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1209. L'assureur du billet de grosse n'est pas fondé à se prévaloir du défaut d'enregistrement de ce billet dans le délai voulu par l'art. 312 (Aix, 8 déc. 1820, aff. Crozet, V. no 1588). 1270. Celui qui est porteur à la fois d'un billet à la grosse A l'égard duquel ont été remplies les formalités prescrites par Part. 412 c. com., et d'un autre billet non transcrit dans les lermes de cet article, ne peut imputer, au détriment des tiers, Bur le billet irrégulier la somme qu'il aurait touchée en cours de

faillite sur ce point; et, pour le démontrer, il suffit de faire observer que les prêts à la grosse se font ordinairement ou sur des navires à l'étranger, dans des passages lointains, ou dans un port de France, quelquefois à cent myriamètres du lieu où les parties contractent; que si, dans le premier cas, il n'y a pas d'enregistrement possible, dans l'autre la loi qui prescrit un délai de dix jours, sous peine de perdre le privilége, serait inexécutable, si le système adopté par les premiers juges était consacré sur l'appel;

» Attendu, quant à la première partie des conclusions subsidiaires, relative au profit maritime, qu'il est allégué, mais non justifié, que les risques de mer avaient cessé pour le prêteur, six mois avant la vente des douze sloops affectés à la garantie du prêt; que, d'ailleurs, cette prélendue cassation des risques n'a point été notifiée au prêteur; - Attendu, sur la délation du serment déféré par les syndics au banquier, qu'encore bien qu'il apparaisse de l'énonciation du contrat que 34,000 fr. auraient été prêtés, les syndics articulent que 30,000 fr. seulement ont été versés par ledit banquier; que, sous ce point de vue, le serment est décisoire et qu'il y a lieu de l'ordonner;-Par tous ces motifs...;-Réformant, di que l'appelant a privilége sur les douze sloops de pêche vendus par les liquidateurs de la société du Tréport, pour le capital de 54,000 fr. par lui prêtés à la grosse, et pour le profit maritime convenu de 12 p. 100 par an, mais seulement jusqu'au jour de la vente desdits navires; dit qu'à -partir de ce jour, l'intérêt ne sera que de 6 p. 100; ordonne que le serment déféré sera prêté. »

Pourvoi par Delattre : — 1o Violation des art. 312 et 192 c. com., en ce que cet arrêt a validé un prêt à la grosse déposé et enregistré au greffe du tribunal de commerce du domicile du prêteur. Il est évident, disaiton, que la loi n'a pas exigé le dépôt et l'enregistrement de l'acte de pré à la grosse, au greffe du tribunal de commerce, seulement afin de donner à cet acte une date certaine vis-à-vis des tiers. Pour cela, l'enregistrement ordinaire aurait suffi. Cependant elle exige un enregistrement spécial an greffe du tribunal de commerce; elle veut même que le double ou une expedition de l'acte reste en dépôt a ce greffe. Dans quel but? C'est dans un but de publicité, pour que chacun puisse prendre connaissance du contrat, et soit averti par là, s'il se propose de traiter avec l'emprunteur et devenir créancier ordinaire, que déjà il existe sur la valeur du navire un créancier privilégié en vertu d'un prêt à la grosse, créancier qui primera toutes les créances ordinaires, en cas de faillite de l'emprunteur.-Or, s'il est vrai que le dépôt et l'enregistrement de l'acte au greffe ont eu pour objet de faire connaître aux tiers l'existence du prêt à la grosse, il s'ensuit nécessairement qu'ils doivent avoir lieu au tribunal du domicile de l'emprunteur ou du port auquel appartient le navire et non pas au tribunal du domicile du prêteur. C'est au domicile de l'emprunteur que seront contractés de nouveaux engagements relativement au navire plutôt qu'au domicile du prêteur, peut-être fort éloigné. C'est au lieu où l'emprunteur a le siége de son établissement maritime et le centre de toutes ses opérations qu'il peut traiter avec les tiers, et que, dès lors, il est utile de faire connaître au public l'existence du prêt a la grosse. Le dépôt et l'enregistrement au domicile du prêteur seraient parfaitement inutiles; car co domicile reste inconnu aux tiers comme le prêt lui-même, et il peut arriver que jamais l'emprunteur n'ait plus d'affaires en ce lieu. Il faudrait donc parcourir tous les greffes des tribunaux du royaume pour savoir s'il a été contracté un prêt à la grosse sur tel navire; 2° Violation des art. 191, 192 et 311 c. com., en ce que l'arrêt attaqué a reconnu le caractère de prêt à la grosse un prêt fait sur de simples barques de pêche et non sur un navire et pour un voyage, et qui, d'ailleurs, n'a point été employé a l'usage de ces barques. Il est de l'essence du prêt à la grosse que la chose pour laquelle le prêt est fait soit exposée à périr par des risques de mer, et qu'en cas de perte, le prêteur perde entièrement la somme qu'il a prêtée. Ainsi, quand des sommes sont prêtées sur un navire, il faut qu'elles aient servi à l'usage direct du navire. Elle sont alors soumises à une chance directe de perte par les risques que le navire court en mer. Dans l'espèce, les 34,000 fr. prêtés ont servi au payement de dettes de la société dont aucune n'avait pour cause l'armement ou l'équipement des barques. Le prêt manquait donc ici du caractère essentiel pour qu'il fût privilégié en vertu de l'art. 191 c. com. — Il y a plus, du principe que la somme prêtée doit courir des risques de perte pour qu'il y ait prêt à la grosse, il suit que le prêt à la grosse doit être fait sur un navire et pour un voyage. Or, d'une part, l'emprunt contracté par la compagnie du Tréport n'a point été fait sur un navire, mais sur des barques de pêche, et admit-on que ces barques fussent comprises dans l'acception générale du mot navire, toujours est-il que les risques du prê

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voyage, alors même que ce billet contiendrait stipulation de payement au lieu où la somme a été reçue : l'imputation doit, au contraire, avoir lieu, à l'égard des tiers, sur le billet de grosse enregistré, et jouissant dès lors du privilége: cette stipulation de payement en cours de voyage est d'ailleurs, comme exorbitante du droit commun, de nature à faire suspecter la sincérité du titre non transcrit (Aix, 10 août 1838 (1).

