CHAP. payement, sous prétexte que le règlement des avaries communes n'a pas encore eu lieu; sauf à lui à recourir contre qui de droit pour obtenir ce règlement (Bordeaux, 15 déc. 1828, aff. Zangronitz, V. no 2136). 2189. En cas de délaissement, l'assureur n'a pas le droit de défalquer de la valeur assurée les sommes empruntées à la grosse pour remédier aux dégradations résultant des événements de mer survenus pendant le voyage, parce que l'emprunt ayant ainsi été contracté pour la conservation de la chose, l'a été par conséquent dans l'intérêt de l'assureur lui-même (Rouen, 14 mai 1824 (1); 6 fév. 1817, aff. N... C. N...). Mais l'assureur est fondé, au contraire, à déduire, sur le montant de la somme assurée, les emprunts à la grosse, quoique postérieurs à l'assurance, lorsque ces emprunts ont été faits pour des causes antérieures au voyage assuré, et, par exemple, pour être employés aux réparations du navire, aux salaires de l'équipage et aux provisions nécessaires pour le voyage assuré. En effet, la valeur donnée par la police au navire assuré a été diminuée par l'emprunt à la grosse ultérieurement contracté, le navire étant affecté à cet emprunt; or cette diminution ne doit point être à la charge de l'assureur, puisque l'emprunt dont elle résulte a eu lieu, dans le cas qui nous occupe, pour des causes antérieures au voyage assuré. Il n'est donc pas permis de réclamer de l'assureur la totalité de la somme assurée; autrement l'assurance serait pour l'assuré, contrairement aux principes qui la régissent, un moyen non-seulement d'éviter❘ une perte, mais de faire un bénéfice; car, outre qu'elle l'indemniserait des suites du sinistre qui a amené le délaissement, elle lui servirait à acquitter des dettes antérieures au voyage assuré (même arrêt du 14 mai 1824, V. no 1637). 2190. La police d'assurance, qui porte que le payement des pertes et avaries doit être fait par les assureurs au porteur de cette police et des pièces justificatives, cesse d'avoir son effet dès qu'il y a eu condamnation en ce cas le payement doit être fait aux mains des assurés ou de leur fondé de pouvoir spécial (Paris, 3o ch., 27 juin 1838, aff. Lloyd C. Pelletreau). Toutefois, il a été jugé, en sens contraire, que la clause d'une police portant que la perte sera payée à l'assuré ou au porteur de la police, sans pouvoir en exiger ni ordre ni procuration, est tellement absolue, qu'elle doit recevoir son exécution même après que la perte a été déclarée ou que les avaries ont été liquidées par le jugement, et que le nom seul de l'assuré a figuré dans le jugement; qu'en conséquence, si l'assuré, après avoir obtenu lui-même un jugement qui déclare la perte ou liquide les avaries, a remis la police à un tiers, ce tiers est seul apte à recevoir et quittancer le montant de la perte ou des avaries; et que, par suite, les assureurs ne peuvent opposer au tiers porteur de la police aucune compensation de la perte ou de l'avarie avec des (1) Espèce: (Tardif C. Levavasseur.) Le navire le Spéculateur, appartenant à Tardif, de Rouen, fut assuré pour 20,000 fr. par deux polices souscrites, l'une, le 12 sept. 1822, par Levavasseur, pour 16,000 fr.; l'autre par Bréard et comp., du Havre, pour 4,000 fr. Le navire avait alors besoin d'être radoubé; il était dû plusieurs mois de loyers à l'équipage, et même Tardif avait autorisé le capitaine, par lettre du 3 sept. 1822, à faire un emprunt à la grosse pour subvenir à ces dépenses; mais cet emprunt ne fut effectué que les 10 et 15 décembre, après l'assurance et jusqu'à concurrence de 6,300 fr. Après avoir été réparé, le Spéculateur mit à la voile, et peu après il se perdit. Tardif étant alors en faillite, le delaissement fut fait par le syndic provisoire; le contrat à la grosse fut déclaré, et le prix de l'assurance réclamé; mais le premier assureur, Levavasseur, a prétendu que la somme empruntée à la grosse devait être déduite de la somme assurée. Sa prétention a été admise; et, par jugement du tribunal de commerce, le montant de l'assurance a été réduit à 10,735 fr. 68 cent., par les motifs qu'il résultait du livre de bord que la cause seule de l'emprunt a été le refus du correspondant de Tardif jeune, d'avancer pour lui: 1° le montant des frais faits au navire avant l'assurance; 2° ceux de l'expédition de Bordeaux (antérieure à l'assurance); 3° les gages de l'équipage; qu'ainsi la somme empruntée à la grosse n'est qu'un prélèvement fait sur la valeur du navire; que ledit navire ayant été affecté par les actes de grosse au payement de l'emprunt, il en résulte que sa valeur, au respect du contrat d'assurance, a été diminuée d'autant. Appel par les syndics de la faillite Tardif. Ils ont soutenu : 1° que l'évaluation du navire, dans la police, était censée faite à forfait avec l'assureur, et d'après l'état de ce navire, à l'époque de l'assurance; 2° que l'emprunt à la grosse ayant servi à réparer le navire, en avait augmenté la valeur; 3 enfin, que l'assureur, ayant perçu la prime sur la somme sommes qui leur seraient dues par l'assuré, même antérieurement au jugement déclaratif de la perte ou portant liquidation de l'avarie (trib. de com. de Marseille, 17 oct. 1823, aff. Rocofoort). 2191. Le délaissement signifié et accepté ou jugé valable, les effets assurés appartiennent à l'assureur, à partir de l'époque du délaissement (c. com. 385). Ainsi, sans l'acceptation du délaissement, ou, à défaut, sans un jugement qui le déclare va lable, il n'y a point transport de propriété des effets délaissés. Mais l'acceptation ou le jugement de validité une fois intervenus, rétroagissent au jour de la signification du délaissement; de sorte que, quand même le navire délaissé, par exemple, pour cause d'arrêt de prince ou de défaut de nouvelles, serait relâché ou reparaîtrait dans l'intervalle de la signification à l'acceptation ov au jugement, le délaissement ne serait pas moins valable à l'égard tant de l'assuré que de l'assureur (Pardessus, no 854). 2192. L'assuré ne pourrait pas révoquer le délaissement qu'il aurait fait signifier, sous prétexte qu'il était conditionnel ou partiel, ou fait avant les délais, les exceptions résultant de ces diverses circonstances n'étant établies qu'au profit de l'assureur (Boulay-Paty, t. 4, p. 378, M. Pardessus, no 854).-Mais le délaissement fait par erreur, sur la fausse nouvelle d'un sinistre, serait évidemment nul.- Les assureurs qui ont accepté le délaissement ne peuvent pas non plus revenir sur leur acceptation, sous le prétexte qu'il n'y avait pas lieu à délaissement, mais seulement à une action en règlement d'avaries (trib. de com. de Marseille, 24 mai 1833, aff. Bobilier). 