Page images
PDF
EPUB

marchandises réellement chargées et traitées par eux comme si leur poids n'avait pas varié depuis le départ (M. Delaborde, n° 201).

2253. On a demandé dans quelle proportion devait être indemnisé l'assuré, lorsque l'assurance portant sur des marchandises assorties, un événement de mer, en altérant une partie de ces marchandises, en a détruit l'assortiment. Par exemple, une balle contenant quatre-vingts pièces de soieries assorties, à 100 fr. la pièce, a été assurée pour 16,000 fr. Vingt de ces pièces sont avariées. La balle entière est vendue en une seule fois. Le produit de la vente qui, d'après une expertise, eût été de 22,000 fr. s'il n'y avait point eu d'avarie, est réduit à 11,000 fr. à raison de cette circonstance, et surtout parce que l'assortiment des pièces est détruit. L'assuré est-il fondé à prétendre qu'ayant perdu la moitié de la valeur de la marchandise, il a droit de requérir de l'assureur la moitié de la somme assurée, c'est-à-dire 8,000 fr.? Il faut décider, avec M. Delaborde, n° 202, que bien que l'assurance ait pour objet une baile de quatrevingts pièces, et porte ainsi sur un ensemble, un tout, néanmoins les parties ont reconnu un prix distinct à chaque division de ce tout; que l'assureur ignorait si la balle devait être vendue en une seule fois ou par parties; que, dès lors, la dépréciation résultant pour les pièces non avariées de cela seul que l'assortiment est détruit, ne doit point être à sa charge s'il n'a point consenti par la police à en courir le risque; qu'ainsi, dans l'espèce, les soixante pièces restées saines doivent être considérées comme ayant conservé leur valeur primitive (12,000 fr.), et qu'il faut en conséquence, pour régler l'indemnité due par l'assureur, avoir égard seulement à l'avarie soufferte par les vingt autres pièces; de sorte que si, en estimant le produit brut de leur vente en état d'avarie et le produit brut de leur vente en état sain, on trouve, par exemple, une différence de moitié, on devra appliquer cette proportion à la partie de la somme assurée représentant la valeur de ces vingt pièces, savoir: 4,000 fr., et l'assureur aura ainsi à payer 2,000 fr.

2254. On a vu que l'assureur peut être plus ou moins affranchi, au moyen d'une clause particulière, de la responsabilité des avaries. Pour que cette clause ne devint pas, dans plusieurs cas, trop onéreuse à l'assuré, on a imaginé de diviser les marchandises assurées par une même police, en parties distinctes, représentant chacune un capital particulier, sur lequel porterait le calcul de l'indemnité due, et, par suite, l'application de la franchise. Ainsi, par exemple, cent pièces de vin, valant 100 fr. chacune, sont assurées pour 10,000 fr., à la franchise de 10 p. 100. Il est stipulé que les avaries, s'il y a lieu, seront réglées par séries de vingt-cinq pièces, suivant l'ordre des numéros. Dix pièces se perdent totalement durant le voyage. Si l'indemnité due à raison de cette perte se calculait sur l'ensemble des cent pièces, l'assureur n'aurait rien à payer, à cause de la franchise de 10 p. 100. Mais il n'en est pas ainsi dans l'espèce, les avaries devant être réglées par séries, aux termes de la police. Si donc, des dix pièces perdues, six appartenaient à la première série et quatre à la seconde, il en résultera que la valeur assurée de chacune des quatre séries sera 2,500 fr.; que la perte, pour la première série, étant de 600 fr., et la franchise de 10 p. 100 sur 2,500 fr. étant 250, cette perte excédera la franchise de 350 fr.; que, sur la deuxième série, l'excès de la perte sur la franchise sera 150 fr.; qu'il n'y aura pas de perte sur les troisième et quatrième séries; et qu'ainsi l'assureur devra payer, d'une part 350 fr., et de l'autre 150, total, 500 fr. Le règlement par séries s'opérerait de la même manière si l'avarie consistait, non, comme dans l'espèce précédente, dans la perte totale d'une partie des choses assurées, mais en une détérioration matérielle (M. Delaborde, no 215).

Lorsque des marchandises de natures diverses et soumises à des franchises différentes, ont été assurées par la même police, on doit, en cas d'avaries subies par les unes et les autres, opérer le règlement sur chaque nature de marchandises en particulier, en lui appliquant la franchise qui lui est propre; et cela, soit que ces marchandises diverses aient ou non été divisées par séries (M. Delaborde, no 220).

2255. On a demandé comment doit s'opérer le règlement des frais extraordinaires de vente publique ou d'expertise lors

TOME XVIII.

|

qu'il y a règlement d'avaries par séries. Suffit-il qu'une seule série ait subi une avarie excédant le taux de la franchise, pour que la totalité de ces frais soit à la charge de l'assureur, ou bien la masse des frais dont il s'agit doit-elle être divisée en autan! de portions qu'il y a de séries, de sorte que la portion de frais afférente à une série ne doive être payée qu'autant qu'il y aura dans cette série un excédant de l'avarie sur la franchise? Cette dernière opinion semble devoir être préférée; car chaque série constituant un capital distinct, donne lieu à un règlement spécial, lequel doit, sous tous les rapports, être dressé comme le serait un règlement ordinaire sur un ensemble de marchandises; or, dans un règlement ordinaire, les frais de vente et d'expertise ne sont mis à la charge de l'assureur qu'autant que le taux de la franchise est dépassé par le montant de l'avarie. Par exemple, quatre caisses d'indigo ont été assurées pour 12,000 fr., à la franchise de 3 p. 100, avec convention qu'en cas d'avarie le rè glement se ferait par série de deux caisses. Les frais de vente publique sont de 600 fr. Pour la première série, l'avarie est de 50 p. 100; pour la deuxième, de 2 p. 100. L'assureur devra payer, sur la première série, la moitié de la somme assurée, c'est-à-dire 3,000 fr., moins 180 fr., montant de la franchise, plus 300 fr., prorata de la série aux frais; total, 3,120 fr. Il n'aura rien à payer à raison soit de l'avarie de la seconde série, soit des frais qui les concernent.-V. M. Delaborde, no 221. 2256. Lorsque l'action d'avaries a été rejetée, l'assuré no cesse pas d'être recevable à attaquer le jugement de rejet, bien que, depuis ce jugement, il ait payé une prime d'assurance devenue exigible, si ce payement n'a pas eu lieu en exécution dudit jugement, et ne peut, dès lors, faire considérer l'assuré comme y ayant acquiescé (Bordeaux, 7 mai 1839, aff. Fabre, V. n° 2226).

