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par le décret du 19 vend. an 2, elle n'en a pas moins, quant à la manière d'acquérir la qualité de Français, produit tout son effet (Douai, 19 mai 1835, préf. du Nord, V. no 72); 2o Que, de même, la constitution du 24 juin 1793, suivant laquelle (art. 4) la qualité de Français a été conférée à l'étranger, âgé de vingtet un ans accomplis, domicilié en France depuis une année et y exerçant une industrie, a eu une existence légale ; qu'en conséquence, les descendants d'un étranger ainsi naturalisé sont Français et soumis aux obligations attachées à cette qualité, et spécialement à la loi du recrutement (Douai, 23 nov. 1840) (1).— 3o Et que, par la même raison, l'étranger (Anglais) qui, fixé en France dès 1793, y a formé un établissement commercial, y a exercé sa profession et y a résidé jusqu'à sa mort, arrivée en 1819, a acquis la qualité de citoyen français (c. d'ass. de la Seine, 1er août 1838) (2).

93. La constitution de 1795 (5 fruct. an 3) qui, par son art. 10, a abrogé celle de 1793, en ce qui touche les conditions requises pour devenir Français, n'a produit son effet qu'à partir du 22 sept. 1795, c'est-à-dire du jour de la proclamation de son acceptation par le peuple français, et non à partir du 22 août 1795, jour où

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qu'il est constant, en fait, et non contesté, que Stéhélin est venu en France à l'époque du 22 sept. 1790, et qu'alors comme depuis il a constamment exercé une industrie et manifesté le désir d'acquérir et de conserver la qualité de Français; qu'il est pareillement constaté qu'il a contribué aux charges publiques, en concourant à la levée des trois cent mille hommes en 1793, et en marchant lui-même, lors de l'appel de la masse, en septembre de la même année; enfin qu'il a joui sans interruption des droits et prérogatives attribués aux citoyens français;- Qu'aux termes de l'art. 4 de l'acte constitutionnel de 1793, dont l'acceptation par le peuple réuni en assemblées primaires a été solennellement proclamée le 10 août de la même année: « Tout étranger, âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, etc., est admis à l'exercice des droits de citoyen français; » - - Qu'à la vérité, Stéhélin, né le 15 sept. 1774, n'a atteint sa vingt et unième année qu'à la même époque de 1795; mais qu'à cette date la qualité de citoyen français lui restait acquise par la seule force de la loi, si, d'ailleurs, il ne l'a pas perdue depuis par un acte dérogatoire, ce qui n'est pas même allégué; - Qu'il est de principe que les dispositions législatives n'ont force de loi que du jour de leur promulgation; que, jusque-là, les lois antérieures, auxquelles il est dérogé par la nouvelle, restent en vigueur, et doivent continuer à reeevoir leur exécution; Considérant que la constitution de 1795, qui, par son art. 10, abroge l'art. 4 de celle de 1793, n'a été promulguée que par la loi du 22 sept. 1795, qui la proclame loi fondamentale de l'État; que Stéhélin ayant acquis sa vingt et unième année accomplie, dès le 15 du même mois de septembre, il a encore acquis sa qualité de citoyen français, en vertu de la constitution de 1795, et que, par conséquent, la disposition dérogatoire ne peut lui être appliquée; Que le décret du 10 oct. 1795 n'a pu déroger aux droits acquis, n'étant d'ailleurs que suspensif de l'effet de la constitution de 1795, quant aux dispositions particulières qu'il signale, et qui sont restreintes au mode d'un gouvernement provisoire, aux subsistances, à la sûreté générale et aux finances; Considérant, enfin, que la constitution de 93 a eu une existence réelle et 'généralement reconnue; que la preuve de sa mise en vigueur, comme loi de l'État, se puise dans le décret même du 10 octobre, qui en suspend l'effet, en ordonnant que le gouvernement provisoire de la France sera révolutionnaire jusqu'à la paix; - Par ces motifs, prononçant sur l'appel émis par Stéhélin, de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin, du 28 septembre précédent, réforme ladite décision et ordonne que Jean-Henri Stéhélin, maitre de forges, demeurant à Willer, sera inscrit sur la première partie de la liste électorale, pour, par lui, exercer les fonctions électorales, conformément à la loi, néanmoins sans dépens.

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Du 13 oct. 1829.-C. de Colmar.-M. Jacquot-Donnat, pr. (1) Espèce: (Lanau C. préfet du Nord.) 29 août 1840, jugement qui porte: «Considérant que la constitution du 24 juin 1793 a eu une existence réelle et légalement reconnue, dont l'effet a été d'attribuer irrévocablement aux étrangers la naturalisation par eux acquise en vertu des dispositions de ladite constitution; Considérant qu'aux termes de l'art. 4 de cette constitution, tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France, depuis une année, y vivait de son travail, s'est trouvé admis à l'exercice des droits de citoyen français, et a été réputé tel ipso facto, sans même que son consentement ou sa volonté fat nécessaire; Que c'était là une conséquence du droit de souveraineté, appartenant à chaque État, en vertu duquel il peut régler les conditions auxquelles il admet un étranger à habiter son territoire; - Qu'en continuant à résider en France postérieurement à la mise en vigueur de la loi qui déterminait ces conditions, l'étranger s'est mis dans le cas de ne pouvoir plus alléguer par la suite son ignorance ou son défaut de volonté,

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ce projet a été soumis à son assentiment. En conséquence, celui qui, avant l'acceptation de la constitution de 1795, remplissait les conditions exigées par la constitution de 1793 pour être Français, a été irrévocablement investi de cette qualité, bien que, lors de la présentation du projet de constitution, ces conditions ne fussent pas encore remplies (Colmar, 13 oct. 1829, aff. Sténélin, V. no 91).

94. Les conditions exigées par les lois qui se sont succédées depuis 1790, pour devenir Français, étant substantielles, leur accomplissement ne peut être ni suppléé ni présumé; et, dès lors, de ce qu'un étranger a résidé en France depuis 1789, qu'il s'y est marié, qu'il y a accepté des emplois, a servi dans la garde nationale, et que l'un de ses fils a été appelé à la conscription, il ne résulte pas qu'il a acquis la qualité de Français, et que, par suite, ses autres enfants doivent être appelés au recrutement de l'armée (Montpellier, 22 juin 1826) (3).