2193. Si le même objet a été assuré par plusieurs, ils l'acquièrent en commun et proportionnellement, sans qu'on ait égard à l'antériorité ou postériorité des polices, circonstance qui n'est considérée qu'en cas de ristourne (Boulay-Paty, l. 4, p. 385).—Si une partie seulement du chargement est assurée, par exemple, la moitié, les effets sauvés appartiennent, pour moitié aussi, à l'assuré, qui est censé, à cet égard, être son propre assureur. - 2194. L'assureur ne peut, sous prétexte du retour du navire, se dispenser de payer la somme assurée (c. com. 385). Ainsi, bien que le bâtiment qu'on avait supposé perdu, à défaut de nouvelles, vienne à reparaître; bien que le navire qui avait été pris vienne à être restitué, l'assureur auquel le délaissement a été fait doit payer la somme assurée, dans le délai fixé par la loi ou par la convention. Cependant Valin, sur l'art. 60, fait exception à cette règle pour le cas où, nonobstant la nouvelle de la perte qui aura autorisé le délaissement, le navire sera revenu par les soins des assureurs qui l'auront radoubé et mis en état de naviguer comme auparavant. Cet auteur pense qu'en pareille hypothèse, les assureurs sont en droit d'obliger l'assuré à reprendre son navire avec les marchandises, malgré le délaissement, et qu'il ne doit plus être question que du règlement des de 20,000 fr., devait être tenu de rembourser cette somme. Arrêt. LA COUR; Attendu que, si les assureurs ne peuvent défalquer de la valeur assurée les sommes empruntées à la grosse, c'est lorsque cet emprunt a été nécessité par les événements survenus pendant le voyage qui a donné lieu à l'assurance, et que telle était l'espèce de l'arrêt rendu le 17 fév. 1817, opposé par l'appelant; qu'il n'en est pas de même lorsquo l'emprunt, quoique postérieur à l'assurance, est fait pour des causes antérieures au voyage assuré; que si, lorsque l'emprunt est fait pendant el á raison du voyage, il n'y a pas lieu à défalcation, c'est par le motif quo l'emprunt a été contracté pour la conservation de la chose, et conséquemment dans l'intérêt des assureurs eux-mêmes; mais qu'il en est autrement lorsque l'emprunt, ce qui se rencontre dans l'espèce, a été contracté, soit pour payer des sommes dues, soit pour faire des réparations occasionnées par un précédent voyage terminé; que, dans ce cas, ces créances privilégiées grèvent et affectent le navire, en diminuent la valeur, et s'opposent à ce que les assurés puissent réclamer celle qui est énoncée dans la police; que l'assurance ne peut être, pour l'assuré, un moyen d'acquérir; qu'il ne peut bénéficier par suite de ce contrat; que seulement il doit être indemnisé par les assureurs; que, si l'on admettait que les assurés à raison d'emprunts faits pour des causes antérieures an voyage, puissent réclamer contre les assureurs la somme intégrale portée dans la police, il en résulterait qu'indépendamment de cette somme, ils auraient encore fait servir, à leur décharge, pour l'acquit des dettes privilégiées et antérieures au voyage, la somme énoncée dans le contrat à la grosse, ce qui est contraire aux principes de la matière; adoptant, au surplus, les motifs qui ont déterminé les premiers juges; Mei l'appel lation au néant. Du 14 mai 1824.-C. de Rouen, 2 ch.-M. Aroux, pr. - avaries. Il accorde néanmoins que les assureurs perdent ce droit lorsqu'ils ont payé volontairement les sommes assurées, et qu'ils n'ont pas agi en conséquence du délaissement sous protestation de s'en défendre. Mais cette exception est repoussée par la généralité des termes de l'art. 385, et l'on ne voit pas sur quel motif sérieux on pourrait l'appuyer.-V. Locré, t. 4, p. 282. - 2195. L'assureur devenu, comme on l'a dit, par le délaissement, propriétaire des effets assurés, peut exercer tous les droits qui auraient compété à l'assuré, relativement à ces effets, s'il n'y avait pas eu de délaissement. Ainsi, il a le droit de demander les indemnités qui pourraient être dues à raison de dommages causés, avant le délaissement, aux choses assurées. Ainsi encore, il peut, en cas de prise, si la prise est jugée mal fondée, réclamer les objets capturés, ou leur prix, s'ils ont été vendus, ou l'indemnité à laquelle la prise peut donner lieu (M. Pardessus, no 855). (1) Espèce :- (Dreux C. Laveyssière, etc.) Le 11 nov. 1792, le navire les Trois-Félicités, armé par Monnier, négociant à Marseille, partit de la Guadeloupe pour retourner en France. Contraint de relâcher dans la baie de Roses (Catalogne), il fut saisi et vendu, avec sa cargaison, par ordre du gouvernement espagnol. Le 4 mars 1793, Monnier fit connaître le sinistre aux assureurs; et, le 17 juin suivant, il demanda à être admis au bénéfice du délaissement des objets assurés. Jugement des 27 sept. 1793 et 18 germ. an 6, qui font droit à sa demande. La plupart des chargeurs du navire eurent également recours au délaissement. Un article additionnel au traité du 20 juillet 1814, conclu entre la France et l'Espagne, stipula la restitution réciproque des propriétés confisquées au préjudice des sujets respectifs de ces deux puissances. 8,500,000 fr. furent donnés par l'Espagne pour opérer sa libération. Le 31 déc. 1817, les héritiers Monnier s'adressèrent à la commission chargée de la liquidation, pour réclamer l'indemnité due à raison de la confiscation du navire les Trois-Félicités. Ce fut en leur nom qu'elle fut liquidée et inscrite. Les 8 et 10 avril 1822, ils vendirent à vil prix leurs droits à cette indemnité. Une série de transports mit cette créance aux mains de Dageville, à qui son vendeur céda 9,000 fr. de rentes à prendre sur celles à provenir de la liquidation. Dageville transporta ses droits jusqu'à concurrence de 6,500 fr. de rente, et cette dernière créance devint, après plusieurs transmissions, la propriété de Dreux. Dreux reçut deux inscriptions, l'une de 4,773 fr. de rente, l'autre de 2,705 fr., jouissance du 22 mars 1826. Un supplément d'indemnité fut accordé; il produisit une nouvelle inscription de 1,508 fr. Mais, par suite d'opposition, elle fut déposée à la caisse des consignations. Massol, André, Laveysière et Abeille, qui représentaient plusieurs des assureurs ou des chargeurs qui n'avaient pas fait d'abandon, avaient vécu dans l'ignorance de ce qui se passait. Éclairés sur leurs droits, ils assignent, par exploit du 18 janv. 1832, Dreux et ses cédants, pour s'entendre condamner à leur payer le montant de l'indemnité allouée pour le navire les Trois-Félicités et sa cargaison. La demande est fondée sur le fait du délaissement, qui a rendu les assureurs propriétaires des objets délaissés ou de l'indemnité qui en est représentative. Dreux repousse leurs prétentions, en se fondant sur ce qu'ils ne justifient ni de leur qualité ni de leur titre. 