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TIT. 2, CHAP. 2. SECT. 2, § 1. a par sa volonté cessé d'être Français, et s'est placé dans les | depuis cette autorisation. mêmes conditions que tout autre étranger; à son égard point d'exception dans l'ord. de 1814. Cependant l'arrêt décide que cette ordonnance vaut, pour les habitants des pays réunis qui n'ont point conservé la qualité de Français, autorisation d'établir leur domicile en France; d'où il suit que tout habitant des pays réunis, né pendant la réunion, bien qu'il n'ait point cessé d'habiter son pays natal, pourra ultérieurement (et puisqu'aucun délai n'est fixé) venir établir son domicile en France et y jouir des droits civils sans autorisation spéciale, en se fondant seulement sur ce que l'autorisation de domicile résulte implicitement, pour lui, de l'ord. de 1814. Il suffit de pousser cette décision dans ses conséquences pour voir combien elle est contestable.

108. Jusqu'en 1849 la demande en naturalisation et les pièces à l'appui devaient être transmises par le maire du domicile du pétitionnaire au préfet, qui devait les adresser avec son avis au ministre de la justice (art. 2, décr. du 17 mars 1809). — L'admission à jouir des droits de citoyen français était conférée par une ordonnance spéciale, prise sur le rapport d'un ministre, le conseil d'État entendu. Une expédition de cette ordonnance, visée par le grand-juge, était délivrée à l'impétrant, qui devait se présenter devant la municipalité de son domicile pour y prêter le serment d'obéissance à la constitution et de fidélité au chef du gouvernement (art. 2, décr. du 17 fév. 1808). La prestation de ce serment peut-elle être prouvée par témoins? V. Acte de l'état civil, n° 170.

109. Un décret rendu par le gouvernement provisoire le 28 mars 1848 (D. P. 48. 4. 61), avait autorisé provisoirement le ministre de la justice à accorder la naturalisation à tous les étrangers qui justifiaient, par actes officiels ou authentiques, d'une résidence en France d'au moins cinq ans, et qui produisaient des certificats, soit du maire de Paris, soit du préfet de police, dans le département de la Seine, et des commissaires du gouvernement dans les autres départements, constatant qu'ils étaient dignes de la faveur qu'ils voulaient obtenir. Tant de facilités accordées aux étrangers pour acquérir la qualité de Français avaient amené des abus considérables, à tel point que près de 3,000 étrangers s'étaient fait naturaliser dans un laps de temps de deux mois. Aussi la loi du 3 déc. 1849 (D. P. 49. 4. 171) estelle venue y mettre un terme, en reproduisant en grande partie les dispositions de la législation antérieure à la révolution de Février. L'art. 1 de cette loi porte que le président de la République statuera sur les demandes en naturalisation, et que la naturalisation ne pourra être accordée qu'après une enquête faite par le gouvernement relativement à la moralité de l'étranger, et sur lavis favorable du conseil d'État. Quant aux conditions imposées à l'Étranger, le même article dispose que l'étranger devra: 1° avoir, après l'âge de vingt et un ans accomplis, obtenu l'autorisation d'établir son domicile en France, conformément à l'art. 13 c. civ.; 2o Avoir résidé pendant dix ans en France

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(1) Espèce: (Forster C. le préfet du Gard.) LA COUR; -Attendu, en fait, que Forster, père de l'appelant, était né en Suisse, et que la question du procès consiste à savoir s'il avait acquis la qualité de Français; Attendu que, sous l'empire de la loi du 2 mai 1790 et de la constitution de 1791, un étranger ne pouvait devenir Français que sous des conditions, dont l'une était de prêter le serment civique porté par l'art. 5 du tit. 2 de cette constitution, et que rien n'établit au procès que Forster père eût prêté ce serment; Attendu que, sous l'empire des constitutions de l'an 5 et de l'an 8, pour acquérir la même qualité, il fallait, entre autres conditions, que l'étranger eût déclaré l'intention de se fixer en France, et qu'il n'apparaît à cet égard d'aucune déclaration de la part dudit Forster père; qu'on veut en vain suppléer cette déclaration par ces Irois circonstances: que Forster s'est marié en France, qu'il y a servi dans les vétérans, et à été garde champêtre de sa commune, desquelles on fait résulter l'intention de se fixer en France; que les lois, en prescrivant la déclaration de cette intention, n'ont indiqué nulle part qu'elle pût être induite de présomptions; que des présomptions, quelle qu'en soit la vraisemblance, ne peuvent suppléer une condition expressément voulue par la loi, surtout dans une matière où il s'agit de conférer à un étranger la qualité de Français; qu'enfin, les présomptions qu'on invoque ne seraient pas absolument exclusives de l'intention de conserver la qualité originaire de Suisse; de tout quoi il suit que, jusqu'à la publication du code civil, Forster père n'avait pas acquis la qualité de Français, faute d'avoir rempli les conditions voulues par les lois alors existantes; - Attendu que, sous l'empire du code civil, et d'après l'art. 15, l'étranger ne peut jouir des

Lors de la discussion, M. Bourzat avait proposé un amendement aux termes duquel le pouvoir législatif seul aurait pu conférer la naturalisation. Il se fondait principalement sur ce que l'acte qui confère la naturalisation est un acte de la souveraineté, qu'il appartient au souverain seul, c'est-à-dire au pouvoir législatif, de consentir. Mais l'amendement fut écarté sur cette observation du rapporteur, que dans le fait le pouvoir législatif n'aurait pu suffire à l'expédition de ces affaires, même en supposant que le nombre ne s'élevât pas à plus de cent par année. Le rapporteur fit remarquer également que la naturalisation ne rentre pas complétement dans la nature des lois proprement dites, dont le caractère distinctif est d'embrasser des intérêts généraux; qu'elle est d'un caractère mixte, puisqu'elle pour objet de régler la position individuelle d'une personne. Enfin, il fit ressortir toutes les garanties que présentait une enquête préalable et l'avis favorable du conseil d'État. Aux termes de l'art. 2, le délai de dix ans peut être réduit à un an en faveur des étrangers qui ont rendu à la France des services importants ou qui ont apporté en France, soit une industrie, soit des inventions utiles, soit des talents distingués, ou qui ont formé de grands établissements.

