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prunteur s'engage à payer au prêteur, outre la somme empruntée, une certaine somme pour prix des risques dont se charge le préteur. C'est ce qu'on nomme profit ou change maritime. Ce change peut consister ou en une somme d'argent, ou en quelque autre chose évaluable. Le taux en avait été limité par Justinien (L. 26 C. de Usuris); mais la disposition de cette loi n'a point passé dans notre législation, qui laisse les parties entièrement libres de régler comme elles l'entendent le taux du change nautique. « Quelque fort, dit Pothier, que le profit maritime ait été stipulé par le contrat à la grosse, il est toujours censé, dans le for extérieur, n'être autre chose que le prix des risques maritimes, et, par conséquent entièrement licite.... Soit que le profit maritime consiste dans un intérêt, soit qu'il consiste dans une somme fixe, la quantité n'en est limitée par aucune loi, et elle est laissée au pouvoir des parties contractantes. » (Pothier, Contr. a la grosse, no 2 et 20).

1319. On pourrait convenir qu'en cas d'heureuse arrivée, le prêteur aura, pour profit maritime, une part dans les bénéfices; mais ce serait alors une société plutôt qu'un prêt à la grosse (Delvincourt, t. 2, p. 322; Pardessus, loc. cit.).

1350. Le change est ordinairement stipulé à tant pour cent par mois. Il peut être fixé à une certaine somme pour telle expédition, pour le voyage d'aller ou de retour. Rien n'empêche de convenir qu'il sera variable, suivant la durée du voyage. << Lorsque l'emprunt, dit encore Pothier, n° 21, est fait pour l'aller et le retour, on convient assez souvent que si le vaisseau n'est pas de retour au bout d'un certain temps, le profit maritime augmentera à raison de tant pour cent par mois, depuis l'expiration de ce temps jusqu'au retour. » (Conf. Boulay-Paty, t. 3, p. 68; Pardessus, no 896; Dageville, t. 2, p. 477, contrà, Valin, sur Part. 2, tit. du contrat à la grosse).

1351. On stipule presque toujours une augmentation du profit nautique, pour le cas où la guerre viendrait à éclater; et quand le prêt est fait en temps de guerre, une diminution de ce même profit pour le cas de la survenance de la paix. Mais la survenance de la paix ou de la guerre ne fait ni augmenter ni diminuer le profit stipulé, quand le contrat est muet sur ce point. Les parties sont réputées avoir prévu et pesé, lors de la rédaction de l'acte, toutes les chances de guerre ou de paix qui pouvaient se présenter, et réglé leurs conventions d'après ces prévisions (Émérigon, t. 2, p. 408; Valin, sur les art. 7 et 27, tit. des assur.; Boulay-Paty, t. 3, p. 71; Dageville, t. 2, p. 477).

1352. En cas d'omission dans l'acte de prêt d'une stipulation relative au change, on y suppléerait en fixant ce change au taux de la place à la date du contrat.-V. no 1251.

1353. Comme on l'a déjà dit, lorsque le prêteur a commencé à courir les risques, bien qu'il ne les ait pas courus pendant tout le temps convenu, par suite de l'abréviation du voyage, le profit maritime ne laisse pas de lui être dû en entier, s'il n'est arrivé aucun accident de force majeure qui ait causé la perte des effets affectés au prêt. La loi l'a décidé ainsi pour la prime dans le contrat d'assurance; et il y a parité de raison pour statuer de même à l'égard du profit maritime dans le prêt à la grosse (Pothier, no 40; Émérigon, t. 2, p. 408; Poulay-Paty, t. 3, p. 75).

1354. Par exception à ce principe, Pothier pensait, no 41, et tel paraît être aussi l'avis de Valin, sur l'art. 15, tit. des contr. à la grosse, que, bien que le prêt ait été fait pour l'aller et le retour, le profit, s'il n'y a pas de retour, n'est cependant pas dû en entier au prêteur. Le motif de cette décision est que l'ord. de 1681 ayant statué (tit. des assur., art. 6) qu'en cas d'assurance faite pour l'aller et le retour, les assureurs étaient obligés, quand il n'y avait pas de retour, de rendre le tiers de la prime, il y avait même raison de décider que le prêteur à la grosse doit sou!frir la déduction du tiers du profit nautique, lorsqu'il n'y a pas eu de retour. Mais cette solution qui, si elle eût été fondée sous l'empire de l'ordonnance de la marine, le serait également aujourd'hui, parce que l'art. 6 précité de cette ordonnance est reproduit par l'art. 356 c. com. ; cette solution, disons-nous, a été condamnée par un arrêt du parlement d'Aix, rapporté par Émérigon, t. 2, p. 409. Cet auteur indique comme ayant servi de base à cet arrêt les deux raisons suivantes : « 1o La règle générale veut que, dès que le risque est commencé, la prime et le

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2o Suivant l'art. 9, tit.

change maritime soient dus en entier; du fret (reproduit par l'art. 294 c. com.), si le vaisseau ayant été affrété allant et venant, il est contraint de faire son retour lége, le fret entier est dû au maître. Il a plu au législateur d'accorder, en pareil cas, aux assurés, la bonification du tiers de l prime; mais cette práce est de droit étroit. Jusqu'à ce qu'il y ai un nouveau règlement qui réduise aux deux tiers le change maritime et le fret, par le défaut de retour du navire, les preneurs (de même que les affréteurs) doivent être soumis à la règle générale. » La décision du parlement d'Aix est généralement adoptée, et avec raison, à notre avis, par les auteurs modernes. La disposition de l'art. 556 c. com. constitue une faveur, un privilége au profit de l'assuré, et, à ce titre, on doit en restreindre l'application au lieu de l'étendre à l'emprunteur à la grosse. Il est d'ailleurs à remarquer qu'entre l'assurance et le prêt à la grosse il y a cette différence essentielle, que le prêteur avance ses fonds et ne reçoit rien qu'au retour, tandis que l'assureur n'avance rien et reçoit au contraire une prime; d'où il suit que la diminution du tiers de la prime ne cause aucun préjudice à l'assureur, mais seulement diminue son bénéfice, tandis que le prêteur, obligé d'avancer ses fonds et qui ne peut prêter au delà, est fondé à dire que le prêt qu'il a fait à tel armateur l'a empêché de prêter à tel autre avec lequel il eût gagné le change entier (trib. ae Marseille, 18 juin 1824, aff. Madgille. Conf. Delvincourt, t. 2, p. 319; Boulay-Paty, t. 3, p. 75; M. Dageville, t. 2, p. 478).