95. Quoique ces lois lois soient abrogées aujourd'hui, elles peuvent être invoquées néanmoins pour déterminer la nationalité, soit des individus encore existants qui se trouvaient compris dans les termes de leurs dispositions, soit de leurs enfants

et qu'il est censé avoir acceplé, avec les droits et les titres qui lui ont été conférés, les charges attachées à la nouvelle qualité dont il était revêtu; Considérant que des faits et documents de la cause, il résulte qu'à la date du 21 août 1793, époque où il s'est marié à Vervins, le sieur PierreJoseph Lanau, alors armurier attaché à la manufacture d'armes, avait accompli sa vingt et unième année; qu'il comptait une année au moins de résidence en France au 21 août 1794, et qu'il y vivait de son travail; Que, dès lors, il avait acquis à cette dernière époque la qualité de Francais, qu'il a nécessairement transmise à François Lanau, son fils, né à Maubeuge le 11 mars 1795; Que conséquemment, et par application de cette maxime, « l'enfant naît ce qu'est son père, » Pierre-François Lanau, né à Maubeuge le 22 nov. 1819, doit être réputé Français, et şoumis comme tel à toutes les charges imposées par la loi. » Appel.

Arrêt.

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LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges ;-Confirme, etc. Du 23 nov. 1840 -C. de Douai, aud. sol.-M. Colin, 1er pr. (2) (Min. pub. C. Monod et Brunton.) - LA COUR; En ce qui touche Ducimetière-Monod: Considérant qu'aux termes de l'art. 381 c. inst. crim., nul ne peut remplir les fonctions de juré s'il ne jouit des droits civils et politiques, Considérant que Ducimetière-Monod est né à Rolle, dans le canton de Vaud (en Suisse); — Que, si, par ordonnance du roi, en date du 17 juill. 1831, il a été admis à jouir des droits civils, il ne justifie pas avoir obtenu des lettres de naturalisation qui lui accordent la jouissance des droits politiques; Que, dès lors, il n'a pas la capacité nécessaire pour remplir les fonctions de juré; · Ordonne que son nom sera rayé de la liste du jury; En ce qui touche Brunton : Considérant que Brunton père, Anglais d'origine, est venu se fixer en France dans l'année 1793; qu'il y a formé un établissement commercial; Qu'il y a exercé la profession de mécanicien, et que, depuis, il n'a pas quitté la France, où il est décédé en 1819;-Qu'aux termes des lois de cette époque, il avait acquis la qualité de citoyen français, que n'ont pu lui enlever les lois postérieures; Considérant que Brunton fils est né en France au mois de fév. 1795;-Que, né d'un père qui avait acquis la qualité de Français, il a suivi la condition de son père, et est Français lui-même ; Maintient Brunton sur la liste du jury.

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Du 1er août 1838.-C. d'ass. de la Seine.-M. Didelot, c. conf.

(3) (Préfet de l'Hérault C. Loth.)- LA COUR;- Attendu que, d'après la loi du 2 mai 1790, l'étranger ne pouvait acquérir la qualité de Francais qu'après cinq ans de domicile continu dans le royaume, et en remplissant les conditions prescrites par cette loi; - Attendu qu'avant l'expiration de ce délai, la constitution de 1791 ajouta à ces conditions celle de prêter le serment civique; Attendu que Loth soutient n'avoir jamais prêté ce serment, et qu'il n'est point établi qu'il l'ait prêté; qu'ainsi Altendu il ne saurait être réputé Français en vertu de ces deux lois; que la constitution de l'an 3 et celle de l'an 8, au lieu de la prestation du serment civique, exigèrent la déclaration de la part de l'étranger de se fixer en France; que rien ne prouve que Loth ait fait cette déclaration; qu'il affirme, au contraire, ne l'avoir jamais faite; Attendu que les conditions mises par la loi à la faculté de devenir Français sont substantielles et essentiellement inhérentes à cette faculté, et leur accomplisque sement ne peut être ni présumé ni suppléé; d'où il suit que la qualité de Français ne fut pas plus acquise à Loth par les constitutions de l'an 3 et de l'an 8 que par celles de la constitution de 1791 et de la loi de 1790; Attendu que, postérieurement, il a fallu, pour devenir Français, ou des décrets du gouvernement, ou des lettres de naturalité, et qu'il esi Par ces motifs et ceux convenu qu'il n'en a pas été délivré à Loth; énoncés dans le jugement, confirme. Du 22 juin 1826.-C. de Montpellier. M. de Trinquelague, 1" pr.

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dont on contesterait la qualité; car il n'est pas douteux, ainsi que le fait très-bien remarquer M. Serrigny (t. 1, p. 153), que tous ceux qui ont acquis la qualité de Français par l'un des moyens énoncés dans nos lois intermédiaires, l'ont conservée s'ils sont encore existants et l'ont transmise à leurs descendants par la naissance. Jugé dans ce sens que l'étranger qui avait acquis la qualité de citoyen français selon les lois antérieures à la constitution de l'an 8, n'a pu en être privé par inexécution des formalités prescrites, soit par cette constitution, soit par les décrets et ordonnances postérieurs, et spécialement pour n'avoir pas produit des lettres de naturalisation; que ces lois n'ont pu rétroagir (Amiens, 12 fév. 1824; 14 fév. 1824; Montpellier, 12 nov. 1827 (1); Lyon, 10 nov. 1827, aff. Casati, V. no 87).

96. Remarquons même que la qualité de Français a pu être acquise par des étrangers qui n'ont pas rempli celle des conditions de la loi de 1791, qui est relative au serment civique. La raison en est que la loi des 30 avril-2 mai 1790 ne prescrivait pas la formalité du serment civique à l'effet de devenir Français,

(1) 1oo Espèce : — (Fatton C. le préfet de la Somme.) — La cour ; Vu la requête présentée par le sieur Abraham Fatton, négociant, demeurant à Amiens, en date du 6 février, présent mois, signée de lui et de Belin, avoué, contenant pourvoi contre l'arrêté de M. le préfet de la Somme, du 5 dudit mois, qui a ordonné que le nom dudit sieur Fatton serait rayé de la liste provisoire des électeurs devant former le deuxième collège d'arrondissement électoral; Après qu'il en a été délibéré, conformément à la loi ; — Sur la question de savoir si le sieur Fatton, Suisse d'origine, ne peut être réputé citoyen français, parce qu'il n'a pas obtenu de lettres de naturalisation: :Considérant que la loi du 2 mai 1790, sanctionnée par le roi, dispose que «tous ceux qui, nés nors du royaume, de parents étrangers, sont établis en France, sont réputés Français, et admis, en prêtant le serment civique, à l'exercice des droits de citoyens actifs, après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s'ils ont, en outre, acquis des immeubles, ou épousé une Française, ou formé un établissement de commerce; » — Que ces dispositions sont reproduites dans l'art. 3, tit. 2, de la constitution du 14 sept. 1791; - Que l'art. 10, tit. 2, de la constitution du 3 fruct. an 3 (ou 22 août 1795) porte : - L'étranger devient citoyen français, lorsque, après avoir atteint l'âge de vingt et un ans accomplis et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé sept années consécutives, pourvu qu'il paye une contribution directe, et qu'en outre, il y possède une propriété foncière, un établissement d'agriculture ou de commerce, ou qu'il ait épousé une Française;