2257. Une compagnie d'assurance est tenue d'acquitter les bons qui ont été souscrits par son agent au profit d'un assuré en payement d'avaries, bien que l'assuré ait donné une quittance pure et simple, et qu'il ait d'ailleurs été stipulé dans la police d'assurance que toutes avaries seraient payées comptant, lorsqu'il est constant, d'une part, que l'usage de régler les obligations des assureurs par la délivrance de bons, suivie de la radiation de la signature de l'assuré sur la police, est général sur la place où l'agent représente la compagnie, et, d'autre part, que celleci n'ayant pu ignorer que son agent payait en bons, a néanmoins toléré et, par suite, tacitement approuvé qu'il agît ainsi (Aix, 22 fév. 1841, aff. assureurs C. Robert, M. Pataille, pr.).

La novation ne se présumant pas, il n'y a pas lieu de supposer que l'assuré qui, à la demande de l'agent de la compagnie d'assurance dont il est créancier, a accepté de cet agent des billets souscrits au nom de la compagnie, en renouvellement d'engagements antérieurs, ait entendu faire novation de sa créance et substituer un nouveau débiteur à l'ancien, alors qu'il a dù croire, d'après les circonstances, que la compagnie avait besoin d'un terme pour se libérer, et alors encore que l'agent de celle-ci était personnellement dans une position de fortune notoirement peu propre à inspirer confiance (même arrêt).

[blocks in formation]

2258. Le capitaine ue peut acquérir la propriété du navire par voie de prescription (c. com. 430). C'est là une application du principe de droit commun, suivant lequel ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais, par quelque laps de temps que ce soit (c. civ. 2236).

L'action en délaissement est prescrite dans les délais exprimés par l'art. 373 (c. com. 451).-V. suprà, nos 2155 et suiv. 2259. Toute action dérivant d'un contrat à la grosse on d'une police d'assurance est prescrite après cinq ans, à compter de la date du contrat (c. com. 432). La commission proposait de fixer à quatre ans le délai pour la prescription. Divers tribunaux regardaient ce délai comme trop bref. D'autres, au contraire, le déclaraient trop long, et demandaient qu'au lieu d'un terme uniforme on établit pour la prescription des délais variés d'après l'étendue des voyages assurés, ainsi que l'avait fail 94

l'art. 48 de l'ord. de 1681. Le législateur n'a pas cru devoir admettre la variation des délais à cause des procès nombreux qu'avait fait naître, sous l'ordonnance, la diversité des prescriptions; et il a porté de quatre ans à cinq le terme de la prescription, parce qu'il a paru qu'un délai de quatre ans pouvait n'être pas toujours suffisant pour mettre le demandeur en état d'exercer son action.-V. Locré, t. 4, p. 433 et suiv.

2260. Sous l'empire de l'ordonnance de 1681, l'action en payement d'avaries était sujette à la même prescription que l'action en délaissement; et cette prescription courait, non pas seulement après le règlement d'avaries, mais à compter du jour de la nouvelle du sinistre (Rej., 26 juin 1810) (1). — Il n'en est plus de même aujourd'hui : la prescription de l'action en délaissement n'emporte pas prescription de l'action d'avarie; et même il a été jugé que l'action en délaissement, formée hors des délais prescrits par l'art. 373, mais avant l'expiration de ceux fixés par l'art. 432 (5 ans), comprend implicitement la demande en avarie (Rouen, 10 mars 1826, aff. Bourlon, V. no 2203).

2261. Sont prescrites :-Toutes actions en payement pour fret de navire, gages et loyers des officiers, matelots et autres gens de l'équipage, un an après le voyage fini;-Pour nourriture fournie aux matelots par l'ordre du capitaine, un an après la livraison; Pour fournitures de bois et autres choses nécessaires aux constructions, équipement et avitaillement du navire, un an après ces fournitures faites; Pour salaires d'ouvriers et pour ouvrages faits, un an après la réception des ouvrages; - Toute demande en délivrance de marchandises, un an après l'arrivée du navire (c. com. 433). Ainsi, un grand nombre des actions résultant des contrats auxquels donnent lieu les expéditions maritimes sont, comme on le voit, prescriptibles par un an, à compter de l'échéance de l'obligation.

2262. La disposition qui déclare prescrites, un an après le

[ocr errors]

(1) Espèce: (Sarran et Bazille C. assureurs.)- En l'an 11, Sarran et Bazille, négociants à Cette, expédièrent le navire 1 Espoir, en destination pour Ostende, capitaine Panayotti. Des assurances furent faites à Dunkerque, tant sur le corps que sur la cargaison du navire. — L'Espoir mit à la voile le 8 pluv. an 11; il relâcha à Malaga le 26; il sortit de ce port le 9 ventôse suivant. Quatre jours après, il subit une tempête; il parvint, le 28 ventôse, à mouiller dans la rade de Cadix, et, le 25 germ., il entra dans ce port. Le capitaine fit visiter le navire, et procéder aux réparations arrêtées par des experts. Il allait se remettre en mer, lorsque la nouvelle de la rupture avec l'Angleterre le retint à Cadix; il y décéda le 12 vend. an 13. Le navire y fut vendu peu après. Le 5 floréal de la même année, Sarran et Bazille, auxquels étaient parvenues les pièces relatives au navire et à la cargaison, se pourvurent en réglement d'avaries devant le tribunal de commerce de Cette, qui les régla par jugement du 27 frim. an 14. Mais ce n'est que par exploit du 31 mars 1808 qu'ils actionnèrent les assureurs en payement des avaries. Les assureurs ont opposé à cette demande la prescription établie par Part. 48, titre des Assurances, ordonnance de 1681. Les assurés ont soutenu que cet article n'avait pour objet que les demandes en délaissement, et non les avaries, et que, dans tous les cas, la prescription n'avait pu courir que du jour où elles ont été réglées.