19 janv. 1833, jugement du tribunal civil de la Seine qui condamne Dreux « Attendu que, si les différentes justifications qu'ils ont à faire peuvent être critiquées comme incomplètes, elles sont au moins suffisantes pour établir leur qualité de cessionnaires de plusieurs des intéressés, sauf l'appréciation ultérieure de leurs titres, quant à la nature et à l'étendue de leurs droits; - Au fond, attendu qu'aux termes de l'art. 60 de l'ordonnance de la marine de 1681, après délaissement signifié, les effets assurés appartiennent à l'assureur; Attendu qu'il suit de ce principe, que l'indemnité allouée, d'après les conventions du gouvernement espagnol, pour les valeurs du navire les Trois-Félicités et de sa cargaison, appartenaient : 1° aux assureurs d'Antoine Monnier; 2° aux assureurs des chargeurs qui avaient fait des actes d'abandon;..... Attendu que la vente de la chose d'autrui est nulle; Attendu, dès lors, qu'en supposant, ce qui résulterait des termes des actes de transports consentis devant notaire par les héritiers d'Antoine Monnier, qu'ils ont vendu nonseulement les droits qui auraient pu lui appartenir à cette indemnité, pour le fret ou tout autre cause, mais encore ceux des assureurs ou d'autres intéressés, la vente serait nulle à leur égard, et ceux-ci ou leurs ayants cause sont fondés à soutenir qu'elle ne saurait leur être opposée; Attendu qu'à la vérité, c'est à la diligence et au nom des héritiers d'Antoine Monnier qu'a été liquidée l'indemnité, mais qu'il ne s'ensuit pas qu'elle leur ait été attribuée exclusivement; que tel ne saurait être l'effet d'un acte administratif, ayant seulement pour objet de reconnaître la légitimité et de fixer le montant de la créance à recouvrer; que les diligences des héritiers d'Antoine Monnier, faites en temps utile et avant toute déchéance, ont nécessairement profité à ses coîntéressés, dont elles ont conservé les droits; Attendu qu'évidemment Monnier, comme armateur, - Il a été jugé ainsi que l'assureur qui, sur le délaissement à lui fait des choses assurées, capturées par l'ennemi, a payé le montant de l'assurance, est devenu par là propriétaire de ces choses, et, par suite, de l'indemnité représentative de leur valeur, ultérieurement accordée par le gouvernement capteur (Req., 29 déc. 1831, aff. Mallet, V. no 1240). 2196. Il est à remarquer que le délaissement, alors même qu'il est effectué pour cause de prise de l'objet assuré, et qu'il y a lieu d'exercer une action en indemnité contre le capteur, ne peut néanmoins être assimilé à un transport de créance; il opère la transmission de la propriété de la chose assurée et de l'indemnité représentative de cette chose, sans qu'il soit besoin, pour que les assureurs s'en trouvent saisis à l'égard des tiers, d'aucune signification de transport (Rej., 4 mai 1836 (1). Décision anal. trib. de Marseille, 29 juin 1830. Conf. M. Alauzet, n° 332). n'aurait pas eu qualité pour vendre la portion d'indemnité qui avait cessé de lui appartenir par suite de son délaissement, ni celle des chargeurs; que ses héritiers, encore moins que lui-même, n'auraient eu cette faculté, puisque le prétendu mandat attaché à sa qualité d'armateur aurait fioi par son décès; » Attendu qu'il est vrai, en général, que l'acquisition faite de bonne foi d'une chose mobilière, du propriétaire apparent, peut être considérée comme valable, parce qu'en fait de meubles la possession vaut titre; — Mais attendu que la règle de droit, qu'en fait de meubles la possession vaut titre, ne s'applique point aux droits incorporels, et que c'était un droit de cette nature qui, après la confiscation du navire les Trois-Félicilé et de sa cargaison, appartenait sur l'indemnité qui en était la représentation, tant à l'armateur qu'aux gens de l'équipage, aux chargeurs et aux assureurs; Attendu, dans tous les cas, que les héritiers d'Antoine Monnier, qui ne représentaient aucune pièce constatant qu'ils cussent la propriété de toutes les facultés du navire, n'étaient pas même propriétaires apparents, et ne pouvaient nullement se croire propriétaires réels de la totalité du droit à l'indemnité dont la liquidation a été poursuivie en leur nom; qu'il existe toujours et nécessairement diverses parties intéressées pour une indemnité de cette nature, à laquelle ont droit, par privilége, les gens de l'équipage, et qui se partage ordinairement entre eux, l'armateur, les chargeurs ou consignataires, les assureurs s'il en existe; que, parmi les pièces produites devant la commission de liquidation, et visées dans son arrêté, se trouve l'état de chargement à la Guadeloupe, du 8 nov. 1792, lequel contient le nom des chargeurs et consignataires avec la valeur des marchandises qui leur appartiennent respectivement; Qu'il résulte des circonstances et documents de la cause que la requête du 4 mars 1793, d'Antoine Monnier contre ses assureurs, avait été produite devant la commission; que ces pièces, qui faisaient connaître qu'il existait des chargeurs et des assureurs, ne pouvaient être qu'entre les mains des héritiers d'Antoine Monnier, qui ont dû eux-mêmes les reproduire, puisque la liquidation était poursuivie en leur nom; » Attendu, au surplus, que, si la vente d'un droit incorporel par ut propriétaire apparent, pouvait être considérée comme valable en faveur de l'acquéreur de bonne foi, par exception au principe qui annule la vente de la chose d'autrui, cette exception ne pourrait être invoquée par un acquéreur qu'autant qu'il aurait été dans l'ignorance invincible des droits des tiers; Attendu, au contraire, que ceux des chargeurs et des assureurs du navire les Trois-Félicités étaient manifestes, non-seulement par les usages el règlements maritimes, mais encore par l'état de chargement du 8 nov. 1792 et la requête du 4 mars 1795; - Attendu que la prudence ordinaire prescrivait aux cessionnaires de vérifier l'existence et l'étendue des droits d'Antoine Monnier, armateur, tant à la propriété du navire qu'aux marchandises dont il était chargé, et que le simple examen des pièces justificatives de la demande en liquidation eût révélé les droits des cointéressés; Attendu même que l'existence de ces pieces leur