110. L'art. 3 permet au gouvernement de retirer l'autorisation accordée à l'étranger d'établir son domicile en France. Ce retrait peut avoir lieu tant que la naturalisation n'a pas été prononcée, mais seulement après avoir pris l'avis du conseil d'État. Les art. 5 et 6 réservent les droits acquis. Le premier décide que la présente loi ne porte aucune atteinte aux droits d'éligibilité à l'assemblée nationale acquis aux étrangers naturalisés avant sa promulgation (V. Lois et Droits politiques). L'art. 6 veut que l'étranger qui aura fait, avant la promulgation de la loi, la déclaration prescrite par l'art. 3 de la constitution de l'an 8, puisse, après une résidence de dix années, obtenir la naturalisation suivant la forme indiquée par l'art. 1. Par le dernier paragraphe de l'art. 1, il est dit que l'étranger naturalisé ne jouira du droit d'éligibilité à l'assemblée nationale qu'en vertu d'une loi. - L'art. 4 abroge pour l'avenir la loi du 14 oct. 1814. Enfin, l'art. 7 autorise le ministre de l'intérieur à expulser du territoire français tout étranger voyageant ou résidant en France. -V. infrà, ch. 2.

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111. La naturalisation est une faveur. En principe, elle n'est accordée qu'à celui qui la sollicite et qui justifie de l'accomplissement des conditions que la loi a imposées. — Décidé, en conséquence, qu'on ne peut prétendre qu'un étranger a acquis la qualité de Français par la seule réunion des circonstances suivantes: 1° qu'il a habité en France pendant longtemps; 2° qu'il s'y est marié; 3° qu'il y a servi dans les vétérans; 4° qu'il a été gardechampêtre dans la commune où il habitait (Nîmes, 22 déc. 1825) (1); - 2o Que quarante ans de résidence seule ne suffisent pas (Cas., 26 janv. 1855) (2);—3° Qu'un étranger n'acquiert la qualité de Français, en vertu de la constitution de l'an 8, et des

droits civils en France qu'autant qu'il aura été admis, par l'autorisation du gouvernement, à y établir son domicile; qu'il ne paraît point que Forster père ait obtenu cette autorisation; qu'ainsi, sous quelque législation qu'on veuille le placer, il n'a jamais légalement acquis la qualité de Français; Attendu que l'appelant, n'ayant pu acquérir par lui-même cette qualité, et son père ne l'ayant jamais acquise, il n'a pu être soumis au service militaire, et qu'en l'y soumettant, le tribunal a inféré grief ;· Par ces motifs, met l'appellation et ce dont est appel au néant ; émendant, déclare que l'appelant, en sa qualité de Suisse, ne peut être soumis au service militaire, et condamne le préfet du Gard aux dépens des instances, etc.

Du 22 déc. 1825.-C. de Nîmes, 1e ch.-M. de Cassaignolle, 1or pr.

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(2) (Maire de Corte C. Pellizza.) — LA COUR ;· - Vu l'art. 10, tit. 2 de la constitution du 5 fruct. an 3; Attendu qu'il est établi, par l'arrêté du maire de Corte, du 13 fév. 1834, que A. Pellizza est né dans l'étranger de parents étrangers, et que ce fait n'est pas contredit dans le jugement attaqué; — Attendu que ce jugement fait résulter la qualité de Français, qu'il attribue à Pellizza, de la résidence seulement de Pellizza en France pendant quarante et une années; - Attendu que, d'après l'art. 10, tit. 2, de la constitution du 5 fruct. an 3, ci-dessus cité, et qui sert de base, en droit, au jugement du tribunal de Corte, le fait isolé de la résidence en France d'un étranger, ne suffit pas pour lui faire acquérir la qualité de Français, et que ce fait doit être accompagné de l'une au moins des conditions énumérées dans l'article précité; - Attendu, dès lors, qu'en

jois qui l'ont suivie, qu'autant qu'il a cumulativement satisfait à la triple condition de s'être fait autoriser à s'établir en France, d'y avoir acquis dix années de résidence, et d'avoir obtenu des lettres de naturalité : à défaut de l'accomplissement de l'une de

s'appuyant uniquement sur la résidence en France de Pellizza pour le déclarer Français, le tribunal de Corte a fait une fausse application, et dès lors, a violé les dispositions de la constitution de l'an 5, tit. 2, art. 10; - Par ces motifs, donnant défaut contre le défaillant; - Casse.

Du 26 janv. 1835.-C. C., ch. civ.-MM. Dunoyer, pr.-Thil, rap.-De Gartempe fils, av. gén., c. conf.