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Considérant, en fait, qu'il résulte des pièces produites par Fatton, que ce particulier, né Suisse, s'est établi à Amiens avant 1788, et y a, depuis, fait sa résidence ; — Qu'à cette époque, il y a formé une société de commerce; - Que, pendant les années subséquentes, il a acquis, dans le royaume, des propriétés foncières;- Qu'il y a payé des contributions directes; Que, le 5 janv. 1794, il y a épousé une Française; - Que, dans l'exercice des fonctions publiques qui lui ont été conférées avant promulgation de la constitution de l'an 8, il a prêté le serment civique exigé par les lois du temps; - Considérant que Fatton avait ainsi rempli dès lors toutes les conditions prescrites pour acquérir le titre de citoyen français; Que, les lois n'ayant point d'effet rétroactif, les formalités que la constitution de l'an 8, les lois, décrets et ordonnances postérieurs, ont pu exiger pour l'acquisition du titre dont il s'agit, n'ont point été obligatoires pour Fatton, et que le défaut de leur accomplissement n'a pu le priver d'un droit qui lui appartenait antérieurement; Considérant enfin que ni la qualité de bourgeois de Neuchâtel et de Vallengin, qu'il a prise dernièrement dans le contrat de mariage de sa fille, ni aucun autre acte à lui imputé, ne lui a fait perdre le titre de Français dont il jouit depuis plus de trente ans; - Statuant, en vertu des dispositions de la loi du 5 fév. 1817, sur le pourvoi de Fatton contre l'arrêté du préfet de la Somme, dit que ledit Fatton continuera de jouir des droits civils et politiques appartenant aux citoyens français; et qu'en conséquence, il sera, à ce titre, inscrit sur la liste des électeurs de son arrondissement, si d'ailleurs il remplit toutes les autres conditions exigées par les lois. Du 12 fév. 1824.-C. d'Amiens.-M. de Maleville, 1 pr.

2o Espèce : - (Thiébaud C. le préfet de la Somme.) - LA COUR ; Vu la requête présentée par le sieur Thiébaud, et après qu'il en a été délibéré conformément à la loi;-Sur la question de savoir si le sieur Thiébaud, Suisse d'origine, ne peut être réputé citoyen français, parce qu'il n'a pas obtenu de lettres de naturalisation: Considérant que l'art. 10, tit. 2, de la constitution de l'an 3, porte que l'étranger devient eitoyen français, lorsque après avoir atteint l'âge de vingt et un ans accomplis et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé pendant sept années consécutives, pourvu qu'il paye une contribution directe, et qu'en outre, il possède une propriété foncière, ou un établissement d'agriculture ou de commerce, ou qu'il ait épousé une Française; -Considérant, en fait, qu'il résulte des pièces produites par Thiébaud, que ce

mais seulement à l'effet de faire acquérir la qualité de citoyen. Or comme la loi de 1791 ne s'occupe que de la manière dont les étrangers deviennent citoyens, la jurisprudence en a conclu que le serment civique ne pouvait être exigé que des étrangers qui prétendaient à cette qualité et non de ceux qui réclamaient seulement celle de Français.

97. Selon l'art. 3 de la constitution du 22 frim. an 8, « un étranger devenait citoyen français, lorsqu'après avoir atteint l'âge de vingt et un ans accomplis et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y avait résidé pendant dix années consécutives. L'art. 13 c. civ. a eu pour but principal de faciliter à l'étranger cette espèce de stage politique par la concession des droits civils en France pendant sa durée. La loi du 3 déc. 1849, dont nous nous occuperons bientôt, a maintenu ces conditions.

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98. Cette disposition de l'art. 3 de la constitution du 22 frim. an 8, avait été critiquée au conseil d'État, par M. Roederer qui, dans la séance du 4 fruct. an 9, avait dit : « C'est un départiculier, né Suisse, était établi à Amiens avant le 12 sept. 1789, et que, depuis, il y a constamment fait sa résidence et payé une contribution directe;- Qu'en 1796, il a été associé à la maison de commerce Morgau; -Qu'en 1797, il y a lui-même formé un établissement de commerce; - Qu'en la même année, il y a épousé une Française; - Que, dans le deuxième trimestre de l'an 6, il a rempli les fonctions de juré au tribunal criminel d'Amiens; ce qui, aux termes du code de brumaire an 4, suppose nécessairement qu'il réunissait les conditions prescrites pour être électeur, et que, par conséquent, il avait déclaré vouloir se fixer en France; Considérant que Thiébaud avait ainsi rempli dès lors toutes les conditions mentionnées en la constitution de l'an 3, pour acquérir le titre de citoyen français; que les lois n'ayant point d'effet rétroactif, les formalités que la constitution de l'an 8, les lois, décrets et ordonnances postérieurs ont pu exiger, pour l'acquisition dont il s'agit, n'ont point été obligatoires pour Thiébaud, et que le défaut de leur accomplissement n'a pu le priver du droit qui lui appartenait antérieurement; Considérant enfin que, quelques reproches qu'ait pu encourir Thiébaud, pour avoir, soit provoqué, soit laissé effectuer l'exemption de son fils du recrutement de 1822, par le motif qu'il était Suisse, ce fait ne saurait être rangé parmi les actes qui, aux termes du code civil et des lois, peuvent lui faire perdre le titre de Français dont il jouit depuis plus de trente ans ; - Statuant, en vertu des dispositions de la loi du 5 fév. 1817, sur le pourvoi de Thiébaud contre l'arrêté du préfet de la Somme, dit que ledit Thiébaud continuera de jouir des droits civils et politiques appartenant aux citoyens français, et qu'en conséquence il sera, à ce titre, inscrit sur la liste des électeurs de son arrondissement, si d'ailleurs il remplit toutes les autres conditions exigées par les lois."

Du 14 fév. 1824.-C. d'Amiens.-M. de Maleville, 1 pr.

3. Espèce :- (Sallin C. le préfet de l'Aude.) - Le sieur Sallin, né en Savoie, se fixe à Carcassonne, avant la réunion de la Savoie à la France, et y exerce, depuis son arrivée, les droits attachés à la qualité de citoyen français. Le préfet du département de l'Aude, dans la formation de la première partie de la liste élémentaire du jury, n'y porta pas Sailin, qui réclama. Le 13 sept. 1827, arrêté du préfet :- Considérant que Sallin reconnait lui-même l'exactitude du fait de sa naissance, et qu'il ne justifie pas avoir rempli les conditions prescrites par la loi du 14 oct. 1814 pour pouvoir jouir des droits de citoyen français, arrêtons: il n'y a pas lieu d'ordonner l'inscription du réclamant sur la liste générale du jury, dressée en exécution de la loi du 2 mai 1827. - - Recours de Sallin contre cet arrêté devant la cour de Montpellier. - Arrêt.