dépôt au sécrétariat de la commission, la vileté du prix des transports primitifs du 8 mars 1822 et du 10 avril 1823, le retrait qu'a fait Hamelin, l'un des cessionnaires, après la cession de ses droits, d'une grande partie de ces pièces, l'indication existante au dossier de la présence antérieure de ces pièces et de leur disparition, étaient des circon stances qui devaient particulièrement appeler l'attention; » Attendu, enfin, que les cessionnaires successifs du droit d'indemnité n'ont pu, dans quelques termes qu'aient été faits ces transports, transmettre aux acquéreurs d'autres droits que ceux qui leur appartenaient; d'où il suit que le transport d'André et Cottier, cessionnaires d'Hamelin et cédants de Dreux, n'ont pu conférer à ce dernier la proprieté entière de l'indemnité; Déclare que, 1° Massot et fils, à la charge par eux de justifier de leur identité avec l'ancienne maison de commerce de ce nom, ou de prouver qu'ils la représentent; 2° les béritiers d'André, à la charge par eux de justifier individuellement de leurs droits; 3° Laveyssière et Abeille, selon la nature et l'étendue des droits dont ils pourront justifier, ont droit, en proportion de la part qui leur était afférente, soit en leur 2197. Le délaissement accepté ou jugé valable ayant un effet rétroactif au moment du sinistre, il en résulte que le sauvetage qui s'opère, soit en vertu du mandat légal dont l'assuré est investi, soit en vertu d'un mandat spécial des assureurs, est uniquement fait pour le compte et aux risques de ces derniers. En conséquence, les assureurs ne peuvent contraindre l'assuré à compenser sur le montant de la perte qu'il réclame les sommes provenant du sauvetage qui ne sont point entrées dans ses mains, mais qui sont encore entre les mains du correspondant chargé par lui de les recouvrer (trib. de com. de Marseille, 24 mai 1833, aff. Bobilier; 19 juill. 1826, aff. Peigano). 2198. S'il y a contrat à la grosse et assurance sur le même objet (sans que le prêt et l'assurance en excèdent la valeur), le produit des effets délaissés doit être partagé entre le prêteur, pour son capital, et l'assureur, pour les sommes assurées, au marc le franc de leur intérêt respectif, sans préjudice des priviléges établis à l'art. 191 (c. com. 331).— Il en serait autrement, si le prêt avait été fait, non avant le voyage commencé, mais durant la traversée : le prêteur, dans ce cas, primerait l'assureur, tant pour son capital que pour le profit maritime. nom, soit comme cessionnaires dans le navire les Trois-Félicités et sa cargaison, à l'indemnité représentative dudit navire, corps et facultés, ainsi qu'elle a été fixée par la commission de liquidation, etc. » Appel par Dreux. 20 juill. 1833, arrêt de la cour de Paris qui confirme, adoptant les motifs des premiers juges. Pourvoi par Dreux. - Premier moyen: Excès de pouvoir, fondé sur deux motifs 1° le tribunal et la cour ont accueilli la demande, quoiqu'ils reconnaissent que plusieurs des demandeurs ne justifiaient pas complétement leurs droits et qualités, et que même ils les renvoient, à cet égard, devant un notaire. Il y a là une violation de la règle qui soumet le demandeur à justifier de son droit, règle consacrée par la loi 42, D., De reg. jur., par les art. 1315 c. civ., 150 c. pr., etc.; 2° l'admission de l'action réelle en revendication était une violation des lois 9 et 27, D., De rei vindicat., car il s'agissait de valeurs qui avaient été négociées avant l'action en revendication. - Deuxieme moyen: Violation des art. 2279, 527, 529 c. civ., en ce que la cour a refusé d'appliquer à des choses non corporelles le principe qu'en fait de meubles, possession vaut titre, et en ce que la subrogation des assureurs aux droits de l'assuré constituant un véritable transport, les règles tracées par les art. 1689, 1690 devenaient applicables. Arrêt (ap. délib. en ch. du cons.). - --- LA COUR; Sur la première partie du premier moyen : Attendu que les juges de première instance et la cour royale, saisis, par les conclusions de toutes les parties et du sieur Dreux lui-même, de la question de savoir si le droit à l'indemnité dont il s'agit lui avait été valablement transporté, ont décidé cette question par la négative; — Que, jugeant à la fois que les qualités dans lesquelles procédaient ses adversaires laissaient quelque chose à désirer, quant à la détermination de leurs droits individuels et à la répartition à faire à chacun d'eux de l'indemnité qui était jugée appartenir à tous, le jugement et l'arrêt ont renvoyé les parties devant un nolaire, pour y établir définitivement leurs qualités, sauf, en cas de difficultés, à revenir devant le tribunal pour s'y faire régler; Que, bien que cette disposition eût été plus régulière si elle eût été prononcée par voie d'avant faire droit, elle ne fait, toutefois, grief à aucune des parties, laisse tous les droits intacts, et ne viole, d'ailleurs, aucune loi; Sur la deuxième partie du même moyen: Attendu que l'action sur laquelle il a été statué a été, d'après l'exploit introductif d'instance, gon pas une action réelle ou en revendication des rentes données en payement de l'indemnité, mais une action pure personnelle en restitution de cette même indemnité, indùment touchée, et dont les rentes, inscrites au nom du sieur Dreux, n'avaient été qu'un mode d'acquittement; d'où il suit que les règles établies en matière d'action revendicatoire n'ont été ni pu être violées; Sur la première partie du deuxième moyen (violation alléguée des art. 2279, 527, 528 et 529 c. civ.): Attendu que ces trois derniers articles distiguent les corps qui sont meubles par leur nature et les choses incorporelles qui ne sont meubles que par la détermination de la loi; Que le code civil reconnaît ainsi et des meubles réels, qui ont une consistance matérielle et physique, et des meubles fictifs, qui n'existent que dans l'intelligence et dans la pensée; Que la tradition des premiers ne peut être que manuelle, tandis que celle des seconds ne peut pas l'être; ce qui les soumet les uns et les autres, quant à la transmission de propriété dont ils sont susceptibles, à des règles nécessairement différentes; Que le code civil reconnaît lui-même cette différence, lorsque, dans son art. 1141, il parle des effets de la tradition d'une chose purement mobilière; ce qui dénote visiblement que, dans la pensée du législateur, il y a des choses qui sont purement mobilières et des choses qui ne le sont pas; Qu'en statuant, par l'art. 2279, qu'en fait de meubles, la possession