(1) Espèce: (Rochet C. Cassard.)- Au nombre des témoins du testament de la dame Cassard, du 29 déc. 1818, et par lequel elle faisait divers legs au profit de son mari, figuraient les sieur Zimmermann et Fricker. Ce testament fut attaqué par les héritiers de la dame Cassard, comme ayant été reçu avec l'assistance de témoins instrumentaires étrangers et par conséquent incapables. Or Zimmermann, né dans le Wurtemberg, arriva en France en 1801 et y épousa une Française en 1803. Sa femme étant décédée, il se remaria en 1807 à une femme née à la Chauxde Fonds, en Suisse; cette deuxième femme étant venue à mourir, il se remaria en 1817 avec une femme également née à la Chaux-de-Fonds. Le 24 fév. 1809, il fit à la mairie de Besançon, conformément à l'art. 3 de la constitution de l'an 8, la déclaration de se fixer en France et d'y résider, à l'effet de devenir citoyen français. En 1811, 1815, 1814, 1817, 1818, 1824, il parut à la mairie de Besançon en qualité de témoin dans différents actes de l'état civil; il parut aussi comme témoin dans deux testaments reçus par acte public, et il fit, à ce qu'il paraît, partie de la garde nationale. Quant à Fricker, né à Vauges, en Souabe, le 4 avril 1785, il est arrivé à Besançon en 1806. Un extrait du registre des déclarations de changements de domicile délivré à la mairie de Besançon, le 19 fév. 1828, porte :-Le 14 sept. 1811, s'est présenté le sieur Ignace Fricker, Fils de Mathieu et de Marie Spekel, né à Vauges (royaume de Wurtemberg), âgé de vingt-six ans, lequel a déclaré que son intention était de se fixer en France et de s'y naturaliser, et que provisoirement il restait en cette ville. Le même jour 14 sept. 1811, la mairie de Besançon lui donna un certificat portant qu'à dater de ce présent jour Fricker pourrait jouir des avantages attachés à la qualité de Français et qu'il pourrait même s'y établir, s'y marier, etc...; Fricker voulant se marier en France, fit constater par un acte de notoriété devant le juge de paix, le 11 sept. 1815, qu'il était ne à Vauges, en Souabe, le 4 avril 1785. Le 14 oct. 1813, il contracta mariage avec une Française. Il servit dans la garde nationale, notamment dans les années 1815 et suivantes. Enfin, en 1821, il parut comme témoin dans un testament reçu par acte public. Les héritiers de la dame Rochet, femme Cassard, ont demandé la nullité de son testament, par le motif que ces deux témoins n'étaient pas Français. Jugement du tribunal de première instance de Besançon, du 17 mars 1828, qui, à raison de la capacité putative des témoins résultant de ce concours de circonstances, prononce la validité du testament. - Appel. · Arrêt. LA COUR; Considérant qu'aux termes des art. 980 et 1001 c. civ., les témoins appelés pour être présents aux testaments doivent, à peine de nullité, être sujets du roi, jouissant des droits civils; - Que dans le fait deux témoins appelés pour être présents au testament public de feu Philippine Rochet, épouse du sieur Cassard, reçu de Belamy, notaire à Besançon, le 29 déc. 1818, sont Wurtembergeois d'origine; Que notamment, et en ce qui concerne le témoin Fricker, l'un d'eux, il est constant, en fait, qu'il est né à Vauges (Wurtemberg); qu'il a déclaré à la mairie de Besançon, le 14 sept. 1811, que son intention était de se fixer en France et de s'y naturaliser; qu'en 1815 il y a contracté mariage avec une Française; Considérant, en droit, qu'il n'y a de Français que par droit de naissance ou par naturalisation; - Qu'avant la loi du 2 mai 1790, les étrangers ne pouvaient acquérir les droits de citoyen français que par lettres de naturalité; que ces lettres leur attribuaient sans réserve les droits de citoyen; Que cette loi a introduit un nouveau moyen de conférer aux étrangers les titres et les droits de citoyen en France; - Qu'elle a eu pour effet, de même que les lettres de naturalité et les divers moyens introduits par les constitutions et lois postérieures, d'effacer toute différence entre eux et les Français d'origine; - Qu'en effet, d'après l'art. 5, sect. 1, du décret du 22 sept. 1789, les qualités nécessaires pour être citoyen actif, sont: 1° d'étre Français ou devenu Français; 2° majeur; 3° domicilié dans le canton depuis plus d'un an; 4° de payer une contribution directe déterminée; 5o de n'être point en état de domesticité; enfin l'art. 8 du même décret impose la prestation du serment civique préalablement à l'exercice des droits de citoyen actif;

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Considérant que l'assemblée nationale expliquant, le 8 janv. 1790, les expressions ou devenu Français, employées dans la rédaction de la première condition, déclare que ces expressions ont eu pour objet de n'exclure pour l'avenir aucun des moyens d'acquérir le titre et les droits de citoyen en France que les législateurs pourront établir, autres que les lettres de naturalisation qui jusqu'a présent ont été la seule voie de conférer la qualité de citoyen aux étrangers; Que c'est dans cet état de choses qu'a

ces conditions, il n'est pas réputé Français, et ne jouit pas, notamment, de la capacité nécessaire pour figurer comme témoin instrumentaire dans un acte authentique (Besançon, 28 janv. 1829 (1).

été décrétée la loi du 2 mai 1790; - Qu'évidemment cette loi étant l'un des moyens d'acquérir le titre et les droits de citoyen en France, que l'instruction précitée du 8 janv. 1790 avait réservé aux législateurs de pouvoir établir; Qu'ainsi l'étranger établi en France après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s'il avait, en outre, ou acquis des immeubles ou épousé une Française, pouvait sous l'empire de cette loi exercer les droits de citoyen actif, si, d'ailleurs, il réunissait les conditions d'âge, de domicile, de contribution et d'état exigées par le décret du 22 déc. 1789, à l'égard des Français d'origine, et ceux devenus Français par lettres de naturalité; Que cette loi l'établit de la manière la plus implicite, en imposant aux étrangers qu'elle répute Français la nécessité de prestation du serment civique, prealablement à l'admission à l'exercice des droits de citoyen actif; qu'en effet déterminer le mode d'exercice d'un droit, c'est bien énergiquement reconnaître la préexistence de ce droit dans la personne de ceux auxquels ce mode est applicable;

Qu'il est donc constant que la loi du 2 mai 1790 n'a point établi deux classes dans les étrangers auxquels elle confère la qualité de Français, les uns investis de la plénitude des droits civils et politiques attachés à cette qualité, les autres n'ayant que l'exercice des droits civils; que tous aussitôt qu'ils ont été investis du même titre de Français, ont participé aux mêmes droits et sous les mêmes conditions que les Français d'origine ou antérieurement naturalisés;-Que la loi de 1791, art. 3, tit. 2, maintient le mode de naturalisation établi par la loi de 1790; - Que la constitution du 5 fruc. an 3 a substitué un autre moyen de conférer à l'étranger le titre et les droits de citoyen en France, savoir: 1° la déclaration d'intention de se fixer dans la République; 2° la résidence en France pendant sept années après la date de cette déclaration; 3° de posséder un établissement de commerce, et d'avoir épousé une Française; que l'étranger qui, à ces conditions, réunissait celles exigées des Français d'origine, jouissait des mêmes droits que les Français d'origine, ainsi que l'établit explicitement la loi du 18 vent. an 6; Que la constitution du 22 frim. an 8 a élevé à dix ans la durée de résidence après la déclaration d'intention de se fixer en France; Qu'il résulte de l'art. 13 du c. civ. et de l'avis interprétatif du conseil d'Etat du 18 prair. an 11, approuvé le 20 du même mois par le chef du gouvernement, que, dans tous les cas, soit qu'un étranger veuille devenir citoyen français, par la voie indiquée par l'art. 3 des actes constitutionnels du 22 frim. an 8, soit que l'étranger ne demande qu'à être admis à établir son domicile en France et à y jouir des droits civils, il est tenu d'obtenir la permission du gouvernement; Que l'art. 3 du sénatus-consulte du 22 frim. an 8 a encore été modifié par décret du 17 mars 1809, en ce qu'après les dix années consécutives de résidence, la naturalité doit être prononcée par lettre du souverain; Qu'en ce qui concerne le témoin Ignace Fricker, il n'a fait sa déclaration d'intention de devenir citoyen français que le 14 sept. 1811, que dès lors les dix années de résidence postérieure à cette déclaration n'auraient point été accomplies le 22 déc. 1818, époque de la confection du testament attaqué; Que, ces dix années eussent-elles

été accomplies, la déclaration eût été insuffisante pour acquérir la qualité de sujet du roi, voulue par l'art. 980 c. civ.; que le seul moyen de la part d'un étranger d'obtenir la qualité de Français et les droits qui y sont attachés, est l'autorisation préalable à l'effet de s'établir en France, la résidence ultérieure pendant dix années consécutives, et enfin l'ordonnance du roi déclarative de naturalité; qu'en fait, le témoin Fricker ne l'a ni demandée, ni obtenue; qu'il ne remplit donc point les conditions dont le concours est exigé à peine de nullité pour la validité des testaments.