Le 7 mai 1806, jugement qui proscrit l'action de Sarran et Bazille : «Attendu que l'art. 48, titre des Assurances, loin de distinguer sur la prescription qu'il prononce, la demande en payement d'avaries de celle en délaissement, les qualifie toutes deux par ces mots : le délaissement et toutes demandes en exécution de la police, seront faites dans les six semaines après la nouvelle des pertes, elc.; que, quelles que soient les considérations qui semblent nécessiter de distinguer, en matière de prescription, les demandes en payement d'avaries de celles en délaissement pour perte entière, puisque l'assuré ne peut avoir titre pour demander le payement des avaries qu'après qu'elles sont réglées, il n'est cependant pas permis aux juges de s'écarter des dispositions de la loi, en suppléant aux distinctions qu'elle n'a point faites. » Sur l'appel, arrêt confirmatif de la cour de Douai, du 24 mars 1807, par les mêmes motifs.

Pourvoi pour fausse application de l'art. 48, titre des Assurances, de l'ordonnance de 1681. Arrêt.

[ocr errors]

LA COUR; Attendu que les termes généraux dans lesquels est conçu l'art. 48 de l'ordonnance de 1681, titre des Assurances, comprennent les demandes d'avaries comme celles de délaissement; qu'ainsi l'action des assurés, dans l'un comme dans l'autre cas, se prescrit par le temps réglé par cet article; Attendu qu'il est dans la faculté des assurés d'agir contre les assureurs, dans le cas des avaries, comme dans celui du délaissement, à compter de la nouvelle du sinistre, sauf la verification de la quotité du dommage; d'où il suit que, dans l'espèce, l'arrêt dénoncé a fait une juste application de l'art. 48, en déclarant les demandeurs

voyage fini, les actions en payement des gages des officiers, comprend le capitaine du navire dans l'expression générale off ciers (Gand, 2 juin 1836) (2). La rémunération accordée au capitaine sous le titre de chapeau n'étant qu'un accessoire de ses gages, est soumise comme ceux-ci à la prescription annale (même arrêt).

2263. Mais la disposition de l'art. 433 ne doit point être arbitrairement étendue à des actions autres que celles qui y sont mentionnées ainsi, par exemple, les actions en remboursement des sommes prêtées au capitaine pour les besoins du bâtiment pendant le voyage, et celles en remboursement du prix des marchandises par lui vendues pour le même objet, ne sont soumises qu'à la prescription trentenaire, conformément au droit commun. - La prescription ann, le ne s'applique pas non plus aux avances et déboursés qui ont pu être faits par le capitaine (Gand, 2 juin 1836, aff. de Bal, V. no 2262).

2264. L'administration de la marine qui, en vertu de l'obligation à elle imposée, a pourvu à la nourriture, aux frais de traitement dans les hôpitaux et au rapatriement ou retour en France des marins ou des gens de l'équipage d'un navire arrêté et confisqué comme ayant servi à la traite, a, pour le remboursement de ses avances, contre les armateurs, une action qu'elle exerce directement et non comme subrogée aux droits des gens de l'équipage, à raison des gages, loyers et indemnités qui peuvent leur être dus. Et, par suite, la prescription d'un an, qui serait applicable à ses gages ou loyers, ne saurait s'appliquer à l'action de la marine. Cette action, d'ailleurs, considérée comme ayant pour objet la réparation d'un délit, dont les armateurs sont responsables, ne serait, en tous cas, assujettie qu'à la prescription de l'art. 2262 c. civ. (Angers, 29 janv. 1830 (3). Conf., Cass., 2 juin 1829, aff. adm. de la marine, V. n° 722).

2265. La prescription annale, relative aux actions des

non recevables, faute par eux de s'être pourvus dans l'année de la réception de la nouvelle des avaries; - Rejette. Du 26 juin 1810.-C. C., sect. civ.-MM. Liborel, pr.-Cassaigne, rap. (2) (De Bal C. Maass.) LA COUR; - En ce qui touche l'appel incident: Considérant que l'art. 433 c. com., déclare prescrites, un an après le voyage fini, toutes les actions en payement pour fret de navire, gages et loyers des officiers, matelots et autres gens de l'équipage, et que sous l'expression générale d'officiers se trouve évidemment compris le capitaine du navire; - En ce qui touche l'appel principal:- Consi dérant que la rémunération accordée au capitaine sous le titre de chapeaux n'est autre chose qu'un tantième sur le fret et un accessoire de ses gages, et que, sous ce double rapport, la prescription introduite par l'art. 433 précité est applicable; Considérant que cette prescription ne cesse, aux termes de l'art. 434 même code, qui n'est que la reproduction littérale de l'art. 2274 c. civ., sur les prescriptions particulières, que dans les cas où il y a cédule, arrêté de compte ou interpellations judiciaires, et que les faits posés par l'intimé ne rentrent dans aucune de ces espèces; d'où il suit qu'ils sont impertinents pour la décision de la cause;

Considérant que c'est par dérogation aux principes généraux et à l'égard de quelques prescriptions particulières de courte durée que l'art. 2275 c. civ., a permis de déférer le serment au débiteur sur la question de savoir si la chose avait été réellement payée, ou, en cas de décès, à ses héritiers, pour qu'ils aient à déclarer s'ils ne savent pas que la chose soit due; mais que cette faculté exceptionnelle ne se trouve pas reproduite au code de commerce, en matière de commerce maritime; que, néanmoins, le législateur n'aurait pas manqué de s'expliquer clairement à cet égard, s'il avait entendu permettre l'usage de ce moyen pour énerver la prescription, comme il l'a fait en l'art. 199 pour la prescription des lettres de change; Considérant enfin que les expressions de l'art. 133 c. com. ne s'appliquent pas aux avances et déboursés qui ont pu être faits par le capitaine, et qu'il y a lieu, quant à ce, d'ordonner aux parties de se rencontrer: Par ces motifs, déclare l'intimé non fondé dans son appel incident; Et faisant droit sur l'appel principal, met le jugement dont est appel au néant, pour autant 1° qu'il a déclaré pertinents les faits posés pour établir l'interruption de la prescription et admis à la preuve de ces faits; 2° qu'il a admis le serment litis-décisoire sur la question de savoir si les loyers et gages étaient dus;-Émendant, déclare la demande de Maass prescrite, en ce qui concerne les gages, loyers et chapeaux réclamés; dit qu'il n'y a lieu à déférer le serment aux appelants sur le point de savoir si lesdits gages et chapeaux ont été payés, ou s'ils ne savent pas qu'ils soient dus; Ordonne à l'intimé de notifier le compte de ses avances et déboursés, etc. »>

-

Du 2 juin 1836.-C. de Gand, 1 ch.