vaut titre, le législateur n'a évidemment entendu parler ane des mAY. 2199. L'assureur qui s'est libéré de ses obligations par le payement des sommes assurées, qui n'a fait aucun acte par lequel il se soit reconnu propriétaire du navire à lui délaissé, et n'en détient aucune partie, ne peut être considéré comme passible, par l'effet du délaissement, d'aucune action personnelle de la part des tiers, créanciers privilégiés sur le navire, qui l'ayant fait vendre à leur profit, n'ont pas trouvé dans le produit de cette vente de quoi se remplir de leurs créances. Spécialement, l'assureur sur corps qui, sur le délaissement à lui notifié, a payé de bonne foi à l'assuré le montant de l'assurance, sans s'immiscer ensuite dans la disposition du navire, ne saurait être poursuivi ultérieurement à raison de ce qui pourrait rester dû aux prêteurs à la grosse pour frais de radoub, dans le cas où ces prêteurs, après avoir fait réparer le navire, en ont disposé eux-mêmes, en le chargeant pour leur propre compte, en l'envoyant dans un port différent de celui de sa destination primitive, et en l'y faisant vendre à leur profit, le tout à l'insu de l'assureur et de concert seulement avec le capitaine (Req., 27 déc. 1830) (1). 2200. Il peut arriver qu'après avoir fait le délaissement à son assureur, l'armateur soit ensuite poursuivi, conformément à bles susceptibles de tradition manuelle, c'est-à-dire des meubles purement meubles, des meubles corporels; Que cette pensée se manifeste par la suite même de la disposition, qui, en parlant d'une chose perdue ou volée, ne peut vouloir désigner qu'un meuble réel et susceptible de locomotion ; mais que les meubles fictifs, tels que les actions, créances et autres droits incorporels, n'étant, à l'égard des tiers, susceptibles d'aucune tradition proprement dite, ne peuvent, hors le cas de prescription, passer valablement du domaine de l'un dans celui de l'autre, qu'à l'aide des voies établies, pour la transmission de cette nature de propriété, par les art. 1689 et 1690 c. civ., c'est-à-dire par une disposition émanée du véritable propriétaire, laquelle pourra seule valoir titre au profit du successeur à la propriété ;- Qu'en effet, on conçoit que le simple possesseur puisse, jusqu'a un certain point, transférer, par une possession semblable à la sienne, un droit apparent à la propriété de meubles corporels, susceptibles de possession; mais on ne concevrait pas que celui qui ne peut pas même avoir la possession proprement dite d'un droit incorporel appartenant à un autre, pût valablement en transférer la propriété, nul ne pouvant céder à autrui plus de droits qu'il n'en a lui même ; Qu'aussi la loi ne peut reconnaître, et ne reconnait, en effet, par aucun texte, la qualité de propriétaire apparent, en fait de droits incorporels ;-D'où il suit que la cour royale de Paris, en déniant cette qualité aux héritiers d'Antoine Monnier, et prononçant, par suite, la nullité du transport fait par eux au sieur Dreux du droit à l'indemnité qui ne leur appartenait pas, loin d'avoir violé ou faussement appliqué les art. 2279, 527, 528 et 529 c. civ., en a fait la plus saine interprétation, et justement appliqué l'art. 1599 du même code, qui déclare nulle la vente de la chose d'autrui ; Sur la deuxième partie du même moyen (violation des art. 1689 et 1690 c. civ.): - Attendu que le délaissement du navire et de toutes ses facultés fait, en 1793, par Monnier aux assureurs, aujourd'hui représentés par les défendeurs à la cassation, ne peut être assimilé à un transport de créance; Que le délaissement, en pareille occurrence, est un moyen légal de transmission de la propriété du navire, et, conséquemment, de l'indemnité qui le représente; Que, propriétaire de l'un st de l'autre, les assureurs n'ont eu besoin, pour s'en saisir, de faire aucune signification, ni au gouvernement espagnol, débiteur, ni au trésor public de France, payeur de cette indemnité; · D'où il suit que les art. 1689 et 1690 c. civ. étaient, sous ce rapport, inapplicables à la cause; Rejette. Du 4 mai 1836.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Quéquet, rap.Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-Mandaroux-Vertamy et Piet, av. (1) Espèce: (Wiché et Saunders C. Vailhen.)- Un premier arrêt de la cour d'Aix avait décidé que Saunders et Wiché, prêteurs à la grosse, n'avaient aucune action à exercer contre l'assuré, parce que le Alors, capitaine, en contractant avec eux, avait excédé ses pouvoirs. les prêteurs se sont adressés aux assureurs, en vertu d'une des dispositions du contrat à la grosse, portant que le prêt était fait pour le comple de qui il appartiendrait. — Si l'assuré ne doit pas nous rembourser. disaient-ils, il faut bien que quelqu'un nous paye. Or, les assureurs, par l'effet du délaissement du navire, en sont devenus propriétaires; les frais de radoub doivent donc être à leur charge. Le 12 janv. 1828, jugement du tribunal de Marseille, qui rejette tant l'action principale que celle en garantie. «Sur la première question : attendu que les assureurs ne peuvent jamais perdre plus que les sommes par eux assurées, ni être tenus au delà desdites sommes; - Que ce principe résulte de l'art. 332 c. com, et de l'art. 393 du même code; que l'art. 396 n'est pas une exception à ce principe, puisque, dans le cas prévu par cet article, ce n'est pas en vertu de la police d'assurance que l'assureur est exposé à payer plus que la somme par lui prise à risque, l'art. 216 c. com., comme responsable des faits du capitaine, par les chargeurs, dont celui-ci aurait lésé les intérêts. Dans ce cas, l'armateur, qui n'est point tenu personnellement des faits du capitaine, et qui, par ce motif, est autorisé par l'art. 216 précité, à s'affranchir de la responsabilité de ces faits par l'abandon du navire et du fret affectés à la créance privilégiée des chargeurs, a le droit de faire à ceux-ci cet abandon, nonobstant le delaissement antérieurement fait à l'assureur; et alors les chargeurs sont tenus d'exercer leur recours contre ce dernier, -- mais en vertu du nouveau contrat qui se forme au moment où il déclare accepter pour son compte la composition faite pour le rachat de l'objet capturé; contrat qu'il est le maître de ne pas conclure en se soumettant à payer le montant de l'assurance; Attendu qu'il serait contraire à l'essence du contrat d'assurance, que l'assureur, qui n'a reçu la prime due sur la somme prise en risque, fût exposé à payer une somme plus grande que celle dont il a voulu courir la