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Sur le moyen de capacité putative invoqué par le sieur Cassard intimé, et qui résulterait que de ce que l'erreur commune sur la qualité de Français attribuée audit sieur Fricker a induit la testatrice et le notaire dans une erreur invincible; Considérant en fait que le sieur Fricker a fait connaître sa qualité d'étranger lors de sa déclaration d'intention de se fixer en France et de s'y naturaliser, faite le 14 sept. 1811; — Que si par acte du même jour, la mairie de Besançon lui a délivré un acte portant qu'il pourra jouir des avantages attachés à la qualité de Français, cet acte excédant le pouvoir des maires, ne pouvait induire en erreur, puisqu'il fait mention que Fricker est né à Vauges (royaume de Wurtemberg); qu'il a fixé sa residence en France suivant sa déclaration du même jour; que cet acte qui se référait à un autre acte public, ne pouvait donc induire en erreur; Que cet autre fait que Fricker aurait fait partie de la garde nationale de Besançon, à compter du 1er août 1815, n'est point concluant; que plusieurs autres étrangers résidant à Besançon y ont été admis; que si, d'après les lois organiques des gardes nationales, les Français seuls sont appelés à les composer, ces lois n'ordonnent point que les étrangers agréés par les chefs de ces corps en seront néanmoins exclus; que d'ailleurs il s'agissait en 1815 d'un service intérieur pour la sûreté des personnes et des propriétés; - Que le contrat de mariage dudit Fricker,

Néanmoins, il a été décidé que le fils d'un Français ayant perdu cette qualité, qui jouit en France de l'exercice des droits électoraux et d'éligibilité, doit être réputé avoir recouvré pour luimême, et sans qu'il fût besoin de lettres de naturalisation, ladite qualité de Français, et que, par suite, sa participation au jury de jugement est régulière (Crim. rej., 30 mai 1839) (1).

118. Sous l'empire de la constitution de 1793, le service mili- | taire en France suffisait pour conférer la qualité de Français.-Il a été décidé, dans une espèce régie par cette constitution, que l'étranger âgé de vingt et un ans, qui, lors de la promulgation de la constitution du 24 juin 1793, servait depuis une année au moins dans les armées françaises, et a continué à résider en France jusqu'à sa mort, a acquis la qualité de Français, et l'a transmise à ses descendants nés depuis, lesquels par suite sont capables de l'exercice des droits électoraux (Lyon, 26 nov. 1841, aff. Hutter, V. n° 507).

113. Au surplus, le principe par nous posé ne fait pas obstacle à ce que le gouvernement, qui a le pouvoir de faire sortir du territoire tout étranger (V. no 112), impose à celui qu'il tolère sur notre sol les charges corrélatives aux avantages résultant de la loi française.-Jugé ainsi qu'un État peut, en vertu de son droit de souveraineté, déférer à un étranger qui a fixé sa résidence dans son territoire la qualité de régnicole, sans le consentement ou la volonté de celui à qui une pareille qualité est attribuée (Riom, 7 avril 1835, aff. Onslow, V. n° 86); 2° Que l'étranger qui ne veut pas accepter la qualité de régnicole à lui déférée par l'État sur le territoire duquel il est venu s'établir, doit quitter le territoire de cet État ; que s'il continue d'y demeurer, il est censé s'être soumis à la loi qui lui attribue de nouveaux droits en,lui donnant une nouvelle qualité (Même arrêt).

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114. On verra (nos 606 et suiv.) que la séparation d'un territoire momentanément réuni à la France fait perdre la qualité de Français, non-seulement aux chefs de famille et aux majeurs, devenus Français par la réunion, mais encore à leurs enfants, qu'ils soient majeurs ou mineurs. Quel est le moyen réservé à l'enfant pour conserver, après la séparation, la qualité de Français ? Suivant M. Coin-Delisle (art. 9 et 10, no 17), l'enfant mineur ne peut acquérir la qualité de Français qu'en remplissant, dans l'année de sa majorité, les conditions exigées par l'art. 9 c. civ. C'est aussi dans ce sens que s'est prononcée la jurisprudence (Grenoble, 18 fév. 1831, aff. Savoie, V. n° 594; Douai, 17 janv. 1848, aff. Vanderest, D. P. 48. 2. 164). M. Rodière, Rev. de législation, t. 1, p. 307, estime que si le père, qui n'a pas satisfait aux prescriptions de la loi de 1814, a néanmoins continué à habiter la France et y a établi son domicile, ses enfants, nés depuis la réunion, doivent être réputés Français. Pour repousser ce dernier système, il nous suffira de faire remarquer qu'à part l'inconvénient grave qu'il présente de laisser à l'arbitraire des tribunaux le soin de décider si le père a eu ou non l'intention d'établir en France un domicile ou une simple résidence, il contrarie directement la théorie que nous avons présentée dans notre traité du Domicile sur la ma

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fait encore mention de sa naissance dans le royaume de Wurtemberg, que la même mention est encore consignée dans l'acte de notoriété, reçu par le juge de paix de Besançon, à l'effet de suppléer le consentement de ses père et mère au mariage qu'il a depuis contracté; que ni l'un ni l'autre de ces actes ne lui attribue la qualité de Français; - Qu'il est articulé par les appelants, et non dénié par l'intimé, que Fricker n'a paru qu'à un seul autre testament en 1821, en qualité de témoin instrumentaire; que ce fait isolé serait insuffisant, qu'il serait dès lors frustratoire d'ordonner la preuve demandée;