SECT. 6. Quelles personnes peuvent emprunter à la grosse.

1355. Toute personne ayant intérêt sur le corps ou les facultés d'un navire peut emprunter à la grosse. —Lorsque la propriété est indivise entre plusieurs, la majorité fait loi; cette majorité se détermine conformément à l'art. 220 c. com.

1356. L'emprunt à la grosse emportant l'aliénation éventuelle des objets qui y sont affectés, ne peut, en général, être souscrit que par le propriétaire de ces objets.

1857. La règle qu'en fait de meubles la possession vaut titre, ne s'applique point aux navires: aussi celui qui n'est pas propriétaire, mais, par exemple, simple locataire d'un navire, ne peut l'affecter à un prêt à la grosse: un tel contrat ne conférerait point de droits au prêteur qui aurait eu l'imprudence de ne pas se faire représenter le titre de l'emprunteur. Au contraire, dans le cas de marchandises affectées à un prêt à la grosse, par celui qui n'en est que possesseur, le prêteur de bonne foi acquerrait des droits sur elles, au préjudice du véritable propriétaire (M. Pardessus, no 909).

1358. Les syndics d'une faillite ne peuvent emprunter à la grosse qu'avec l'autorisation du juge-commissaire (Rouen, 12 juin 1821, aff. Dupont, V. no 365).

1359. Le principe qui n'attribue le droit d'emprunter à la grosse qu'au propriétaire des objets affectés à l'emprunt, n'est pas sans exception. Il y aurait eu les plus grands inconvénients à refuser, dans tous les cas, le même droit au capitaine; aussi la loi le lui a-t-elle accordé, mais en prenant les mesures nécessaires pour qu'il ne puisse l'exercer d'une manière abusive. — Un emprunt à la grosse, fait par le capitaine dans le lieu de la demeure des propriétaires du navire, sans leur autorisation authentique ou leur intervention dans l'acte, ne donne action et privilége que sur la portion que le capitaine peut avoir au navire et au fret (c. com. 321; ordon. 1681, tit. du contr. à la grosse, art. 8), et cela, quand même l'emprunt serait causé pour les nécessités du navire. La disposition de l'art. 521 serait également applicable dans le cas où l'emprunt serait fait par le capitaine dans le lieu de la demeure, non des propriétaires du navire, mais de leurs fondés de pouvoir, pourvu que la présence de ceux-ci fût connue du capitaine, et que leur mandat les autorisât à intervenir dans un prêt à la grosse (Valin, sur l'art. 8, tit. 5, liv. 3 de l'ordon.; Locré, t. 3, p. 361).

1360. Quoique l'art. 321 exige que l'autorisation d'emprunter à la grosse soit authentique, néanmoins Delvincourt pense qu'un acte sous seing privé suffirait, sauf aux intéressés à prouver la vérité de la signature, en cas qu'elle fût contestée, et que la loi a seulement voulu soumettre le capitaine à rapporter une autorisation expresse, formelle. M. Dageville, t. 2, p. 527

semble considérer, au contraire, l'acte authentique comme nécessaire pour prévenir toutes fraudes envers les tiers. Il est suffisamment suppléé à l'autorisation des propriétaires par leur intervention dans l'acte. La proposition faite par le tribunal de commerce du Havre d'exiger l'une et l'autre formalité, a été justement repoussée par le conseil d'État.-V. Locré, t. 3, p. 363. 1861. En cas de faillite du propriétaire du navire, le capitaine doit se faire autoriser à emprunter à la grosse par les syndics et par le juge-commissaire (Cass., 17 fév. 1824, aff. Dupont, V. no 365).

1362. Au surplus, il va de soi que si les propriétaires ne sont pas obligés de prendre à leur compte la chance d'un prêt à la grosse contracté par le capitaine en contravention à l'art. 321, ils doivent du moins, si la somme prêtée a été employée à faire les dépenses nécessaires pour le navire, rembourser cette somme au capitaine, qui gardera alors le prêt à la grosse pour son compte. Cette décision n'est qu'une application du principe nemo debet locupletari cum alterius detrimento (Delvincourt, t. 2, p. 231).

1363. Par exception à l'art. 321 ci-dessus, lorsque le bâtiment a été frété du consentement des propriétaires, et que quelques-uns refusent de contribuer aux frais de l'expédition, le capitaine (bien qu'il se trouve au lieu de la demeure des refusants), peut, vingt-quatre heures après les avoir sommés de fournir leur contingent, emprunter à la grosse pour leur compte sur leur portion d'intérêt dans le navire, avec autorisation du juge (c. com. 233).-V. ce qui a été dit à cet égard aux nos 368 et suiv.

1364. Le copropriétaire d'un navire, investi de la qualité d'armateur ou administrateur, ne peut, dans le lieu de la demeure de ses copropriétaires, engager leurs parts par un emprunt à la grosse, sans leur consentement ou sans les avoir préalablement sommés de fournir leur contingent des sommes nécessaires pour les besoins du bâtiment; le porteur du billet de grosse qui a été souscrit en l'absence de ces conditions par le copropriétaire armateur, n'a d'action que sur la part de celui-ci; de sorte que si cette part n'excède pas la moitié de la valeur du navire, le porteur ne peut exercer des exécutions dont le résultat amènerait la vente du bâtiment (trib. de com. de Marseille, 30 janv. 1833). 1365. Lorsque l'armement d'un navire se fait dans un lieu autre que celui de la demeure du propriétaire et hors de sa pré