(3) ( Adm. de la marine C. armateurs du Vigilant.) — LA COUR

fournisseurs de choses nécessaires aux navires, ne s'applique qu'à l'action du fournisseur lui-même contre le propriétaire du navire, et non à l'action formée contre le fournisseur par des tiers auxquels il a acheté les bois par lui vendus (Montpellier, 12 fév. 1830) (1).

Il suffit que le fournisseur de bois pour la construction d'un navire, ait réclamé sa créance dans la falme ~~ --- --- ur, avant l'expiration d'une année, à partir de ces fournitures, pour qu'on ne puisse lui opposer la prescription d'un an, prononcée par l'art. 433 (Aix, 30 mai 1827, aff. Mauric, no 256-3°). Cette prescription n'est pas non plus opposable au fournisseur qui, après avoir formé son action, dans l'année, contre le constructeur qu'il regardait comme le propriétaire du bâtiment, a suspendu ses poursuites durant le procès élevé sur la propriété de ce bâtiment entre le constructeur et un tiers, et a repris l'instance contre ce dernier dans l'année du jugement par lequel ce tiers a été définitivement reconnu le vrai propriétaire du navire (Req., 30 juin 1829, aff. Mauric, n° 256-3°).

2266. L'art. 433, qui déclare prescrite toute demande en

Attendu que l'action de l'administration de la marine ne provient pas de ce qu'elle se serait substituée aux droits des marins composant l'équipage du Vigilant, mais des obligations qui lui sont imposées par l'ordonnance du 31 octobre 1784, tit. 14, art. 16, rappelée par l'arrêté du 5 germ. an 12, art. 3, dispositions qui sont d'ordre public et d'un intérêt général; d'où il suit que ce te action ne doit pas être soumise à la prescription spéciale, établie par l'art. 433 c. com., mais à celle qui résulte du droit commun; Attendu, d'ailleurs, que c'est la traite des noirs, faite en contravention à la loi du 15 avril 1818, qui a donné lieu à l'exercice de l'action de la marine, et que, pour la réparation du dommage occasionné par le délit provenant du fait des armateurs, il n'y a pas d'autre prescription établie que celle résultant de l'art. 2262 c. civ.;- Attendu, enfin, que la demande est justifiée;- Par ces motifs, sans s'arrêter à l'exception de prescription, opposée par les intimés, et dont ils sont déboutés; -Met l'appellation au néant; Condamne Michaud et comp. à verser, à la caisse du receveur général de Nantes, la somme de 2,257 fr., pour dépenses faites à Saint-Louis (Sénégal), par l'administration de la marine, pour les marins composant l'équipage du navire le Vigilant. Du 29 janv. 1830.-C. d'Angers.-M. d'Audigué, 1er pr.

[ocr errors]

(1) Espèce: (Millet C. de Roquefeuil.) Les sieurs Millet, fournisseurs des bois de la marine, ont fait enlever, en 1820, des bois de Roquefeuil, des arbres martelés par l'administration. L'acte de recette de ces arbres, dressé par le contre-maître de la marine, reconnaît que ces arbres sont en partie bois courbant.- En 1828, Roquefeuil demande 1,380 fr. pour le montant de ces bois, plus 322 fr. montant de la prime pour le bois courbant. - Trois experts sont nommés par le tribunal pour estimer les bois. Ils font leur rapport. De Roquefeuil prétend que leur estimation est de beaucoup inférieure aux tarifs. Alors, les sieurs Millet soutiennent: 1° que l'action est prescrite pour n'avoir pas été formée dans l'année, d'après les termes généraux de l'art. 433 c.com.; 2° que, dans l'espèce, matière spéciale, le juge ne peut pas s'écarter de l'avis des experts; 3° que la prime, pour le bois courbant, n'est accordée, par l'arrêté du 29 vend. an 11, art. 5 et 7, qu'aux adjudicataires de bois nationaux, et par l'ordon. du 28 août 1816, qu'aux adjudicataires des bois des communes et des forêts royales, ordonnance abrogée même par celle du 22 sept. 1819. La loi du 9 flor. an 11, et l'arrêté du 28 du même mois, qui régissent les particuliers, ne parlent pas de prime.

[ocr errors]

24 fév. 1829, jugement qui rejette la prescription, déclare l'estimation au-dessous de la valeur des bois; et, pour éviter les longueurs, les évalue en prenant pour base les tarifs sur la matière. En conséquence, fixe le prix des bois, prime comprise, savoir: 1re espèce, à 62 fr. 70 c.; 2 espèce, à 51 fr. 10 c.; 3° espèce, à 40 fr. 88 c., et condamne les sieurs Millet à payer cette évaluation. Appel. Arrêt. LA COUR; Attendu que la fin de non-recevoir, opposée par les sieurs Millet frères, est prise des dispositions de l'art. 433 c. com., n'est nullement fondée; ces dispositions ne pouvaient recevoir aucune application à la cause actuelle; Attendu que, si la loi de la matière donne aux particuliers, propriétaires des arbres, le droit de traiter de gré à gré avec les fournisseurs, et, en cas de discord, d'en faire fixer la valeur par experts, il ne s'ensuit point que, dans tous les cas cette loi impose aux tribunaux l'obligation d'adopter aveuglément l'opinion des experts, alors que leur conviction s'y opposerait; que les tribunaux peuvent évidemment avoir recours à tous autres moyens pour éclairer leur religion; que, dans l'espèce, le rapport des experts était d'autant moius obligatoire que l'évaluation par eux faite, était totalement arbitraire, les experts n'ayant pas sous les yeux les bois dont s'agit. qui, depuis longtemps, avaient été reçus et employés par la marine à Toulon, - Attendu qu'en l'absence de ces documents, le tribunal de commerce a fixé le prix des arbres réclamé par le sieur de Roquefeuil, d'après le tarif même porté par les

délivrance des marchandises transportées par mer, un an après l'arrivée du navire, s'applique non-seulement à l'action qui appartient à l'individu auquel ces marchandises sont envoyées, mais encore à celle que peut avoir à exercer celui qui les a expédiées, à l'effet d'obtenir du capitaine la justification de la délivrance desdites marchandises au destinataire. Et dans ce cas, la prescription court à partir du retour du navire dans le port de expédition (Rouen, 31 mai 1825) (2).

