fait de l'homme ait concouru avec le cas fortuit pour que l'échouement doive être considéré comme volontaire (Rouen, 3 avril 1841, aff. Gourlaounen, V. no 1097. Décis. analogue; Caen, 8 nov. 1843, aff. Liais, V. no 1217).

1099. Mais la délibération prise par le capitaine et l'équipage de faire échouer le navire, quand déjà il était engagé sur le banc de sable où l'échouement a eu lieu, ne saurait donner à cet échouement le caractère de volontaire : il est alors le résultat

toutes les hypothèses d'avaries communes, puisque la cour reconnaît qu'en fait, l'innavigabilité de la Sophia-Maria, au moment et par suite de l'échouement, n'est pas judiciairement établie;

Attendu que si le § 8 de l'art. 400 range au nombre des avaries communes les frais faits et non les frais à faire pour mettre à flot le navire échoué, il dispose, pour les cas généraux, et dans la supposition que le capitaine à pu se procurer des ressources en empruntant, tant sur le navire que sur le chargement, et qu'il serait souverainement injuste que la résistance du chargeur en possession de sa marchandise, qui a, par son refus de contribuer, privé le capitaine de la possibilité de relever le navire, pût faire naître un droit en sa faveur ; que, puisqu'il est reconnu qu'il n'y a pas innavigabilité prouvée, il y avait, pour les appelants, obligation de contribuer à renflouer et à réparer le navire; et que, si les détériorations croissantes qu'a éprouvées le bâtiment pendant la durée du litige ne permettent plus de le relever, ce serait un dommage de plus et non un motif pour décharger les appelants d'une partie des frais qu'ils devraient originairement supporter;

Attendu que si les droits dus au pilote sont des frais ordinaires à la charge du bâtiment, il n'en est pas ainsi lorsqu'il ne s'agit pas d'un pilotage ordinaire, mais des efforts de plusieurs pilotes réunis pour sauver le bâtiment et le chargement; Attendu que les arbitres ont laissé à la charge du navire toutes les dépenses faites par le capitaine, à ses risques et périls, pour renflouer le bâtiment; qu'ils ont justement rangé, dans les avaries communes, les frais de quelques voyages faits par lui dans l'intérêt du navire et du chargement, et que ces frais paraissent modérés; - Attendu, quant aux frais de transport des planches et des cuivres, que s'il est rigoureusement vrai qu'on ne dût porter en avaries communes que les frais faits pour mettre ces marchandises à terre, en lieu de sûreté, et non leur transport à Bordeaux, les appelants sont non recevables à se plaindre d'un chef de décision qui est tout à leur avantage, dès qu'il est décidé qu'il y avait lieu à régler en avarie commune; Met l'appel au

néant.

Du 23 fév. 1829.-C. de Bordeaux, 1re ch.-M. de Saget, pr.

(1) Espèce: (Pouilly C. Homberg.) En 1819, le navire l'Espérance, armé par Pouilly, part de la Pointe-à-Pitre à la destination du Havre, avec un chargement de denrées coloniales.-Les vents contraires l'empêchent de gagner le port du Havre. 3 mars 1820, une tempête lui cause les plus grands dommages. L'équipage reconnaît que, pour sauver le navire et la cargaison, il faut aller chercher un mouillage dans la baie de Hougue. Cette résolution est mise le même jour à exécution.Le lendemain 4, la tempête recommence; l'équipage décide qu'il faut, pour le salut commun, entrer dans le port de la Hougue. Au moment d'arriver dans ce port, le navire touche sur le petit banc qui se trouve à l'entrée; il ne pénètre dans le port que le 5 mars.

Le 6, le capitaine fait son rapport de navigation devant le juge de paix le Quethou. Des experts, chargés de constater les avaries du navire, décident qu'il est nécessaire, à cet effet, de décharger la cargaison. Ce débarquement a lieu. Les experts reconnaissent que les dom ages soufferts par le navire doivent être attribués à l'échouement, et ils évaluent les réparations à 44,441 fr.- Les procès-verbaux des experts sont homologués le 17 avril. Le 21 du même mois, la compagnie d'assurances proteste contre ce qui a été fait jusqu'alors, et demande une nouvelle expertise. Cette expertise a lieu. Il en résulte que les dommages soufferts par le navire sont provenus de fortunes de mer, et se montent 47,753 fr. Ce dernier rapport est homologué le 27 oct. 1820.- Le capitaine Soubry le fait signifier à la compagnie d'assurances, sans réserves ni protestations.

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Pouilly, après avoir terminé les réparations du navire, fait procéder au règlement d'avaries à la Hougue. Mais, sur la demande des réclamateurs et des assureurs, ce règlement, après de longs débats, est annulé par arrêts des 31 mai et 18 août 1821, et les parties sont renvoyées devant le tribunal du Havre. Pouilly dresse de nouveau son comp'e d'avarie, sur lequel les réclameurs et les assureurs élèvent de nombreuses difficultés. Les réclamateurs prétendent qu'on ne doit pas considerer comme avarie grosse les sommes payées à la Hougue, pour frais de relâche et réparations des dommages causés par l'échouement, lequel

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direct de la tempête ou autre force majeure, et dès lors les dommages qui en sont la suite constituent des avaries particulières (trib. de Marseille, 29 fév. 1840, aff. N... Č. N...).