chance, et pour laquelle une prime était promise; - Qu'aussi a-t-il toujours été de maxime, en cette matière, que l'assureur ne pouvait jamais être tenu à payer au delà de la somme assurée; que ce point est attesté par Émerigon, t. 2, p. 200 et 253; Qu'un arrêt de la cour de cassation, en date du 8 janv. 1823, l'a jugé en termes formels, en décidant que l'assureur n'est tenu, en cas de délaissement, qu'au payement de la somme assurée par le contrat et dont il a reçu la prime. Attendu qu'il est justifié et reconnu, en fait, que les assureurs ont payé aux sieurs Rouchon frères et Tardieu, porteurs de la police d'assurance, et sans opposition de la part des sieurs Saunders et Wiché, le montant des sommes assurées, et qu'en payant ils ont rayé leurs signatures, ce qui annule et éteint leur titre d'obligation; qu'il ne reste donc plus aucun droit à exercer contre eux, en vertu de cette police; - Que cette police serait, d'ailleurs, prescrite en vertu de l'art. 432 c. com., puisque plus de cinq ans se sont écoulés depuis sa date, et antérieurement à la demande ; >> Sur la seconde question:- Attendu que l'art. 385 c. com. dit qu'après le délaissement, les objets assurés appartiennent à l'assureur; mais que cette disposition signifie seulement, que si le navire délaissé est sauvé du sinistre, et surgit à bon port, l'assuré ne peut rétracter le délaissement et retenir ce navire en renonçant à l'assurance; de même que, d'après cet article encore, l'assureur ne peut, sous prétexte de retour du navire, se dispenser de payer la somme assurée; que cet article règle les effets du délaissement entre l'assuré et ses assureurs, et ne peut donner aucun droit aux tiers étrangers à l'assurance; qu'une fois l'assuré payé des sommes prises en risque, les obligations de l'assureur sont accomplies, et nul ne peut l'obliger à accepter, malgré lui, la propriété de l'objet assuré et délaissé; que la disposition qui lui confère cette propriété ayant été établie en sa faveur, ne peut être tournée contre lui; qu'il a le droit d'y renoncer en s'abstenant de l'objet délaissé. C'est ce qui, dans l'espèce, a été fait par les assureurs aux sieurs Rouchon et Tardieu; qu'on ne leur impute aucun acte par lequel ils se soient reconnus ou déclarés propriétaires du navire le Jeune-Adolphe; que tout acte de cette nature était même pour eux impossible; puisqu'il est reconnu qu'immédiatement après le prêt à la grosse fait à l'Ile Maurice, les sieurs Saunders et Wiché se sont emparés de la direction du navire, l'ont expédié à Gênes, port différent de sa destination primitive, l'ont fait vendre dans ce port, et se sont appliqué le produit de la vente, le tout sans appeler ni même avertir les assureurs qu'ils prétendent avoir été maîtres du navire; qu'ainsi les sieurs Saunders et Wiché ont épuisé le droit réel qu'ils avaient sur le navire, en vertu du contrat de grosse; mais qu'il ne leur reste aucun droit personnel à exercer contre les assureurs, puisque ceux-ci n'avaient contracté aucune obligation envers eux, ni donné aucun mandat pour emprunter, et qu'ils ne détiennent rien du navire affecté au gage des prêteurs; » Sur la troisième question: Attendu que l'art. 381 c. com. dispose qu'au cas de naufrage ou d'échouement avec bris, l'assuré doit travailler du recouvrement des effets naufragés, et que, sur son affirmation, les frais de recouvrement lui seront alloués jusqu'à concurrence de la valeur des effets recouvrés; Attendu que les mots naufrage et échouement avec bris sont ici comme énonciation, et non comme limitation, et que la disposition de l'article cité s'applique également à tous les cas du sinistre majeur, de l'aveu même des sieurs Saunders et Wiché, puisque c'est en vertu de ce sinistre que le délaissement a été fait, et que les sieurs Saunders et Wiché poursuivent les assureurs en vertu du délaissement même; Attendu qu'après le sinistre, tout ce qui est fait pour sauver et réparer l'objet frappé de ce sinistre, est un véritable recouvrement; et qu'ainsi les dépenses et emprunts faits dans ce double objet, sont de véritables frais de recouvrement; - Que si ces frais, au lieu d'être payés par l'assuré, sont avancés par un prêteur à la grosse, qui se met à la place de l'assuré, ce prêteur ne saurait avoir plus de droits que l'assuré lui-même; qu'en conséquence et conformément à l'art. 381 c. com. déjà cité, les frais de recouvrement ne lui sont dus que jusqu'à concurrence de la valeur des effets recouvrés; - Que la même règle est attestée encore par Emerigon, t. 2, p. 198 et 202, où il dit que les assureurs ne sont tenus de payer l'excédant des frais de sauvetage qu'autant mais s'y sont devenu, par le délaissement, propriétaire du navire et du fret, sauf à l'assureur à s'affranchir lui-même de ce recours, en faisant abandon de ces deux objels (Rennes, 12 août 1822, aff. Lecoq, V. no 220). — La différence qu'il y a entre le délaissement et l'abandon, et qui consiste en ce que celui-ci n'est point comme celui-là translatif de propriété, explique fort aisément, ainsi qu'on l'a vu plus haut (no 221), comment il peut se faire qu'une chose déjà délaissée à une personne puisse encore être ultérieurement abandonnée à une autre. Attendu que les soumis, ou qu'ils ont donné mandat d'y procéder; sieurs Saunders et Wiché se sont déjà payés eux-mêmes en faisant vendr le navire à Gênes, et en s'appliquant le produit entier; qu'il ne leur es plus rien du par les assureurs; — Qu'à l'égard des assureurs, ils sont done sans aucune action, et que, d'après même le principe consacré par l'arrét Mercier, que les sieurs Saunders et Wiché invoquent, leur action ne pourrait jamais atteindre que le propriétaire et armateur du navire, par suite du mandat donné au capitaine; et que, sur ce dernier point, tout a été définitivement jugé par les arrêts obtenus par Rouchon frères et Tardieu, auxquels le montant des assurances a été attribué; ce qui serait même une fin de non-recevoir en faveur des assureurs qui ne sont ici que leurs représentants ou ayants cause. » Arrêt. Appel, et le 13 nov. 1828, arrêt confirmatif de la cour d'Aix. Pourvoi des prêteurs: 1° Violation de l'art. 432 c. com., en ce que peu importait, selon eux, que la police d'assurance fût prescrite, si le contrat à la grosse conservait encore toute sa force. L'action des prêteurs ne dérivait point de la police d'assurance, mais bien du contrat de prêt, et ce contrat n'était point prescrit; 2o Violation des art. 332, 381 et 393 c. com., 1225, 1239, 1376 et 2092 