2267. Mais il ne faut pas assimiler à l'action en délivrance des marchandises, celle en payement du prix de ces mêmes marchandises qui auraient été vendues par l'armateur, par suite d' sinistre qui a empêché le navire d'achever son voyage. Cett dernière action n'est point soumise à la prescription annale(Req. 24 mai 1830) (3).

2268. Le créancier auquel on oppose la prescription a nale ou quinquennale établie par les art. 432 et 433, peut déférer le serment au débiteur sur le point de savoir si la dette a él réellement payée; car l'esprit général de la loi, hautement ma nifesté par l'art. 2275 c. civ., et par l'art. 189 c. comm., est

lois et règlements, à l'égard des adjudicataires des bois de l'État, des communes et des établissements publics; qu'en opérant ainsi, en prenant cette base, le tribunal, loin de porter atteinte aux droits des appelants, a agi on ne peut plus régulièrement, et avec exactitude,-Démet de l'appel. Du 12 fév. 1830.-C. de Montpellier.-MM. de Ginestet, pr.

Attendu que l'art. 433

(2) (Raymond C. Barnethe.) - LA COUR; c. com., qui a sa source dans l'art. 4, tit. 12, liv. 1 de l'ordon. de 1681, est conçu en termes généraux qui comprennent toutes les actions qui se rattachent à la délivrance des marchandises arrivées au lieu de leer destination; Que l'action des appelants, quoique présentée sous le titre d'action résultant d'exécution du mandat, n'est autre qu'une action qui se rapporte uniquement à la délivrance des marchandises que le capitaine s'était chargé de transporter à la Véra-Cruz; - Qu'il en est, en ce cas, du capitaine de navire comme du voiturier; l'un et l'autre font, pour le transport des marchandises, des voyages qui se succèdent sans interruption; si les actions relatives à la délivrance des marchandis s étaient abandonnées au cours de la prescription ordinaire, elles s'accumuleraient de telle sorte qu'il serait impossible aux capitaines de navires et voituriers de répondre à toutes les demandes qui pourraient être à la fois formées coutre eux; Qu'il était donc nécessaire de restreindre ces actions à un terme très-court, ainsi qu'il a été disposé par les art. 108 et 433 c. com., sauf les cas de fraude et d'infidélité; -- Que l'action actuelle n'est basée sur aucuns faits de dol ou de fraude; qu'il est reconnu, en fait, que les marchandises dont il s'agit au procès ont été chargées sur le navire le Navarrois, capitaine Barnethe, et expédiées du Havre pour la Véra-Cruz, en novembre 1822; que le navire a terminé son voyage par son retour au Havre, le 19 juill. 1823, et que l'action de Raymond et consorts n'a été intentée que le 23 déc. 1824; d'où il suit qu'il a été fait à cette action, par le tribunal dont est appel, une juste application de l'art. 433 c. com.; Confirme.

Du 31 mai 1825.-C. de Rouen, 1re ch.-M. Eude, pr.

--

[ocr errors]
[ocr errors]

It

- Leg

(3) Espèce: (Ducarnoy C. Ligneau-Grancourt.) En 1802, Ligneau Grandcourt chargea, au port de Cette, sur le brick l'Adelaide, dont Ducarnoy était armateur, cinquante pièces d'eau-de-vie, destinées pour le Havre. Plusieurs autres négociants firent aussi des chargements de même espèce sur le même navire. En 1803, le bâtiment fut obligé de relâcher sur les côtes d'Espagne, pour cause d'avaries. fut même constaté qu'il n'était point en état de tenir la mer. marchandises furent vendues en partie, et le surplus était sur le point de l'être ainsi que le navire, lorsqu'éclata la guerre entre la France et l'Espagne. Le tout fut confisqué, en 1803, par le gouver→ nement espagnol. Le 20 mai 1825, Ligneau-Grandcourt assigna Ducarnoy en payement du prix des cinquante pièces d'eau-de-vie.— Ducarnoy opposa la prescription annale. Celle exception fut écartéo par les premiers juges, et par arrêt de la cour de Montpellier, du 5 mai 1828: 1° parce que il ne s'agissait point d'une action en délivrance de marchandises, mais bien d'une demande en payement de ces marchandises vendues par Ducarnoy; 2° parce que cette prescription n'était établic qu'en faveur du capitaine de navire, et non de l'armateur; 3° parce qu'enfin le voyage n'avait pas été accompli. Pourvoi. Arrêt. LA COUR; Sur le premier moyen, consistant dans la violation de l'art. 4 du tit. 12 du liv. 1 de l'ordon. de 1681; Attendu que la prescription annale, établie par cet article, ne s'applique qu'aux actions en délivrance de marchandises chargées sur un vaisseau, et ne commence à courir que lorsque le voyage a été accompli; - Que la cour royale ayant reconnu que la demande de Ligneau-Grandcourt n'avait pas cet objet, et que le voyage n'avait pas été accomsli, n'a fait, en écartant la prescription, que se conformer au texte précis de cet article ; - Rejette. Du 24 mai 1830.-C. C., cb. req.-MM. Favard, pr.-Maleville, rao,

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[blocks in formation]

Il a été pareillement décidé, par un arrêt récent, que la prescription annale établie par l'art. 433 c. com., ne repose pas, comme celles qui sont réglées par les art. 2271, 2272, 2273 et 2274 c. civ., sur une présomption de payement; qu'elle a le ca. ractère d'une peine, d'une déchéance, motivée sur la célérité qui doit régner dans les affaires de commerce; que l'art. 2275 c. civ. est limitatif dans ses termes et ne se réfère qu'aux seules prescriptions établies par les articles qui le précèdent; et qu'ainsi les juges peuvent refuser de déférer le serment décisoire à la partie qui invoque la prescription établie par l'art. 433 précité (Bordeaux, 16 nov. 1848, aff. Ginouilhac, D. P. 49, 2, 126).

Mais il nous paraît plus vrai de dire, au contraire, avec Merlin (Rép. vo Prescription, sect. 2, § 4) que cette prescription ressemble parfaitement à celles de l'art. 2272 et suiv. du Code civil. La preuve qu'elle n'a pour base qu'une présomption de libération semble résulter de l'art. 434 c. com., portant que la prescription dont il s'agit ne peut avoir lieu, s'il y a cédule, arrêté de compte ou interpellation judiciaire. La faculté de déférer le serment est d'ailleurs réclamée par la plus puissante des considérations, la nécessité de faire régner la bonne foi dans l'exécution des obligations.