Considérant en droit que sous l'empire des lois romaines, et notamment de la loi 3 Dig. de officio prætoris, 1 cod. de testamentis, et 3 ad senatus-consultum Macedonianum, et du § 7 Inst., de testamentis ordinandis, la capacité putative ne suffisait, à défaut de capacité réelle dans la personne des témoins, que lorsque l'erreur était le résultat de faits non équivoques et si éclatants d'une possession d'Etat, qu'il aurait été impossible à la prudence ordinaire de ne pas tomber dans l'erreur; - Que dans l'espèce de la cause, les actes rapportés et les faits articulés, en ce qui concerne le témoin Fricker, n'ont point ce caractère; Que dès lors il serait surabondant d'examiner si, nonobstant la loi du 30 vent. an 12, les principes consignés dans les lois romaines précitées peuvent être invoqués à l'égard des actes passés sous l'empire du code civil; -- Par ces motifs, déclaro nul et de nul effet le testament public fait par feu Philippine Ro

nière dont les étrangers peuvent obtenir en France un domicile légal, théorie dont nous avons rappelé les bases (noo 380 et suiv.), et qu'enfin, il crée, en dehors des conditions prévues par la loi française, un mode d'acquérir la nationalité française, principe qui ne saurait être admis sans méconnaître les règles les plus élémentaires de notre législation.—Quant au sytème de M. CoinDelisle, il est rigoureux pour l'enfant qui a déjà joui de la qualité personnelle de Français et qui paraît, en conséquence, devoir être traité comme l'enfant d'un étranger ordinaire né en France. Jusqu'en 1849, on devait d'autant moins le traiter ainsi, que la loi du 14 oct. 1814 ouvrait à cet enfant un moyen plus facile que celui de l'art. 9 c. civ.-Prétendrait-on que cette loi ne lui était pas applicable?— Mais elle accordait à tous les habitants des pays autrefois réunis le droit de demander des lettres de naturalité : elle devait donc profiter à l'enfant dont il s'agit comme à tout autre.— Mais, dit-on, cette loi fixait un délai que l'enfant a laissé passer sans agir. A cela, il y a deux réponses péremptoires. La première est que, l'enfant étant mineur en 1814, on ne pouvait lui imputer de n'avoir pas agi dans les trois mois fixés par cette loi; on ne pouvait même le déclarer déchu pour n'avoir pas agi dans les trois mois qui avaient suivi sa majorité, puisque ni la loi de 1814 ni aucune autre ne fixait de délai fatal au mineur devenu majeur, pour faire sa déclaration et obtenir des lettres de déclaration de naturalité. Il a été décidé ainsi qu'il suffisait que le fils d'un étranger, devenu Français par la réunion momentanée de son pays à la France, se trouvât mineur au moment de la promulgation de la loi du 14 oct. 1814, pour qu'il n'ait pas été tenu à peine de déchéance, de faire, dans un délai déterminé, la déclaration exigée par cette loi pour obtenir des lettres de déclaration de naturalité, et qu'il ait pu, par suite, valablement remplir cette formalité, plus de trois mois après l'époque de sa majorité (Req., 4 mai 1836, aff. Barré, V. no 105). — La seconde réponse que nous ferons à l'argument de M. Coin-Delisle, c'est que le délai de trois mois fixé par la loi de 1814 était purement comminatoire. En effet, en 1835, un membre de la chambre des députés proposa de faire revivre la faculté d'obtenir des lettres de naturalité accordée par la loi de 1814 aux habitants des provinces séparées du territoire français, qui se trouvaient en France au moment de la séparation, et qui, depuis, ont continué d'y résider. Un des ministres déclara alors que la loi de 1814 n'avait voulu prescrire qu'un délai purement comminatoire, et que le gouvernement délivrait encore des lettres de naturalité en exécution de cette loi, quoique trente années se fussent écoulées depuis sa promulgation (Moniteur du 11 janv. 1835). Mais la loi de 1814 ayant été abrogée par celle du 3 déc. 1849 (V. no 112), l'art. 9 c. civ. est maintenant la seule disposition législative que l'enfant puisse invoquer. La jurisprudence reconnaît, au surplus, que l'enfant peut lui-même remplir les formalités prescrites par cette loi, la volonté ou la négligence de son père n'ayant pu le priver de cette faculté (Req., 16 juill. 1834, aff. préf. de Seine-et-Marne V. no 594; 4 mai 1836, aff. Barré, V. no 105, et Douai, 16 nov. 1829, aff. Marlier, V. n° 594).

Du 28 janv.-1829.C. de Besançon, 1 ch.-M. Monnot-Arbilleur, pr.

(1) (Nougué, etc. C. min. pub.) -- LA COUR; Sur le moyen tiré de ce que le sieur Bernard d'Arcangues, l'un des douze jurés, ne jouissait ni des droits politiques ni des droits civils, étant né en pays étranger d'un père qui avait perdu sa qualité de Français, en prenant du service en Espagne, et prêtant serment de fidélité au souverain de ce pays; fait prouvé, selon le demandeur, par l'acte du 26 sept. 1808, récognitif de la qualité d'officier espagnol, représenté par d'Arcangues père; par l'aveu itératif de celui-ci, déposé aux archives de la préfecture des Basses-Pyrénées; par le certificat du secrétaire général de cette préfecture, et l'attestation de la chancellerie de France qu'aucunes lettres de naturalisation n'ont été accordées audit d'Arcangues fils d'où résultait une violation de l'art. 381 c. instr. crim. :- Attendu que l'âge du juré dont il s'agit n'est pas contesté; qu'il est avoué que ledit Bernard d'Arcangues est en possession de l'exercice du droit électoral, et des fonctions de membre du conseil d'arrondissement de Bayonne; qu'ainsi, d'après les art. 9 et 10 c. civ., il a pu recouvrer par cette double qualité d'électeur et de membre électif d'un conseil d'arrondissement la qualité de Français qui avait originairement appartenu à son père; qu'ainsi il a été légalement placé sur la liste des jurés, et participé au jugement de la cause; — Rejette. Du 30 mai 1839.-C. C., ch. crim.-MM. Bastard, pr.-Isambert, rap.