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué avait déchargé les assureurs de l'action des prêteurs à la grosse, en payement de ce qui leur restait dû après prélèvement du prix du navire vendu postérieurement à son arrivée à bon sauvement. Les demandeurs soutenaient que c'était le contraire qui devait être jugé, attendu qu'il est de principe que l'assureur devient propriétaire du navire après le délaissement régulièrement fait; que conséquemment, il est tenu de payer jusqu'à concurrence de la somme assurée, tous les frais, et notamment ceux de sauvetage; que si, dans l'espèce, les assureurs avaient payé l'assurance aux assurés, ils avaient mal payé, et ne pouvaient se refuser à rembourser aux demandeurs ce qui leur restait dû du radoub, sauf leur action en restitution contre les assurés. LA COUR; Attendu, sur le moyen relatif à la prescription, que l'assureur devenant propriétaire d'un navire par suite du sinistre, recevant le navire et en disposant comme de sa chose propre, devient débiteur direct des frais de sauvetage, et ne peut opposer au prêteur la prescription de la police d'assurance. C'est un contrat de prêt, un contrat nouveau passé dans l'intérêt des nouveaux propriétaires; mais ce n'a pas été, devant la cour royale, la question principale à juger; ce n'était qu'une question surérogatoire et subsidiaire, puisque les assureurs ne sont pas devenus propriétaires du navire, et qu'ayant payé le prix de l'assurance à l'assuré, les assureurs ont prétendu et fait juger qu'ils ne pouvaient pas être tenus de payer une seconde fois le prix de l'assurance au prêteur à la grosse, pour le radoub du navire: - Au fond, attendu, sur le deuxième moyen, qu'il a été reconnu et jugé en fait, que le premier voyage pour lequel avait été passé le contrat d'assurance, a été rompu par un sinistre; que les assureurs ne se sont point immiscés dans la disposition du navire; que les demaudeurs en cassation, prêteurs à la grosse, fournirent les fonds nécessaires pour le radoub du navire, le chargèrent pour leur compte et pour une autre destination; un nouveau voyage fut entrepris, et le navire, arrivé à sa nouvelle destination, ils le firent vendre, ainsi que la cargaison, sans appeler ni l'assureur, ni l'assuré; il a été reconnu et jugé en fait, qu'en traitant avec les demandeurs en cassation, prêteurs à la grosse, pour le radoub du navire, le capitaine avait excédé son mandat; que les assureurs n'avaient contracté aucun engagement personnel, et que, dans l'ignorance de ce qu'avaient fait les prêteurs à la grosse, sans opposition ni réclamation de leur part, les assureurs avaient de bonne foi payé le prix de l'assurance aux assurés; Attendu qu'il ne s'agit point, dans la cause, de savoir si le prêteur à la grosse pour le radoub d'un navire a un privilége sur le prix de l'assurance, préférablement à l'assuré; il ne s'agit pas, non plus, de savoir si l'assuré à le droit d'abandonner la chose assurée à l'assureur, et si l'assureur, acceptant le délaissement, disposant de la chose, devient débiteur personnel des frais da sauvetage, mais de savoir si le prêteur à la grosse pour le radoub du navire, et disposant lui-même du navire pour une autre destination, peut agir contre les assureurs qui ne se sont nullement immiscés dans la disposition du navire, après le payement intégral du prix de l'assurance par eux fait à l'assuré, loyalement et de bonne foi, sans opposition da prêteur; - Attendu que, loin de violer les art. 216, 381 et 585 c. com. la cour royale en a, au contraire, fait, dans l'espèce de la cause, un, juste application en rejetant l'action formée par les prêteurs à la grosse, contre les assureurs; Rejette, etc. Du 27 déc. 1830.-C. C., ch. req.-MM. Favard, pr.-Mestadier, rap. П est à remarquer, du reste, que dans l'abandon fait au chargeur, conformément à l'art. 216, l'armateur n'est point tenu de comprendre le montant de l'assurance qu'il avait eu soin de prendre sur son navire, car cette assurance est le prix de la prime par lui payée, et ce prix ne saurait être affecté à la garantie des obligations contractées par le capitaine, obligations auxquelles la loi n'afiecte expressément que le navire et le fret. C'est encore ce qu'a jugé l'arrêt précité de la cour de Rennes, du 12 août 1822. 2201. S'il arrivait que l'assureur eût payé, par erreur, le montant de l'assurance, il serait recevable à exercer l'action en remboursement (Aix, 14 janv. 1826, aff. Parrot C. R...), étant de principe que le payement fait par erreur est sujet à répétition (c. civ. 1235). Mais c'est à celui qui excipe de l'erreur à la prouver. « C'est, dit Emerigon, à l'assureur ou à l'assuré qui excipe de l'indû payement à prouver la surprise sont il se plaint. » Aussi a-t-il été jugé que l'assureur qui a réglé compte avec l'assuré et qui lui a payé la somme assurée, sous la déduction d'un ristourne convenu, est présumé avoir reçu tous renseignements et justifications suffisants sur l'aliment de l'assurance, et ne peut, sans signaler une erreur manifeste ou une surprise dans le compte réglé et suivi de payement, faire ou demander un nouveau compte pour exiger un ristourne plus élevé (Aix, 27 juill. 1825, aff. Blanc C. assureurs, M. Desèze, pr.). Mais lorsqu'il y a eu fraude ou même simplement une erreur de fait dans le règlement de compte intervenu entre l'assureur et l'assuré, il y a lieu à la réparation de cette erreur. — Ainsi, par exemple, lorsque l'assuré, après avoir fait le délaissement, réglé compte avec les assureurs, acquiescé à un ristourne partiel et reçu son payement, vient à apprendre qu'il n'y avait pas lieu an ristourne, en ce qu'une partie des marchandises assurées qu'on croyait n'avoir pas été chargée sur le navire, l'avait réellement été, il est fondé, malgré le payement par lui reçu de l'assureur, et malgré la radiation de la signature de celui-ci sur la police, à réclamer l'annulation du ristourne et le payement de la portion des marchandises dont l'omission dans le règlement de comple a été le résultat d'une erreur de fait involontaire, de ce qu'on appelle en droit une erreur essentielle, laquelle ne doit pas nuire et peut être réparée. Peu importe que la radiation de la signature de l'assureur sur la police produise en faveur de celui-ci une présomption légale de libération; cette présomption a bien pour effet de le dispenser de toute autre preuve, mais elle peut être détruite par la preuve contraire (Bordeaux, 24 nov. 1829, aff. Arrigunaga C. assureurs, M. Ravez, pr.). 