1271. Si le contrat est fait à l'étranger, il est soumis aux

teur n'étaient assurément pas les mêmes que si le prêt avait été fait sur un navire; le navire est exposé à périr d'une seule fois; douze barques, au contraire, ne courent de risques que chacune séparément. Il n'exis tait pas davantage de risque sous le rapport du voyage. Les barques ne faisaient pas ce qu'on appelle dans le langage maritime un voyage, mais de petites courses d'un jour ou deux, près de la côte, pour la pêche de la morue; aussi, ne pouvant pas indiquer un voyage, on s'est borné à exprimer que le prêt devait durer un an. -5° Violation de l'art. 191 c. com., en ce que les intérêts dus aux prêteurs ne devaient pas être privilégiés. Arrêt. LA COUR; Attendu, sur le premier moyen, que le contrat du 14 juill. 1837 a été enregistré le 20 du même mois au greffe du tribunal de commerce du lieu de sa confection; Attendu que les art. 192 et 312

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c. com., en imposant aux prèteurs à la grosse l'obligation de faire enregistrer leurs contrats au greffe du tribunal de commerce, n'exigent pas que cet enregistrement ait lien au greffe du tribunal dans l'arrondissement duquel l'emprunteur exerce son négoce, plutôt qu'au greffe du lieu de la confection du contral, ou à celui du domicile du prêteur, et qu'on ne peut ajouter aux dispositions de la loi, surtout quand il s'agit d'etablir des déchéances;

Attendu, sur le deuxième moyen, que le prêt dont il s'agit au procès a été fait en vertu d'une délibération prise en assemblée génerale des actionnaires qui en a indiqué la destination, et que le contrat de prêt luimême énonce la destination conforme, en exprimant que les deniers ont pour objet de subvenir au payement des droits, devoirs et dus des bâtiments de péche; que, si l'emploi du pret avait été changé malgré des stinulations aussi positives, ce serait par une fraude dont le prêteur ne saurait être responsable; que, d'ailleurs, il n'est nullement établi que la somme prêtée ait été détournée de la destination indiquée par les actes; - Attendu que, des termes de l'art. 190 c. com., il résulte que la loi autorise le prêt à la grosse tout à la fois sur les navires proprement dits et sur les autres bâtiments de mer; qu'il faut entendre par bâtiments de mer, quelles que soient leurs dimensions et dénominations, tous ceux qui, avec on armement et un équipage qui leur sont propres, remplissent un service spécial et suffisent à une industrie particuliere; que les sloops, barques où bâtiments de pêche forment a eux seuls le matériel d'entreprises commerciales dont l'importance se trouve démontrée par l'existence même qu'a eue la société du Tréport, et que de telles entreprises ne peuvent être privées des avantages de tous les contrats maritimes qu'autant que la loi l'aurait formellement exprimé; - Attendu, au surplus, que les barques de pêche sont exposées aussi à des risques de mer; que, si elles ne sont pas employées à des voyages de long cours, elles le sont à des courses plus ou moins aventureuses, réitérées dans toutes les saisons, et qu'enfin, pour la validite du contrat à la grosse, il suffit qu'il ait eu lieu pour un temps déterminé, quel qu'il soit;

Attendu, sur le cinquième moyen, en principe que l'accessoire suit le sort du principal, et qu'ainsi le privilége acquis a celui-ci s'étend aux intérêts;

De tout quoi il suit que l'arrêt attaqué, en jugeant que la créance du sieur Leroux était admise par privilege au passif de la faillite, soit pour le capital de 34,000 fr., soit pour le profit maritime à raison de 12 pour 100 par an depuis le 14 janv. 1838, jusqu'av jour de la vente des navires, soit pour les intérêts à raison de 6 pour 100 depuis cette dernière époque, a fait une juste application de la loi; - Rejette.

Du 20 fev. 1844.-C. C., ch. civ.-M. Teste, pr.-Duplan, rap.-Pascalis, 1er av. gén., c. conf.-Godard-Saponay et Huet, av.

(1) Espèce: (Barry, etc. C. Laurent.) 4 juin 1858, jugement du tribunal de Marseille en ces termes : « Attendu, en droit, que c'est un principe consacré par l'art. 1256 c. civ., qu'en matière de payement l'imputation doit se faire sur la dette que le débiteur avait le plus grand inté et d'acquitter, et, entre dettes d'égale nature, sur la plus ancienne;

Attendu, en fait, que les sieurs Barry et Dervieu sont porteurs d deux billets de grosse sur le sieur Gouiraud, propriétaire du navire le Solide, affecté au payement de ces billets à la grosse; - Attendu que de ces deux billets le premier est transcrit, conformement aux dispositions de l'art. 312 c. com.; le second ne l'est pas ; - Attendu que, si le défaut d'accomplissement de cette formalité n'entraine pas la nullité du contrat, elle le dépouille de son privilége; Attendu que, simple acte sous seing privé et enregistré, et sans date certaine, il ne peut, d'après l'art. 1328 c. civ., être opposé aux tiers, et n'est, à leur encontre, qu'an titre sans force, sans valeur, et même sans existence;

>>Attendu qu'il résulte de ces derniers principes, ainsi combinés et réunia

formalités prescrites à l'art. 234 (c. com. 312), c'est-à-dire qu'il doit avoir été autorisé par le consul français, ou, à défaut, par le magistrat des lieux, sur le vu d'un procès-verbal, signé des principaux de l'équipage, et constatant la nécessité de l'emprunt; à peine, pour le prêteur, de perdre son privilége; et cela, quand même le prêt serait directement contracté par le propriétaire des objets y affectés (Pardessus, no 900).— V. suprà, nos 436 et s. 1272. Le contrat à la grosse fait à l'étranger par le capitaine sans l'observation des formalités prescrites par l'art. 234 c. com., serait-il valable à l'égard du propriétaire du navire? le prêteur aurait-il action contre ce propriétaire en payement des sommes prêtées et du profit maritime? Cette grave question à été examinée plus haut nos 442 et suiv. Nous avons cru devoir adopter la solution affirmative consacrée par la cour de cassation, nonobstant l'avis contraire émis par MM Pardessus et Laporte, et fortement développé par Boulay-Paty, t. 3, p. 24 et s. 1273. Le contrat à la grosse peut être fait à ordre. Déjà, sous l'ordonnance, qui gardait le silence sur les contrats à ordre, l'usage les avait admis; et l'intérêt du commerce exigeait que cet