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(1) Espèce: (Wiolett C. assureurs.) Le navire la Justine, qui devait transporter deux cent crente-deux émigrants, moyennant le prix de 85,761 fr., du Havre à Sidney, avec faculté de relâcher à Rio-Janeiro, à Valparaiso et à Otahiti, avait été assuré par les compagnies l'Union des porte et l'Indemnité. - Arrivés à Rio-Janeiro, les émigrants ne voulurent pas continuer le voyage, et contraignirent le capitaine, quoique, d'après l'art. 293 c. com., le prix du passage lui fût entièrement acquis, à accepter une simple indemnité de 50,000 fr. Le navire reprit la mer; mais, avant d'arriver à Valparaiso, il essuya une tempête et éprouva des avaries. Le capitaine, après les avoir fait constater, se fit autoriser à emprunter à la grosse pour les réparer. L'emprunt fut fait moyennant un profit maritime de 20 p. 100, pour le cas où il serait remboursé à Bordeaux vingt jours après la présentation du contrat au domicile de Wiolett et comp., avant même l'arrivée du navire à Sidney, et de 65 p. 100 pour le cas où il ne serait remboursé que dix jours après que la nouvelle de l'arrivée du navire à Sidney serait parvenue à Bordeaux. Les 30,000 fr. payés par les émigrants au capitaine, à Rio Janeiro, furent par lui employés à l'achat d'une cargaison de mulets. Le billet de grosse fut présenté à Bordeaux au sieur Wiolett, pour qu'il eût à l'accepter payable à vingt jours, si bon lui semblait, et à payer le change de 20 p. 100.- Celui ci refusa l'acceptation, mais il notifia aux assureurs, qui en définitive devaient lui rembourser le profit maritime, le contrat de grosse et l'acte de présentation, en leur déclarant que, faute de le payer dans les vingt jours, ils seraient déchus de la faculté de réduire la prime à 20 p. 100, et que celle de 65 p. 100 serait alors acquise au prêteur. - Sur le refus des assureurs, Wiolett laissa protester le contrat faute de payement. Mais, depuis, ayant appris l'arrivée de son navire à Sidney, il remboursa le prêt et paya la prime de grosse à 65 p. 100.

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Plus tard, les assureurs remboursèrent à Wiolett le montant des réparations du navire; mais ils refusèrent de lui tenir compte de la prime de 65 p. 100. Ils soutinrent que le capitaine ayant à Valparaiso, les 30,000 fr. qu'il avait touchés à Rio-Janeiro, aurait dû les employer aux réparations du navire, au lieu d'emprunter à la grosse : subsidairement, ils prétendirent qu'ils ne devaient la prime qu'à 20 p. 100, les assurés ayant à s'imputer de n'avoir pas usé de la faculté de ne payer la prime qu'à ce laux; et que même, il y avait à opérer sur cette prime à 20 p. TOME XVII.

sence ou de celle de son procureur fondé, le capitaine peut prendre des deniers à la grosse, pour subvenir aux réparations du navire, sans être tenu de demander l'autorisation ni du propriétaire, ni même de justice. Dans ce cas, il est censé avoir reçu de l'armateur le pouvoir tacite de faire l'armement, et pour cela d'emprunter à la grosse, s'il l'estime nécessaire. C'est, do moins, ce qui semble pouvoir s'induire par argument à contrario de l'art. 232.-V. no 360 et suiv.

1366. Il en est autrement lorsque le navire a besoin de réparations en cours de voyage: le capitaine ne peut alors emprunter qu'avec l'autorisation de la justice, et après que la nécessité de l'emprunt a été constatée de la manière indiquée par l'art. 234 c. com. (V. nos 136 ets.). La raison de différence entre ce cas et le précédent est que le navire en cours de voyage ayant été reconnu en bon état avant son départ, doit être présumé n'avoir pas besoin de réparations, à moins d'accidents survenus, accidents dont la loi a dû soumettre le capitaine à rapporter la preuve; tandis que la présomption contraire a lieu lorsqu'il s'agit d'un navire qu'on met en armement; il est considéré comme ayant, du plus au moins, besoin de réparations (M. Dageville, t. 2, p. 529).

La disposition qui interdit au capitaine d'emprunter à la grosse sans l'autorisation des propriétaires, est applicable même dans le cas où le capitaine étant en cours de voyage, se trouve contraint par la tempête de relâcher dans le lieu de la demeure des propriétaires. Mais, muni de cette autorisation, il serait dispensé de toutes les formalités de justice, prescrites par l'art. 234 (M. Dageville, t. 2, p. 531).

1367. Lorsque le capitaine d'un navire assuré est en posses sion, durant le voyage, de fonds appartenant à l'armement, dont il peut disposer sans nuire aux intérêts de l'armateur, il doit les employer aux réparations dont le navire a besoin, plutôt que de contracter un emprunt à la grosse qui grèverait les assureurs d'une prime plus ou moins considérable; mais il peut, au contraire, recourir à un emprunt de ce genre, quand les fonds qu'il a entre les mains ont une destination spéciale dont il ne pourrait les détourner sans nuire gravement aux intérêts de l'armateur. Et il en est ainsi, alors même que ces fonds proviennent d'une partie du fret touchée avant l'arrivée du navire au terme du voyage (Paris, 20 mars 1841) (1).

100, une réduction proportionnelle aux risques de guerre garantis par le prêteur à la grosse, et non assurés par eux. Sentence arbitrale qui déclare que les assureurs ne sont tenus de rembourser aucune prime. — Appel par Wiolett. — Arrêt.

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LA COUR; Considérant que l'objet du contrat d'assurance est de garantir et indemniser l'assuré des pertes et dommages qu'il peut éprouver, par fortune de mer, dans les choses assurées; Que l'armateur ou le capitaine d'un navire assuré doivent pourvoir aux réparations des avaries survenues pendant le voyage, qu'ils doivent y apporter tous les soins d'un bon père de famille, afin de ne pas aggraver les obligations des assureurs, qui sont tenus de rembourser les dépenses; - Que, d'un autre côté, l'assuré n'est pas tenu de faire le sacrifice de ses intérêts personnels pour alléger la charge des assureurs;-Qu'il suit de ces principes que, lorsque le capitaine possède des fonds appartenant à l'armement qui sont dans ses mains sans destination spéciale, et dont il peut disposer sans nuire aux intérêts de l'armateur, il doit les employer aux réparations dont le navire a besoin, au lieu de recourir à la ressource onéreuse d'un emprunt à la arosse qui grèverait les assureurs d'une prime plus ou moins considérable. Mais considérant en fait que, dans l'espèce, si le capitaine possédait à Valparaiso les 30,000 fr. qu'il avait reçus à Rio-Janeiro pour portion du prix du transport des passagers qui refusèrent de continuer le voyage jusqu'à Sidney, ces fonds n'étaient pas entièrement libres dans ses mains, puisqu'il avait frété le navire, avant son départ du Havre, à Liénard fils, pour le retour de Sidney en France, et qu'il avait pris en vers l'affréteur l'engagement de fournir jusqu'à concurrence de 45,000 fr. et même au delà les fonds nécessaires pour l'achat de la cargaison; - Que, pour remplir cet engagement et pourvoir aux dépenses ultérieures de sa longue navigation, il comptait sur une somme de 85,761 fr., qu'il devait recevoir à Sidney pour solde du prix de transport des passagers, laquelle, par l'événement de force majeure ci-dessus rappelé, se trouvait réduite aux 30,000 fr. qu'il avait touchés à Rio-Janeiro; - Que, d'ailleurs, les passagers l'ayant abandonné à Rio-Janeiro, il les avait remplacés par un chargement à fret qu'il avait pris à Santos pour Valparaiso, et que, ne trouvant pas dans ce dernier port un fret pour Sidney, il se vit dans la nécessité d'employer ses fonds à acheter des marchandises pour, avec les provisions qui lui restaient, compléter un chargement, ou bien d'achever