2202. L'action d'avarie est celle que l'assuré, qui ne peut ou ne veut faire le délaissement, exerce contre l'assureur, à l'effet d'être indemnisé de toutes les pertes et dommages arrivés par force majeure aux effets assurés. Ces dommages ou avaries se règlent, entre les assureurs et les assurés, à raison de leurs intérêts (c. com. 371). Il peut, dans certains cas, être avantageux à l'assuré d'exercer l'action d'avarie, lors même que celle en délaissement lui est également ouverte. C'est ce qui a lieu, par exemple, lorsque, (1) Espèce :- (Bourlon-Fouquet, etc. C. Anrès.)- En 1820, Anrès fait assurer des marchandises chargées sur la Louise. - Le 22 juin, ce navire est submergé. Le 17 juillet, Anrès dénonce ce sinistre à Bourlon et autres assureurs. Le 30 mai 1821, il déclare faire entier abandon des marchandises, et somme les assureurs de lui payer le montant de l'assurance. A la suite de longs débats, il y a renvoi devant des arbitres. Le 18 mai 1825, les assureurs sont condamnés. - Appel des assureurs; ils opposent alors à Anrès que, à l'époque de la demande, le délai pour délaisser était expiré, et ils prétendent, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu à statuer sur son action en indemnité à raison des pertes éprouvées. Anrès répond qu'il est de principe consacré par l'art. 350 c.com., que l'assureur est tenu de toutes les pertes qui arrivent par risques de mer; que le délaissement autorisé par l'art. 569 n'est qu'une exception à ce principe, dont l'assuré est libre de ne pas se prévaloir; que s'il n'a pas fait de délaissement en temps utile, il conserve néanmoins l'action en payement du dommage qu'il ressent; que telle est la doctrine de Valin sur l'art. 46 de l'ordon. de 1681;-Que, du reste, par leur conduite, les appelants ont renoncé à la prescription. Arrêt. TOME XVIII. en cas d'échouement du navire avec bris, le chargement assuré est sauvé avec peu d'avarie, et peut être vendu pour une somme excédant la valeur qu'il avait au lieu du départ. 2203. L'action d'avarie semble devoir être considérée comme n'ayant pas la même cause que celle en délaissement. Le jugement qui a rejeté celle-ci, ne paraît donc pas devoir élever l'exception de chose jugée contre l'introduction de celle-là. Tout ce qui résulte d'un tel jugement, c'est que l'assuré ne se trouvait dans aucun des cas donnant ouverture à l'action en délaissement, ou qu'il n'a pas exercé cette action dans les délais voulus. Mais cette décision n'implique pas qu'il soit désormais non recevable a réclamer par la voie d'action d'avarie le dédommagement des pertes qu'il a subies. — Il a été ainsi jugé que l'assuré qui a exercé l'action en délaissement hors du délai utile, ne s'est pas rendu par cela seul non recevable à poursuivre son assureur par l'action d'avarie (Rouen, 10 mars 1826 (1); trib. de com. de Marseille, 26 nov. 1835, aff. Arnaud). 2204. Toutefois, il a été décidé que l'assuré qui a succombé dans son action en délaissement et en payement de l'assurance, n'est pas recevable à former l'action d'avaries, si, dans sa première demande, il a prétendu que la chose assurée avait péri en totalité et sans espoir d'en recouvrer la moindre partie : les deux actions étant formées entre les mêmes parties, et ayant réellement, quoique sous des dénominations différentes, la même cause et le même objet, il y a chose jugée (Rej., 26 mars 1823, aff. Luzet, no 2187).-Cette décision est combattue par M. Dageville, t. 4, p. 194 et suiv.; mais si les objections de cet auteur, motivées principalement sur ce que l'action en délaissement n'a ni la même cause ni le même objet que l'action d'avarie, sont fondées en thèse générale, il nous semble du moins que les circonstances particulières de la cause justifient suffisamment l'arrêt de la cour suprême. 2205. Du reste, cette cour a de nouveau considéré, dans un arrêt récent, l'action d'avarie comme comprise dans l'action en délaissement, surtout quand celle-ci est fondée sur la perte ou détérioration des trois quarts; et elle a jugé, en conséquence, que le demandeur en délaissement peut conclure pour la première fois en appel à un simple règlement d'avaries: « Attendu, a-t-elle dit, que le délaissement a pour objet d'obtenir le payement total de la somme assurée, et que la transmission aux assureurs des objets dont ils ont couvert les risques, n'en est qu'une suite et une conséquence, lorsqu'il est reconnu et declaré valable; que l'action dite d'avaries a seulement pour but de faire obtenir à l'assuré une partie du prix de ses marchandises, en proportion du dommage éprouvé et en raison de l'évaluation admise dans la police d'assurance; que cette action ou demande a pour but, comme le délaissement lui-même, les pertes résultant des événements de mer; qu'ainsi, dans l'un et l'autre cas, il faut examiner et apprécier les mêmes éléments pour savoir si la perte est au-dessus ou au-dessous des trois quarts de la valeur assurée; que s'il résulte de la contradiction opposée par les assureurs au délaissement, qu'il y a seulement lieu à un règlement d'avaries, les conclusions prises à cet égard par l'assuré, pour la première fois en appel, sont une simple modification de son action primitive en diminuant la portée, mais ne constituant pas une demande nouvelle à laquelle il soit nécessaire de faire subir les deux de LA COUR ; Considérant que l'action du sieur Anrès présentait deux chefs distincts et séparés, l'un ayant rapport au délaissement des marchandises par lui chargées sur le navire la Louise, et l'autre relatif au payement de l'indemnité ou des dommages-intérêts résultant de la perte du navire; Considérant que le délaissement n'a pas été fait dans le délai des six mois qui ont suivi l'annonce du sinistre consigné, le 15 juill. 1820, dans la feuille maritime et commerciale du Havre, la déclaration d'abandon ou délaissement n'ayant eu lieu que le 30 mai 1821, et que, par conséquent, elle est tardive et ne peut produire d'effet; Que, de la défense des assureurs, il ne sort aucune circonstance qui puisse faire présumer qu'ils aient renoncé au moyen de prescription qu'ils ont invoqué sur l'appel; Considérant, d'une autre part, que le sieur Anrès était dans le délai voulu par la loi pour former, aux termes de la police d'assurance, sa demande en indemnité ou en réparation du tort qu'il avait éprouvé par la perte du navire la Louise, et ce conformément à l'art. 350 c. com. ; Déboute les assureurs de l'exception par eux pro posée; leur enjoint de plaider au fond, elc. Du 10 mars 1826.-C. de Rouen, 2o ch.-MM. Carel, pr. 92 |