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115. Ici se présente la question de savoir si les effets de la naturalisation sont exclusivement personnels à l'étranger qui l'a obtenue où s'ils s'étendent sur sa famille?-D'après les principes posés dans les lois romaines les pérégrins qui obtenaient le droit de cité ne l'acquéraient que pour eux personnellement, à moins qu'ils ne l'eussent sollicité à la fois pour eux et pour leur famille (Gaïus, Instit. Comm. 1, §§ 93 et suiv.). Les principes de notre ancienne législation étaient les mêmes à cet égard (V. Pothier, des Personnes, part. 1, tit. 2, sect. 3).- Le code civil a-t-il voulu innover sur ce point ?-Nous ne le pensons pas. En effet, il résulte des art. 12 et 13 que le changement de nationalité du mari n'exerce aucune influence sur la nationalité de la femme (V. tit. 3, ch. 1, sect. 2, art. 4); que cette dernière ne prend la nationalité de son mari qu'au moment même du mariage, et que les changements survenus dans son état, postérieurement à la célébration n'exerceraient aucune influence sur l'état de sa femme. Il résulte également des art. 9 et 10 que la nationalité des enfants s'acquiert au moment de la naissance et non par un fait postérieur et étranger aux enfants. En conséquence, nous pensons que la naturalisation obtenue par le père est étrangère aux enfants et nous n'admettons même pas que par une demande expresse le père put leur faire acquérir la qualité de Français et les dépouiller de la nationalité qu'ils tiennent de leur naissance. Telle est sur ce point la doctrine de M. Demolombe, no 175. Décidé ainsi 1° que la naturalisation étant un droit purement personnel et intransmissible par succession, il suit de là que l'enfant, né en pays étranger, d'un père étranger qui, depuis, se serait fait naturaliser Français, ne cesse pas d'être étranger, bien qu'il fût en minorité à l'époque de cette naturalisation, et que, depuis sa majorité, il n'ait manifesté aucune intention de répudier la qualité acquise par son père (Grenoble, 16 déc. 1828 (1); 2° Qu'on ne peut considérer comme Français, un enfant né d'un père devenu Français par suite de la réunion de son pays à la France, lorsque cet enfant n'a acquis sa majorité que depuis la séparation ultérieure des deux pays, et avant que son père eût obtenu des lettres de naturalisation, alors qu'il n'a pas obtenu lui-même des lettres de cette nature (C. d'ass. de la Seine, 2 fév. 1835, aff. Lavigne, V. infrà, no 592); 3° Qu'un individu né en pays réuni à la France, et, durant cette réunion, d'un père qui n'a pas acquis la qualité de Français, est étranger si le pays où il est né a été détaché de la France durant sa minorité, c'est

(1) Espèce (Perregaux C. préfet de l'Isère.) En 1784, Fritz Perregaux nait à Neufchâtel (Suisse) d'un père suisse. En 1787, son père s'établit en France avec sa famille; il y exerce plusieurs fonctions publiques, et décède en 1828. Cette année, Perregaux fils requiert son inscription sur les listes du jury de l'Isère, où il demeurait. Le préfet rejette sa demande sur le motif qu'il est étranger. Recours de Perregaux. -Arrêt.

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LA COUR; Attendu que Fritz Perregaux est né en Suisse, en 1784, de père étranger; qu'en suivant son père, en 1787, il n'a pas perdu sa qualité d'étranger; Attendu que, dans la supposition que Perregaux pére aurait, par son établissement en France, acquis, en vertu de la constitution de 1791 et lois postérieures, la qualité de citoyen français, il n'a pu la transmettre à Fritz Perregaux, son fils, la naturalisation étant un droit purement personnel, et non transmissible par succession, ainsi que l'a décidé le parlement de Paris, par l'arrêt rendu le 6 sept. 1611, en la cause du marquis de Saluces, rapportée par M. Merlin, au mot Légitime, sect. 3, § 1, n° 9; Attendu que les diverses fonctions qu'il aurait remplies en France depuis sa majorité, et les impositions qu'il a payées, n'ont pu lui donner la qualité de Français, qualité qui ne peut s'acquérir que par des formalités spéciales, prescrites par les lois, décrets et ordonnances sur la matière; Confirme.

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Du 16 déc. 1828.-C. de Grenoble, 1r ch.-M. Chais, c. conf.

(2) (Coyon C. N...) LA COUR ; Attendu que le demandeur est né en 1806, en France, d'un père Français, et qu'établi en Belgique avant le 1er janv. 1814, il n'a pas profité du bénéfice de l'art. 135 de la constitution; Attendu que les lettres de naturalisation, obtenues en Belgique par le père du demandeur pendant la minorité de celui-ci, n'ont pas pu transmettre à ce dernier la qualité de Belge; qu'en effet il est de principe que la naturalisation confère un droit purement individuel, et que le père ne peut, par ce moyen, disposer de la nationalité de ses enfants, laquelle est fixée au moment de leur naissance; Que la loi du 27 sept. 1835 a implicitement sanctionné ce principe en accordant, par son art. 4, aux enfants mineurs d'un père naturalisé Belge, la faculté de jouir du méme avantage, moyennant la déclaration à faire dans l'année de leur

à-dire à une époque où il suivait la condition de son père, et s'il n'a pas accompli depuis sa majorité les formalités tracées par l'art. 9 du code civil (Req., 9 juill. 1844, aff. Depraz, V. n°595); - 4° Que les lettres de naturalisation obtenues en Belgique, par un père, pendant la minorité de ses enfants, nés à l'étranger, ne transmettent pas à ceux-ci la qualité de Belges, et que la naturalisation confère un droit purement individuel (C. C. Belge, ch. crim. rej. 5 juill. 1842) (2).—En Belgique, ce système a été sanctionné en principe par la loi du 27 sept. 1835 : « En ce qui concerne les effets de la nationalisation sur les enfants mineurs, disait le rapporteur de cette loi en parlant de l'art. 4, le projet du gouvernement a été également amendé. Il n'existe pas de difficulté en ce qui regarde les enfants qui naissent après la naturalisation du père. La condition de celui-ci leur est conférée avec la naissance, ils ne sont pas libres de la refuser. Mais c'est précisément parce que la naissance imprime la qualité nationale, que votre section centrale pensé ne pouvoir admettre que l'état des enfants mineurs nés avant la naturalisation du père puisse se modifier par la volonté de celui-ci..... La section centrale n'admet pas que les enfants mineurs puissent être naturalisés par la volonté de leur père; elle n'admet pas que la puissance paternelle puisse produire de semblables effets, et elle insiste pour l'amendement du sénat. Cet amendement ne crée pas d'effet rétroactif. Il place l'enfant mineur de l'étranger naturalisé dans la même position que l'enfant né en Belgique d'un étranger qui, aussi à sa majorité, aura le droit de devenir Belge; il n'accorde pas un droit commun; il se borne à assurer à l'enfant mineur une faveur dont il pourra profiter, si cela lui convient, mais sans faire préjudice à personne. >>