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que le payement prétendu fait à Alger à la maison Barry-Dervieu et compagnie en une partie du fret du navire le Solide, pour le voyage de Marseille à Alger, n'a pu, au détriment des créanciers du sieur Gouiraud, porteurs de créances certaines, de billets authentiques réguliers, être imputé sur une créance douteuse reposant sur un titre sans privilége et sans authenticité, de préférence à une créance privilégiée provenant d'un Contrat de grosse au profit de la même maison, et transcrit conformément à la loi; Que vainement on excipe de l'affectation spéciale sur le fret de Marseille à Alger, mentionné dans le billet de grosse non transcrit ; que cette affectation, exprimée dans un titre non existant à l'encontre des tiers, dont les droits étaient nés à l'époque du payement, ne peut leur être opposée; Que si le système des sieurs Barry et Dervieu pouvait prévaloir, on pourrait, au profit de créanciers simulés, absorber d'avance, pendant le cours du voyage, le gage affecté à des créanciers légitimes et porteurs de titres privilégiés et non suspects; Attendu que, dans l'espèce de la cause, l'imputation peut d'autant moins s'effectuer sur le billet non transcrit, que cette créance est loin de rassurer complétement la conscience des magistrats; qu'il y a lieu de s'étonner, en effet, qu'une maison de commerce soigneuse de ses intérêts ait consenti à prêter de nouveaux fonds sur un navire et son fret, alors que le produit s'en trouve presque entièrement absorbé par d'autres emprunts à la grosse et par d'autres de tes privilégiées, et qu'en livrant ainsi ses deniers, cette maison n'ait pas eu la precaution de conserver ses droits et priviléges, en remplissant la formalité élémentaire prescrite par la loi; qu'on doit s'etonner encore que ce prêt, fait par l'armateur lui-même au moment même du départ du navire, n'ait pas été employé à payer entièrement les fournitures d'armement et de victuailles, puisque des créanciers de ce genre se présentent encore aujourd'hui, et à faire assurer le navire, puisque Laurent et Autran, vendeurs du navire, y ont fait procéder euxmêmes après son départ, en vertu d'un jugement du tribunal de commerce, du 16 mars 1856;

» Attendu, au surplus, que les stipulations énoncées dans ce titre sont exorbitantes du droit commun; qu'elles rendent exigible, pendant le. cours du voyage, une partie de la somme prêtée; tandis que, d'après la nature du contrat et l'esprit de la loi, l'emprunt ne doit être remboursé qu'à la fin du voyage; Qu'elles autorisent à recevoir en à-compte le fret de Marseille à Alger, alors que le fret ne doit être versé que comme dépôt entre les mains de Barry el Dervieu, en leur qualité d'armateurs; Attendu que les précédents de Gouiraud, sa conduite envers Laurent et Autran, qu'il a voulu dépouiller de tous gages de leurs créances, ainsi que cela résulte d'un jugement du tribunal de Marseille, en date du 17 août 1837, ne sont pas de nature à mériter la confiance de la justice; - Que, d'après toutes ces considérations, en fait et en droit, la somme de 1,648 fr. reçue à Alger par les sieurs Barry et Dervieu doit être imputée sur le montant du billet de grosse, dont la sincerité et l'existence ne sont pas contestées; - Que c'est dans ce sens que doit être réformé l'état de collocation provisoire par les sieurs Laurent et Autran, vendeurs non payés du navire dont le prix et le fret sont mis en distribution;

Par ces motifs, le tribunal réforme l'état de distribution du prix du navire le Solide, vendu sur saisie au préjudice du sieur Gouiraud, ainsi que du montant du fret, en ce qui concerne la collocation faite au profit des sieurs Barry, Dervieu et compagnie, laquelle est et demeure réduite d'une somme principale de 1,648 fr., laquelle réduction profitera d'autant à la collocation obtenue par les sieurs Laurent et Autran. » — Appel.—Arrêt. LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges, confirme. Du 10 août 1838.-C. d'Aix.-M. Pataille, 1er pr. (1) Espèce: (Bouten C. Van-Lerius.)

Le 15 août 1807, contrat à la grosse passé devant notaire, à Amsterdam, entre le capitaine Bouten et Gerrit Scholten. - Co contrat porte que celui-ci a prêté à celui-là

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usage fût sanctionné. De là l'art. 3153 c. com., ainsi conçu: « Tout acte de prêt à la grosse peut être négocié par la voie de l'endossement, s'il est à ordre. -- En ce cas, la négociation de cet acte a les mêmes effets et produit les mêmes actions en garantie que celle des autres effets de commerce » (sauf néanmoins ce qui est dit à l'art. 314 ci-après). La cour de Rennes demandait que tout acte de prêt à la grosse fût négociable de plein droit, s'il n'y avait convention contraire. Mais il a paru préférable de ne le déclarer négociable que quand il serait à ordre.

1274. L'acte de grosse qui n'est pas à ordre ou au porteur n'est qu'une créance ordinaire dont le transport est réglé, quant à ses formes et à ses effets, par les dispositions des art. 1690 et suiv. c. civ. Le cessionnaire serait alors exposé aux compensations et autres exceptions qui pourraient être opposées au cédant (Boulay-Paty, t. 3, p. 98; Dageville, t. 2, p. 495).

1275. Un contrat à la grosse est négociable, lors même qu'il n'y est pas dit expressément qu'il est à ordre, si, d'ailleurs, il contient des expressions équipollentes, telles que payable à un tel, ou au porteur légitime (Req. 27 fév. 1810) (1).-On ne peut

7,000 florins de Hollande; que cette somme a été prêtée pour l'utilité du navire la Jeune-Catherine, destinée pour un port de France, et que, trois jours après l'arrivée du navire dans ce port, les 7,000 florins seront payés au prêteur ou au porteur légitime du contrat, avec 7 pour 100 de prime ou intérêts.-Le capitaine Bouten mit à la voile à Rotterdam pour Anvers. Le contrat à la grosse fut endossé par le prêteur à l'ordre de Van-Lerius, négociant à Anvers. - Après son arrivée à Anvers, le capitaine Bouten a été sommé de payer.-Refus; assigné devant le tribunal de commerce d'Anvers, il a soutenu que le contrat à la grosse n'avait pu être négocié n'étant pas à ordre,

Le 25 août 1808, jagement : « Attendu que l'art. 313 c. com. dit en toutes lettres que tout acte de prêt à la grosse peut être négocié par la voie de l'endossement, s'il est à ordre, d'où il résulte, à contrario, que s'il n'est pas à ordre, il ne peut pas être négocié par la voie de l'endossement; que le contrat à la grosse dont il s'agit n'est pas à ordre, mais porte seulement la faculté au porteur d'en recouvrer le montant; que, le mot à ordre étant sacramentel, celui qui est porteur du contrat, quand ce mot y est inséré, ne peut être considéré que comme un manda taire pour en exiger le montant, ou tout au plus comme simple cession➡ naire qui, dans ce cas, n'aurait pas plus de droits que son cédant, et à qui on pourrait par conséquent opposer la compensation ou toutes autres exceptions qu'on pourrait opposer au cedant. »