1100. On a demandé si l'échouement arrivé par fortune de mer, pendant l'exécution d'une mesure prise, après délibération motivée, pour le salut commun, doit être considéré comme avarie grosse. La jurisprudence a varié sur cette question. — Ainsi, d'une part, il a été décidé que lorsqu'il a été jugé nécessaire, après délibération, d'entrer dans un port de relâche pour éviter un danger imminent, s'il arrive que le navire, en exécutant cette résolution, soit jeté par un coup de vent sur un banc de sable, les frais occasionnés par cet échouement sont avarie commune (Rouen, 19 juin 1826 (1).—Conf. Émérigon., t. 1, p. 621; Valin,

n'a été, disent-ils, qu'un événement purement fortuit. Ils refusent ensuite de contribuer à la totalité des intérêts réclamés par Pouilly sur les avances qu'il a faites pour les réparations du navire, et pour les dépenses effectuées dans l'intérêt de la cargaison. Ils soutiennent que ces intérêts ne doivent partir que du jour où la demande en règlement d'avaries avait été portée devant le tribunal du Havre, reconnu le seul compétent. Ils demandent la réduction des sommes passées, par Pouilly, pour frais de magasinage, à raison de tant du colis. Ils prétendent que le capitaine Soubry aurait dû louer au mois le nombre de magasins nécessaires pour placer la cargaison. - Ils demandent egalement la réduction de la commission de 2 pour 100 payée à Lamanche, correspondant à la Hougue, sur la valeur de la cargaison, et le rejet de la commission réclamée par Pouilly sur le montant de ses débours; le rejet des frais du règlement fait à la Hougue, et des sommes payées à la douane de SaintWaest, pour transbordement du surplus de la cargaison à apporter au Havre.

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Les assureurs, de leur côté, soutiennent, avec Pouilly, que la relâche et l'échouement ont été l'effet d'une résolution volontaire, et que les frais qui en sont résultés doivent être admis en avarie grosse. - Mais ils se réunissent aux réclamateurs de la cargaison pour demander le rejet des intérêts réclamés par Pouilly, sur ses avances et la réduction des frais de magasinage. Les assureurs s'attachent ensuite à contester la quotité des dépenses ils disent que Pouilly, dans les réparations faites à son na vire, ayant dépassé l'évaluation de 44,441 fr. déterminée dans les procèsverbaux d'expertise des 16, 30, 31 mars et 10 avril 1820, l'excédant n'est point à leur charge; et enfin que, sur le montant des dépenses, il faut déduire le tiers pour l'usé.

Le 24 janv. 1825, jugement du tribunal de commerce du Havre, en ces termes : Considérant que, du rapport fait par le capitaine Soubry, devant le juge de paix du canton de Quethou, il résulte que des dommages considérables étaient arrivés à son navire par les événements purement fortuits; Considérant que le capitaine Soubry, en se décidant, lorsque son navire se trouvait, à cause des avaries qu'il avait essuyées hors d'état de tenir plus longtemps la mer, à relâcher sur la rade de la Hougue, a dû s'attendre à subir toutes les conséquences qui pourraient résulter de la mesure qu'il allait prendre; que, comme marin, il ne pouvait ignorer que la tenue du mouillage de cette rade deviendrait impossible, si la tempête continuait, ou s'il venait à s'en élever une nouvelle ; que ce que le capitaine Soubry avait pu ou du prévoir est arrivé; qu'il devint d'une nécessité indispensable d'entrer dans la baie; qu'au moment d'entrer, les vents poussèrent le navire sur le petit banc qui se trouve à l'entrée du port, et qu'il ne put, quelques dispositions qui aient été prises, en être retiré qu'à la marée du lendemain, à l'aide d'hommes de corvée ; >> Considérant que les frais faits pour remettre à flot le navire échoué ne peuvent être, aux termes du n° 8 de l'art. 400 c. com., admis en avaries grosses qu'autant que l'échouement a eu lieu volontairement, et dans l'intention d'éviter la perte totale ou la prise; Que pour que l'échouement puisse être réputé volontaire, il faut, ainsi que l'enseignent tous les auteurs, que la volonté de l'homme ait concouru avec le fait; Qu'on ne peut soutenir que le capitaine Soubry, en prenant la résolution d'entrer son navire dans la baie de la Hougue, et en exécutant la mesure adoptée, ait voulu l'échouer; qu'il suffirait de lire les termes de son rapport pour être convaincu du contraire ; qu'il n'avait alors d'autre intention que de le mettre à l'abri des dangers auxquels il était exposé ;-Considérant que les dernières dispositions de l'art. 400 c. com. sont également inapplicables à l'espèce actuelle ; qu'il n'y a lieu à admettre les dépenses faites ou les dommages éprouvés en avaries grosses, qu'autant qu'elles ont été occasionnées par des sacrifices volontaires; mais qu'il ne peut en être ainsi s'ils sont la suite d'événements purement fortuits; que cette doctrine est professée par tous les auteurs, notamment par MM. Pardessus, Traité du droit commercial, n° 738, et Boulay-Paty, Cours de droit commercial maritime, t. 4, p. 455. - Que la relâche du navire l'Espérance au port de la Hougue a eu lieu pour remplacer les voiles perdues, et sans les quelles il ne pouvait continuer son voyage et arriver au lieu de sa destination, et pour étancher la voie d'eau qu'il avait contractée pendant la traversée; - Que, de tout ce que dessus il résulte donc que, les frais

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