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116. Mais il a été décidé, en sens contraire: 1° que des arrière-petits-fils ont pu valablement être déclarés posséder la qualité de Français, dans les circonstances suivantes : que leur bisaïeul était devenu Français par la réunion de son pays à la France; qu'il est décédé pendant cette réunion; que leur aïeul était né dans l'intervalle, et avait, par suite, la qualité de Français; que, depuis, et nonobstant la séparation des pays, eux et leurs auteurs n'ont pas cessé de conserver cette qualité, en occupant notamment, en France, des grades et des emplois, et, l'un d'entre eux, en siégeant même comme représentant aux États d'une province française les États d'Artois (Req., 9 janv. 1839) (3); 2° Que l'individu né en France d'une

majorité ; — Qu'une pareille disposition n'ayant point existé dans la législation à l'époque où le demandeur a atteint sa majorité, celui-ci n'a eu d'autre moyen d'obtenir la qualité de Belge que de solliciter personnellement des lettres de naturalisation ou de profiter de la faveur accordée par l'art. 153 de la constitution; - Attendu que la députation du conseil provincial de Liége, en refusant de porter le demandeur sur la liste des électeurs de la commune de Huy, loin donc d'avoir contrevenu à aucune disposition de la loi, a au contraire fait une juste application des principes sur la matière. Rejette.

Du 5 juill. 1842.-C. C. de Belgique, ch. crim.-MM. de Sauvage, pr. Paquet, rap.-Dewandre, 1er av. gén., concl. conf.

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(3) Espèce: (Préfet du Pas-de-Calais C. Descantons.)-Le pourvoi était dirigé, dans l'espèce, contre un arrêt de la cour de Douai du 4 janv. 1838. Il était fondé: 1° sur la violation de la déclaration de 1582, en ce que l'arrêt attaqué, adoptant les motifs du tribunal de première instance, a validé la naturalisation de 1661, quoique non enregistrée à la chambre du trésor dans le délai voulu; 2° Sur la fausse application de la loi des 30 avril-2 mai 1790, en ce que Charles de Plotho ne` pouvait être déclaré Français, par le fait seul d'une residence de plus de cinq ans dans le royaume, et de l'acquisition d'immeubles situés en France, alors qu'il n'avait pas, en outre, prêté le serment civique exigé par la loi précitée; 3° Sur la violation de l'art. 1 de la loi du 5 déc. 1814 et de la loi du 27 avril 1825. Si, par le traité d'Aix-la-Chapelle, la famille de Plotho était devenue française, elle est redevenue étrangère par le traité de Riswick, qui, en rendant Ingelmunster à son ancien souverain, a remis les sujets de ce pays au même et semblable état qu'avant la réunion; cet état de choses n'a pas cessé jusqu'à la loi du 2 mai 1793 qui, en réunissant de nouveau les Pays-Bas autrichiens à la France, a accordé aux habitants de ces pays les droits de citoyens français. Mais les traités de 1814 et 1815 ont encore une fois changé le sort des mêmes pays, et comme la famille de Plotho n'a pas rempli les conditions de l'art. 17 de la loi de 1814 pour conserver sa qualité de Français, il est évident que le sieur de Mortablanc aux droits de cette familie, ne pouvait jouir du

Française et d'un père originaire d'un pays réuni à la France, a, durant l'époque de cette réunion, acquis irrévocablement la qualité de Français, par suite de l'événement du décès du père arrivé avant la séparation du pays réuni, et par conséquent pendant que ce dernier lui-même était dans le plein exercice de ses droits de Français et de citoyen; et, bien que la séparation du pays réuni soit arrivée au temps où l'enfant était encore mineur, cette séparation ne pouvant agir par effet de rétroactivité contre la nationalité nouvelle du père, le fils mineur, pour conserver cette nationalité, n'a aucune condition à remplir à l'époque de sa majorité (Cass., 13 janv. 1845, aff. préfet des Ardennes, D. P. 45. 1. 88); – 3° Que l'enfant né dans un des pays réunis à la France depuis 1791, et qui était encore mineur lors de la séparation de ces pays en 1814, a conservé la qualité de Français, même en l'absence des déclarations prescrites par la loi du 14 oct. 1814, si son père était décédé à l'époque de cette séparation, et que depuis cet enfant ait constamment résidé en France (Paris, 11 déc. 1847, aff. Kuhn, D. P. 18. 2. 49).

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117. Ceci nous amène à examiner la question de savoir quelles sont les personnes qui ont la capacité de changer leur nationalité?. En principe, tout individu a cette capacité, l'exception des personnes à qui elle est refusée, soit par la nation à laquelle elles veulent se rattacher, soit par celle qu'elles veulent abandonner (V. v° Abdication). —Examinons quelles sont les exceptions que la loi française a établies. Elles sont relatives: 1° aux enfants mineurs placés sous la puissance de leur père et de leur mère ou de l'un d'eux; 2o à la femme mariée.Quant à ce qui est relatif aux enfants mineurs, on est généralement d'accord pour reconnaître que, incapables de disposer de leurs droits purement privés, ils ne peuvent, à fortiori, aliéner leur nationalité. Aussi, n'insisterons-nous pas davantage sur ce point.