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1868. Le capitaine peut aussi emprunter à la grosse sur les marchandises qui composent le chargement, à l'effet de se pro

Bon voyage à vide, au grand détriment de l'armement; Qu'ainsi, d'une part, les fonds que possédait le capitaine à Valparaiso avaient une destination spéciale, et que, d'autre part, ce capitaine n'aurait pu les employer aux réparations du navire sans nuire gravement aux intérêts des armateurs ; Que, dans cette position, il a pu légitimement recourir à un emprunt à la grosse pour se procurer l'argent nécessaire pour réparer le navire, et que, par suite, la prime doit, d'après la loi et les dispositions expresses des contrats d'assurances, retomber à la charge des assureurs; En ce qui touche les conclusions subsidiaires des intimés: Considérant que la clause par laquelle le capitaine avait stipulé la faculté de rembourser à Bordeaux le capital de l'emprunt avec une prime de 20 p. 100 seulement, dans les vingt jours de la présentation de la lettre de grosse à l'armateur, mais avant la nouvelle de l'arrivée du navire à Sidney, était dans l'intérêt des assureurs, puisqu'elle les déchargeait de l'obligation de payer la prime de 65 p. 100 stipulée pour le cas où la lettre de grosse ne serait payée qu'après cette nouvelle ; Que les assurés ne pouvaient prendre sur eux d'opérer le remboursement immédiat, et de dénaturer ainsi le contrat de grosse, sans s'exposer, en cas de perte du navire, à voir laisser pour leur compte la somme qu'ils auraient indûment payée; - Que les assureurs, avertis en temps utile par la notification de la lettre de grosse et de l'acte de présentation aux armateurs, doivent s'imputer de n'avoir pas déclaré qu'ils entendaient profiter de l'option, soit en payant, soit en autorisant les armateurs à payer immédiatement, prenant ainsi à leur charge le risque dont le prêteur se serait trouvé affranchi;

Considérant qu'il est de l'essence du contrat de grosse que l'emprunteur ne soit tenu de rembourser le capital et de payer la prime qu'après l'arrivée du navire au lieu convenu; qu'il suit de là que tous les cas fortuits sont nécessairement à la charge du donneur: que les parties ne pourraient même déroger à cette condition sans dénaturer le contrat :Qu'ainsi, l'énonciation du risque de guerre dans la lettre de grosse n'ajoutait rien aux obligations du donneur; - Que, dès lors, la prime stipulée doit être tout entière à la charge des assureurs, quoique ceux-ci par leur contrat fussent affranchis des risques de guerre; Infirme; au principal, condamne les assureurs à payer la prime de grosse à 65 p. 100. Du 20 mars 1841.-C. de Paris, 3 ch.-M. Simonneau, pr.

(1) Espèce:(Illiac C. Lebras.) Un navire danois expédié à Lebras, & Morlaix, relâche au Havre, et un jugement du tribunal de commerce autorise le capitaine à emprunter à la grosse sur le navire et son chargement, pour des dépenses forcées de radoub. A l'arrivée du navire à Morlaix, Illiac, porteur du contrat, n'étant pas payé, fut autorisé, par jugement du tribunal de Lannion, du 4 avril, à faire vendre le chargement.

curer les fonds nécessaires pour faire radouber son navire ou pour acheter des victuailles (Rennes, 18 déc. 1832 (1); Rouen,

forcerait à en vendre, il impose au propriétaire du navire ou au capitaine qui le représente, l'obligation de tenir compte à ce tiers non de la valeur de ses marchandises déterminée par la vente, et qui peut être modique, mais de leur valeur réelle, d'après le cours, dans le lieu de la décharge du navire; que l'on veut aussi par ces expressions, ou le capitaine qui le représente, dire que le capitaine est le mandataire spécial du propriétaire du navire, tandis qu'il n'est que le gardien responsable, le conservateur, le voiturier, en quelque sorte, par eau, des marchandises qui lui sont confiées par un tiers; que c'est en cette qualité de mandataire, de représentant du propriétaire du navire, que la loi, dans les besoins que peut ressentir le capitaine, lui donne une action plus directe sur le navire; qu'il résulte, d'ailleurs, de toutes les dispositions du code de commerce que le navire doit principalement supporter tous les frais, toutes les dé penses que les événements de sa navigation peuvent occasionner, sauf le règlement ultérieur des avaries qu'il a pu éprouver, et la répartition proportionnelle du montant de ces avaries.

LA COUR;