Appel, Van-Lerius prétendit que, le contrat à la grosse ayant été passé à Amsterdam, c'était d'après les lois de cette ville qu'il devait être apprécié ; et que d'après ces lois, il était permis de transmettre, par la voie de l'endossement, tout contrat à la grosse, payable au porteur légitime. Le 13 déc. 1808, arrêt de la cour de Bruxelles : « Attendu qu'il est prouvé au procès que, dans la ville d'Amsterdam, lieu du contrat à la grosse, l'acte portant tel contrat était transmissible par endossement; qu'au surplus, dans l'espèce, le preneur à la grosse a promis de payer au porteur légitime du contrat; d'où il résulte que, si même la législation française devait servir à la décision de la présente cause, d'après l'art. 313 c. com., l'acte serait transmissible par simple endos

sement. >>

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Pourvoi de Bouten. Il soutenait : 1" que les juges devaient appli quer la loi française, et nom celle d'Amsterdam. 2° Que, d'après les lois françaises, un contrat à la grosse n'était négociable que dans le cas où il était à ordre. V. Emérigon, ch. 9, sect. 1, et Discours au corps législatif par M. Corvetto. Au surplus, en supposant ce contrat négociable, le cessionnaire ou porteur ne pouvait être affranchi des exceptions qui pouvaient être opposées à l'endosseur primitif.-La loi assimile bien le simple endossement à un transport, et dispense bien celui en faveur de qui il a été fait de le signifier au débiteur; mais l'effet endossé reste d'ailleurs soumis aux règles générales. Or dans le cas d'une obligation non négociable, le cessionnaire qui aurait fait signifier le transport au débiteur, pourrait-il repousser les exceptions que ce dernier ferait valoir contre lui, et qu'il aurait pu opposer au cédant? Non, sans doute. Il doit donc en être de même à l'égard du tiers porteur d'un effet négocié et qui était susceptible de l'être. En jugeant le contraire, la cour de Bruxelles a violé la maxime: Nemo plus juris in alium transferre potest quàm ipse habet.

Nous accorderons au demandeur, a dit M. Daniels, portant la parole dans cette affaire, que, pour déterminer la valeur et les effets de l'endossement dont il s'agit, on doit recourir, non pas aux usages d'Amsterdam, ma s aux lois françaises. Mais il nous semble qu'aux termes mêmes du code de commerce, le contrat à la grosse, signé par le demandeur, est à ordre; que, par conséquent, il pouvait être négocié. Le mot ordre ne se trouve pas, à la vérité, dans ce contrat à la grosse ; mais aucune loi n'exige qu'on s'exprime précisément en ces termes : il

opposer au tiers-porteur de bonne foi d'un contrat à la grosse négociable les exceptions dont le prêteur serait passible (même arrêt).

1276. Mais celui qui n'est porteur d'un billet de grosse qu'en vertu d'un endossement en blanc, est réputé simple mandataire du prêteur, surtout quand il ne prétend point avoir déboursé la valeur de ce billet; il ne peut dès lors réclamer le privilége de tiers porteur, et est passible des exceptions que le souscripteur peut opposer au prêteur, son mandant (Bordeaux, 5 fév. 1839) (1).

1277. Le cessionnaire d'un billet de grosse à ordre en devient le véritable propriétaire, et dès lors le profit maritime lui appartient. Par la même raison, il est passible des risques maritimes qui, avant la cession, étaient à la charge du donneur; de sorte qu'en cas de perte, par fortune de mer, des objets affectés au prêt, ce cessionnaire n'a rien à réclamer, soit contre son cédant, soit contre le preneur.

1278. L'acte de grosse à ordre qui a été négocié, doit être protesté, faute de payement, de même que tous les autres effets de commerce, et dans les mêmes délais, à peine par le porteur d'encourir les mêmes déchéances (c. com. 162, 168). Si donc le billet est payable à jour préfix, à tant de mois ou de jours, le porteur doit exiger le payement au jour indiqué, ou faire protester le lendemain (Boulay-Paty, t. 3, p. 104; M. Pardessus, n° 899).

1279. Toutefois, cette règle, en ce qui concerne le délai du protêt, peut être modifiée suivant les circonstances et la nature des choses. Si l'époque du remboursement du prêt est indéterminée, comme cela a lieu, par exemple, sauf clause contraire, lorsque les risques ne doivent durer que jusqu'à l'arrivée du navire à telle hauteur en mer, le porteur, ne pouvant connaftrè cette arrivée au moment même où elle a lieu, ne doit exiger le payement ou faire protester qu'aussitôt qu'il en est instruit. C'est, du reste, aux tribunaux à apprécier, en pareil cas, d'après les circonstances, les exceptions de déchéance qui seraient in

suffit que l'ordre y soit virtuellement; et les termes payable à un tel ou au porteur légitime, expriment la même chose. Dans l'un comme dans l'autre cas, le débiteur déclare que son intention est de faire regarder son engagement comme s'il avait été pris, non-seulement envers le créancier primitif, mais encore envers tout autre porteur du billet ou contrat à la grosse. Si la cour admet ce principe, elle ne balancera pas à décider que le tiers porteur n'était pas passible des exceptions qui auraient pu être opposées à l'endosseur primitif. Il est vrai que le code de commerce n'a pas établi expressément pour les effets négociables une exception à la maxime invoquée par le demandeur. Mais l'usage général a consacré cette exception; et l'on ne doit pas croire que tous les usages de commerce, reconnus et respectés depuis des siècles, doivent se trouver écrits dans le code pour conserver leur empire. - Arrêt. LA COUR;

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Attendu que l'obligation de payer au porteur contractée par l'acte de prêt à la grosse, a le même effet que celle à ordre, quant à la faculté de le transmettre par la voie de l'endossement; que, par conséquent, en déclarant valable l'endossement de celui dont il s'agit, l'arrêt a taqué n'a contrevenu à aucune loi; - Que, dès lors, la négociation de l'acte ayant les mêmes effets que celles des autres effets de commerce, le débiteur ne peut opposer au porteur aucune des exceptions qu'il aurait pu opposer au cédant; ce qui justifie suffisamment cet arrêt; Rejette, etc. Du 27 fév.1810.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Cassaigne, rap.