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LA COUR; Attendu qu'il est constant, en fait, que le sieur Sallin, né en Savoie, a acquis les droits et le titre de citoyen français bien avant la loi du 14 oct. 1814; qu'en effet, il réside en France depuis plus de cinq ans avant la loi du 2 mai 1827; qu'il a été inscrit en 1791 sur la liste des citoyens actifs, et qu'il a prêté le serment civique; qu'il a formé un établissement de commerce en France, acheté des immeubles, et épousé une Française; que son domicile a été constamment à Carcassonne; que, depuis lors, il a joui de tous les droits attachés à la qualité de citoyen français, rempli des fonctions publiques, telles que les fonctions de juré et celles d'électeur; qu'il a été nommé membre d'un conseil municipal, et en exerce aujourd'hui les fonctions; que, soit que l'on considère les lois de 1790, les constitutions de 1791 et 1793, le sieur Sallin avait, d'après ces lois, acquis le titre de citoyen français; que les lois postérieures, en exigeant de nouvelles formalités, n'ont pu avoir un effet rétroactif, et enlever au sieur Sallin des droits acquis; Attendu qu'il n'a été allégué aucune circonstance qui ait fait perdre au sieur Sallin la qualité de citoyen francais «Par ces motifs, statuant sur la demande du sieur Sallin, et sur le pourvoi par lui fait envers l'arrêté du conseil de préfecture, du 25 septembre dernier; sans s'arrêter audit arrêté, et l'annulant en tant que de besoin, déclare que le sieur Sallin est citoyen français, et qu'à ce titre il a droit de jouir de tous les priviléges attachés à cette qualité;

faut dans la constitution de ne pas autoriser la concession de lettres de naturalité. Il en résultera que des hommes d'un rare mérite, tel que Franklin, par exemple, ne pourront jamais devenir Français, parce qu'ils seront d'un âge trop avancé pour espérer d'accomplir leur stage politique. » C'est pourquoi le sénatus-consulte du 26 vend. an 11 (V. p. 35) a autorisé le gouvernement à conférer la qualité de citoyen trançais, après un an de domicile, à l'étranger qui la solliciterait pour services importants, talents, inventions, industrie utile ou grands établissements formés en France. Cette autorisation, accordée d'abord pour cinq ans, a été rendue perpétuelle par un autre sénatus-consulte du 19 fév. 1808 (V. p. 35).

99. Suffisait-il avant la loi de 1849, à l'étranger, pour devenir Français, d'accomplir les conditions prescrites par la constitution du 22 frim. an 8? Non. Il fallait encore qu'il eût obtenu la permission de s'établir en France, suivant l'avis du conseil d'État du 20 prair. an 11 (V. p. 35), et que sa naturalisation eût été prononcée par le gouvernement, aux termes du décret du 17 mars 1809 (V. p. 35).— C'est dans ce sens qu'il a été décidé que, sous l'empire des constitutions de l'an 3 et de l'an 8, pour acquérir la même qualité, il fallait que l'étranger eût déclaré l'intention de se fixer en France (Nîmes, 22 déc. 1825, aff. Forster, V. no 113-1o).

100. De même, un étranger, bien qu'il habitât la France depuis plus de dix ans, et qu'il y possédât des biens immeubles, peut ne pas être admis à se faire naturaliser Français, s'il ne justifie pas qu'il a obtenu du gouvernement l'autorisation de fixer son domicile en France (ord. c. d'Ét., 11 avr. 1834) (1).—Cette décision semblerait rigoureuse, légalement parlant, si l'on ne savait qu'il faut, dans des cas pareils, laisser au gouvernement une certaine latitude, une espèce de pouvoir discrétionnaire, qui est commandé par les circonstances, le caractère de l'étranger, l'utilité ou l'avantage qui pourra résulter pour la France de sa naturalisation.

101. Une différence importante fut introduite par l'ordon. du 4 juin 1814 entre le Français d'origine et l'étranger naturalisé. Jusqu'à cette époque, l'un et l'autre avaient toujours joui des mêmes priviléges. Désormais, l'étranger naturalisé ne put participer à la puissance législative que comme électeur. Il lui fallut de nouvelles lettres de naturalisation, vérifiées par le pouvoir législatif, pour être admis dans le parlement. D'après la loi du 3 déc. 1849, art. 1, ce n'est qu'en vertu d'une loi qu'un étranger peut être éligible.-V. Droits politiques.

102. Il a été rendu plusieurs ordonnances qui ont accordé des lettres de grande naturalisation, et l'on conserve le souvenir d'une critique plus vive qu'exacte au fond, qui fut faite en 1828

Ordonne, en conséquence, que ledit sieur Sallin sera inscrit sur la liste des électeurs compris dans la première partie de la liste du jury dressée en exécution de la loi du 2 mai 1827. »

Du 12 nov. 1827.-C. de Montpellier.-M. Joly, av.

(1) Espèce: (Williams Sinnett.) Après plus de dix années de résidence en France, où il possède des propriétés rurales, Williams Sinnett forme une demande de naturalisation.-Le ministre refuse de soumettre sa demande au roi, sur les motifs que les renseignements pris sur son compte ne sont pas favorables. Devant le conseil d'État, Sinnett invoque l'art. 5 de la constitution de l'an 8, ainsi conçu : « L'étranger devient citoyen français lorsque, après avoir atteint l'âge de vingt et un ans et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé pendant dix années consécutives. Il s'appuie également sur l'art. 1 du décret du 17 mars 1809, qui déclare que lorsque l'étranger se sera conformé à la loi précitée de l'an 8, sa naturalisation sera prononcée par le chef de l'État. Sinnett fait remarquer que, d'après cette disposition de la loi, c'est une obligation pour le chef de l'Etat, et non une faculté de prononcer la naturalisation. Le ministre, s'appuyant de l'art. 13 c. civ., répond que Sinnett est loin d'avoir un droit acquis; car s'il en était ainsi, ce serait aux tribunaux seuls à prononcer, et le gouvernement n'aurait point à intervenir. D'ailleurs, le droit de prononcer la naturalisation implique celui de la refuser. Si le pouvoir, aux termes du décret de vendém. an 6, a le droit de faire sortir en territoire les étrangers dont la présence pourrait être dangereuse, il doit avoir celui de ne pas les admettre.

LOUIS-PHILIPPE, etc.; Vu l'art. 3 de la loi du 22 frim. an 8, l'art. 13 c. civ., l'avis du conseil d'État du 18 prair. an 11, et le décret du 17 mars 1809; Considérant que, d'après l'art. 13 ci-dessus visé du code civil, un étranger ne peut jouir des droits civils en France qu'autant

par M. Dupin à la chambre des députés, de l'un de ces actes. V. Droits politiques. .