» Que, d'après les principes que l'on vient d'émettre, il devient superflu de démontrer que le capitaine Bent-Beutzen ne peut aucunement se prévaloir de la disposition de l'art. 315; qu'outre que cet article est entièrement hors des limites imposées au capitaine d'un navire, par le tit. 4 du liv. 2 c. com., il ne confère évidemment aucun droit, dans son silence, sur les personnes, et il ne présente réellement qu'une simple nomenclature des objets sur lesquels on peut faire peser un emprunt à la grosse, de même que les art. 318 et 319 font connaître et spécifient les objets qui ne peuvent être soumis à un tel contrat; qu'au surplus, rien ne prouve plus incontestablement que le capitaine ne peut, en aucune circonstance, se prévaloir de l'art. 315, que la latitude de pouvoirs qu'il recevrait du dernier paragraphe de cet article, et, par suite, l'exercice arbitraire qu'il pourrait en faire de la manière la plus préjudiciable aux intérêts commerciaux; que l'on sent enfin suffisamment, en se reportant aux principes généraux, et sans que la loi ait eu besoin de s'expliquer à cet égard, que les propriétaires seuls des objets énoncés en l'art. 315, ou ceux qui les représentent peuvent valablement les affecter à un emprunt à la grosse; Par tous ces motifs, recevant dans la forme la tierce opposition que le sieur Lebras avait évidemment le droit de former, et y faisant droit au fond, juge et déclare que le capitaine Bent-Beutzen devait se restreindre à l'application des dispositions de l'art. 234 c. com.; que, conséquemment, il n'a pu valablement affecter à un emprunt à la grosse la cargai son du navire l'Espérance, qu'il commandait; que cette cargaison étant la propriété du sieur Lebras, celui-ci n'a aucune obligation personnelle et directe à remplir envers le sieur Illiac, porteur du billet de grosse; que ce dernier n'a pu, dès lors, former opposition au déchargement des marchandises; qu'il s'ensuit que ladite opposition est faite sans fondement, etc. » - Arrêt. Appel par le sieur Illiac. En ce qui touche la validité de l'emprunt à la grosse sur le chargement du navire : Considérant que l'art. 238 c com.impose au capitaine l'obligation d'achever le voyage auquel il s'est engagé, sous sa responsabilité envers les propriétaires et les affréteurs; qu'il a donc été nécessaire de lui accorder les moyens qui pouvaient lui permettre de conduire le bâtiment à sa destination; - Que l'art. 234, en l'autorisant, s'il y a nécessité de radoub ou d'achat de victuailles, dans le cours du voyage, non-seulement à emprunter sur le corps et quille du vaisseau, mais à mettre en gage où à vendre les marchandises, lui a permis, par là même, de les affecter à un emprunt à la grosse, bien moins désastreux aux chargeurs que la vente ou la mise en gage; - Que tel est aussi l'usage observé dans les places de commerce les plus importantes du royaume, et le sentiment de presque tous les auteurs; que cette faculté, dont l'exercice est abandonné à la prudence du capitaine, ne porte aucune atteinte aux intérêts des chargeurs, qui ont leurs recours vers les armateurs, pour le remboursement du prix de leurs marchandises vendues, ou le payement des emprunts auxquels on les a engagés, sous la déduction de la contribution aux avaries dont ils peuvent être responsables (art. 234, 298 et 404 c. com.); - Qu'il ne dépend pas toujours du capitaine d'obtenir les moyens pécuniaires dont il a besoin aux conditions qui lui sembleraient préférables, et que, dans le cas où il ne pourrait emprunter à la grosse, il serait forcé d'interrompre son voyage, en manquant à ses engagements, s'il n'avait pas la liberté de se soumettre à cette convention, supposition réprouvée par les principes du droit maritime, et notamment par les art. 238, 295 et 296 du code précité; d'où il suit que l'emprunt consenti par le capitaine Bent-Beutzen, après l'observation des formes légales, et en vertu du jugement du tribunal de commerce du Havre, du 4 février de l'année courante, enregistré en ce bureau, le 6, sur la cargaison du navire, ainsi que sur le bâtiment, ne peut être légitimement contesté, et que le sieur Lebras est tenu d'en répondre, sauf à lui à exercer son recours contre les propriétaires; — Dit qu'il a été mal jugé par le jugement dont il a été relevé appel, en ce qu'il a donné mainlevée de l'opposition mise par Illiac fils au déchargement des marchandises qui

Mais sur la tierce opposition du sieur Lebras, le même tribunal rendit le jugement suivant : « Considérant que le code de commerce, dont tous les titres ont un caractère de spécialité, en consacre un particulièrement au capitaine chargé de la conduite du navire; que ce titre, qui le concerne uniquement, fixe ses droits, fait connaître ses devoirs, ses obligations, et établit les cas de sa responsabilité; et prévoyant les différentes circonstances dans lesquelles les accidents de mer ou tous autres peuvent le placer, trace d'une manière certaine la conduite qu'il aura à tenir, spécifie et détermine les mesures qu'il pourra prendre, et prescrit les formalités qu'il devra remplir; que ce titre, en réunissant ainsi exclusivement tout ce qui est relatif au capitaine, devient pour lui, dans la loi générale, une loi particulière, dont les dispositions sont évidemment limitatives à son égard; qu'il ne peut donc les enfreindre, en aucun cas, sans outrepasser ses pouvoirs; qu'il en résulte qu'un capitaine placé dans la circonstance prévue par l'art. 234 de ce titre, doit strictement suivre la règle irréfragable qu'il lui trace, sans s'écarter en rien du mode qu'il détermine, en conservant même, dans le cas de nécessité, la gradation qu'il présente; que les attributions du capitaine Bent-Beutzen, qui se trouvait précisément dans cette position, se bornaient donc à la faculté d'emprunter sur le corps et la quille du navire qu'il commandait, à mettre en gage des marchandises, s'il ne pouvait effectuer cet emprunt ou s'il était insuffisant; enfin, à vendre des marchandises, si l'emploi de ces deux moyens lui échappait; qu'ainsi, c'est à tort qu'il a cru pouvoir frapper simultanément le navire et la cargaison d'un emprunt à la grosse; C'est à tort qu'il maintient qu'autorisé à vendre des marchandises, il peut, à plus forte raison, les affecter à un emprunt de cette nature; qu'outre qu'il est désormais certain qu'il sort ainsi du cercle qui lui est tracé, en changeant le mode que l'art. 234 établit impérieusement, on pourrait peut-être maintenir avec plus de raison qu'un capitaine ne peut passer un contrat à la grosse, toujours onéreux, puisqu'il est aléatoire de sa nature, que dans le seul cas que relate l'art. 233, et seulement encore sur le navire, tandis que la simple expression d'emprunt, dont se sert l'art. 234, peut permettre de penser qu'il s'agit d'un emprunt ordinaire au taux du commerce; qu'il n'est du moins pas douteux que, par sa disposition expresse, l'art. 234 a entendu respecter autant que possible les marchandises qui appartiennent à un tiers, puisque, dans le cas où la nécessité | appartiennent à l'intimé, et en a ordonné la livraison immédiate; —

29 déc. 1831, aff. Heurtault, V. no 449). — Il a le droit d'emprunter à la grosse, même après la déclaration d'innavigabilité et la vente du navire, à l'effet d'acquitter les frais nécessités par le sinistre et de pourvoir à la conservation et au transport des marchandises (même arrêt).

1369. Le capitaine qui contracte un emprunt à la grosse expressément au nom de l'armateur, et nullement en nom propre, ne s'oblige point personnellement; il n'oblige que son mandant Bruxelles, 5 janv. 1822) (1). Il est d'ailleurs recevable à faire valoir pour la première fois en appel l'exception tirée de ce qu'il n'a agi que comme mandataire (même arrêt).