(1) Espèce: (Delbos C. Postel.) Postel, capitaine du navire la Dryas, souscrit au profit de Leusinger et comp., ses consignataires, une lettre de change de 12,765 fr. 95 c. pour solde de son compte courant avec eux; et, pour donner à ses créanciers un privilége sur le navire, il leur consent en même temps un contrat à la grosse pour la même somme de 12,765 fr. 95 c., avec stipulation d'un profit maritime de 60 p. 100. -24 mars 1836, la traite est protestée faute d'acceptation. Postel arrive à Bordeaux avec son navire. La veuve Delbos, porteur du contrat à la grosse, en vertu d'un endossement en blanc, en demande le payement. Postel offre de payer le montant de la lettre de change avec les intérêts à 6 p. 100 et les frais, mais il refuse de payer les profits maritimes. Il soutient que le prêteur n'ayant eu aucun risque maritime à courir, il ne lui était dû aucun profit; que le contrat d'assurance n'ayant été transmis à la veuve Delbos que par un endossement en blanc, elle était mandataire de Leusinger, et, dès lors, passible des exceptions qui pouvaient être opposées à ses mandants.-27 nov. 1837, jugement du tribunal de Bordeaux, conforme aux conclusions de Postel.- Appel.- Arrêt.

LA COUR; Attendu que le contrat à la grosse ne contient, en faveur des appelants qu'un endossement en blanc; — Qu'ils ne prétendent point

voquées contre lui (MM. Boulay-Paty et Pardessus, iisd.). — Il a été jugé, d'après ces règles, que dans le cas où l'exigibilité du contrat à la grosse provient du déroutement (changement de route) du navire, le porteur est tenu, à peine de perdre son recours contre les endosseurs, de faire protester le lendemain du jour où il a connu le déroutement, et où il l'a notifié à ces derniers (trib. de com. de Marseille, 19 avril 1820) (2).

1280. La garantie de payement (du billet de grosse à ordre qui a été négocié) ne s'étend pas au profit maritime, à moins que le contraire n'ait été expressément stipulé (c. com. 314), c'est-àdire que, s'il y a heureuse arrivée, et que, par l'effet de circonstances particulières, celui au profit duquel l'acte de prêt a été endossé, ne puisse se faire rembourser ni le capital ni le profit, il aura recours contre son endosseur, mais seulement pour le capital, à moins de stipulation contraire, parce que ce dernier n'ayant reçu que ce capital, il paraît juste que la garantie par lui due ne s'étende pas au delà. La cour de Rennes voulait, au contraire, que le profit maritime suivit, comme accessoire, le sort du principal, et fût compris dans la garantie dérivant de l'endossement. Mais ce système a été repoussé.-V. les motifs et rapp., n° 16.

SECT. 3.- Des choses qu'on peut prêter à la grosse et de celles qui peuvent étre affectées au prét.

1281. Des choses qu'on peut prêter à la grosse. — Ainst que nous l'avons déjà dit, la chose prêtée consiste ordinairement en une somme d'argent; mais rien n'empêche de prêter toute espèce de choses appréciables, susceptibles de se consomme, ou dont l'emprunteur puisse librement disposer.—Il a été jugé que le montant d'une facture de marchandises vendues et dont l'acquit est remis contre un billet de grosse de la même somme souscrit par l'acheteur, est un aliment valable et suffisant pour le contrat de grosse (trib. de com.de Marseille, 30 août 1827, aff. Bourly). 1282. L'emprunteur peut faire tel usage qu'il lui plaft de la somme empruntée, sans que le défaut d'utilité de l'emploi par en avoir déboursé la valeur ;-Qu'ils ne peuvent dès lors être considérés que comme mandataires de Leusinger et comp.; - Que le capitaine Postel peut leur opposer les mêmes exceptions qu'à leurs commettants; Attendu que les appelants, en se conformant aux instructions qu'ils ont reçues, prétendent qu'il avait été convenu, entre Leusinger et comp., et le capitaine Postel, que celui-ci serait tenu de payer le contrat à la grosse et le profit maritime dans le cas où la lettre de change ne serait pas acquittée à l'échéance; mais que cette convention n'est nullement prouvée, et qu'il n'y a pas lieu d'en examiner le mérite; - Attendu que le contrat à la grosse est essentiellement aléatoire, et que le risque couru par le donneur peut seul l'autoriser à recevoir légitimement le profit stipulé.

Attendu que la lettre de change dont il s'agit au procès, soit qu'on la considère comme inhérente au contrat, soit comme postérieure d'un jour à cet acte, a eu pour effet de faire cesser ce qu'il y avait d'aléatoire dans le contrat, et d'autoriser le prêteur à se faire payer de la somme prêtée, alors même que le navire aurait péri; - Que, dans cette situation, le contrat à la grosse ne peut pas avoir d'effet, et que le capitaine Postel est valablement libéré en payant le montant de la traite;- Attendu que si des assurances ont été faites par les appelants, elles ont eu lieu dans leur intérêt, et qu'elles sont étrangères au capitaine; d'où il suit qu'il ne peut être tenu d'en rembourser les primes; Met l'appel au néant. Du 5 fév. 1839.-C. de Bordeaux, 1re ch.-M. Roullet, 1er pr. (2) Espèce: (Jumelin C. Bonnet.) Le 30 mars 1819, Bonnet, propriétaire et commandant du brick l'Émile, souscrit à l'ordre de Dol ur billet à la grosse. Le prêt était fait pour le voyage de Marseille à SaintThomas et retour, et remboursable la quinzaine après ce retour. - Le billet fut successivement endossé à plusieurs commerçants, et en dernier lieu à Jumelin. Arrivé à Saint-Thomas, le navire, au lieu de revenir a Marseille, fait voile pour Amsterdam. Instruit de cet événement qui rompait le voyage, Jumelin assigne en payement le souscripteur et les endosseurs du billet. Les endosseurs soutiennent que sa demande est non recevable à leur égard, pour n'avoir pas été précédée d'un protét effectué à l'époque où Jumelin avait été instruit du déroutement. -Jugement. LE TRIBUNAL; - Considérant que le sieur Jumelin était obligé de faire protester le lendemain du jour où le déroutement lui a été connu et où il l'a notifié aux endosseurs, aux termes de l'art. 162 c. com.; que la déchéance prononcée par l'art. 168 du même code est formelle; que le sieur Jumelin n'excipe d'aucune force majeure qui l'ait empêché de protester; qu'il pouvait faire protester quand il a fait ajourner le soucripteur et les endosseurs; que ne l'ayant pas fait, etc. -Déclare la demande de Jumelle non recevable à l'égard des endosseurs.