103. La loi fondamentale des Pays-Bas distingue également deux sortes de lettres de naturalisation : les unes, qu'elle appelle lettres d'indigénat, et que l'art. 10 de cette loi permettait au roi d'accorder pendant une année après la promulgation, à l'effet de faire jouir les étrangers du droit réservé par l'art. 8 aux indigènes, d'être nommés membres des états généraux, chefs ou membres des départements d'administration générale, conseillers d'État, commissaires du roi dans les provinces ou membres de la haute cour; les autres, qu'elle appelle simplement lettres de naturalisation, et qui, suivant l'art. 9, rendent les étrangers admissibles à toutes autres fonctions.

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104. Enfin, la loi du 14 oct. 1814 avait conservé aux habitants des pays autrefois réunis leurs droits civils et politiques, à la seule condition de déclarer leur volonté de rester en France et d'obtenir du gouvernement des lettres de déclaration de naturalité.-Ces lettres constatent que celui qui les obtient n'a pas cessé de jouir de la qualité de Français. Expression d'un droit acquis et subsistant, elles différent des lettres de naturalisation, qui n'attribuent qu'un droit nouveau (Nancy, aud. solen., ch. civ. et ch. corr. réun., 21 août 1845, aff. préf. de la Meuse, Extrait de M. Garnier, Jur. de Nancy, vo Étranger, no 2). - De là, l'avis du conseil d'État du 17 mai 1823, qui a décidé que « les membres de l'ordre de la Légion d'honneur, devenus étrangers par les traités, ne sont recevables à demander le traitement accordé aux membres français de cet ordre, qu'autant qu'ils produisent, non des lettres de naturalisation (il faudrait alors qu'ils fussent reçus de nouveau dans l'ordre), mais des lettres déclaratives de naturalité, obtenues dans les délais fixés par la loi du 14 oct. 1814, ou par les ordonnances rendues pour son exécution, et conçues dans les termes nécessaires pour constater que les impétrants ont, sans aucune interruption, conservé la qualité de citoyen français. »>

105. Du principe que les lettres de déclaration de naturalité ne sont que la reconnaissance d'un droit acquis, il suit encore que leur effet doit remonter à l'époque où cette naturalité a été acquise, à la différence de ce qui a lieu à l'égard des lettres de naturalisation. -En conséquence, il a été jugé : 1o que l'étranger qui, antérieurement à l'ordon. du 26 mai 1824, a obtenu une ordonnance déclarative de naturalité, peut réclamer le traitement arriéré de la Légion d'honneur, bien que les lettres-patentes de naturalité ne lui aient été délivrées qu'en 1834 (ord. cons d'Ét. 22 juin 1836) (2); — 2° Que des lettres de déclaration de naturalité, à la différence des lettres de naturalisation, ne font que conserver la qualité de Français déjà préexistante, mais qu'il a été autorisé par nous à y établir son domicile, et qu'à plus forte raison notre autorisation de s'établir en France est indispensable à l'étranger qui veut y obtenir la jouissance des droits politiques; Consirant que le sieur Sinnett n'a jamais obtenu du gouvernement l'autorisation d'établir son domicile en France; · Art. 1. La requête du sieur Sinnett est rejetée.

Du 11 avr. 1834.-Ord. du cons. d'Ét.-M. Boivin, rap. (2) Espèce: (Bressy.) Le sieur Bressy, né en Belgique, fut nommé chevalier de la Légion d'honneur le 4 déc. 1813. Une ordonnance du 23 mai 1821 le déclara Français; mais n'ayant pu acquitter alors les droits de sceau, les lettres patentes de naturalité ne lui ont été accordées que le 8 fév. 1834. Muni de ces lettres, le sieur Bressy a demandé la liquidation de l'arriéré de son traitement de la Légion d'honneur. Le grand chancelier a rejeté sa demande, sur le motif que le réclamant n'avait pas fait ses diligences dans le délai de six mois, fixé par l'ord. du 26 mai 1824. M. le garde des sceaux ayant approuvé cette décision, le sieur Bressy s'est pourvu au conseil d'État. Il a soutenu que les ordonnances de 1817 et de 1824 lui étaient inapplicables, parce que, dès 1816, il avait fait ses diligences pour être maintenu dans la qualité de Français, ainsi que cela résulte des visa de l'ordonnance de naturalisation. - M. le garde des sceaux défendait la décision attaquée, en soutenant que le visa de l'ordonnance de naturalisation ne suffisait pas pour établir que le sieur Bressy avait fait les diligences nécessaires dans le délai prescrit par l'ord. du 29 oct. 1817.

LOUIS-PHILIPPE, etc. ;-Vu les ord. des 29 oct. 1817 et 26 mai 1824; Vu l'ord. du 8 fév. 1834, laquelle, sur le vu de la déclaration faite par le réclamant à la mairie de Foisches, en 1816, portant qu'il persiste dans l'intention de se fixer en France, lui a accordé des lettres de déclaration de naturalité; - Considérant que le sieur Bressy est né le 21

ne la confèrent pas; que par suite, leur effet doit remonter à l'époque où cette qualité a été acquise (Req., 4 mai 1836) (1).

C'est la date de l'ordonnance royale portant déclaration de naturalité, insérée au bulletin des lois, et non la date des lettres patentes expédiées sur parchemin en vertu de cette ordonnance, qu'il faut considérer pour vérifier si le fils de l'étranger est né avant ou depuis la déclaration de naturalité de son père, et si, par suite, il est tenu de satisfaire à la loi du recrutement en France (Nancy, aud. solen., 21 août 1845, M. Moreau. 1er pr., le préf. de la Meuse C. Henrion. · Extrait de M. Garnier, Jur. de Nancy, v Étranger, no 2).

106. Mais, entendu sagement, le principe ne pouvait aller jusqu'à faire considérer comme Français, dès l'instant de sa demande, celui qui avait réclamé des lettres de naturalité. En conséquence, il pouvait, il est vrai, après l'obtention des lettres de naturalité, se faire restituer les biens qui lui seraient échus depuis sa demande, s'il eût été naturalisé; mais cet avantage ne l'autorisait pas à exercer provisoirement et avant toute solution un droit inhérent à la qualité de Français. Si donc le droit en question consistait dans l'exercice d'une faculté qui ne peut être mise à profit qu'à un moment donné, la rétroactivité que nous avons reconnue applicable n'était d'aucun effet.—Jugé dans le sens de cette restriction, que la loi du 14 oct. 1814 a bien mai 1781 à Marcinelle (Belgique); qu'après la réunion de la Belgique à la France, il est entré dans le dix-neuvième régiment de dragons, le 15 juill. 1803; qu'il y a servi jusqu'au 15 août 1814; que les lettres patentes ci-dessus visées à lui délivrées le 8 fév. 1834, se réfèrent à l'ordonnance déclarative de naturalité, en date du 23 mai 1821; que dès lors, il n'a pas cessé d'être Français, et que l'ordonnance du 26 mai 1824 ne lui est point applicable; - Art. 1. La décision du grand chancelier de la Légion d'honneur, en date du 16 juin 1834, approuvée par notre garde des sceaux, est annulée. · Art. 2. Le sieur Bressy est renvoyé à se faire liquider de l'arriéré de son traitement de légionnaire d'après les règles suivies pour les membres français de l'ordre de la Légion d'honneur.