1370. Mais lorsque, en cours de voyage, le capitaine qui, en empruntant à la grosse pour les besoins du navire et du chargement, a déclaré engager sa personne et ses biens à l'exécution du contrat, vient à être remplacé par un autre capitaine, et lorsque celui-ci a déclaré à son tour, sur la demande du prêteur, au pied du billet de grosse, s'engager solidairement à remplir les conditions du prêt, ce second capitaine n'est pas fondé à prétendre ultérieurement qu'il n'est engagé qu'en nom qualifié et non en son nom personnel (Rennes, 25 juill. 1831, aff. Delastelle, V. n° 450).

1371. L'emprunt à la grosse auquel le capitaine a affecté son navire, sans observer les formalités prescrites par l'art. 234, doit être considéré, malgré cette circonstance, comme obligatoire pour le propriétaire du navire à l'égard du préteur; seulement le propriétaire a son recours contre le capitaine (Cass., 28 nov. 1821, aff. Torladés, V. no 442; 5 janv. 1841, aff. Boullenger, V. eod.). – Mais l'absence des formalités dont il s'agit peut être utilement invoquée par les tiers à l'effet de faire annuler à leur égard, s'ils y ont intérêt, le privilége réclamé par le prêteur à la grosse (Rennes, 16 déc. 1811, aff. Rateau, V. no 442; Aix, 18 déc. 1818, aff. Bail, V. eod.).

1379. Au surplus, l'armateur peut se libérer, par l'abandon du navire et du fret, des obligations résultant du billet de grosse souscrit par le capitaine (c. com. 216, V. ci-dessus, nos 202 et suiv.). Dans ce cas, le porteur du billet à la grosse vis-à-vis

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Emendant, décharge Illiac des condamnations contre lui prononcées, dit que Bent-Beutzen a légalement et valablement emprunté à la grosse sur le chargement du navire l'Espérance, de Cronstadt.

Du 18 déc. 1832.-C. de Rennes.-MM. Richelot et Grivart, av.

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(1) Espèce (Pedermach et Westrus C. Huning Gogel.) Par contrat du 23 juin 1819, le capitaine Westrus, stipulant au nom de Pedermach et fils, propriétaire du navire Justilia, emprunte à la grosse de Scherman, de Cadix, 8,275 fr. En exécution d'une clause du contrat, il délivre au porteur deux lettres de change faisant le montant du prêt. Le 26 fév. 1820, une hypothèque sur des magasins est donnée par les propriétaires du navire au même prêteur. Le contrat à la grosse est endossé au profit de Huning Gogel, d'Anvers, qui, à l'arrivée du vaisseau au port de cette ville, actionne le capitaine en remboursement du prêt, vu le refus de payement des lettres de change à l'échéance. Westrus se laisse condamner par défaut. -Il forme opposition, et les propriétaires du navire se joignent à lui pour prétendre que la remise des lettres de change a opéré novation, et que par conséquent, le demandeur ne peut plus agir en vertu du contrat à la grosse. Jugement qui rejette ce moyen et confirme le jugement par défaut. Appel. Pour la première fois, le capitaine soutient qu'il doit être mis hors de cause, parce qu'il n'a agi que comme mandataire des propriétaires, et que ceux-ci sont seuls tenus au remboursement. Les propriétaires reproduisent leur moyen tiré de la novation. — Arrêt.

LA COUR; -- Attendu que les intimés ont agi contre l'appelant, capitaine | Westrus, en vertu du contrat à la grosse, où celui-ci ne s'était obligé que | pour et au nom des propriétaires du navire, deuxièmes appelants; Que ledit capitaine étant condamné, seul, par défaut, lesdits propriétaires se sont joints à lui, comme à leur mandataire, pour faire disparaître cette condamnation au moyen de l'opposition; Attendu que, par cette opposition, lesdits propriétaires du navire, comme mandants, ont pris le fait et cause du capitaine, leur mandataire condamné, et ont, par là, lié quasicontrat judiciaire, en nom propre, avec les intimés; D'où suit que, par le débouté d'opposition, la première condamnation, par défaut, est devenue contradictoire et définitive à l'égard de tous les opposants;

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Attendu que le capitaine Westrus, en soutenant n'avoir contracté que comme mandataire, a, par là, voulu se séparer des autres appelants, ses mandants, qui sont venus le défendre; - Attendu que l'exception qu'il allègue à cette fin, étant une défense à l'action principale, peut être opposée en instance d'appel, malgré qu'elle ne l'ait pas été en première instance; Attendu, sur cette exception, que le capitaine d'un navire, qui contracte un emprunt à la grosse, expressément pour et au nom de l'armateur, ou

duquel l'armateur se dégage par un pareil abandon, n'est pas fondé à exercer un recours contre le capitaine, sous prétexte que celui-ci a fait faute (eu ce que, par exemple, il a fait procéder aux réparations à raison desquelles l'emprunt a été opéré sans que l'état du navire eût été préalablement constaté par experts), si la faute imputée au capitaine a eu lieu et a été connue du prêteur avant la conclusion de l'emprunt (Aix, 8 fév. 1831) (2). SECT. 7. Des effets du contrat à la grosse.

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1373. Par ce contrat l'emprunteur s'oblige au rembourse ment de la somme prêtée et au payement du profit maritime stipulé, aussitôt que l'événement fixé comme condition de l'engagement sera arrivé, ou bien, lorsque, par son fait, l'emprunteur aura rendu l'événement impossible, ou changé les risques que le prêteur avait consenti à courir. De là naît une action en fa veur du donneur; mais, pour l'exercer, il doit prouver que la condition dont elle dépend est accomplie, ou que le fait de l'emprunteur, qui a modifié le contrat, a eu lieu. Ainsi, lorsque le prêt est fait pour tant de mois, ou payable à telle époque, ou quand le navire sera à telle hauteur, le prêteur doit prouver qu'à l'époque convenue pour la cessation des risques les objets affectés au prêt n'avaient pas péri. — Lorsque le prêt a été fait pour un voyage déterminé, le donneur est tenu, pour pouvoir exiger le remboursement du capital prêté et le profit maritime, de fournir la preuve de l'arrivée du navire dans le lieu du reste.