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Du 19 avril 1820.-Trib. de com. de Marseillo

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lui fait de cette somme puisse être invoqué contre le prêteur comme moyen de nullité du contrat. - Il a été jugé, en ce sens, d'une part, qu'on peut valablement emprunter à la grosse des sommes destinées à subvenir au payement des droits, devoirs et dus d'un ou plusieurs bâtiments, sans que ce prêt puisse être attaqué sous le prétexte qu'en pareil cas les sommes empruntées ne sont pas destinées au service direct des bâtiments, mais bien au payement des dettes du propriétaire armateur (Rej, 20 fév. 1844, aff. Leroux, V. no 1268); — Et que, d'un autre côté, celui qui a prêté à la grosse des sommes destinées, d'après le contrat, à subvenir aux besoins du navire, n'est point tenu de veiller à ce qu'elles reçoivent cette destination. Si l'emploi du prêt vient à être changé, c'est par une fraude dont le prêteur n'est point responsable (même arrêt). — V. infrà, no 1392.

sur

1283. Des choses qui peuvent être affectées à l'emprunt à la grosse. - Les emprunts à la grosse peuvent être affectés sur le corps et quille du navire, sur les agrès et apparaux, l'armement et victuailles, sur le chargement, sur la totalité de ces objets conjointement, ou sur une partie déterminée de chacun d'eux (c. com. 315; ord. 1681, tit. des contr. à la grosse, art. 2). En un mot, toutes les choses qui, étant dans le commerce, sont exposées à des risques maritimes, peuvent être la matière d'un contrat à la grosse.

1884. L'argent donné sur le corps et quille du vaisseau s'entend du prêt d'une somme fournie pour être employée au payement des frais de radoub, ce qui comprend les matériaux employés à ce radoub et les journées des ouvriers.-Le prêt fait sur les agrès et apparaux s'applique aux voiles, cordages, vergues, poulies et autres ustensiles du navire. Celui sur l'armement et les victuailles s'applique aux canons et autres armes, aux provisions de guerre et de bouche (Valin, sur l'art. 2, Cont. à la grosse), aux avances faites à l'équipage, et à tous les frais jusqu'au départ (Boulay-Paty, t. 3, p. 110).

1285. On doit considérer comme pouvant être affectés à un contrat à la grosse tous les bâtiments de mer qui, avec un armement et un équipage qui leur sont propres, remplissent un service spécial et suffisent à une industrie particulière, quelles que soient d'ailleurs leurs dimensions et dénominations, et quelque limitée que soit la durée de leurs voyages. De ce nombre sont notamment les sloops, barques ou bâtiments de pêche formant à eux seuls le matériel d'une entreprise commerciale (Rej., 20 fév. 1844, aff. Leroux, V. no 1268).

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1286. Le prêt fait sur le chargement ou sur facultés affecte toutes les marchandises chargées sur le bâtiment. Il affecte même, lorsque le contrat contient la clause de faire échelle, nonseulement les marchandises chargées lors du départ, mais encore celles qui ont été chargées pour le compte du preneur pendant le voyage. Quant aux marchandises achetées par le preneur au port de la destination ou durant la traversée de retour, il est évident qu'elles ne sont pas affectées au prêt, quand celui-ci n'a été fait que pour le voyage d'aller. Mais il en est autrement lorsque le contrat a été fait d'entrée et de sortie du port de destination dans ce cas, les marchandises de retour chargées pour le compte du preneur sont affectées au prêt, à l'exception toutefois de celles qui seraient chargées volontairement et sans nécessité sur des bâtiments autres que celui désigné au contrat; car le prêteur n'est point responsable des risques de ces dernières marchandises, alors même qu'elles auraient été achetées avec le produit de celles transportées au lieu de destination (Émérigon, ch. 5, sect. 1, § 2; Delvincourt, t. 2, p. 310).

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tés, le donneur a un privilége solidaire sur l'un et sur l'autre, parce que, dit Émérigon, t. 2, p. 561, « le preneur par une conjonction re et verbis, n'a établi qu'un seul capital de l'intérêt qu'il avait au navire et aux marchandises. Ce capital est affecté par privilége et sans division au donneur, qui peut se payer sur l'un et sur l'autre des deux objets, ou sur les deux pris ensemble. » 1288. L'emprunt peut n'être fait que sur telles marchandises, ce qui exclut les autres marchandises appartenant au même propriétaire. Il peut aussi l'être sur les pacotilles, sur telle pacotille, ou même sur une quotité: dans ce cas, le reste du chargement n'est pas affecté. En cas d'emprunts distincts sur la cargaison, puis sur les pacotilles, ces deux objets formeraient deux masses séparées, produisant aussi des retours séparés (parlem. d'Aix, 21 juill. 1779.- Conf. Emérigon, t. 2, p. 475).

1289. L'énonciation insuffisamment expliquée s'interprèté contre le preneur. Le prêt fait, par exemple, soit sur le corps, soit sur les facultés de tel navire, ne donnerait pas à l'emprunteur le droit de rejeter le risque soit sur le corps, soit sur les facultés, à son choix, suivant l'événement; la convention devrait s'exécuter sur la totalité de l'intérêt du preneur tant sur l'un que sur l'autre objet (Dageville, t. 2, p. 499; Boulay-Paly, t. 3, p. 116).

1290. Quoiqu'en général l'emprunt fait sur tel navire doive s'appliquer au corps du navire, il peut néanmoins aussi, suivant les circonstances du fait et l'intention présumée des parties, s'appliquer aux facultés. C'est ce qui aurait lieu, non-seulement si l'emprunteur sur tel navire n'avait intérêt que sur le chargement, mais encore dans le cas où il serait intéressé tout à la fois dans le navire et dans la cargaison, si la somme empruntée était relative à la valeur du chargement et à celle du navire réunies. A l'appui de cette décision, Emérigon, t. 2, p. 577, invoque la loi Cùm tabernam 34, ff. De pignor., aux termes de laquelle celui qui hypothèque son magasin est censé hypothéquer les effets qui s'y trouvent. Le patron, ajoute-t-il, qui fait la caravane avec son navire et ses fonds propres, considère le tout comme formant l'objet indivisible de son commerce nautique (Conf. parlem. d'Aix, 24 janv. 1748; Valin, t. 2, p. 5; Boulay-Paty, t. 3, p. 117). M. Dageville, t. 2, p. 499, combat avec force un jugement du tribunal de Marseille, rendu en sens contraire, le 1er fév. 1822.