2269. La prescription, ainsi qu'on vient de le dire, ne peut avoir lieu, s'il y a cédule, obligation, arrêté de compte ou interpellation judiciaire (c. com. 434), c'est-à-dire si le débileur a reconnu sa dette par un acte privé ou par une obligation notariée, ou par un arrêté de compte signé de lui, ce qu'il fait ordinairement au bas du mémoire du créancier, ou s'il a été assigné en justice par le créancier à fin d'exécution de son engagement. Dans ces divers cas, on ne peut plus supposer que le débiteur se soit libéré sans exiger une quittance. Mais à quelle prescription l'action du créancier est-elle alors soumise? C'est, suivant Locré, t. 4, p. 446, à la prescription trentenaire. M. Alauzet, no 396, estime, au contraire, et peut-être avec raison, qué les actes dont parle l'art. 434 n'opèrent point novation et ne modifient point la durée légale de la prescription brevi temporis qu'ils ont seulement interrompue.-V. Prescription.

2270. On ne peut considérer comme des actes de nature à interrompre la prescription ou comme emportant renonciation à la prescription acquise, la remise faite par le créancier au débiteur d'un compte couraut non arrêté, ni le payement partiel fait par ce dernier (Gand, 2 juin 1836, aff. De Bal, V. n° 2262).

2271. L'action d'avarie est réputée comprise dans des conclusions tendant à désigner des arbitres pour statuer sur la validité du délaissement et « sur toutes les autres contestations qui peuvent exister entre les parties à raison des assurances. En conséquence, il suffit que de telles conclusions aient été prises dans le délai de cinq ans établi par l'art. 432 c. com., pour que l'action d'avarie ne puisse être atteinte par la prescription, bien qu'on n'ait d'abord suivi que sur l'action en délaissement, et que ce ne soit qu'après les cinq ans que des conclusions formelles en règlement d'avaries aient été posées (Rej., 14 mai 1844, aff. François, no 1820). En cas pareil, les intérêts de l'indemnité courent du jour des premières conclusions, et non pas seulement du jour des conclusions formelles en règlement d'avarie (même arrêt).

2272. La demande en payement qu'on aurait laissé périmer, n'interromprait point la prescription dont il s'agit. Mais, quant au laps de temps nécessaire pour opérer la péremption, nous ne pensons point avec Valin (sur l'art. 10, tit. 12, liv. 1),

-

(1) Espèce:- (Assureurs C. Lemaître et Dorey.) Lemaître et Dorey, du Havre, firent assurer, le 6 fév. 1841, par la compagnie l'Altance, pour 19,350 fr., six caisses de soieries, expédiées à New-York, sur le navire l'Albany. Le navire arriva à sa destination le 5 avril, et le lendemain, le capitaine fit, par-devant notaire, le protêt des événements de mer, qu'il étendit, c'est-à-dire développa le 21 du même mois. Le 16 avril, les réclamateurs présentèrent une requête au consul de France pour faire vérifier les avaries que l'ouverture des caisses par la douane

qu'il ne doive pas excéder le délai requis pour la prescription de l'action, si la demande n'eût pas été formée. Tant que les trois ans exigés par l'art. 397 c. pr. pour périmer une instance, ne sont pas écoulés, cette instance existe, et, dès lors, l'action n'est pas éteinte (Delvincourt, 2, 187).

|

2273. Du reste, la prescription de l'assurance n'empêcherait pas le prêteur à la grosse, dont le contrat ne serait pas atteint par la prescription, de réclamer des assureurs, en cas de sinistre, les frais de sauvetage (Req., 27 déc. 1830, aff. Wiché, n° 2199).

2274. L'assureur qui a omis d'opposer la prescription en première instance, peut le faire en cause d'appel quand rien ne démontre qu'il a renoncé à ce moyen (Rennes, 12 juin 1817, aff. Leroy, V. no 544).—V. au surplus, Prescription.

SECT. 2.-Fins de non-recevoir.

2275. On appelle fin de non-recevoir un moyen proposé par le défendeur à une action judiciaire et tendant à faire décider, sans qu'il y ait à examiner le mérite de cette action, que le demandeur n'a pas le droit de la former.

2276. Aux termes de l'art. 435 c. com. : « sont non recevables -Toutes actions contre le capitaine et les assureurs, pour dommage arrivé à la marchandise, si elle a été reçue sans protestation; Toutes actions contre l'affréteur, pour avaries, si le capitaine a livré les marchandises et reçu son fret sans avoir protesté;-Toutes actions en indemnité pour dommages causés par l'abordage dans un lieu où le capitaine a pu agir, s'il n'a point fait de réclamation. » Le défaut de protestation ou de réclamation, dans ces différents cas, établit la présomption légale que les dommages et avaries dont on se plaint tardivement n'existent point, ou du moins ne dérivent pas de la cause à laquelle on les attribue. L'art. 436 ajoute: « ces protestations et réclamations sont nulles, si elles ne sont faites et signifiées dans les vingt-quatre heures, et si, dans le mois de leur date, elles ne sont suivies d'une demande en justice. »>

9277. La fin de non-recevoir établie par les art. 435 et 436, au profit de l'assureur contre l'action d'avarie exercée par l'assuré, est sans application dans le cas où celui-ci n'a pas pris livraison réelle de la marchandise assurée. C'est ce qui résulte des termes mêmes des articles précités, et ce qu'a jugé la cour suprême : -«La cour, -Attendu que ces articles sont sans application à la cause, puisqu'il a été constaté, en fait, par l'arrêt attaqué, que les assurés n'ont pas pris livraison des marchandises, et que ce ne serait que dans le cas où cette livraison aurait eu lieu qu'on pourrait opposer la fin de non-recevoir résultant de ce que les assureurs n'auraient point été assignés dans les délais prescrits par les articles précités;-Rejette » (Req., 21 avril 1830.-MM. Favard, pr.-Jaubert, rap.-Aff. Franjon C. assureurs). Un arrêt antérieur avait pareillement décidé que l'assureur n'est pas fondé à invoquer l'exception établie par les art. 435 et 436, quand les marchandises ayant été vendues sur les poursuites d'un créancier de l'assuré, celui-ci n'en a pas pris livraison réelle (Paris, 4 juill. 1828, aff. Rodiguet, no 2283).