Du 22 juin 1836.-Ord. c. d'Ét.-M. Montaud, rap.

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(1) Espèce (Barré C. Vieyra-Molina.) Le sieur Joseph VieyraMolina est né à Paris, le 19 mai 1804. Le 27 fév. 1807, le père de Joseph Vieyra, juif hollandais, fit, à la préfecture de police de la Seine, une déclaration portant qu'il était dans l'intention de fixer son domicile Paris, pour y jouir du bénéfice de l'art. 3 de la constitution du 22 frim. an 8. 9 juillet 1810, décret qui réunit la Hollande à l'empire français. Joseph Vieyra n'usa pas, dans les trois mois de sa majorité, du bénéfice de la loi du 14 oct. 1814, pour obtenir des lettres de déclaration de naturalité. Plusieurs créanciers ayant obtenu contre lui des jugements de condamnation prononçant la contrainte par corps, il a demandé à être admis au bénéfice de la cession de biens. Le sieur Barré, un de ses créanciers, a soutenu que le sieur Vieyra devait être déclaré non recevable dans sa demande, attendu sa qualité d'étranger. 6 avril 1832, le tribunal de la Seine admet le sieur Vieyra au bénéfice de cession. Appel. Le 22 juillet 1834, le sieur Vieyra a obtenu du gouvernement des lettres de déclaration de naturalité. Le sieur Barré a soutenu que ces lettres, ayant été obtenues seulement depuis l'appel, ne pouvaient, sans effet rétroactif, valider une cession de biens non recevable en son principe.-13 avril 1835, arrêt de la cour de Paris, ainsi conçu: «<< Considerant que Vieyra-Molina fils, né en France d'un père qui y avait fixé sa résidence, en déclarant qu'il voulait acquérir les droits de citoyen, y a constamment résidé lui-même, y a contracté mariage, et s'est soumis à toutes les charges imposées aux régnicoles; que, devenu momentanément Français, par suite de la réunion de la Hollande à la France, il s'est trouvé dispensé, par la loi du 14 oct. 1814, de faire la déclaration exigée par la constitution de frimaire an 8; que, mineur en 1814, il ne pouvait être tenu de faire, dans le délai de trois mois, la nouvelle déclaration prescrite par cette dernière loi; qu'en obtenant des lettres de déclaration de naturalité, depuis qu'il a atteint sa majorité, il a rempli la seule formalité à laquelle il pût être soumis pour conserver la qualité de Français; Que ces lettres, à la différence des lettres de naturalisaLion qui confèrent un droit nouveau, constatent, au contraire, un droit antérieur; que l'expression même de déclaration de naturalité implique 'idée d'un état préexistant, que les lettres ne font que déclarer, et dont les effets doivent nécessairement remonter à l'époque où, par la réunion des deux pays, Vieyra est devenu Français ; qu'il suit de là que l'intimé n'étant point étranger au moment où des poursuites ont été dirigées contre lui, ne peut être exclu comme tel du bénéfice de cession de biens. »

Pourvoi du sieur Barré. - Violation des art. 1 et 2 de la loi du 14 oct. 1814 et des art. 2 et 20 c. civ. Les art. 1 et 2 de la loi de 1814, a dit le demandeur en cassation, prescrivent expressément un délai de trois mois pour obtenir des lettres de déclaration de naturalité. Seulement,

dispensé les individus des pays ci-devant réunis à la France, de l'obligation généralement imposée aux étrangers par l'acte du 22 frim. an 8, de faire, dix ans d'avance, leur déclaration de se fixer en France, sous la seule condition de déclarer, daus les trois mois, qu'ils persistaient dans la volonté de s'y fixer; mais que cette loi n'a pas moins exigé, ainsi que le décret du 17 mars 1809, que leur naturalisation fût prononcée par le gouvernement ou qu'ils obtinssent des lettres de déclaration de naturalité, el qu'ils ne jouissent des droits de citoyens français, sans lesquels on ne peut être électeur, qu'à partir du moment où ils auraient obtenu ces lettres (Req., 27 juin 1831, aff. Bertholet, V. Droits politiques). Et, par exemple, si celui qui avait demandé des lettres pareilles, a obtenu une ordonnance dans laquelle, par oubli ou par toute autre cause, on ne lui accorde que la jouissance des droits civils, cet individu, bien qu'il eût antérieurement fondé en France un établissement industriel, qu'il s'y fût marié, qu'il y exerçât même des fonctions publiques (maire et juge d'un trib. de comm.), et que même, il eût depuis été confirmé par le gouvernement dans ces fonctions, n'est pas fondé à exercer les droits politiques en France, et par exemple à y voter comme électeur (Rouen, 18 août 1824) (2).

107. La déclaration imposée par la loi du 14 oct. 1814, aux habitants des pays réunis, ne pouvait se présumer ni se supsuivant que la partie intéressée réside en France depuis dix ans, et est majeure, ou bien suivant qu'elle n'a pas encore dix ans de résidence, ou qu'elle est mineure, les trois mois courent, tantôt de la promulgation de la loi, tantôt de l'époque où se sont accomplis les dix ans de résidence, tantôt enfin du jour de la majorité. Dans tous les cas, si l'étranger n'a pas rempli les formalités exigées par la loi de 1814, il n'a pu acquérir la qualité de Français, alors même qu'il aurait continué à résider en France. La jurisprudence est constante sur ce point. Or, dans l'espèce, le sieur Vieyra n'ayant pas, dans le délai de trois mois, après l'époque de sa majorité, rempli les formalités exigées par la loi de 1814, n'a pu se prévaloir du bénéfice de cette loi, pour réclamer la qualité de Français. Le sieur Vieyra a, plus tard, il est vrai, obtenu des lettres de déclaration de naturalité; mais l'arrêt attaqué a expressément violé la loi, en accordant à ces lettres un effet rétroactif. La loi, en effet, d'après l'art. 2 c. civ. (et à plus forte raison les ordonnances ou actes émanés du pouvoir exécutif cipe, l'art. 20 c. civ. déclare que les individus, qui recouvrent la qualité ou réglementaire), ne dispose que pour l'avenir. Conformément à ce prinde Français, ne peuvent s'en prévaloir que pour l'exercice des droits ouverts à leur profit depuis cette époque. Or, évidemment l'étranger ne peut être traité plus favorablement que celui qui recouvre la qualité de Français. Il faut donc reconnaitre que des lettres de déclaration de naturalité ne peuvent avoir d'effet que du jour où elles ont été accordées. — Arrêt. LA COUR; Attendu que, d'après les circonstances dans lesquelles se trouvait Vieyra-Molina, quand il a formé sa demande au roi, et la nature de cette demande, les lettres qui lui ont été accordées sont des lettres de déclaration de naturalité; - Attendu que les lettres de cette espèce, à la différence des lettres de naturalisation, conservent la qualité de Français préexistante et ne la confèrent pas, et que, par conséquent, l'effet en doit remonter à l'époque où cette qualité a été acquise; - Attendu que Vieyra Molina, devenu Français par suite de la qualité de son père, était en état de minorité au moment où fut rendue la loi du 14 oct. 1814, et que ni cette loi ni aucune autre re prononcent de délai fatal pendant lequel le mineur, devenu majeur, doit faire sa déclaration pour obtenir des lettres de déclaration de naturalité; que, dès lors, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué n'a pas frappé Vieyra-Molina d'une déchéance que rien ne pouvait justifier; Rejelte.