1991. A l'exemple de l'art. 4, tit. 5, de l'ord. de 1681, l'art. 318 c. com. déclare que tous emprunts sur le fret à faire du navire et sur le profit espéré des marchandises, sont probibés. Le prêteur, dans ce cas, n'a droit qu'au remboursement du capital, sans aucun intérêt.-Cette prohibition est fondée sur ce que le fret à faire, le profit espéré ne sont, au moment du contrat, que des objets incertains et sur lesquels, dès lors, ne peut porter le prêt à la grosse, étant de l'essence de ce prêt que le capital en soit représenté par les objets y affectés. Elle est fondée, en outre, relativement au fret à faire, sur ce que l'emprunt sur ce fret aurait nécessairement pour effet, au grand préjudice de l'expédition, de rendre l'emprunteur indifférent au succès de celle-ci, la perte du chargement étant désormais à la charge du prêteur.-V. au surplus les motifs et rapp. no 50.

1292. Comme, en cas de contravention à la prohibition de l'art. 318, le prêteur et le preneur sont également coupables d'avoir transgressé la loi, la nullité du prêt peut être invoquée par une et l'autre des parties (Conf. M. Dageville, t. 2, p. 516).

1293. Cette circonstance que le prêteur est en faute, aussi bien que l'emprunteur, dans le cas de l'art. 318, explique aussi pourquoi cet article ne lui accorde que le remboursement du ca1287. L'emprunt à la grosse peut être fait sur les objets pital, sans aucun intérêt. Il est vrai qu'il sera ainsi seul puni ci-dessus désignés ensemble ou séparément. Il peut être fait sur d'une infraction à la loi dans laquelle il a eu pour complice l'emtout ou partie de ces objets (c. com. 315). Dans l'usage, à prunteur, puisque celui-ci ne lui payera pas l'intérêt des sommes moins que le contraire ne résulte évidemment de la convention dont cependant il aura joui; mais le législateur a pensé que le ou des circonstances, le prêt sur corps. et quille affecte les agrès, plus sûr moyen de prévenir les prêts prohibés était précisément apparaux, armement et victuailles, le corps ne faisant qu'un de punir les prêteurs (V. les motifs et rap., no 18), Ainsi donc, même tout avec ses accessoires (Émérigon, ch. 5, sect. 1, § 2; dans le cas de l'art. 318, le prêteur n'a droit à aucun intérêt (si Valin, loc. cit.) — Mais le prêt sur le navire ne porte pas sur ses ce n'est du jour de la demande), quand même le navire revienfacultés, parce qu'elles en sont indépendantes. Et vice versa, le drait à bon port.-Mais, réciproquement, l'emprunteur est tenu prêt sur facultés ne porte pas sur le bâtiment. Le prêt sur fa- de rembourser le capital, quand même il y aurait perte entière. cultés, sans autre explication, porte sur l'entier intérêt apparte-V. Pothier, Contr. à la grosse, no 14.

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nant au preneur tant sur la cargaison que sur les pacotilles 1294. Mais le prêt est permis sur le profit acquis des mar(Boulay-Paty, t. 3, p. 112). — En cas de prêt sur corps et facul-chandises; ainsi, un chargement valant 30,000 fr. a été assuré TOME XVIII.

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en France pour cette somme, à prime liée, aller et retour de Saint-Domingue. La vente de ce chargement à Saint-Domingue procure un tel bénéfice, que le chargement en retour vaut le double de celui de l'aller; nul doute que l'armateur ne puisse emprunter à la grosse, à Saint-Domingue, trente autres mille francs sur l'excédant du chargement, car cet excédant constitue un profit réalisé et soumis à des risques maritimes (Delvincourt, t. 2, p. 313; Boulay-Paty, t. 3, p. 137).

1995. Peut-on de même emprunter à la grosse sur le fret acquis? En d'autres termes, l'armateur qui a le choix soit de décharger les marchandises dans tel port désigné, soit de les transporter, moyennant une augmentation de fret, dans un autre port plus éloigné, peut-il, après être parvenu dans le premier port, emprunter à la grosse sur le fret qu'il aurait pu gagner en déchargeant dans ce premier port, alors qu'il se décide à poursuivre sa route jusqu'au second? Pour l'affirmative on dit qu'une fois le navire arrivé au premier port, le fret qui aurait pu y être exigé est un fret gagné, un droit certain, sur lequel l'armateur, en l'exposant à de nouveaux risques, a pu valablement emprunter à la grosse. A l'appui de l'opinion contraire, on soutient que dès que le fret acquis est remis en risque, il redevient par cela même un fret à faire. La première de ces opinions est la plus genéralement adoptée.-V. Boulay-Paty, t. 3, p. 135.

1296. On désigne souvent par fret acquis le fret payé d'avance, et qui, suivant la convention intervenue entre les chargeurs et le propriétaire du navire, doit demeurer acquis à celui-ci à tout événement, c'est-à-dire aussi bien dans le cas de perte du navire et des marchandises que dans le cas d'heureuse arrivée. Ce fret, étant touché par le fréteur, n'est pas susceptible de former l'aliment d'un contrat à la grosse (ou d'une assurance), puisqu'il ne sera pas en risque; à moins cependant, comme le fait observer M. Dageville, t. 2, p. 519, que l'armateur, destinant le montant du fret payé d'avance à fournir aux réparations du navire pendant le voyage, n'ait chargé cette somme en nature dans le navire, ou ne l'ait employée en marchandises, auquel cas le prêt ou l'assurance est sans contredit valable.

1297. Que faut-il décider dans l'espèce suivante posée par Émérigon: « Mon vaisseau, dit-il, prêt à mettre à la voile pour les Indes orientales, vaut 50,000 liv. Je vous le frète moyennant le nolis de 50,000 liv., qui me sera acquis à tout événement. Je prends d'une autre personne 50,000 liv. à la grosse sur le corps. Le navire périt sans avoir fait aucune dépense intermédiaire. Puis-je profiter des 50,000 liv. de fret acquis, et garder la somme prise à la grosse? Le bénéfice de 50,000 liv. que je fais dans cette opération est-il légitime? Je soutiens que non, ajoute Émérigon, et que, malgré le naufrage, la somme prise à la grosse doit être restituée avec intérêts de terre » (Contrat à la grosse,

(1) Espèce:- (Hesse C. Barbarowich.)- En 1831, le brick le ChevalMarin, capitaine Barbarowich, venant d'Odessa, fut contraint de relâcher en Sardaigne, après avoir subi des avaries. Une partie de la cargaison avait été jetée à la mer. Pour faire radouber le navire, le capitaine emprunta à la grosse du sieur Rossi qui, outre l'affectation du navire et du chargement, exigea l'engagement personnel du capitaine. A l'arrivée du bâtiment à Marseille, les consignataires de la cargaison refusèrent de la recevoir. Le navire et le chargement ayant été vendus, le capitaine se fit colloquer sur le prix pour ses salaires et son droit de conduite. Mais un sous-ordre fut provoqué sur lui par les sieurs Hesse et comp., qui étaient porteurs du billet à la grosse souscrit par le capitaine, et qui avaient obtenu un jugement contre lui. Le capitaine prétendit que les engagements personnels qu'il avait contractés ne pouvaient être exécutés sur ses salaires et son droit de conduite.