2278. Mais le consignataire d'une marchandise qui, après l'avoir reçue, l'a fait jauger et l'a mise dans son magasin, hors la présence du capitaine, n'est pas recevable à exercer un recours contre celui-ci, à raison du déficit prétendu existant sur cette marchandise (trib. de com. de Marseille, 20 août 1828).

2279. En ne déterminant pas quels faits constituent la réception des marchandises, la loi a voulu laisser aux tribunaux la faculté de décider, d'après les circonstances, à quel moment le réclamateur ou l'assuré seraient réputés avoir opéré cette réception (Rouen, 30 janv. 1843 (1). — Un pourvoi a été formé contre cette décision, mais il a été rejeté par arrêt de la chambre des requêtes, du 17 mars 1846. V. D. P. 46. 1. 266.

-

avait fait découvrir. L'expertise constata effectivement que les soieries avaient été atteintes par l'eau de la mer, et ce fait résulte également d'un certificat des vvardens du port de New-York, officiers publics ayant mission de visiter les navires à leur arrivée, et d'établir l'état des marchandises lors de leur débarquement. La vente ces soieries fut faite avec une perte de 6,832 fr. Toutefois les réclamateurs payèrent le fret au capitaine sans protestation.

Lemaître et Dorey ayant formé contre les assureurs une demande en

2280. La mise à quai des marchandises en présence du réclamateur constitue, dans les cas ordinaires, de la part de ce

remboursement du dommage éprouvé par fortune de mer, la compagnie l'Alliance oppose trois fins de non-recevoir : 1° réception des marchandises de la part des réclamateurs qui payent le fret et ne formulent aucune protestation (art. 435 c. com.); 2° défaut de constatation du bon arri mage des soieries avariées, ce qui prive les assureurs, par la faute du réclamateur, de leur recours contre le capitaine; 3° action tardivement intentée, neuf mois s'étant écoulés entre le jour du débarquement et l'assignation (art. 436 c. com.).-Subsidiairement, la compagnie d'assurance soutenait qu'il n'y avait pas preuve que les avaries eussent pour cause des fortunes de mer survenues dans le temps des risques, et qu'en tout cas le règlement devait s'en faire d'après les détériorations constatées par les experts, et non d'après le produit des ventes publiques.-Le 26 juill. 1842, jugement du tribunal du Havre, qui, refusant de voir dans le dépôt des marchandises en douane la réception dans le sens de l'art. 435 c. com., condamne les assureurs au payement des avaries réclamées.

Appel par les assureurs. Sur la question de savoir si le dépôt en douane doit être assimilé à la réception légale de marchandise exigée par les art. 435, 436 c. com., M. l'avocat général Rouland s'exprime ainsi : « On prétend que jamais il n'y a eu réception dans le sens légal, attendu que les caisses de soieries ont été transportées du navire dans les magasins de la douane; qu'elles n'ont jamais été, jusqu'au moment de leur vente, en la possession des réclamateurs, et qu'ainsi, malgré le payement du fret et la décharge du capitaine, ceux-ci n'ont jamais détenu et accepté les soieries avariées; d'où il suit que leur protestation, faite avant toute réception légale, a conservé l'action contre les assureurs.-Cette doctrine viole directement la loi, qui ne se préoccupe pas et ne peut pas se préoccuper du point de savoir quel est le sort des marchandises une fois débarquées et livrées par le capitaine aux destinataires. En principe, ces derniers n'ont que vingt-quatre heures pour protester à partir du moment de cette délivrance. Il est impossible de prolonger ce délai à raison de circonstances étrangères au capitaine. Pour lui, le fait de la réception s'établit d'une part, parce qu'il débarque la marchandise et, de l'autre, parce que le destinataire la fait enlever. Ce fait matériel devient un fait légal, si l'on peut s'exprimer ainsi, dès que vingt-quatre heures se sont écoulées sans protestation. Il y a, alors, réception consommée. Le transport dans les magasins de la douane, forcé ou volontaire, n'altère en rien ces conséquences, car il n'est pas moins vrai de dire que le capitaine est dessaisi, que la responsabilité cesse et que tout est désormais aux périls et risques du réclamateur. Et, d'ailleurs, en fait, rien n'empêche ce réclamateur, malgré le dépôt en douane, d'opérer l'examen convenable. Dans l'espèce même, les soieries ne payaient aucun droit, et si elles avaient été transportées dans un magasin public, c'était afin de vérifier leur nature, ce qui pouvait s'opérer en même temps que le propriétaire examinait leur état et conditionnement. Il serait désastreux, en droit, d'admettre que le dépôt en douane suspend les délais de la réception. Comment fera le capitaine? Est-ce qu'il sera obligé de savoir quand et comment le propriétaire se saisira directement de la marchandise? Est-ce qu'il devra suivre les divers incidents de dépôt, de vérification et d'enlèvement pour l'énorme quantité d'objets qu'il débarque et qu'il livre à cent destinataires différents? Est-ce qu'il est raisonnable de lui imposer cette surveillance impossible? Est-ce qu'il sera forcé de prolonger son séjour pour constater contre chacun le jour et l'heure où il place définitivement la marchandise dans son magasin? En un mot, sera-ce le capitaine qui devra, par une interversion de tous les principes, rechercher et établir tous les éléments de la réception, lorsqu'il est évident que, pour lui, cette réception est constituée par le seul enlèvement de la marchandise sans réclamation pendant vingt-quatre heures? La loi a repoussé formellement un tel système. Elle a voulu, avec un grand esprit de sagesse, que l'avarie fût signalée au moment même où s'opère le dessaisissement du capitaine responsable, et elle n'a admis aucune exception, afin que les fraudes ne pussent être concertées. Ainsi, le dépôt en douane n'a pas suspendu le délai de l'art. 435 c. com. » Arrêt.