Du 4 mai 1836.-C. Č., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Joubert, rap.Nicod, av. gén., c. conf.-Ripault, av.

(2) Espèce: (Lombard C. préfecture de l'Eure.) - Lombard, né à Genève, en 1792, a formé en 1804, à Grillon, près Dourdan, un établissement considérable. En 1810, il épouse une Française; en 1814, on le nomme maire de sa commune et juge au tribunal de commerce. Il fait la déclaration qu'exige la loi du 14 octobre; une ordonnance du 29 nov. 1814 l'admet à établir son domicile en France et à y jouir de tous les droits civils tant qu'il y résidera. Depuis, on le nomme une seconde fois maire et président du tribunal. En 1820, il vote comme électeur; en 1824, et à la veille de la clôture des listes électorales, le préfet lui notifie une décision qui le raye comme n'ayant pas l'exercice des droits politiques. Recours de Lombard pour faire reconnaitre sa qualité; il prétend qu'il avait demandé des lettres de naturalité, et que ç'a été une simple méprise commise dans l'ordonnance qui ne parle que des droits civils, que cette concession doit être comprise dans le sens des qualités qu'il avait alors et qui exigeaient la jouissance des droits politiques; que d'ailleurs tous les individus compris dans les deux premiers articles de la loi de 1814, ou étaient déjà Français ou devaient le devenir de plein droit à

pléer. De droit commun, la qualité de régnicole, acquise par la réunion, se perd par la séparation. Si donc des lois postérieures subordonnent à certaines formalités la conservation de cette qualité, elle doit nécessairement dépendre de leur accomplissement. La simple continuation de la résidence en France ne la conservait pas. - Jugé ainsi : 1° qu'un Belge a perdu par le démembrement de la Belgique en 1814, la qualité de Français, s'il n'a pas fait la déclaration prescrite par la loi du 14 oct. 1814 (Req., 14 avril 1818, aff. Vanerke, V. no 319);—2° Qu'il en est de même pour un Savoyard, et que cet individu n'est pas soumis à la loi du recrutement en France (Lyon, 2 août 1827) (1); qu'il ne peut

l'expiration de leurs dix années de résidence, sans que le défaut d'obtention de lettres de déclaration de naturalité put suspendre l'exercice de leurs droits civils et politiques. Arrêt.

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LA COUR ;-Vu les art. 1 L. 14 oct. 1814 et 7 et 13 c. civ., et l'ordonnance royale du 29 nov. 1814; Considérant que c'est le texte d'une loi qui doit faire la règle de décision, et qu'on ne doit avoir recours aux motifs qui y ont servi de base, qu'autant que les dispositions en seraient ambigues et pourraient s'entendre de différentes manières; - Que l'art. 1 L. 14 oct. 1814 est clair et précis; qu'il impose deux obligations distinctes à ceux qui veulent conserver les droits dont il avaient joui depuis la réunion du pays où ils étaient nés au territoire de la France; - Que le § 1 de cet article leur enjoint de déclarer s'ils persistent dans la volonté de se fixer en France, mais que cette déclaration n'est pas suffisante pour continuer à jouir des droits civils et politiques, ainsi qu'il est énoncé dans le préambule de la loi, puisque le § 2 de cet art. 1 exige impérativement que les réclamants obtiennent du roi des lettres de déclaration de naturalité; - Que les expressions dont s'est servi le législateur, dans le § 2, ne laissent aucun doute que l'obtention des lettres de naturalité ne soit absolument nécessaire pour conserver la jouissance des droits civils et politiques, parce qu'il y est dit: Ils obtiendront à cet effet de nous... c'est-à-dire à l'effet de continuer de jouir des droits civils et politiques, et que d'une autre part, par ces mots : Ils pourront jouir dès ce moment..., on ne peut rattacher cette disposition dès ce moment, à la disposition finale du § 1; que la différence de paragraphe dans lequel elle se trouve consignée et la disposition à la suite de laquelle elle se trouve rapportée, prouvent que la volonté du législateur a été que celui qui aurait déclaré persister à résider en France ne pourrait jouir des droits de citoyen français que du moment qu'il aurait obtenu des lettres de naturalité, et que la déclaration exigée n'était pas suffisante pour conférer de suite la faculté d'exercer lesdits droits; Considérant que le sieur Lombard a rempli la première condition prescrite par le § 1 de l'art. 1 L. 14 oct. 1814; que non-seulement il a déclaré, le 7 nov. 1814, à la mairie de Dourdan, qu'il persistait dans la volonté de résider en France, mais que par le même acte il a sollicité des lettres de naturalité; que l'ordonnance royale, en date du 29 nov., l'admet seulement à établir son domicile en France et à y jouir de tous les droits civils, tant qu'il continuera d'y résider; Que l'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, et que c'est cette qualité qui confère la faculté d'exercer les droits politiques; Que le sieur Lombard, quoiqu'il fût apte, aux termes de la loi du 14 oct. 1814, à obtenir des lettres de naturalité, ne les ayant pas obtenues, n'a pu acquérir ou conserver la qualité de citoyen, et conséquemment l'exercice des droits politiques...; Rejette la demande dudit Lombard, et le déclare, quant à présent, inapte à exercer les droits politiques de citoyen français..., etc.

Du 18 août 1824.-C. de Rouen, 1 et 2o ch. réunies.-M. Carel, pr.