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118. Mais, quant à la femme mariée, plusieurs systèmes se sont élevés. Dans un premier système, on pense: 1° qu'il est impossible que la femme mariée ait une nationalité différente de celle de son mari; 2o que si, au moment du mariage, les futurs n'ont pas la même nationalité, la femme en changera néces sairement, et se trouvera investie de celle qui appartiendra à son mari; -3° Que la nationalité commune des époux peut être changée, en une autre nationalité également commune, par le mari, sans le concours de la femme. Une seconde opinion consiste à dire qu'une différence de nationalité ne peut jamais être l'effet de la volonté des époux ou de l'un d'eux, mais seulement un effet direct de la loi.—Enfin, M. Blondeau (Dissertation insérée dans la Revue du dr. franç. et étrang., t. 1, 1844) enseigne 1o que les futurs époux peuvent, au moment du mariage, conserver ou se donner des nationalités différentes, les art. 12 et 19 c. civ. n'étant que des dispositions interprétatives; 2° que durant le mariage, la nationalité des époux ou de l'un d'eux peut être changée par le concours de leurs volontés; la volonté du mari seul ne suffit pas pour changer la nationalité commune, et ni l'un ni l'autre des époux ne peut changer sa propre nationalité, sans le consentement de son conjoint; 3° qu'en cas de refus, de la part de l'un des époux, de consentir au changement de la nationalité commune ou de la nationalité de son conjoint, l'autre époux pourra agir suivant les formes ordinaires à l'effet d'obtenir de la justice le consentement refusé. — Examinons la valeur de chacun de ces trois systèmes.

Quant au premier, il est fondé : 1o sur ce que d'après les extes législatifs et d'après la doctrine des auteurs, il est reconnu

Arrêt.

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bénéfice de la loi de 1825 exclusivement relative aux émigrés français. LA COUR; Sur les trois moyens tirés de la violation ou de la fausse application de la loi des 30 avril-2 mai 1790 et de la déclaration de 1582; - Attendu que l'arrêt attaqué constate, en fait, que Guébard de Plotbo est né le 10 déc.1670 à Ingelmunster, pays réuni à la France par le traité d'Aix-la-Chapelle du 2 mai 1668; Que Delphin de Plotho, son père, avait alors la qualité de Français, par suite de la réunion d'Ingelmunster à la France, et non en vertu des lettres patentes de 1661 qui n'avaient pas encore été enregistrées à la chambre du trésor; Qu'il a conservé cette qualité jusqu'à son décès, arrivé à Ingelmunster, le 5 juin 1697; - Qu'à cette époque, Ingelmunster faisait encore partie de la France,

- Le

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que les époux ne peuvent avoir des nationalités différentes; 2o sur ce que dans la discussion auquel l'art. 214 c. civ. donna lieu au sein du conseil d'État, il fut reconnu que le mari aurait le droit de forcer sa femme à le suivre en pays étranger. premier motif invoqué par les défenseurs de cette opinion ne prouve rien, ou plutôt, il est inexact. En effet, les textes législatifs et la doctrine des auteurs établissent seulement, que par le mariage, la nationalité du mari devient celle de la femme, et non pas que la femme mariée change de nationalité toutes le fois qu'il plaît à sou mari d'en changer.-En second lieu, quand les art. 12 et 19 c. civ. disent que la femme suit la condition de son mari, c'est dans le même sens que la loi romaine disait: « Filius ex justis nuptiis conceptus, conditionem patris sequitur, » c'est-à-dire que le fils prenait la condition de son père, d'où il suit que les art. 12 et 19 veulent dire que la femme prend la condition de son mari au moment du mariage, comme l'enfant celle de son père, au moment de la conception. — Le second ar▾ gument invoqué dans ce système est tout aussi peu concluant que le premier. Il n'est, dit M. Blondeau (p. 25), qu'une confusion de deux choses qu'il faut soigneusement distinguer: devenir étranger et habiter le sol étranger. Si le conseil d'État a reconnu au mari le droit de forcer sa femme à le suivre en pays étranger, il n'est pas permis d'en conclure que, dans l'opinion du conseil, le mari peut forcer sa femme à devenir étrangère. — Ainsi, nous repoussons, dans ce premier système, la première proposition qui regarde comme impossible que les deux époux aient une nationalité différente, et la troisième, tendant à établir que le mari peut forcer sa femme à changer de nationalité. Nous verrons, en nous occupant des deux théories que nous avons encore à examiner sur ce point, comment il faut accepter le seconde proposition.

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Le second système, tout en adoptant les deux dernières propositions du premier, corrige la seconde, en disant que la différence de nationalité est possible, mais seulement comme effet direct de la loi et non de la volonté privée. M. Blondeau combat cette distinction qui ne repose que sur un argument littéral tiré du texte des art. 12 et 19, argument qu'on formule ainsi : « Les art. 12 et 19 établissent d'une manière générale que la femme suit la condition de son mari, et non pas simplement que la condition du mari est communiquée à la femme au moment du mariage. >> Mais nous avons démontré que cet argument n'est pas exact et fait dire à la loi plus qu'elle ne dit; que le sens de ces mots la femme suit la condition de son mari, est que la femme prend la condition de son mari au moment du mariage, laissant de côté le point de savoir si elle sera tenue de suivre toujours cette condition, ou, si, au contraire, elle pourra en recevoir une différente. Il reste donc démontré que les époux peuvent avoir des nationalités différentes, soit par l'effet direct de la loi, soit par l'effet d'une volonté privée, et qu'au moment du mariage, les futurs époux ont le choix de conserver ou d'acquérir une nationalité commune, ou bien de conserver des nationalités différentes. Le troisième système, enseigné par M. Blondeau, considère ces deux points comme constants. Mais il va plus loin, et veut : 1° que le mari n'ait pas le droit de changer par sa seule volonté, c'est-à-dire sans la volonté de sa femme, soit la nationalité de celle-ci, soit la nationalité commune, et que ni l'un ni l'autre des époux ne puisse changer sa propre nationalité sans le consentement de son conjoint; 2° que le consentement du conjoint puisse être suppléé par l'autorisation de la justice. « Accorder au mari le pouvoir de changer la nationalité commune, dit M. Blondeau, serait surtout inadmissible, si on allait jusqu'à prétendre que ce

dont il n'a été séparé que par le traité de Riswick, le 20 sept. 1697; Qu'ainsi Guébard de Plotho est né d'un Français sur ie territoire faisant partie de la France, et que, par conséquent, il était Français; - Attendu que l'arrêt attaqué et le jugement de première instance, dont cet arrêt a adopté les motifs, constatent, en outre, que Guébard de Plotho et ses descendants ont toujours conservé la qualité de Français; - Qu'ils ont occupé en France des grades et des emplois, et que l'un d'eux a siégé aux états d'Artois de 1779 à 1783;—Que, d'après ces faits qu'elle a vérifiés, la cour royale a pu, sans violer les lois invoquées, déclarer que les sieurs de Plotho avaient la qualité de Français; Rejette. Du 9 janv. 1839.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Brière-Valiguy, rap.

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