LA COUR; Attendu que les appelants opposent à la demande des intimés trois fins de non-recevoir : la première résultant du défaut de protestation dans le délai légal; la deuxième, de la tardiveté de l'action; la troisième, du défaut de représentation d'un procès-verbal de bon arrimage;-Sur la première et la deuxième fin de non-recevoir : - Attenda que les fins de non-recevoir établies par les art. 435 et 436 c. com. reposent sur des principes dont la sagesse et la nécessité ne peuvent être méconnues; Que les brefs délais qu'ils déterminent et les nullités attachées à leur inobservation ont pour but de garantir les assureurs des fraudes auxquelles ils peuvent être exposés, de protéger des intérêts qui, en leur absence, peuvent souvent être mis en péril, et, dans un intérêt plus général encore, de ne pas arrêter ni laisser dans l'incertitude des contestations judiciaires, l'emploi et la direction des capitaux qui forment l'aliment du commerce; Que c'est donc un devoir pour les tribunaux de se conformer strictement aux prescriptions de ces articles et de les appliquer dans l'esprit de la loi ; - Attudu néanmoins qu'il est aussi de principe que les fins de non-recevoir, que les déchéances, sont de droit

-

[ocr errors]

dernier, une réception, en ce sens que la marchandise est dèg lors à ses risques et périls; mais elle ne constitue pas la réception

étroit; Que les parties peuvent y renoncer comme à tous les droits que la loi a consacrés en leur faveur; Qu'enfin, lorsque des transactions ont été arrêtées de bonne foi, soit tacitement, soit expressément, entre commerçants, on ne peut les annuler que par la preuve manifeste de la violation de la loi ; Attendu que le 8 juin 1841, Lemaître et Dorey ont fait faire par leur courtier, au Havre, à l'amiable, aux assureurs, la demande de la somme à laquelle avaient été évaluées les avaries aux six colis de soieries transportés à New-York par l'Albany, et au colis transporté au même lieu par le Charles-Caroll; qu'à cette époque, deux mois ne s'étaient pas encore écoulés depuis la présentation des requêtes des réclamateurs au consul de France à New-York, et qu'en donnant à ces requêtes la valeur d'une protestation, ce qui n'est pas contesté par les parties, en ajoutant au mois accordé par la loi, à compter du jour de ces protestations, le délai des distances determiné par l'art. 73 c. pr. civ., celui de six mois, les assurés avaient encore plus de cinq mois pour intenter leur action; Attendu que les assurés allèguent que cette demande par eux faite donna lieu à cette époque entre eux et les assureurs à des pourparlers; que ceux-ci prétendirent que les pièces produites à l'appui de la demande amiable ne suffisaient pas; qu'il y avait nécessité pour eux de justifier d'un procès-verbal de bon arrimage s'appliquant spécialement aux colis avariés; que, par suite, ils firent venir d'abord de New-York les procès-verbaux constatant les visites à bord des port's-wardens au moment de l'arrivée, puis ensuite et plus tard un certificat constatant l'erreur de date qui s'était glissée dans ces procès-verbaux ; - Que les assureurs n'admettant que les pourparlers écrits, en contestent les conséquences et prétendent que les termes de leurs réponses aux notifications amiables, loin de contenir l'abandon des fins de non-recevoir, en ont au contraire réservé tous les effets; - Que ces notifications et demandes amiables ayant été faites le 8 juin, les assureurs n'ont donné une réponse écrite que le 18, par conséquent après le temps nécessaire pour l'examen et la vérification de la demande; Que, par cette réponse, les assureurs opposent aux assurés qu'ils ne justifient pas d'un procès-verbal de bon arrimage, déduisent, en droit, les conséquences de ce défaut de production, et refusent de payer; - Qu'on ne concevrait pas comment les assurés, soigneux de leurs intérêts (puisqu'ils forment au Havre leur demande avant les deux mois écoulés depuis que les avaries avaient été constatées à New-York) n'auraient pas formé sur-le-champ leur demande en justice, s'il n'y avait pas eu, ainsi qu'ils le prétendent, un accord, au moins tacite, entre eux et les assureurs, que ceux-ci payeraient austôt la justification produite; Qu'on ne concevrait pas davantage, si les assureurs avaient voulu conserver tous leurs droits, une réponse qui n'avait pas alors de but utile et en tous cas des motifs spécialement déduits, quand il ne s'agissait que d'un simple refus de payement; - Que la réponse des assureurs à la dernière notification, celle du 12 fév. 1842, en la rapprochant de la première, prouve plus explicitement encore la vérité de l'allégation des assurés qu'il n'y a jamais eu de débats entre eux que sur le bon arrimage des colis, et que les pourparlers s'étaient prolongés par la nécessité de la justification des pièces, et de leur arrivée de New-York; Qu'en effet, cette réponse commence en ces termes : « Les assureurs soussignés ne peuvent que persister dans leur première réponse, les nouvelles pièces produites, loin de combattre leurs objections, ne servent au contraire qu'à les confirmer; - Pais, après une discussion étendue des pièces produites, qui n'étaient autres que les procèsverbaux constatant la visite du navire à l'arrivée et la preuve, suivant les assurés, du bon arrimage, le dire se termine ainsi : « Et par suite, les premiers moyens opposés par les soussignés (assureurs) restent dans toute leur force; »

Attendu que ces pourparlers des parties repoussent la déchéance résultant des délais qui se sont écoulés pendant qu'ils avaient lieu, et rendent irrecevable la seconde fin de non-recevoir; Attendu que la nature de ces pourparlers et la discussion qui s'est engagée entre les parties, sur le droit au fond, ont emporté virtuellement de la part des assureurs renonciation à la première fin de non recevoir, celle qu'ils avaient à opposer à l'action même avant toute discussion, et constituant, de leur part, la reconnaissance de la recevabilité de cette action; Attendu, d'ailleurs, sur cette première fin de non-recevoir, que, lorsque la loi a voulu que la protestation du réclamateur fût faite dans les vingt-quatre heures de la réception de la marchandise, elle a entendu que, par cette réception, l'assuré ou le réclamateur devaient nécessairement avoir été mis dans la possibilité d'acquérir la connaissance de l'avarie objet de la protestation;

Qu'en ne déterminant pas quels faits constitueraient la réception, la lei a voulu laisser aux tribunaux la faculté de décider, suivant les circonstances, à quel moment l'assuré ou le réclamateur seraient réputés avoir reçu la marchandise; Attendu qu'il est constant que les sept colis de soieries ne présentaient au moment du débarquement, aucune trace extérieure d'avarie; - Que ces colis ont été immédiatement placés dans les magasins de la douane publique, non pour la perception du droit d'entrée, mais pour la vérification du contenu des colis;-Que ce n'est qu'à leur ouverture par les employés de la douane, en présence du récla

« PreviousContinue »