1374. Le payement du capital et du profit nautique peut être exigé par le donneur, avant l'époque fixée par le contrat, lorsqu'il établit que les risques ont cessé par le fait de l'emprunteur, par exemple, si celui-ci a changé, sans nécessité, le navire ou le voyage, ou la route indiquée dans la convention. Il a été ainsi jugé que la rupture volontaire du voyage par l'armateur dans un port intermédiaire, rend exigible les sommes par lui empruntées à la grosse, sans qu'il puisse réclamer pour le payement un délai égal au temps que, sans cette rupture, aurait vraisemblablement exigé le transport du navire à sa destination primitive

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du propriétaire de son navire, et nullement en nom propre, ne s'oblige pas personnellement, mais suit alors les règles ordinaires du mandat, d'autant qu'alors le prêteur suit exclusivement la foi du mandant de l'emprunteur, et veut bien se contenter de son crédit; Attendu que, dang l'espèce, il conste, par la teneur du contrat à la grosse du 23 juin 1819, que le capitaine Westrus, appelant, n'a contracté l'emprunt dont il s'agit, que pour et au nom des propriétaires de son navire, deuxièmes appelants; d'où suit qu'il n'est pas personnellement tenu envers les intimés, en vertu dudit contrat, de sorte que l'action primitive, dirigée contre lui, cessait de le concerner, du moment que ses mandants, ici appelants, ont pris son fait et cause;

Mais attendu, quant à ces derniers, que, dans le contrat à la grosse, le capitaine Westrus a bien déclaré délivrer deux lettres de change au profit du prêteur, mais que ces effets ne servaient que comme une assignation au mode de restitution du prêt contracté; de sorte qu'en cas do non-payement de ces effets, à leur échéance, l'action, en restitution du prêt à la grosse, restait en son entier;

Attendu que l'acte du 26 fév. 1820, ne fait que rafraîchir l'obligation, résultant du prêt à la grosse, avec dation de garantie ou d'hypothèque, sur les magasins mentionnés dans cet acte; que ce renouvellement d'obligation, ainsi que les sûretés y données, loin de renfermer une novation dudit prêt, ne forment qu'une espèce de constitutum, qui raffermit la première obligation; - Par ces motifs, met le jugement dont est appel au néant, en ce qui concerne la condamnation portée à la charge de l'appelant Westrus; émendant quant à ce, ie met hors de cause, etc. Du 5 janv. 1822.-C. sup. de Bruxelles, 4 ch.

(2) (Fabry C. Tourrel.) - LA COUR; Attendu que la demande en garantie du sieur Tourrel contre le capitaine Delescouble ne saurait être admise, par le motif que les faits et les fautes qu'aurait commis ce capitaine n'ont pu porter aucun préjudice au sieur Tourrel; puisqu'ils auraient eu lieu avant que le prêt à la grosse dont il est porteur eût été fait par son mandant; que ce porteur ou soit le bailleur de fonds avait connu, avant de prêter, l'état du navire, les faits du capitaine, la procédure à laquelle il s'était livré, les circonstances dans lesquelles avaient été faites les réparations pour l'acquittemeut desquelles l'emprunt avait eu lieu; que, dès lors, c'était à lui de voir si, en l'état de ces faits, il lui convenait ou non de prêter; mais que, s'étant décidé à le faire, il est aussi non recevable que mal fondé à exercer contre le capitaine un recours quelconque, puisqu'il est évident que ce capitaine n'a commis aucune faute depuis que le préteur à la grosse a traité avec lui.

Du 8 fév. 1831.-C. d'Aix.-M. Bref, pr.

(Req., 31 mai 1843, aff. Jennequin, V. plus haut, no 100). 1375. En principe, l'emprunteur est obligé de remplir ses engagements dès que la condition à laquelle ils étaient subordonnés vient à être réalisée, si toutefois il n'a été stipulé aucun délai dans le contrat. Mais, dans l'usage, on lui en accorde un, alors même que le payement du capital prêté et du change maritime a été stipulé exigible aussitôt après l'arrivée du navire. Quod dicimus debere statim solvere, cum aliquo scilicet temperamento temporis intelligendum est; nec enim cum sacco adire debet (L. 105, D., de Solut. et lib.; L. 186, D., de Regul. jur.) « Dans ce cas, dit Émerigon, il est permis au juge d'accorder, par équité et suivant les circonstances, un certain délai qui, ne nuisant point au créancier, donne au débiteur le moyen de remplir sa promesse, sauf le change de terre, lequel court depuis la de; meure, sans interpellation judiciaire. » Cette décision est conforme aux dispositions de l'art. 1244 c. civ. Mais elle est peu en harmonie avec l'esprit qui a dicté la disposition de l'art. 157 c.com. 1376. Le payement doit être fait, sauf clause contraire, au lieu où se trouve le navire quand le risque finit, encore que ce ne soit pas le terme du voyage. S'il n'y a dans ce lieu aucun mandataire du prêteur auquel le payement puisse être légalement fait, l'emprunteur peut, à son choix, ou faire le dépôt judiciaire `de la somme par lui due, ou la conserver provisoirement. Dans ce dernier cas, il ne doit aucun intérêt jusqu'à son arrivée, quand même ʼn en aurait été stipulé en cas de retard. Mais l'argent est à ses risques. Si, pour remplir ses engagements, il tire des lettres de change, elles sont pour son compte, à moins qu'il | ne les ait tirées par ordre du créancier, auquel cas il est juste qu'elles voyagent pour le compte de ce dernier. C'est ce que décident, avec raison, Émerigon, t. 2, p. 528, et Boulay-Paty, t. 3, p. 64. Ces auteurs regardent même comme contraire à la nature du contrat à la grosse, toute clause qui, dans le cas dont il s'agit, mettrait aux risques du preneur la lettre de change tirée par ordre du porteur.

Le payement doit être fait en argent, sans que le preneur soit recevable, à moins de clause contraire, à offrir des marchandises (Pothier, Tr. des oblig., no 243). Si le prêt à la grosse a été passé en pays étranger et doit être remboursé en France, il y a lieu d'évaluer en francs la monnaie énoncée au contrat. C'est ce qui résulte de l'art. 24 de l'arrêt du conseil du 27 nov. 1779, relatif à la perception du droit de consulat établi sur le commerce du Levant, qui prescrit de tenir les comptes en monnaie de France, d'évaluer par conséquent la monnaie courante des échelles en livres tournois (aujourd'hui, en francs), et d'établir cette évaluation sur le cours du change qui a lieu dans chaque échelle, et qui doit être certifié par deux notables commerçants (Boulay-Paty, t. 3, p. 66).