Le 1er août 1833, jugement du tribunal civil de Marseille qui rejette ses prétentions par les mots suivants : « Le tribunal, en ce qui touche le rejet du sous-ordre attribué au sieur Hesse et comp.; - Attendu que, pour affranchir les salaires et le droit de conduite du sous-ordre alloué au sieur Hesse, il faudrait pouvoir admettre que les salaires et le droit de conduite d'un capitaine, placés l'un et l'autre dans la même catégorie, sont insaisissables, ce que Barbarowich n'a pas osé soutenir, et ce qui est formellement décidé dans le système contraire par la jurisprudence; Attendu, d'ailleurs que, dans la véritable application des principes qui régissent les contrats à la grosse, ces sortes de conventions sont autant des contrats personnels que des contrats réels: des contrats personnels, en ce sens : 1o que l'emprunteur est personnellement obligé au remboursement de la somme empruntée et du change maritime, pour ce stipulé dans le cas d'heureuse arrivée qui s'est réalisé pour le Cheval-Marin,

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ch. 5, sect. 2). Cette décision est juste; car le prêt doit être considéré, dans l'espèce, comme ayant été fait sur une chose quí n'était point en risque, puisque, au moyen du fret payé d'avance, ou du moins stipulé acquis à tout événement, l'emprunteur avait reçu ou devait recevoir la valeur de son navire. On a vu que le prêt à la grosse ne doit pas être pour le preneur un moyen de faire un bénéfice, mais seulement un moyen d'éviter une perle; or cette règle serait violée dans le cas qui nous occupe, si l'on admettait la validité du prêt, puisque l'emprunteur recevrait, outre les 50,000 fr. du fret acquis, lesquels représentent la valeur entière de son navire, une autre somme de 50,000 fr. montant du prêt à la grosse (Conf. Boulay-Paty, t. 3, p. 136. — Contrà, Delvincourt, t. 2, p. 313).

1298. L'ord. de 1681, art. 4, du titre du Contrat à la grosse, permettait aux matelots d'emprunter sur leurs loyers, pourvu que ce fût en présence et du consentement du capitaine, et que l'emprunt fût au-dessous de la moitié des loyers. Lors de la rédaction du code de commerce, il a été également proposé au conseil d'État d'autoriser les gens de mer à emprunter sur leurs loyers pour se faire une pacotille. Mais ce système n'a point été admis. L'art. 319 c. com. décide, au contraire, en termes absolus, que « nul prêt à la grosse ne peut être fait aux matelots ou gens de mer sur leurs loyers ou voyages. » Les motifs principaux de cette disposition sont:1° que les loyers des matelots dépendent de l'arrivée du vaisseau et de la durée du service, et qu'ainsi ils n'offrent rien de certain qui fasse l'objet du contrat; 2o que permettre les emprunts, ce serait détruire l'intérêt qui attache les matelots à la conservation du vaisseau. -V. les motifs et rap., no 19.

1299. En cas de contravention à l'art. 319, le prêteur serait sans action sur les salaires du matelot, même pour remboursement du capital; il n'aurait de recours que sur les autres biens de l'emprunteur (M. Pardessus, no 893; Delvincourt, t. 2, p. 314; Delaporte, sur l'art. 319; Boulay-Paty, t. 3, p. 141).— Rien n'empêche, au surplus, les gens de mer qui auraient intérêt au navire ou au chargement, d'emprunter à la grosse sur ces objets. Il n'y a pas de motifs pour les soumettre, par rapport aux marchandises qui leur appartiennent, à des règles différentes que les autres chargeurs.

1300. Les salaires du capitaine ne peuvent, pas plus que les loyers des matelots, être affectés à un prêt à la grosse. Mais lorsque, par l'heureuse arrivée du navire, ces salaires ont cessé d'être une créance purement éventuelle et sont devenus un droit acquis, ils peuvent, comme les autres biens du capitaine, être saisis par les porteurs de billets de grosse qu'il a souscrits, en cours de voyage, sous sa garantie personnelle, pour les besoins du bâtiment qu'il commandait (Aix, 24 janv. 1834) (1).

comme aussi dans le cas où l'arrivée du navire aurait été empêchée par les vices de la chose ou par la faute du capitaine ou des matelots (art. 326 c. com.); 2° que l'emprunteur à la grosse sur faculté du navire n'est par libéré, même par la perte du navire ou du chargement (329), s'il ne justifie qu'il y avait pour son compte un aliment suffisant à l'emprunt affecté ; » Attendu que, par la même raison que le prêt à la grosse peut, de la part du prêteur, former, suivant l'art. 334, la cause d'un contrat d'as surance, c'est-à-dire d'une garantie même, il peut être aussi l'objet d'un cautionnement pour le remboursement, après l'heureuse arrivée du navire, de la somme empruntée; et d'ailleurs en matière de droit limitatif la lei autorise tout ce qu'elle n'a pas formellement et littéralement probibé;

» Attendu qu'en admettant que, dans la rédaction de l'art. 319, le législateur a entendu comprendre le capitaine dans l'expression générale gens de mer, ce qui n'est guère probable en l'état de l'opinion émise, soit au conseil d'État, soit au-corps législatif, par les orateurs du gouvernement lors de la présentation et de la discussion de cet article, dont la probibition semble ne concerner que les matelots, il ne s'ensuit pas que l'on doive, dans l'espèce, confondre deux hypothèses parfaitement distinctes, savoir, l'emprunt fait par le capitaine spécialement sur les salaires et son droit de conduite pendant que le navire est en cours de voyage, et l'exécution portée sur ces mêmes salaires et droit de conduite, après que les salaires sont gagnés et réalisés par une heureuse arrivée, en vertu d'un jugement de condamnation pure et simple, bien que ce jugement ait pour cause première un billet à la grosse, à la sûreté duquel le patrimoine du capitaine, et par conséquent les salaires auxquels il avait droit de prétendre, le navire heureusement arrivé, seraient accessoirement affectés : que confondre les deux hypothèses en ce qui concerne le litige actuel est tout à la fois soutenir par un moyen détourné que les salaires d'un capitaine

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