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(1) Espèce :-(Min. publ. C. Pacout.)-Lors de la réunion de la Savoie à la France, Jacques Pacout fixe sa résidence dans le département de l'Ain; il épouse une Française dont il a un fils, Marin Pacout. Ils continuent de résider en France; et le fils, parvenu à vingt ans, est désigné par le sort pour faire partie de l'armée. Il réclame et soutient qu'il n'est pas Français; il assigne le préfet de l'Ain devant le tribunal de Belley. Un jugement du 14 mars 1827 le déclare étranger: « — Attendu qu'il est constant, en fait, que le sieur Pacout est né de parents savoyards, devenus momentanément Français par la réunion de la Savoie à la France; que le fils suit la condition du père; qu'il est de principe que des qualités qui n'avaient été acquises que par des mesures générales, comme par la réunion d'un pays à un autre, se perdent par la mesure contraire, par la rétrocession de ce pays à ses souverains anciens; - Attendu qu'à défaut de lettres de naturalisation, le fils n'aurait pu conserver la qualité de Français qu'en faisant les déclarations exigées par les lois intervenues depuis la reddition des pays conquis, en faveur de ceux qui, par cette reddition, se trouvaient réduits à la qualité d'étrangers, et qu'il est constant que le fils Pacout n'en a fait aucune; - Attendu que les conditions mises par la loi à la faculté de devenir Français, sont substantielles et essentiellement inbérentes à cette faculté, et que leur accomplissement ne peut être présumé ni suppléé. » — - Appel du ministère public. Arrêt. Adoptant les motifs des premiers juges;

LA COUR;

--

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Da 2 août 1827.-C. de Lyon, 1re ch.-M. de Bastard, pr.

Confirme.

non plus signer un testament mystique comme témoin (Req., 23 avril 1828, aff. Bilhas, V. n° 211).- V. infrà, no 111 et 112. Il a été décidé cependant que l'habitant des pays réunis qui n'a point fait la déclaration exigée par l'ord. de 1814 pour conserver la qualité de Français a été implicitement autorisé par cette ordonnance à établir son domicile en France (Req., 26 fév. 1838) (2). Cette décision paraît susceptible d'une vivə controverse ou l'habitant d'un pays réuni a fait la déclaratior exigée par l'ord. de 1814 pour conserver la qualité de Français, et il est resté Français, ou il ne l'a pas faite, et il est redevenu étranger sans restriction aucune, car son état est indivisible; il

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(2) Espèce: (Com. d'Avioth C. Lalouette et cons.) Le conseil municipal de la commune d'Avioth refusa d'admettre au rôle des affouagistes les sieurs Lalouette, Laval et Léger, par le motif que ceux-ci, nés dans le département des Forêts, réuni à la France, n'ayant point fait la déclaration exigée par l'ordonnance du 14 oct. 1814, étaient redevenus étrangers, et n'avaient pas, dès lors, le domicile réel et fixe qui donne droit à l'affouage. 18 mai 1836, jugement du tribunal de Montmédy qui admet les sieurs Lalouette et consorts à exercer le droit d'affouage; en voici les motifs : — « Attendu que Jean-Philippe Léger, né dans le cidevant département des Forêts, réuni à la France, a servi dans les armées de l'empire, depuis 1807 jusqu'en 1813, et qu'ensuite il s'est marié dans la commune d'Avioth, où il a constamment résidé depuis cette époque; Que Mathias Lalouette, né dans le même département réuni, s'est marié à Avioth, en 1810, et a constamment résidé dans ladite commune depuis cette époque; Attendu que les demandeurs ont un domicile fixe et réel dans la commune d'Avioth depuis vingt-six ans et plus; Attendu que, d'après les art. 1 et 2 de la loi du 14 oct. 1814, ils n'étaient astreints qu'à faire dans les trois mois une déclaration qu'ils persislaient dans la volonté de se fixer en France, et qu'une résidence avec domicile réel et fixe, depuis cette loi et pendant vingt-deux ans, suppose suffisamment cette déclaration; -Attendu que le tribunal a constamment jugé que les fils d'individus qui se trouvent dans la même position que les demandeurs étaient Français, qu'ils ne pouvaient se dispenser du service militaire. >>

Arrêt.

Pourvoi. Violation des dispositions de l'art. 13 c. civ., et des art. 1 et 3, sect. 2, de la loi du 10 juin 1793, en ce que le tribunal a admis à exercer le droit d'affouage, dans la commune d'Ayioth, des étrangers qui n'avaient point un domicile fixe et réel. On soutenait que, pour exercer le droit d'affouage, il fallait non-seulement avoir la joussance des droits civils, mais encore être Français; —Que cela résultait des termes exprès de la loi de 1793, qui, par son art. 1, n'accorde ce droit qu'à l'habitant, c'est-à-dire, d'après l'art. 3, au Français domicilié ;-Que les sieurs Lalouette et consorts, qui ne s'étaient point conformés à la loi de 1814, étaient redevenus étrangers, ce qui, d'ailleurs, n'était point contesté ;Que, dès lors, quelque longue que fût leur résidence en France, ils ne cessaient pas d'être étrangers, et, comme tels, ne pouvaient être admis à exercer le droit d'affouage;-Qu'en admettant même que la loi de 1793 eût, sur ce point, subi quelques modifications, et que l'étranger pût être admis, depuis le code civil, à exercer ce droit, il ne le pourrait qu'autant qu'il aurait obtenu du roi, conformément à l'art. 15 c. civ., l'autorisation d'établir son domicile en France; or les sieurs Lalouette et consorts ne justifient nullement de cette autorisation. On citait à l'appui de ce moyen Locré, t. 2, p. 343, no 9, et p. 320, no 8; un avis du conseil d'État, du 18 prair. an 11 (Locré, t. 2, p. 408, no 22), et un arrêt du 29 janv. 1825 (vo Cour d'assises, no 33, 66). LA COUR; Attendu que le jugement attaqué a méconnu évidemment l'esprit et la lettre de l'ordonnance du 14 oct. 1814 en déclarant que les défendeurs éventuels avaient acquis la qualité de Français sans avoir fait la déclaration de se fixer en France; Qu'en effet la nationalité des individus ne pouvant jamais dépendre de simples inductions ou de présomptions quelconques, rien ne pouvait suppléer cette déclaration; mais attendu que la qualité de Français n'était pas demandée, et que l'unique objet du procès était des droits d'affouage dans les communaux qui étaient réclamés en la seule qualité d'habitant; Attendu, à cet égard, que le jugement attaqué constate, en fait, que les défendeurs éventuels avaien leur domicile réel et fixe dans la commune depuis près de vingt-six ans ; Qu'ils y possédaient des biens; Qu'ils y étaient mariés et qu'ils y supportaient les charges publiques et communales;-D'où il suivait qu'on ne pouvait leur refuser la qualité d'habitants et les droits qui s'y rallachaient, notamment les droits d'affouage et autres usages communaux, auxquels tout habitant est appelé à participer d'après l'ancienne comme d'après la nouvelle législation; Attendu que les étrangers peuvent devenir habitants d'une commune toutes les fois qu'ils ont été légalement autorisés à établir leur domicile en France; Que, dans l'espèce, cette autorisation résulte implicitement des dispositions de l'ordonnance du 14 oct. 1814; — Altendu, au surplus, que la loi du 10 juin 1793 a cessé d'être en vigueur sur ce point; - Rejette, etc.

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TONE XVIII.

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