1377. Lorsque, dans l'emprunt à la grosse contracté par le capitaine pour les besoins du navire assuré, il a été stipulé que le profit maritime, si le prêt venait à être remboursé avant l'arrivée du navire à sa destination, serait moindre que celui qui serait dû dans le cas où le remboursement serait différé jusqu'après cette arrivée, les assureurs, avertis en temps utile de cette stipulation, sont tenus d'autoriser l'armateur assuré, débiteur du billet de grosse, à profiter de ladite stipulation en remboursant le prêt avant l'arrivée du bâtiment, et en ne payant en conséquence que le profit maritime le moins élevé; s'ils ne le font pas, et si par suite le prêt n'est acquitté qu'après l'achèvement du voyage, ils sont tenus de rembourser à l'assuré, outre le montant du prêt, le plus élevé des profits maritimes stipulés dans le contrat. C'est ce qu'a jugé avec raison un arrêt ci-dessus cité de la cour de Paris, du 20 mars 1841, aff. Wiolett, V. no 1367.

(1) (Chiron de Kerlaly C. Guillet de la Brosse.) — LA COUR; - Considérant que les règles établies par la législation civile, pour les contrats dont elle détermine la forme et les effets, ne sont pas applicables aux transactions commerciales, dont la forme et les effets sont réglés par des fois spéciales, ou par des usages reconnus constants et qui tiennent lieu de loi, lorsqu'ils n'ont été abrogés par aucune disposition des lois sur le commerce; que cette distinction, fondée sur la différence qui existe entre les contrats ordinaires et les transactions de commerce, est formellement consacrée par plusieurs dispositions du code civil, notamment par l'art. 1107, § 2, ainsi conçu: « Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun d'eux, et les règles parti

Il résulte aussi du même arrêt que l'assureur d'un navire pour les besoins duquel le capitaine a emprunté à la grosse, est tenu de rembourser en totalité à l'assuré le profit maritime que celui-ci a payé au prêteur, sans pouvoir réclamer aucune diminution, sous le prétexte que le prêteur avait couru des risques (les risques de guerre) dont lui, assureur, n'avait point assumé la responsabilité.

1378. On a vu qu'aussitôt que les risques sont finis, l'em prunteur doit le remboursement de la somme prêtée, et, de plus, le profit maritime convenu. Mais, quand il est en retard d'effectuer ce payement, doit-il aussi l'intérêt de terre ipso jure, sans qu'il soit besoin de demande judiciaire? Le change maritime estil lui-même susceptible de produire des intérêts? et dans le cas de l'affirmative, ces intérêts courent-ils depuis la cessation des risques, ou seulement depuis la demande judiciaire? — Le conseil de commerce de Cologne proposait de dire « que le créancier peut demander les intérêts depuis le jour où les risques ont cessé, jusqu'au jour où il est remboursé de ses avances, et que ces intérêts seraient calculés, non pas d'après ceux stipulés dans le contrat à la grosse, mais simplement sur le pied qui s'observe dans les contrats à usure où il n'y a point de risques, les effets devant cesser avec la cause. »> D'un autre côté, la cour de Rennes proposait l'article suivant: « L'intérêt de terre de la somme prêtée court de plein droit du jour de la cessation du risque. En aucun cas le profit maritime ne produit intérêt. » A l'appui de cet amendement, la cour de Rennes disail: << Pothie refuse l'intérêt du capital même, à compter de la cessation du risque; et quant au profit maritime, il ajoute que l'intérêt n'en est dû en aucun cas : ce serait, dit-il, un anatocisme. Émerigon soutient que la première partie de l'opinion de Pothier est en opposition avec la loi, quoique l'ordonnance garde le silence le plus absolu sur les deux parties. La loi dont parle Émerigon est sans doute le droit romain, portant: Discusso periculo, majus legitima usura non debebitur; d'où il conclut que l'intérêt légitime du principal est dû ipso jure. Cette conséquence ne sort pas du texte. Mais telle est la jurisprudence constante qui n'a pas varié sur ce point. L'autre (partie de l'opinion de Pothier), relative à l'intérêt du profit maritime, souffre plus de difficultés : les auteurs cités par Émerigon tiennent la négative; et luimême, quoiqu'il dise que l'affirmative n'est plus douteuse, des vœux pour un changement de jurisprudence. Aucune loi, ditil, ne décide que le change nautique produise ipso jure des intérêts de terre; et il est injuste d'aggraver d'un accessoire nouveau le change maritime, qui, dans le vrai, n'est lui-même qu'un accessoire... »

fait

1379. Les dispositions proposées n'ont point été adoptées; et les mêmes dissentiments qui régnaient entre les anciens auteurs divisent les modernes. MM. Pardessus et Delvincourt, t. 2, p. 323, pensent, comme Pothier, que l'intérêt de terre de la somme prêtee n'est dû que du jour de la demande, à moins de convention contraire (c. civ. 1153). Locré, sur l'art. 328, Boulay-Paty, t. 3, p. 80, et Dageville, t. 2, p. 485, décident, au contraire, avec Émerigon, que cet intérêt court de plein droit depuis la cessation des risques; et cette opinion semble bien fondée, attendu qu'elle est conforme à un usage constant; que le code civil n'a pas entendu déroger aux usages du commerce (1153), et que les commerçants ne laissant jamais leurs fonds oisifs, on ne fait, en les soumettant au payement des intérêts, que leur demander compte des fruits qu'ils ont perçus (Conf. Rennes, 7 mars 1820 (1); 9 pluv. an 11, aff. Guillaume C. Guillochet. Contrà, trib. de Marseille, 16 mars 1832, aff. Loiry).

Mêmes divergences relativement aux intérêts du change

culières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce; » et que même le contrat à la grosse est expressément excepté de l'application des lois civiles, par la disposition finale de l'art. 1964; Considérant que le contrat à la grosse dont Maugars demande l'exécution est du 16 oct. 1789; qu'à cette époque, à laquelle il est necessaire de remonter pour bien apprécier les droits et les obligations des parties, les principes rigoureux de la législation civile, prohibitive du prêt à intérêt, avaient été modifiés par une loi rendue le 2 même mois, et que, s'il existait déjà une exception à ces principes par les dispositions particulières du droit commercial, elle devait encore inspirer plus de confiance dans son application au contrat passé sous le régime de la loi

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